• LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    Nightmare alley est souvent considéré comme un chef d’œuvre du film noir, et sa réputation n’est pas usurpée. C’est un film qui s’est comme bonifié au fil du temps, tourné en 1947, il est le couronnement de l’âge d’or d’Hollywood. Sa force repose principalement sur trois piliers : un scénario excellent, une mise en scène des plus rigoureuses et une interprétation magique de Tyrone Power, acteur génial mais injustement oublié dont le dernier film fut Témoin à charge de Billy Wilder, autre grand film noir.
    Le film est tiré du roman éponyme de William Lindsay Gresham, le même qui avait déjà écrit sur Houdini le grand magicien. Stan Carlisle est un jeune homme ambitieux et pressé qui se sert de sa capacité à séduire pour avancer dans la vie. Il travaille dans un cirque miteux où il apprend les rudiments du métier de magicien et de voyant. Malheureusement son ambition va le conduire bien au-delà de la gloire. Il va connaître de grands succès publics, mais ensuite il voudra se servir de ses trucages et de ses petites malices pour gruger dans les grandes largeurs de riches hommes d’affaires.

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    Ce sera le début de la fin, car dans sa quête de la gloire, il rencontrera une femme bien plus retorse que lui qui le grugera et le forcera à fuir jusqu’à sombrer dans l’alcoolisme. On notera d’ailleurs que l’auteur du roman, W. L. Gresham non seulement avait connu des problèmes douloureux avec l’alcool, mais qu’il en mourra relativement jeune.
    La mise en scène de Goulding dont c’est ici probablement le film le plus abouti, utilise parfaitement la scansion du récit : on passe du petit cirque minable et glauque, habitué aux tournées provinciales, à la lumière vive et brillante des grands cabarets de luxe de Chicago. La description du petit peuple des forains est toute en finesse, sans surcharge. Peu d’images d’extérieurs, le film resserre son discours sur la psychologie des personnages : les regards sont privilégiés qui mettent en lumière les mensonges et les naïvetés des protagonistes. Mais cette volonté de pénétrer les méandres de cerveaux torturés n’empêche pas Goulding de se concentrer sur l’action : ainsi la scène où Carlisle tente de faire croire au retour d’entre les morts de l’amour disparu d’un vieux milliardaire est extraordinaire de suspense : commençant dans un onirisme convenu, elle se termine dans la confusion la plus totale pour Carlisle.

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    Tous les acteurs sont parfaitement bien choisis, particulièrement en ce qui concerne le rôle des trois femmes qui entourent Carlisle et qui sont autant de faces différentes de la femme : Joan Blondell dans le rôle de Zeena, la chiromancienne fatiguée au grand cœur, Coleen Gray dans le rôle de la tendre et naïve Molly et bien sûr Helen Walker dans celui de la psychologue rapace et manipulatrice qui fera de Carlisle un pantin.

    Mais le plus surprenant est Tyrone Power qui passe sans problème du rôle du jeune homme ambitieux et plein d’énergie, à l’homme arrivé qui manipule ses contemporains, sanglé dans un smoking du plus bel effet, jusqu’à l’épave alcoolique qui ne fera guère mieux que de revenir au point de départ. La mine défaite, les yeux tombant, Carlisle redevient le monstre de foire qu’il croyait avoir fuit à jamais.

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY) 

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    Bien que la fin puisse laisser croire à un happy end, Molly forte de son amour sauve Carlisle, elle laisse entendre cependant que Carlisle pourrait bien avoir remplacé Pete dans le rôle de l’épave et Molly celui de Zeena, femme désabusée autant que volage. Il faut accorder une mention spéciale aussi à la photographie de Lee Garmes. Ce grand professionnel d’Hollywood qui eut une très longue carrière a signé la photo de nombreux films noirs : Caught, Detective Story ou encore Scarface.

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  • Incontestablement l’association Di Caprio-Scorsese est un grand succès commercial. Les quatre films qu’ils ont tourné ensemble ont été des succès mondiaux. Pour autant, on peut aussi considérer l’entreprise comme un échec artistique ruineux. 
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    Leonardo Di Caprio est un grand acteur et Martin Scorsese un grand réalisateur. Malheureusement la sauce n’a pas pris. Quelles sont raisons ?

    D’abord les sujets abordés. Ils présentent peu d’intérêt. Sur les quatre films tournés ensemble, trois sont des reconstitutions historiques, et le quatrième est un remake d’un film honkkongais. Deux d’entre eux sont des projets particuliers à Leonardo Di Caprio, The aviator et Shutter island, mais Gangs of New-York est bien un projet personnel de Scorsese.

    Il apparaît qu’une des premières raisons de l’échec artistique des derniers films de Scorsese se trouve dans cette volonté de mettre le passé américain en scène. Or c’est la chose la plus difficile qui soit : les reconstitutions historiques au cinéma manquent le plus souvent de vérité. C’est le cas de Gangs of New-York. Di Caprio et Cameron Diaz en enfants mal nourris des bas-fonds ne sont pas crédibles une minute. Dans The aviator, les actrices qui jouent Ava Gardner et Katharine Hepburn, respectivement Karin Beckinsale et Cate Blanchett, n’ont strictement aucun rapport avec l’original. Ce n’est pas tant que celles-ci soient de mauvaises actrices, mais c’est plutôt que les personnages réels avaient des physiques tellement particuliers, qu’ici leur représentation frise la caricature. Sans même parler de Jude Law en Errol Flynn qui est tout simplement ridicule ! Shutter Island butte également sur des problèmes de reconstitution. Les costumes trop propres et trop bien repassés des flics comme du personnel médical donne à l’histoire un côté plus théâtral que cinématographique. Nous ne sommes plus dans des films comme Casino, où l’élégance vulgaire de De Niro pouvait s’expliquer par ses éxcédents de liquidités. Déjà la première tentative de Scorses dans la reconstitution historique, Le temps de l’innocence, n’avait pas convaincu.

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    Une autre raison de l’échec artistique de la collaboration entre Di Caprio eet Scorses vient de la faiblesse des sujets abordés. Passons sur Les infiltrés, mauvais remake d’un film honkkongais qui avait eu du succès en son temps, mais dont les invraisemblances scénaristiques déniaient tout sérieux à l’entreprise. Pourquoi en faire un remake ? Qu’est-ce que cela pouvait bien apporter sur le plan artistique ? Rien, évidemment.

    Gangs of New-York par son propos auraient du avoir plus de consistance. Mais en se servant d’une vengeance personnelle comme fil conducteur de l’histoire, l’aspect social et historique devient qu’une image d’arrière plan. Scorses montre son incapacité à traiter de sujets historiques. Il n’est bon que dans le contemporain, la description de l’immédiateté des sentiments.

    Shutter Island est un des moins bons romans de Dennis Lehanne. Le sujet, entre Shock Corridor et Vol au dessus d’un nid de coucou, est non seulement très convenu, mais il apparaît comme ayant été trop souvent traîté. Si on y ajoute le ridicule des scènes de rêve, le film devient parfaitement invisible. C’est le plus mauvais des quatre films tournés par l’association Di Caprio-Scorsese.

     

    Les dernières productions de Scorsese sont toutes fabriquées sur le même moule : des acteurs qui cabotinent, Day Lewis dans Gangs of New York, Jack Nicholson dans Les infiltrés, allant jusqu’à déteindre sur le jeu même de Di Caprio qui en devient grotesque dans ses jérémiades de Shutter Island ; une histoire spectaculaire sensée tenir le spectateur en haleine, et une manière de filmer en plans larges, avec des mouvements de grue rapides.

    En conclusion, si l’équipe Di Caprio – Scorsese semble avoir trouvé les clés du succès commercial, c’est au détriment de toute ambition artistique. Scorses se fait vieux et n’a plus l’imagination flamboyante de ses débuts. Il ronronne dans le système : plus il a d’argent pour filmer, et moins ses films sont bons ! C’est une bonne nouvelle pour ceux qui voudraient faire des films : l’argent n’est pas nécessaire au cinéma. Souhaitons que Robert De Niro ait la capacité de relancer Scorsese comme il a su si bien le faire par le passé.

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    C’est un ouvrage très décevant, surtout si on le compare à Lorraine connection qui avait été une vraie réussite. On se demande comment Mannotti a pu mettre 4 années pleines pour écrire un tel pensum. Habituée à publier chez Rivages, le changement d’éditeur lui a été fatal.

    Le thème est celui de la vie d’un commissariat de banlieue, avec toutes les turpitudes que cela peut comporter. La commissaire qui dirige cette institution est très marquée à l’extrême-droite, son chauffeur combine aussi bien avec des anciens militants d’extrême-droite qu’avec des gangs de gitans.

    La plupart des policiers sont là par hasard, plutôt incompétents, ils ne savent guère sur quel pied danser. Ils se trouvent dans une opposition frontale aussi bien avec une prostitution venue des pays de l’Est qu’avec des travailleurs émigrés qui squattent des taudis promis à la démolition.

     manotti.jpgL’opposition manichéenne entre les bons immigrés et les mauvais flics qui ne sont qu’un instrument dans les mains d’un ministre de l’intérieur arriviste et sans scrupule – suivez mon regard, rappelle le pire du néo-polar gauchiste. Cette impression est d’ailleurs renforcée par le fait que le seul bon flic est une fliquette issue elle-même de l’immigration, Noria Gozhali. C’est d’ailleurs un personnage qu’on avait déjà rencontré sous la plume de Manotti.

    La minceur de l’intrigue, l’étroitesse politique du point de vue rend rapidement l’ouvrage ennuyeux. La mise en cause d’un gang gitan, inspiré des frères Hornec, n’apporte rien à l’histoire, et la collusion entre l’extrême droite et la spéculation immobilière paraît bien artificielle. Les squats sont occupés par des travailleurs immigrés, ce qui n’est pas très clair, car si le sort des travailleurs immigrés en situation plus ou moins régulière est sûrement difficile, il n’est pas certain qu’ils soient en majorité des squatters. 

    Comme Thierry Joncquet, elle invente une commune « Panteuil » qui figure une banlieue stylisée. Mais le réalisme qu’on trouvait dans Ils sont votre crainte, vous êtes leur épouvante n’est pas là. Le style est plutôt paresseux, et l’auteur ne s’est guère préoccupé de gommer les incohérences de son récit.

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