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    Le film de Vincent Sherman est un rejeton tardif du film noir américain. Le film dénonce la pratique mafieuse d’une bande qui rackette le secteur de la mode et qui empêche les ouvriers de se syndiquer. Walter Mitchell le patron d’une maison de haute couture approuve ce système et subit le racket de Ravidge. Il combat pied à pied le syndicat, mais son fils qui revient d’armée après une longue absence n’est pas d’accord avec ces méthodes qu’il juge d’un autre âge. Pour imposer sa loi, le gang commettra plusieurs meurtres. L’associé de Mitchell, le représentant du syndicat et jusqu’au patron lui-même qui a retrouvé ses esprits et se rend compte qu’il n’est qu’une marionnette dans les mains des gangsters. Les choses rentreront finalement dans l’ordre et le chef de la bande sera finalement traduit en justice et condamné pour meurtre à la peine capitale.

    Le film a été commencé par Robert Aldrich et terminé par Vincent Sherman après le renvoie par Harry Cohn du premier metteur en scène. Les avis sont partagés sur ce film. Certains lui trouvent de grandes qualités, d’autres ennuyeux et sans beaucoup d’intérêt. Mais sans être un grand film, il possède de nombreuses qualités. D’abord il prend le contrepied exact de Sur les quais de Kazan et se présente comme un plaidoyer pro-syndical. Ce qui n’est pas si courant aux Etats-Unis, il faudra attendre encore longtemps pour retrouver l’équivalent avec Norma Rae de Martin Ritt en 1979. Il a donc une connotation sociale évidente, même si elle est noyée dans l’histoire du fils du patron qui devient un soutien de la cause des prolétaires. Du point de vue technique, il y a plusieurs séquences qui sont filmées dans des quartiers pauvres de New-York qu’on a rarement vu au cinéma, donnant un cachet d’authenticité bienvenu au film. Mais il y a aussi l’intrusion de séquences documentaires pour représenter l’enterrement du représentant syndical qui sont empruntées aux actualités de l’époque. La séparation radicale entre l’univers où sont présentés les modèles et celui où ils sont fabriqués appui le réalisme du film car il rend compte tout à fait de l’exploitation du travail dans ce secteur.

    Le film est assez nerveux et recèle quelques trouvailles comme le meurtre de Kenner dans le monte-charge, ou cette scène où Alan Mitchell converse avec la veuve de Tulio dans un bistrot désert en lui tournant le dos tandis qu’elle allaite son enfant.

     

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    Egalement le rôle qui est donné à Theresa Renata est important, lorsque fuyant par les toits le gangster chargé de la surveiller, elle sauve finalement tout le monde en amenant avec elle les preuves de la culpabilité de Ravidge. C’est un caractère fort et courageux. D’autres aspects du film sont intéressants aussi comme la trahison des membres du syndicat qui aident froidement l’exécution leur dirigeant.

     

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     La distribution de ce film a été souvent critiquée, Kerwin Matthews étant le plus souvent visé, et il est vrai qu’il est bien fade. Mais Lee J. Cobb, quoi qu’un peu grimaçant, tient bien sa place, Richard Boone est très bon en et Gia Scala donne de la vitalité à l’ensemble. Robert Loggia interprète le syndicaliste bouillant et combattif avec une grande conviction et les seconds rôles, notamment les ouvriers et les hommes de main du gang sont parfaitement choisis. Wesley Addy, un habitué des films d’Aldrich, est bien là, avec son physique tourmenté, pour monter que ce film est autant celui de Vincent Sherman que de Robert Aldrich.

     

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    Au final le film reste un peu bâtard, hésitant entre le film social et le film d’action, mais pour ceux qui ne le connaissent pas c’est une très bonne surprise.

     

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    C’est un des films phares du style néo-noir. Tiré d’un roman de Ross Macdonald, The moving target, qui datait d’ailleurs de 1949, ce film eut un grand succès et plaça Paul Newman en tête des acteurs les mieux payés d’Hollywood. Il fut considéré comme un élément central de la renaissance du film noir. On peut le considérer comme faisant partie d’une série, avec Les tueurs de Don Siegel (1964), Le point de non-retour (1967) de John Boorman et Bullit (1968) de Peter Yates. La caractéristique commune de ces films est qu’ils utilisent la couleur d’une manière soignée et singulière, mais aussi, en dehors du film de Siegel, qu’ils utilisent l’écran large et des vedettes importantes.

    Harper renouvelle le film de détective qui fut un sous-genre déterminant du film noir. Ross Macdonald inscrivait son œuvre directement dans la lignée de Raymond Chandler, fixant dans le marbre les codes du roman californien dont de nombreux auteurs s’inspirèrent ensuite, de Dolorès Hitchens à James Ellroy. La particularité de Macdonald était de d’accorder un intérêt important pour les ressorts psychologiques des drames et surtout aux adolescents paumés de l’Amérique consumériste. Harper est un détective privé plutôt désabusé, ce qui lui donne un air de famille avec les films de détective interprétés par le grand Humphrey Bogart, Lauren Bacall étant là ostensiblement pour assurer le passage du témoin.

    Le titre a lui-même une histoire. A l’origine, le héros s’appelle Lewis Archer. C’est Paul Newman qui voulait changer le nom du héros pour qu’il commence par un « H », il pensait que cela lui porterait chance, car les films de lui qui avaient bien marché et qu’il aimait bien étaient The hustler (L’arnaqueur) et Hud (Le plu sauvage d’entre tous). La suite lui prouva qu’il avait raison ! 

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    L’histoire est assez « classique ». Un détective privé est engagé par une riche milliardaire pour retrouver un mari ivrogne. C’est par l’intermédiaire de son ami, avocat, qu’Harper obtient le job. Rapidement l’intrigue va se complexifier et Harper croisera dans son errance tout une kyrielle de figures représentant d’une certaine façon l’Amérique en voie de dégénérescence : il tombera sur un trafiquant de main d’œuvre, joué par le formidable Strother Martin, que Paul Newman retrouvera plusieurs fois, et qu’on verra aussi chez Peckinpah. Mais cette réalité sociale douloureuse n’est pas le sujet, elle n’est que la toile de fond de l’intrigue, car c’est celle-ci qui importe, elle doit tenir le spectateur suffisamment en haleine. L’art du scénario de ce genre de film est d’arriver à équilibrer correctement le déroulement linéaire de l’action, avec le portrait des personnages croisés. C’est le point de vue du détective qui importe, et lui seul.

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    Tout cela est assez classique finalement. Mais ce qui l’est un peu moins, c’est la façon de revisiter le genre. A propos de ce film on a comparé la prestation de Newman à celle de Bogart. Ce n’est pas juste. En effet, Bogart évolue dans un cadre social plus policé et puritain, seuls les voyous s’affranchissent des règles de la bienséance. Ici, tout le monde vit et parle vulgairement sans plus de souci du qu’en-dira-t’on. On est vers la fin des années soixante, et la société s’est transformée. L’utilisation de la couleur et de l’écran large indique aussi comment maintenant le crime s’accommode de la lumière et des espaces ouverts. La façon de bouger n’est plus la même. Les corps sont plus athlétiques, plus sportifs (Newman fera à cinquante ans passées une belle carrière automobile d’ailleurs) que ce qu’on peut percevoir dans les films de Bogart où les personnages sont extrêmement statiques. 

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    C’est une grosse production avec un casting très riche qui relança la carrière de Lauren Bacall et de Julie Harris. Le scénario est très bien construit et la réalisation est soignée. Jack Smight est peu connu comme réalisateur, il a surtout tourné pour la télévision. Mais il fera quelques incursions non dénuées d’intérêt dans le film de guerre.

    Le film aura une suite en 1975, presque dix ans après, The drowning pool. Harper reviendra sous les traits de Paul Newman, mais le charme sera rompu. Tourné par Stuart Rosenberg, le metteur en scène de Luke la main froide, il ne sera qu’un produit de série qui certes se voit sans déplaisir, mais n’apporte rien de neuf au genre. On retiendra encore que c’est une des très nombreuses contributions de Paul Newman au genre noir et néo-noir.

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    Contributions de Paul Newman au film noir et néo-noir 

    1956 : Marqué par la haine (Somebody Up There Likes Me), de Robert Wise, dans le rôle de Roc

    1961 : L’arnaqueur (The Hustler), de Robert Rossen, dans le rôle d’Eddie Felson

    1963 : Pas de lauriers pour les tueurs (The Prize), de Mark Robson, dans le rôle Andrew Craig

    1966 : Détective privé (Harper), de Jack Smight, dans le rôle de Lew Harper

    1966 : Le rideau déchiré (Torn Curtain), d’Alfred Hitchcock, dans le rôle de Professeur Michael Armstrong

    1967 : Luke la main froide (Cool Hand Luke), de Stuart Rosenberg, dans le rôle de Lucas 'Luke' Jackson

    1970 : WUSA, de Stuart Rosenberg, dans le rôle de Rheinhardt

    1973 : Le piège (The MacKintosh Man), de John Huston, dans le rôle de Joseph Rearden

    1973 : L’arnaque (The Sting), de George Roy Hill, dans le rôle de Henry Gondorff

    1975 : La toile d’araignée (The Drowning Pool), de Stuart Rosenberg, dans le rôle de Lew Harper

    1981 : Le policeman (Fort Apache the Bronx), de Daniel Petrie, dans le rôle de Murphy

    1981 : Absence de malice (Absence of Malice), de Sydney Pollack, dans le rôle de Michael Colin Gallagher

    1982 : Le verdict (The Verdict), de Sidney Lumet, dans le rôle de Frank Galvin

    1986 : La couleur de l’argent (The Color of Money), de Martin Scorsese, dans le rôle de Fast Eddie Felson

    1994 : Le grand saut (The Hudsucker Proxy), de Joel Coen, dans le rôle de Sidney J. Mussburger

    1998 : L’heure magique (Twilight), de Robert Benton, dans le rôle de Harry Ross

    2000 : En toute complicité (Where the money is), de Marek Kanievska, dans le rôle de Henry Manning 

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