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    C’est la deuxième adaptation cinématographique de la nouvelle d’Hemingway, To have or have not. Mais elle est bien différente de celle d’Howard Hawks avec Bogart et Bacall que beaucoup jugent surestimée. C’est l’histoire d’un ancien héros, Harry Morgan, de la guerre qui vivrait tranquillement avec sa femme et ses deux filles, s’il n’avait pas autant de difficultés à rembourser les traites de son bateau. Il accepte de conduire un couple jusqu’au Mexique, couple bien mal assorti et un brin louche. La femme fait du gringue et l’homme disparait sans lui avoir payé ce qu’il lui devait. Morgan ne sait trop comment il pourra retourner à San Diego lorsqu’une sorte d’avocat véreux lui propose une affaire louche : il s’agit de faire rentrer clandestinement des Chinois aux Etats-Unis. Morgan accepte mais l’affaire tourne mal, il tue le trafiquant et débarque les clandestins au Mexique. Bien lui en prend puisque arrivé au port les autorités lui confisquent son bateau et pensent qu’il est mêlé au meurtre du Chinois.

    De plus en plus coincé par le fric, il va accepter une affaire encore plus louche, il doit emmener au large de San Diego une bande de malfaiteurs très dangereux qui vont commettre un hold-up. Morgan va exécuter son boulot, mais il va éliminer la totalité de la bande, ce qui, on le suppose lui rapportera une prime qui le mettra à l’abri du besoin et lui redorera son blason.

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    C’est un film noir assez curieux car très ambigu. Morgan qui est joué par Garfield est très amoureux de sa femme, mais en même temps il se pose la question de savoir s’il peut ou non la tromper. Il est vrai qu’il y a un écart important de glamour entre sa gentille femme, mère de famille, dure à la tâche et la très glamour Leona qui est interprétée par Patricia Neal. Mais il hésite aussi  à accepter de convoyer  des gangsters, puis il le fait, tout en se proposant de les trahir.

    La morale de l’histoire est que la nécessité fait loi et les réalités matérielles dépassent nos principes moraux. Cependant Harry Morgan sera bien puni de ses incartades, vis-à-vis de la loi comme vis-à-vis de sa femme, puisqu’il perdra un bras.

    Il y a beaucoup de choses intéressantes à voir dans ce film, à commencer par cette présentation d’une vie familiale qui pourrait être heureuse finalement, si Morgan n’était pas un héros de guerre, car c’est bien de cela dont il souffre. Sa femme s’en aperçoit et quand elle comprend qu’elle a une rivale en Leona elle aussi se lance dans les extravagances en se teignant les cheveux en blond !

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    Ce film bien plus complexe qu’il n’y parait aborde de nombreux thèmes de société, comme les migrations clandestines, ou encore les relations interraciales, à une époque où les noirs ont encore un statut inférieur. La dernière image remarquable du film est celle d’un enfant noir cherchant son père qui n’est autre que l’employé de Morgan quand celui-ci a du travail. Or il est mort au court de la bagarre et personne ne s’en soucie, si ce n’est son fils, Harry Morgan et sa femme ayant bien autre chose à faire puisqu’ils en sont à essayer de se réconcilier. Mais la question de l’adultère est traité aussi d’une manière plutôt curieuse car si bien entendu le marin revient vers sa femme et son devoir – ce qui évite les foudres de la censure – il est évident pour le spectateur que l’adultère n’est pas ce que l’on croit ! De même la boisson est présentée comme quelque chose de très bon et de très viril.

    Ce n’est peut-être pas le meilleur film de Michael Curtiz, réalisateur très sous-estimé, ni même le meilleur film de John Garfield qui à l’époque commençait à avoir de sérieux problèmes avec l’alcool mais aussi la commission des activités anti-américaines. En tous les cas c’est un film qui vaut tout à fait le détour.

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  • Egorgeur

    Le journalier italien Enrico Marengo s'est installé à demeure chez Mme Riest au 40. Son fils a même épousé la fille de sa logeuse, mais l'ambiance familiale n'est plus au neau fixe depuis qu'Enrico est au chômage. Le 11 septembre 1923, après de nouvelles récriminations de sa bru, Marengo s'empare d'un révolver, la blesse à la tête, mais l'arme s'enraye. Il saisit alors son rasoir et égorge la logeuse qui veut protéger sa fille. Il se tranche ensuite lui-même mortellement la gorge.

    Extrait de Angélique Schaller et Marc Leras, Guide du Marseille des faits divers, de l'Antiquité à nos jours, Le cherche midi, 2006

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    Hélène Regazzi est la fille de Jean-René Regazzi et la nièce de Gaby Regazzi et Mimi Regazzi. Le clan Regazzi était connu comme étant très proche de Gaétan Zampa, cette proximité sera révélée par le fait que plusieurs membres de la famille Regazzi ont été enterrés dans le caveau de la famille Zampa. La plupart des membres de cette famille qui se sont illustrés dans le grand banditisme, sont morts dans des règlements de compte. Le plus souvent les témoignages des gens du « milieu » sont consacrés à leurs exploits, avec la volonté de remettre un peu les pendules à l’heure et de dresser un portrait un peu plus acceptables de criminels notoires.

    Le but de l’ouvrage d’Hélène Regazzi est très différent et c’est heureux. Il s’agit de décrire comment un enfant du milieu vit dans ce milieu, comment il va en être marqué, mais aussi comment il existe dans ses marges puisqu’il ne connait pas et ne participe pas aux aventures de sa famille. Donc on n’assistera pas ici à une défense de ce qu’a été la famille Regazzi pour la bonne raison qu’Hélène Regazzi ne parle jamais des activités délictuelles de son père et de ses oncles. C’est en quelque sorte à une analyse sociologique des gens du milieu qu’elle se livre. Leurs origines sociales ce sont les quartiers nord de Marseille, avec Mourepiane comme point d’ancrage. Les Regazzi sont issus de l’immigration italienne qui s’est installée dans les quartiers nord de la ville, oscillant entre le désir de devenir entrepreneur et celui de gagner beaucoup d’argent sans trop se fatiguer, mais au cœur de quartiers populaires, du temps où il y avait encore de l’industrie en grande quantité dans la ville.

    Mais évidemment les Regazzi ont un destin peu commun. D’abord par le fait que Jean-René est bigame, il a fait deux enfants à chacune de ses femmes et qu’il partage sa vie entre deux familles. Ce n’est pas banal surtout pour quelqu’un qui fait de la famille une valeur au-dessus des autres. Cette extravagance montre les voyous s’ils ne sont pas tous bigames, vivent tous dans l’exagération et l’exaspération des passions, fussent-elles les plus mortelles. Ensuite par le fait que les règlements de compte qui jalonnent leur vie impriment un rythme des plus particuliers. La mère d’Hélène Regazzi tient un restaurant-pizzeria dans un quartier très populaire de Marseille, on y voit Jean-René faire les commissions, rester au bar à tailler la bavette avec la clientèle, etc. Zampa passe de temps en temps boire un verre, mais jamais d’alcool. Et s’il semble assez craint, il paraît lui-aussi vivre de cette culture populaire faite de rencontres dans les bars, d’agapes dans les restaurants et de fêtes plus ou moins drôles entre amis. Ils ont tous en commun une simplicité de désirs qui est remarquable.

    L’ouvrage d’Hélène Regazzi met également en avant la culture musicale dans laquelle toute cette population baigne, ce sont des chansonnettes qui exaltent les sentiments et distribuent des illusions romanesques, de celles qui permettent de mieux se protéger du malheur, car bien sûr le malheur frappe cette famille, que ce soit dans les règlements de compte ou par le biais de la maladie. Et il ne semble guère que les quelques biens amassés au fil de décennies de labeur et de combines ne puissent compenser tout ce noir qui domine. Les derniers chapitres, quand cette famille Regazzi est complètement décimée, renvoyée au néant, sont d’ailleurs assez poignants.

    Si on recherche quelques renseignements sur l’activité criminelle des Regazzi, alors on ne lira pas ce livre, mais si au contraire on cherche à comprendre un peu mieux le terreau sur lequel cette criminalité s’est développée, alors on s’y intéressera. En même temps, on mesurera à quel point la délinquance d’aujourd’hui est très différente, pas tant dans ses combines du reste que dans son mode de vie, sa façon de dépenser l’argent, de faire société. La saga des Regazzi est inscrite dans le Marseille ascendant de l’après seconde guerre mondiale.

    L’ouvrage a été écrit avec Cécile Boizette, c’est peut-être un peu dommage car on sent bien qu’Hélène Regazzi est une femme de caractère, mais on ne sait pas si le style enlevé de l’écriture est la conséquence de ce caractère où le produit de la technique d’écriture de Cécile Boizette. Pour faire bonne mesure l’ouvrage reproduit des articles du Provençal qui donnent un peu la mesure de l’implication des Regazzi dans le milieu, mais à la manière des journalistes, c’est-à-dire sans rien dire d’intéressant et en construisant des hypothèses – notamment sur la mort de Zampa qui est présentée comme un suicide incontestable – qui nous semblent avec le recul un peu saugrenues.

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    Pour tous ceux qui ne se sont pas encore procurer cet ouvrage, on rappellera qu'il est toujours en vente sur les sites d'Amazon et de Priceminister. Et cela pour un prix très modique, 15 €, qui me fait dire que ce serait une folie de s'en priver !!

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    C’est un peu un remake du film de Richard Thorpe, La main noire que va tourner Richard Wilson en 1959. Mais cette fois le film s’appuie sur un personnage bien réel, Joseph Petrosino qui a été assassiné en Sicile lors de ses recherches pour établir les connections qui existaient entre la Sicile et l’Amérique du point de vue mafieux. Mais le film de Wilson est bien meilleur que celui de Thorpe et cela pour deux raisons : la première est qu’il se centre uniquement sur le personnage du policier solitaire et assez isolé, la seconde est qu’il ne laisse pas les débordements sentimentaux envahir le sujet. Bien que le film soit tourné en studio, il a paradoxalement un côté documentaire. Ce côté documentaire est renforcé par le jeu d’Ernest Borgnine dans le rôle d’un flic qui gravit les échelons de façon besogneuse et qui n’est soutenu que par sa volonté de s’intégrer à la société américaine et donc de combattre les mauvais travers que la main noire a importé depuis la Sicile. De cette obstination, il en mourra en se rendant en Sicile justement pour tenter de découvrir quels sont les criminels siciliens qui se sont introduits frauduleusement aux Etats-Unis puisque la loi interdit l’immigration à ceux qui ont un passé criminel. Le film n’est pas avare d’anecdotes comme par exemple le fait que Petrosino se soit porté au secours du chanteur Caruso, très apprécié de la communauté italo-américaine.

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    Le film mérite le détour parce que c’est un des meilleurs rôles d’Ernest Borgnine dont la longue carrière l’a trop souvent cantonné aux rôles de brute épaisse. Il est ici assez sobre, renfermé même. Ici les mafieux n’ont pas du tout ce côté glamour et flamboyants qu’on leur verra ensuite dans les films de Coppola. Mais au contraire, ce sont de vulgaires canailles seulement guidées par la cupidité et l’absence de scrupules.

    Richard Wilson est un cinéaste méconnu, il a pourtant fait au moins deux autres films très intéressants : L’homme au fusil avec Robert Mitchum et un autre film sur la mafia, Al Capone, incarné par Rod Steiger dont le cabotinage collait assez bien avec celui du balafré.

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    On remarquera le style très néo-réaliste de Wilson qui fait du New-York du début du XXème siècle le vrai sujet du film. La photo de William Daniels est tout à fait dans la grande lignée du film noir. Cela accompagne le parti-pris de ne pas verser dans le sentimentalisme et d’avoir une vision presque documentaire des exactions de la mafia.

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    Le vrai Joseph Petrosino

     

     

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