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    Parker est le héros de papier créé par Richard Stark – pseudonyme de Donald Westlake prolifique auteur de romans noirs et policiers. Parker est un bandit, un professionnel de la cambriole, à la fois solitaire et capable d’utiliser des réseaux compliqués pour obtenir le matériel nécessaire à sa profession. En règle générale il monte des hold-ups avec des gens qu’il connaît plus ou moins, en essayant de les cloisonner. L’affaire se passe la plupart du temps bien, mais il a régulièrement des problèmes soit avec ses commanditaires, soit avec ses équipiers. Cela l’amène à devenir violent, car homme à principe, il ne peut laisser passer un manquement à sa morale. C’est du travail de série, et Donald Westlake le considérait seulement comme un délassement, une façon facile de faire un peu d’argent. Beaucoup prennent pourtant cette série au sérieux, y voyant une forme de morale alternative à la morale bourgeoise : tout le monde vole, particulièrement les banquiers et les patrons, alors pourquoi se gêner ?

    Comme la série met toujours en scène des coups fumants et souvent imaginatifs, c’est un bon véhicule pour le cinéma. En effet, dans la lignée d’Asphalt Jungle de John Huston, on ne compte plus les films de casse. Ça donne parfois des chefs-d’œuvre parfois des navets.

    Parker a été ainsi très souvent adapté au cinéma. La première fois, à ma connaissance, c’est Jean-Luc Godard qui adapte Rien dans le coffre sous le titre Made in USA. On se doute que cette adaptation est des plus relâchée et ne ressemble en rien au monde de Richard Stark. La seconde adaptation est Le point de non retour, en 1967, le chef d’œuvre de John Boorman, emmené par un extraordinaire Lee Marvin, et certainement la meilleure adaptation d’un Richard Stark – Parker prend le nom de Walker. La troisième adaptation est plus intéressante, c’est celle d’Alain Cavalier, Mise à sac, d’après En coupe réglée. Adaptation française, c’est Michel Constantin qui endosse le rôle de Parker : malheureusement ce film est invisible depuis longtemps et Cavalier, après avoir fait quelques essais réussis dans le film noir, notamment le très beau L’insoumis avec Alain Delon, s’est détourné du genre.

    En 1968 Gordon Fleyming adapte Le septième, sous le titre d’Echec à l’organisation ou The split mais Parker se nomme maintenant McClain, et il est noir puisque c’est Jim Brown qui l’incarne. Malgré cette originalité, si on peut dire, le film est un échec, public et critique. Il faudra attendre 1973 pour voir une nouvelle adaptation de Parker. Ce sera The outfit, Echec à l’organisation, réalisé par John Flynn avec Robert Duvall dans le rôle de Parker, ici appelé Macklin. C’est un film assez curieux et légérement neurasthénique. 1983, le triste Peter Coyotte s’y colle avec ses yeux de chiens battu, dans une adaptation de Terry Bedford qui date aussi de 1983. Le film, The slayground est considéré comme une catastrophe et n’a pas franchi l’Atlantique, donc, je ne l’ai pas vu. Mais Parker cette fois s’appelle Stone – on, ne saity si c’est pôur mieux passer incognito, mais en tout cas Parker qui n’a jamais eu de prénom change toute le temps de nom et de figure dans les différentes adaptations.

    Il faudra ensuite attendre 1999. Ce sera Payback de Brian Helgeland. C’est un remake du Point de non retour. Sauf que Parker est interprété cette fois par le très médiocre Mel Gibson. Bien que le film soit très mauvais, ce sera un grand succès public. On note qu’ici Parker s’appelle Porter et change encore une fois de nom.

    Et puis voilà on arrive à Parker en 2013. Taylor Hackford est à la réalisation et Jason Statham  incarne Parker sous son vrai nom enfin !! Le livre qui a servi à l’élaboration du scénario est Flashfire, traduit sur ce titre aux éditions Rivages

    A travers tous ces films il y a une constante : Parker  - que soit son nom d’emprunt – est en butte avec le crime organisé qui au fond représente une autre forme de capitalisme ; l’autre point est que ces aventures se situent très souvent dans des milieux populaires, l’Amérique profonde, même si souvent celle-ci est utilisée cfomme un contrepoint de l’Amérique riche et arrogante, fière de ses automobiles de luxe et de ses maisons avec piscine.

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    Cette nouvelle adaptation bénéficie de moyens importants, le budget était de 35 millions de dollars, la vedette en est Jason Statham, mais il y a aussi Jennifer Lopez qui met en valeur ses attributs fessiers, et dans des seconds rôles Michael Chiklis et Nick Nolte. Ça commence plutôt bien avec un hold-up de routine dans une foire de l’Ohio où se mêlent des concours de bétail et des défilés de majorettes. Mais le partage se fait mal lorsque Parker refuse de continuer avec la même équipe. Ses acolytes le laissent pour mort et le volent pour monter un autre coup qui devrait être bien plus rémunérateur. Dès lors l’increvable Parker va chercher à se venger, bien que cette bande de crapules sans morale, sans respect de ses engagempents, s’appuie sur une sorte de syndicat du crime basé à Chicago. A partir de là, la violence va se déchaîner et on ne va plus compter les morts violentes : Parker tuant sans plaisir mais par nécessité.

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    Certains aspects de ce film sont intéressants, le personnage de Leslie, qui vend de l’immobilier à de riches oisifs qui ne rèvent que de s’abstraire de la décomposition sociale en se barricadant dans des résidences de luxe, est l’image même de la frustration de l’Amérique profonde qui ne pense qu’à s’enrichir à son tour même si c’est en plongeant dans l’illégalité. Ou encore sa mère doint le cerveau est rongé par des séries télévisées insipides et qui n’hésite pas à aider un malfrat en cavale. L’opposition des lieux entre l’Ohio profond et agricole et cette presqu’île de Palm Beach, enclave de la richesse et de la morgue du capitalisme sauvage. Mais tout cela est très insuffisant pour faire un film.

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     Certes Taylor Hackford a une prédilection pour le « noir », il avait réalisé un remake d’Out of the pasten 1984, sans convaincre toutefois. Mais ici l’échec artistique est patent. Le rythme est décousu, les scènes de violence virent au gore sans trop de raisons. Et puis bien sûr l’interprétation insipide de Statham  plombe le film. On comprend bien que Parker est un homme d’action froid et violent, mais est-ce pour autant qu’on doive en faire une mécanique au regard vide ? Jennifer Lopez dont les espoirs au cinéma ont été assez déçus, fait ce qu’elle peut pour donner un peu de vie à ce film, mais son exubérance finit par apparaître comme décalée par rapport à la tonalité générale du film. A cela s’ajoute la photographie très banale du film qui hésite entre le téléfilm et le dépliant touristique.

    Cela fait beaucoup. En tous les cas le film n’a pas été un succès aux Etats-Unis. C’est donc un échec de plus pour les adaptations de Parker sur le grand écran.

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    Encore une fois, ce n’est pas un très grand film. Mais pourtant il a fait beaucoup pour la renommée de Siodmak en tant que maître du film noir. Le scénario est assez laborieux. Une jeune fille muette qui est aussi domestique dans une riche famille craint d’être assassinée par un serial killer qui s’en prend nécessairement à toutes les filles du comté qui présentent un handicap. La suite est assez simple à deviner, après un certain nombre d’événements l’assassin sera démasqué. Entre temps la jeune Helen aura enduré des frayeurs mais sera tombé amoureuse d’un jeune docteur désintéressé qui lui déclare sa flamme et qui veut tout faire pour qu’elle retrouve l’usage de la parole.  

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    Glissons sur le message un peu lourd du film : un individu à moustaches qui se croit faire partie d’une sorte de race supérieure et qui désire éradiquer tous les mal-tournés de la région. Là n’est pas l’essentiel.  L’important c’est la peinture des âmes et des comportements à travers les ténèbres glacés et humides. Tout cela vu à travers la décomposition d’une famille aussi riche que tordue. Les personnages de ce drame ont d’ailleurs une sexualité morbide à fleur de peau. Donc le crime ne peut être loin. Contrairement aux apparences ce n’est ni un film « gothique », ni un film à énigme, c’est bien un film noir, même s’il n’y a pas de femme fatale, ni de fin malheureuse.  

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    Bien sûr la patte de Siodmak est bien visible, et c’est elle qui fait le prix de ce film. Rien que le titre indique un vertige sournois qui nous attire et nous perd. L’escalier sera donc le personnage central du film. Filme de toutes les manières possibles et imaginables, il résume une foule de symboles. Et comme c’est censé se passer du temps qu’on s’éclairait encore à la bougie, on voit bien tous les jeux de lumière possibles que Siodmak peut en tirer pour tenter d’extraire ses personnages des ténèbres.

    Tout au long du développement, les appels au passé, à la psychanalyse soutiennent le propos. Si Helen est muette c’est parce qu’elle a assisté impuissante à la mort de ses parents. L’assassin est un assassin parce qu’il a subi de forts traumatismes dans sa jeunesse. Seul le jeune docteur est apparemment innocent, vide, plat et sans passé. Mais il est bon, contrairement aux autres personnages.

    Dorothy McGuire est très bien, surtout que tout le long elle n’a pas grand-chose à dire et qu’on comprend bien que si elle fait des mimiques un peu outrées c’est parce qu’elle n’a pas l’usage de la parole. Elle est d’ailleurs ravie, au début du film de pouvoir assister à la projection d’un film muet.

    Ethel Barrymore est comme toujours remarquable dans le rôle de la vieille chef de famille, malade, en bout de course, et qui n’en finit plus de payer ses fautes dans l’éducation de ses enfants et qui s’attache à protéger du mieux qu’elle peut la jeune Helen.  

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    On retiendra quelques scènes magistrales, l’assassinat de la boiteuse dont on ne voit que les mains qui se croisent dans leur impuissance. Les descentes des escaliers à la cave, c’est celui-là qui représente une spirale, car il y a bien d’autres escaliers dans ce film. La photo de Nicholas Musuraca, qui fut aussi le photographe de Out of the past et de  bien d’autres films noirs, est aussi très belle.

     

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    Un peu oubliés aujourd’hui, Boileau et Narcejac ont formé un tandem qui a obtenu de succès de librairie dans le domaine du roman noir. Théoriciens du roman noir, ils lui ont donné ses lettres de noblesse, alliant intrigues soutenues et complexes à des qualités d’écriture élevées.

    Plusieurs de leurs ouvrages ont été portés à l’écran. Parmi les grandes réussites cinématographiques tirées de leur abondante production, on retiendra Les diaboliques après Celle qui n’était plus, et bien sûr Vertigo basé sur …D’entre les morts.

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    En relisant l’ouvrage on peut le comparer au célèbre film d’Hitchcock. On en reconnait la trame, même si des changements sont importants ont été effectués. La première et notable différence est que non seulement le film a été dépaysé à San-Francisco, mais qu’il se situe en 1958 c’est-à-dire dans une période où l’Occident a retrouvé la prospérité et la stabilité. D’entre les morts se passe en France, au tout début de la guerre, dans une période chaotique et incertaine, avant l’occupation de la France, mais après la mort supposée de Madeleine, on retrouve le héros, de plus en plus neurasthénique au moment de la Libération. Cela donne un caractère encore plus morbide qui renvoie à cette sinistre époque où les morts, les disparus sont évidemment très nombreux. Egalement la solitude du héros est bien plus totale et désespérée que dans le film d’Hitchcock, ce qui en fait d’autant mieux ressortir la neurasthénie. Il n’a pas d’épaule compatissante pour le rassurer comme c’est le cas dans le film. Le roman se passe sur plusieurs années, ce qui laisse le temps à notre héros de fuir la horreurs de la guerre et de se mettre à boire dans les colonies. Son argent lui permet un peu tout, notamment d’échapper aux restrictions. Mais plus encore que dans le film d’Hitchcock, il est lâche, il fuit le lieu du suicide de Madeleine, il ment ouvertement à son mari, et il fuit la guerre. Ce qui fait apparaître que la mort de son collègue, lorsqu’il était policier n’est pas due au hasard, mais est la conséquence de sa lâcheté.

    Est-ce cela qui le mène vers la folie ? C’est du moins ce que le roman suggère, dès lors il est bien moins question d’amour fou et de pureté des sentiments. De même Madeleine, du moins celle qu’il s’obstine à appeler Madeleine n’a pas particulièrement des sentiments amoureux envers ce vieux garçon neurasthénique. Ni avant son suicide, ni après. Et si elle vit une sorte de romance avec lui, c’est avant tout parce que la guerre l’a laissé seule et sans défense.

    Enfin, le roman de Boileau et Narcejac n’est pas intéressé par l’unité de lieu, contrairement au film. L’action se situe entre Paris, la Saintonge et Marseille où Madeleine est retrouvée grâce aux actualités. Cette idée sera d’ailleurs reprise par Frédéric Dard dans un épisode de San-Antonio, Fais gaffe à tes os. 

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     Vertigo est un des films les plus célèbres d’Hitchcock. C’est sans doute un des plus analysés. Jean-Pierre Esquenazi lui a même consacré un ouvrage entier en 2001 aux éditions du CNRS. Il en fait une métaphore sur Hollywood, au-delà de l’aspect noir et policier que contient le film.

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     Un homme en suspension 

    Le sujet est relativement simple, un policier, John Ferguson, démissionne pour cause de vertiges consécutivement à la mort d’un de ses collègues qui a plongé dans le vide. A la retraite, il s’ennuie, jusqu’à ce qu’un de ses amis lui demande d’enquêter sur sa femme Madeleine qui parait être folle et avoir des tendances suicidaires. Il en tombe amoureux après l’avoir sauvée d’une tentative de suicide dans la baie de San Francisco. Dès lors il va être victime d’une machination, car Gavin Elster s’est servi de lui pour se débarrasser de sa femme et hériter de sa fortune. Ferguson va être à nouveau choqué par la mort de Madeleine. Il va même se retrouver dans une clinique psychiatrique. On en est à la moitié du film. 

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    La quête de Ferguson 

    La seconde partie débute avec un nouveau traumatisme : en se promenant dans les rues de San Francisco, Ferguson va croiser une fille, Judy Barton, qui lui rappelle Madeleine. Il la suit, la traque et va finalement la traquer, la forcer à ce qu’elle devienne Madeleine pour lui en prenant sa manière de se coiffer, de s’habiller. Nous savons pourtant que Madeleine et Judy ne font qu’un. L’obsession de Ferguson, plus amoureux de l’image que de la réalité de Madeleine, pour cette femme va finalement la conduire à la mort. Car en effet, au lieu de s’éloigner de cet homme qui sombre peu à peu dans la folie, elle en devient amoureuse, trouve son obsession touchante et s’oblige à céder à tous ses caprices. Cette tendance masochiste la mènera directement à la mort.

    Evidemment ce qui a fait le succès de Vertigo c’est d’abord son scénario, tiré d'un ouvrage excellent de Boileau et Narcejac, D’entre les morts, il est dû à un scénariste brillant, Samuel A. Taylor, avec qui Hitchcock travaillera à nouveau sur Topaz. De nombreuses astuces y cont incluses, comme cette manière de faire ressortir la débilité intrinsèque de Ferguson face au juge qui finalement le dédouane en le considérant seulement comme quelqu’un de lâche. Ou encore, cette manière de montrer combien il a peu de goût pour les femmes de chair et de sang lorsqu’il dédaigne les charmes pourtant évidents de Midge. 

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    Le Golden Gate bridgeoù Madeleine tente de se suicider 

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     Scottie sauve Madeleine 

    En revoyant le film plus de cinquante ans après sa sortie, on a un sentiment très mitigé. Le film possède un charme indéniable qu’on ne retrouve pas dans les autres films d’Hitchcock, pourtant on est gêné par la mise en scène racoleuse d’Hitchcock. Par exemple les effets spéciaux plus que médiocres qui sont censés représenter la folie de Ferguson dans ses cauchemars, ou encore la débauche de couleurs vulgaires, des rouges criards, des verts hideux. Jusqu’à la façon très artificielle de filmer les escaliers pour figurer le vertige qui ne passe guère aujourd’hui. Mais il est vrai que l’esprit de finesse n’a jamais trop travaillé Hitchcock, et c’est sans doute pour cela qu’il eut un succès important autant que durable.

    Quel que soit les mérites du metteur en scène, sa logique, ses idées sur la morale et la société font qu’il n’est pas un auteur de films noirs. Il accorde bien trop d’importance au rétablissement d’un ordre social profané comme ici par l’apparition bouleversante d’une femme, compensé par l’apparition à la fin d’une sœur, représentante de l’Eglise, qui est le bras armé de la méchanceté de Ferguson et qui précipite sans le vouloir Judy-Madeleine dans le vide,  la punissant ainsi de ses nombreuses fautes et erreurs. 

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    Promenade romantique dans la forêt des séquoias géants 

    L’interprétation de James Stewart pose aussi problème. En effet, Judy/Madeleine est censée avoir 26 ans, or James Stewart a déjà cinquante ans au moment de Vertigo, et avec sa moumoute, ses cheveux gris, outrageusement maquillé, et sa démarche tremblotante, il en fait quinze de plus. Egalement faire de Ferguson un grand bourgeois vivant de ses rentes, ce qui est assez dans les opinions réactionnaires d’Hitchcock, éloigne le film du domaine du « noir ». Surnage chez Hitchcock, comme toujours, un côté assez niaiseux qui fusille ses meilleures intentions. 

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    Des effets spéciaux qui frisent le ridicule 

    On pourrait rajouter à ces fautes de goût, des transparences vraiment médiocres, même pour cette époque, ou encore les trop longues poursuites dans les rues de San Francisco qui allongent le film plus que nécessaire, sans parler des faux raccords quand Ferguson traque Madeleine au musée. La manière de filmer le vertige de Ferguson date terriblement. De même les références mal digérées à la psychanalyse, si elles pouvaient passer pour un trait de modernisme à l’époque, choquent aujourd’hui par leur peu de consistance. 

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    Ferguson prend le pouvoir sur Judy 

    On peut s’interroger sur le personnage de Barabara Bel Geddes, le seul personnage important en dehors de ceux de James Stewart et K.im Novak. Est-il là pour rompre un face à face trop long entre les deux héros en donnant un tour un peu cocasse à l’histoire ? Vise-t-il à démontrer l’esprit plein de perversion de Scottie ? On n’en sait trop rien.

    En tous les cas la dernière partie du film, celle où Scottie trnasforme Judy et où il manifeste un comportement psychopathe, finit par sortir le film de l’ordinaire et lui donner une dimension que les autres films d’Hitchcock n’ont pas. Ferguson se révèle alors un monstre d’égoïsme, sans amour finalement pour cette femme qui pourtant fait tout pour le satisfaire dans son obsession. Si tout le long du film il est au bord de la rupture, à la fin il se révèle comme le véritable criminel en provoquant la mort de Judy par ses caprices et sa méchanceté. 

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    Une hideuse lumière verte 

    En dehors du scénario, deux éléments sauvent pourtant le film. D’abord Kim Novak, bien qu’Hitchcock s’efforce de la détruire en la transformant en Judy, elle éclaire le film et le rend crédible. C’est elle qui lui donne ce côté sulfureux et qui révèle la personnalité morbide de Ferguson. En effet qui ne se damnerait pas pour Kim Novak ? La transformation de Madeleine en Judy est cependant un peu trop caricaturale. Une simple teinture et un changement de coiffure et de vêtement aurait suffi, mais Hitchcock s’applique à redessiner les sourcils de Kim Novak qu’il détestait – elle le lui rendait bien, pour lui donner un air encore plus vulgaire d’une femme issue du peuple. Contrairement à une légende répandue par ceux qui ne connaissent guère le cinéma et son histoire, Kim Novak a eu une carrière riche et diversifiée. Elle tourna plusieurs films avec Richard Quine qui en fit son égérie, mais aussi avec Billy Wilder dans l’excellent Kiss me stupid. Sans compter les films avec Aldrich, Phil Karlson ou Preminger. Ces films ont généralement eu plus de succès que Vertigo. Ce qui veut dire que ce n’est pas Hitchcock qui a fait Kim Novak. C’est seulement parce que certains cinéphiles peu aguéris croient Hitchocock plus important que Riochard Quine ou Otto Preminger qu’on attribue très souvent la renomée de Kim Novak à Vertigo. Avant ce film, elle possède un look très facilement identifiable qui va être recyclé par Hitchcock, sans rien changer. Elle est déjà une star de premier plan. 

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    Une hideuse lumière verte 

    Ensuite, l’utilisation des décors de San Francisco, l’idée par exemple d’utiliser le Golden Gate Bridge en le filmant en contre plongée. Ou encore les rues en pente, le musée et le cimétière où se recueille Madeleine. Contrairement à beaucoup je ne retiendrais pas les travelings compliqués, comme celui du restaurant où Ferguson découvre Madeleine. Ce n’est pas là que se remarque le professionnalisme d’Hitchcock.

    L’ambiguïté reste la qualité dominante du film. Car si on comprend bien que Ferguson est victime d’une manipulation ourdie par des criminels aguerris, cela ne nous le rend pas plus sympathique pour autant. Les femmes sont tout autant ses victimes, que ce soit Barbara Bel Geddes qui est amoureuse de lui en silence ou Kim Novak qui se découvre elle aussi un amour sincère et désintéressé pour ce vieux garçon neurasthénique et geignard. C’est le film le plus noir d’Hitchcock. 

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    Ferguson se venge de Madeleine 

    Cette méchanceté, cette hargne obsessionnelle de Ferguson qui frise l’impuissance, renvoie évidemment à celle d’Hitchcock pour les femmes et le sexe en général. Les scènes de la transformation de Judy en témoignent. On sait qu’Hitchcock détestait Kim Novak, qu’il lui aurait préféré Vera Miles, ce qui prouve à quel point il manquait de jugement en ce qui concerne le cinéma. En effet qui se souvient de Vera Miles ? Alors que Kim Novak reste dans tous les esprits des bons cinéphiles ! 

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    Ferguson contemplant le résultat de sa méchanceté congénitale 

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    Pierre Chenal, cinéaste trop oublié aujourd’hui, tient une place à part dans le film noir à la française. Il est d'ailleurs cité comme un précurseur par les ouvrages de références américains sur le film noir. C’est tout de même lui qui réalisa avant la guerre la première version du Facteur sonne toujours deux fois, sous le titre Le dernier tournant. Son cinéma à une volonté de vérité qui le porte naturellement vers le noir, puisque c’est là que surgisse le mieux les contradictions de la nature humaine. Beaucoup de ses films sont hélas introuvables, pourtant dans la façon dont ils sont filmés, ils présentent une grande modernité. Ce n’est pas du cinéma de papa ! Avant que ce ne soit la mode, il avait intégré les codes du film noir, et même cet imbécile de Godard reconnaissait en Chenal un vrai cinéaste, avec une grammaire propre. D’origine juive, il dût s’exiler pendant la guerre en Argentine, et à son retour, il ne retrouvera jamais la position qui fut la sienne. Toute sa filmographie porte l’empreinte du noir. Il adapta à l’écran aussi bien Dostoïevski que Day Keene ou James Cain.

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    Rafles sur la ville est probablement l’un de ses meilleurs films. Pour cela il adapte un ouvrage d’Auguste Le Breton qui fut un des fournisseurs importants de sujets pour le développement du film noir en France. Ancien délinquant, ayant une vie d’aventures des plus variées, Auguste Le Breton appartenait au milieu parisien. C’est non seulement un bon connaisseur du milieu, mais c’est aussi un amoureux de la langue verte. Son œuvre est très prolifique et bien sûr inégale, mais elle compte un certain nombre de grands romans, dont justement celui-ci, Rafles sur la ville. Avec José Giovanni, il a fourni beaucoup de matériel pour le cinéma. Moins extraverti que Simonin, il a une approche assez désabusée de la vie et des gangsters.

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    L’adaptation n’a retenu qu’une partie de l’histoire de Rafles sur la ville. Le Fondu, un truand vieillissant, s’évade de l’hôpital où on le soignait pour une blessure qu’il avait reçue lors de son arrestation. Ce faisant il tue un policier. L’ami de celui-ci, Verdier, en fait une affaire personnelle et cherche à le coincer en exerçant un chantage sur le neveu du Fondu, un petit maquereau sans envergure. Son oncle apprenant qu’il a été vendu, va tuer son neveu. Tandis que les policiers le recherchent, le Fondu et sa bande prépare le casse d’un magasin de fourrures. Là encore, ils n’arriveront pas à coincer le vieux truand. Mais finalement, c’est en voulant revoir sa maîtresse qui le délaisse un peu que le Fondu va se faire coincer. Si cela se termine mal pour lui, il en ira de même pour le policier qui le traque.

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    L’histoire est assez banale, mais la conduite du récit est excellente, visant une forme objective de la vérité matérielle, elle présente les voyous comme les flics enfermés dans leur logique propre. Ni bons, ni mauvais, ils suivent une trajectoire qui est toute tracée et qu’ils ne peuvent éviter.

    Le destin du Fondu et de Verdier sont parallèles, tous les deux se perdront à cause des femmes qu’ils croient aimer. Leurs désillusions amoureuses qui les renvoient à leur solitude, se règleront par le suicide.

    Remarquablement bien photographié, Chenal a manifestement retenu la leçon du film noir américain, non seulement pour ce qui concerne le côté « faux documentaire », mais aussi pour le jeu des lumières et des ombres. C’est évident quand on voit Charles Vanel sortir de l’ombre alors qu’il vient juste de déjouer un piège de la police. Cette façon de montrer une vérité nue, sans la couvrir d’un ton moralisateur par exemple en chargeant le Fondu de trop de pêchés permet de ne pas sombrer dans le sentimentalisme. 

    Il y a de très bonnes idées, comme cette utilisation des toits de Paris et le hold-up qui se fait par le garage et non pas en abordant l’immeuble de front.

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    Les acteurs sont bons, particulièrement Vanel dans le rôle du truand cruel mais vieillissant et qui s’attendrit sur lui-même lorsqu’il comprend que sa maîtresse ne veut plus de lui. Et aussi les femmes, Bella Darvi et Danik Pattison, Piccoli est un peu juste, trop théatral, sa moumoute se remarque un peu trop, mais Mouloudji dans le rôle d’une petite frappe appeurée est tout à fait crédible.

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    Bref, c’est un très bon film, bien noir, sec et froid, cynique et cruel qui évite de se perdre dans la contextualisation trop parisienne du récit qui se passe pourtant à Pigalle.

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