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    Stuart Heisler a fait au moins deux autres films noirs incontournables, La clé de verre avec Alan Ladd, d’après Hammett en 1942, et La peur au ventre, un très beau remake de High Sierra en 1955 avec Jack Palance. Storm warning est assez proche par son thème de Black legion qu’Archie Mayo avait tourné en 1937 avec Humphrey Bogart. Le scénario est du à Richard Brooks et Daniel Fuchs. Richard Brooks est très connu comme réalisateur et comme scénariste. Quant à Daniel Fuchs, il est l’auteur du scénario de Criss Cross ce chef d’œuvre du film noir réalisé magnifiquement par Robert Siodmak. Il écrivit aussi Panic in the streets pour Elia Kazan. Si sa contribution au cinéma fut très mince, c’est principalement dû au fait qu’il fut blacklisté.

    Marsha arrive dans la petite ville de Rock Point, une ville du sud des Etats-Unis où le Ku Klux Klan règne en maître. Exerçant la profession de mannequin, elle désire voir sa sœur qui vient juste de se marier. Pourtant la ville est bizarre, les commerces ferment d’une manière incongru, et tout le monde pense à rentrer très vite à la maison, obligée de se rendre à pieds chez sa sœur, elle va être témoin devant la prison du meurtre d’un journaliste par les hommes du Klan. Bien malgré elle, elle va voir le visage du chef du Klan et du tireur qui abat Adams, le journaliste.

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    Marsha assiste au meurtre d’un journaliste qui enquête sur le Klan

    Arrivée chez sa sœur, elle va lui faire part de ce qu’elle a vu. Quelques instants plus tard, son beau-frère arrive à la maison, et Marsha reconnait en lui le meurtrier. Elle l’avoue à sa sœur. Hank se défend plutôt mollement. Mais finalement Marsha décide pour le bien de sa sœur de ne rien dire. Pendant ce temps le procureur Rainey, un homme intègre désire mener son enquête. Il soupçonne évidemment le Klan, mais il n’a pas de preuves et la plupart des gens de Rock Point ne veulent rien dire, ou mentent. Cependant, il va finir par trouver que Marsha a peut-être vu quelque chose. Il l’interroge, celle-ci prétend n’avoir rien vu, si ce n’est des hommes revêtus de blanc et cagoulés. Rainey pense que cela suffira pour mettre en cause le Klan. Il va donc au procès. Mais celui-ci tourne au fiasco pour la justice, Marsha prétendant n’avoir strictement rien vu. Hank et les hommes du Klan vont fêter leur acquittement tandis que Marsha cherche à quitter le plus rapidement possible la ville.

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    Elle voit clairement le meurtrier 

    Mais Hank complètement ivre va rattraper Marsha et tenter de la violer. Lucy arrive juste à ce moment-là. Elle comprend qu’elle doit quitter son mari. Hank frappe sa femme et Marsha qu’il entraîne à une réunion du Klan, réunion destinée à faire étalage de sa puissance. Marsha va être menacée, puis fouettée. Elle fait preuve de courage, annonce qu’elle va les dénoncer. Elle va être sauvée par Rainey que Lucy a prévenu. Mais dans la confusion, Hank va tuer sa femme et va mourir. Le Klan est détruit.

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    Chez sa sœur, elle découvre que le meurtrier est son beau frère

     Le scénario est très bien construit. Il développe à la fois l’idée que le Klan est implanté fermement dans la ville où tout le monde se connait, et donc personne n’ose le contrarier. Il est un élément ordinaire de la vie quotidienne. D’ailleurs l’adjoint de Rainey lui-même a été membre du Klan par le passé. L’histoire se focalise sur les difficultés de témoigner non seulement contre des gens que l’on connait, mais encore quand cela risque de mettre en péril le couple de sa propre sœur. Dans le même mouvement le Klan est décrit comme une bande d’escrocs qui abuse de la crédulité des populations pour se faire aussi un peu d’argent.

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    Le procureur Rainey est décidé à mener l’enquête

     Les gens ordinaires ne cherchent pas les histoires et ont bien du mal à s’élever contre ce qu’ils savent parfaitement être mauvais. Le reportage d’un journaliste de la radio au moment du procès insiste sur ce point : les trois quarts de la population ne sont pas favorables au Klan, mais personne n’ose s’élever contre lui. On verra également quelques notables venir pour faire pression sur Rainey afin qu’il enterre purement et simplement l’enquête au motif que cela nuit aussi bien aux affaires qu’à la tranquillité de ville.

    Le chef du Klan est en même temps le patron de Hank. C’est lui qui mène la danse. Et s’il a fait tuer le journaliste c’est parce que celui-ci allait dénoncer ses malversions financières à la tête du Klan. Il y a donc l’idée que les notables, les patrons, imposent leur point de vue politique parce qu’ils détiennent évidemment le pouvoir économique, ils donnent du travail, assurent un ordre un peu douteux, et la lâcheté de la population fait que ce système perdure. C’est une mécanique particulière, la corruption progressive des conscience, qui engendre le crime

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    Les pressions se multiplient avant le procès 

    C’est un très bon film noir qui mêle l’ambiguïté à la tragédie et la critique sociale. Mais tout cela ne serait rien finalement si le film n’était pas très bien réalisé. Du point de vue cinématographique, on retiendra les scènes de l’arrivée de Marsha à Rock Point privé quasiment de lumière. Marsha traverse la ville dans des ombres menaçantes, fort bien mises en valeur par la photographie remarquable de Carl Guthrie qui avait notamment travaillé sur Caged, mais aussi sur Highway 301 où Steve Cochran avait le rôle principal.

    Les scènes de foule dans le bar-bowling ou autour et dans le tribunal sont également remarquables, alternant les gros plans et les contre-plongées, ce qui donne un sentiment d’étouffement.

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    Barr et ses hommes surveille les abords du tribunal

    Aux Etats-Unis le film est très apprécié des cinéphiles, mais un peu moins de la critique qui lui reproche de ne pas aborder directement les méthodes du Klan envers les populations de couleur. Mais je crois que c’est un faux reproche car le but du film n’est pas de parler des objectifs de cette organisation criminelle, c’est de supposer que cela est connu et donc plutôt de se concentre sur l’aspect criminel de droit commun. Décrire les exactions du Klan par rapport aux noirs encourait le risque du pédagogisme. N’est-ce pas plus fort au final de montrer le Klan comme un rassemblement d’escrocs manipulant la crédulité humaine ? En effet cela remet à sa place l’idée que ces gens-là agiraient en fonction d’un idéal, fut-il mauvais et erroné. Là au moins on a la veulerie du Klan adossée à sa cupidité. Pour le reste on verra The intruder de Roger Corman que j’ai commenté il y a quelques semaines.

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    Marsha ne témoignera pas

    Ce n’est donc pas une leçon de morale et c’est tant mieux, mais cela n’exclue pourtant pas le message. Le film est très prenant, rythmé, d’une intensité dramatique forte. C’est mené tambour battant, le spectateur n’a pas le temps de souffler, l’action domine, ce qui évite de longs discours moralisateurs. Stuart Heisler filme d’abord la peur ordinaire, des individus isolés et faibles qui doivent puiser dans les tréfonds une volonté de dépassement difficile à mettre en musique. Mais en dehors du raide Rainey, ce qui domine c’est l’ambigüité. Hank lui-même n’est pas complètement mauvais. Certes c’est un meurtrier et quand il est ivre il fait n’importe quoi, mais c’est d’abord un homme faible qui se laisse manipuler par son patron.

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    Ivre, Hank menace de violer Marsha 

    L’interprétation est tout à fait  à la hauteur. Ginger Rogers est très bien en grande sœur tourmentée en proie à ses crises de conscience. Elle n’est d’ailleurs forte que par intermittence. Ronald Reagan joue Rainey. C’est de loin le plus mauvais. Il joue plat, il est transparent, trop raide, alors qu’il a un rôle où il devrait se montrer dynamique et courageux. Mais enfin, ça passe parce qu’il n’est pas constamment présent. Steve Cochran est Hank le beau-frère habité d’une fureur difficile à contenir. Il est une fois de plus remarquable. On ne voit que lui. Il a cette capacité de passer de la colère au rire, et du rire à l’abattement avec une facilité déconcertante. Il peut être tout aussi bien cruel et stupide qu’émouvant quand il se rapproche de sa femme. Doris Day complète très judicieusement ce quatuor, c’est la petite sœur un peu nunuche qui ne voit chez son mari que ce qu’elle veut bien voir. Mais il y a aussi des seconds rôles remarquables. Hugh Sanders par exemple dans celui de Barr, le patron cruel et rusé de Hank.

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    Marsha sera livrée aux hommes du Klan

     C’est un film qui a été tourné juste avant que la chasse aux sorcières ne devienne un sport national qui détruira tant de carrières, dont celle de Daniel Fuchs. Et c’est ce qui explique probablement que des acteurs anticommunistes comme Ronald Reagan et Ginger Rogers se soient trouvés impliqués dans un film manifestement de gauche.

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    Hank mène sa belle sœur

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    Marsha sera cruellement fouettée

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    Le premier roman de Dominique Forma était intéressant et valait le détour. Hollywood zero est bien meilleur et bien plus original. Le premier était écrit à la troisième personne, et se trouvait éclaté entre une multitude de personnage. Cette fois Forma va utiliser la première personne du singulier et donner à son récit une allure plus linéaire.

    Le héros se nomme Dominique, comme l’auteur, et se présente comme un cambrioleur finalement assez peureux et prudent. Il mène une petite vie tranquille à Paris en dépouillant des bourgeois un peu prétentieux. Mais il doit de l’argent à deux truands plutôt violents et impatients. Cela l’amène à quitter précipitamment le territoire et à se réfugier à Hollywood. Là il va participer à une arnaque avec une vague connaissance : l’idée est de faire financer des films qui ne seront jamais tournés et d’empocher au passage un paquet de pognon. La vie serait assez simple si les deux truands qui le pourchassent ne débarquaient pas eux aussi à Hollywood pour recouvrer leur dû. Finalement tout échouera, le film, comme le racket des truands, et cela après un passage traumatisant par le Mexique.

    L’ouvrage se divise en trois parties : la première est celle de la vie marginale de Dominique à Paris, navigant entre salles de sport et bistrots mal famés, la seconde, la plus longue, décrit la traversée d’Hollywood par Dominique, et enfin la troisième se passe à Tijuana. Au moins en ce qui concerne les deux dernières parties, il semble assez évident qu’elles sont nourries d’un vécu très particulier. Et sa description des mécanismes hollywoodiens, semble être tout à fait en rapport avec sa propre expérience, celle qui l’a amené à tourner La loi des armes. On reconnaît le même intérêt que Forma manifeste pour les atmosphères glauques, les côtés dissimulés de la richesse et des apparences.

    Au fil de l’avancement de l’histoire, le ton change. La première partie est légère, la seconde drolatique, mais la troisième est tout à fait dramatique. C’est d’ailleurs celle que je préfère. Si on passe sur le côté un peu trash de la visite de Dominique et Rachel à Tijuana, on retiendra une description de la peur que génère cette ville, et ça c’est excellent, sûrement ce qu’il a écrit de meilleur. Mais toutes les combines que Kenny, Rachel et Dominique tentent de développer à Hollywood sont aussi très justes, aussi bien dans les prémisses que dans les échecs. Au passage, la visite de Dominique et Kenny à la MGM où les attendent deux managers de la distribution, vaut le détour, chacun essayant d’enfumer l’autre. Je ne connais rien au cinéma hollywoodien d’aujourd’hui dans son fonctionnement, mais c’est criant de vérité.

     

    On remarque que par rapport à son film et à son premier roman l’intrigue est bien plus complexe, plus soignée et plus intéressante, ne reposant plus sur des retournements de situation un peu artificiels, mais sur une vraie progression du récit comme des personnages. Je ne suis guère amateur de romans noirs contemporains, mais celui-ci amène un ton nouveau qui me plaît.

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    Voyoucratie est une sorte de Touchez pas au grisbi revisité et mise au goût du jour. L’idée est simple, Francis le Parisien, un gros voyou a envie de passer la main. Il se sent un peu vieux et désire se dépouiller de ses oripeaux de truand. Mais avant de prendre sa retraite, il veut tester son associé. Pour cela il va mettre en scène une rumeur selon laquelle il a dépouillé un autre voyou qui règne lui plutôt sur la banlieue. Il va ainsi enclencher un cycle de violences débridées que plus personne ne va maîtriser.

    Ce n’est pas l’histoire qui fait l’intérêt du roman. C’est plutôt la façon de mettre en scène des personnages à la fois déjantés et marginalisés par la vie. Ce qui débouche sur une sorte de roman unanimiste, éclaté entre diverses personnalités. Et bien sûr cela entraîne la multiplication de scènes plus ou moins drôles qui donnent du relief aux personnages. Les affaires de Kamous ne sont pas très intéressantes et son bordel pour bourgeois dépravés est un peu convenu. Plus personnel est le petit couple de jeunes qui travaillent dans une supérette de banlieue pour un salaire de famine et qui se trouvent dominés par leurs instincts finalement assez primaires. Au passage ce couple renvoie à celui qu’on a déjà croisé dans le film La loi des armes, il répond à la même logique.

    Forma reprend également cette idée du kidnapping du truand par un tueur fantomatique et à côté de ses pompes. On l’a déjà vu dans le film The scenes of the crime. Francis le Parisien a aussi des airs de Famille avec Jimmy Berg. Au-delà de cette rémanence, il y a un goût assez scabreux pour les situations bloquées et immobiles qui conduisent à de longues négociations incertaines et qui en général se terminent mal.

    Le livre se lit facilement, et même si manifestement il a été écrit assez vite, il y a une forme de légèreté décalée par rapport à une histoire plutôt dramatique. Les dialogues sont bons et nerveux, ils donnent une couleur un peu particulière à chaque personnage qu’on croise dans le livre.

     

    Bref c’est un bon petit polar à l’ancienne, sans prétention, qui utilise cependant un décor et des comportements modernes, un peu rock’ n roll. 

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    C’est une histoire assez simple. 7 millions de dollars ont été dérobés à un gros truand qui vit de différents rackets. Pour les récupérer, il a l’idée de kidnappé Jimmy qu’il soupçonne d’avoir fomenté l’agression. Le kidnapping réussit, mais les ravisseurs sont coincés par les hommes de Jimmy. A partir de ce moment-là, tandis que Jimmy est retenu en otage, son associé et Trevor vont chercher à trouver un compromis : Trevor veut récupérer son argent plus une sorte pénalité. Au milieu de cette curieuse négociation se trouve Lenny, le chauffeur, qui ne sait pas trop quoi faire, car ce n’est pas un truand et il se trouve pris entre deux bandes qui exercent tour à tour leur pression sur lui. Jusqu’à la fin il y aura des retournements de situation plutôt inattendus, et le dénouement n’aura pas lieu comme on l’attendait.

     

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    Des convoyeurs de monnaie malhonnête se font agresser

     

    C’est le seul et unique film de Dominique Forma, réalisateur français, mais il a été tourné en 24 jours à Hollywood, ce qui est une performance. Le titre américain est Scenes of the crime. Il semble indiquer que le film est fait de petites scènes du quotidien des gangsters, mais aussi des gens ordinaires qui croisent leur route. Et de fait le découpage va dans ce sens, portant tour à tour l’attention sur Jimmy, les négociateurs bien polis dans le bureau de Steven, ou encore la vie des gérants de la supérette, les peintres en bâtiment et bien sûr le gentil petit couple que Lenny forme avec Sharon qu’il compte bien épouser.

    Dominique Forma n’est pas un grand créateur d’histoires, on retrouvera cela dans ses romans publiés chez Rivages, mais il a le sens des situations et de la vérité des comportements. Cette idée d’immobiliser Jimmy dans un van sera reprise, avec quelques autres d’ailleurs dans son dernier roman, Hollywood zero, qui vient tout juste de paraître. Il aime les personnages incongrus, un peu dégénérés dont le jusqu’auboutisme masque mal le vide et l’indétermination. La légèreté et la dérision dominent, jusqu’à ce qu’elles amènent des situations dramatiques à l’issue définitive.

     

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    Jimmy Berg est un truand de haut vol qui aime son fils

     

    Le manque de moyens budgétaires guide sa manière de filmer. Les plans sont rapprochés, à peine entrecoupés de scènes de Los Angeles vue d’en haut. Il compense cela par un choix plutôt judicieux des décors, donnant à voir une ville complètement déglinguée, aux rues défoncées, aux devantures miteuses. Le nombre de décors est réduit au minimum : l’avenue où le van est retenu, la maison de Steven où ont lieu les négociations, le garage de Lenny et encore la maison de Jimmy et le local où Terry s’entraîne à boxer pour conserver la forme. Le rythme est soutenu ce qui donne une durée inférieure à une heure trente. Ce n’est pas un film où la psychologie est importante : c’est le comportement qui au contraire détermine le caractère. Mis en situation, le faible Lenny va trouver en lui-même des ressources inattendues.

     

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    Son fils étant menacé, Jimmy doit suivre son kidnappeur

     

    On peut ranger ce film dans la catégorie du néo-noir, justement à cause de cette nudité des sentiments. Jimmy est ainsi mis en mouvement non par ses envies et ses peurs, mais par ses principes et sa volonté de les respecter et de les faire respecter. La scène où il raconte comment il a été torturé par des agents du FBI véreux est tout à fait saisissante : il ne garde aucune rancune à celui qui a commandité ces brutalités, continuant à le regarder comme un père pour ce que celui-ci lui a appris aussi sur lui-même.

     

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    Des gérants d’une petite supérette vont assister à d’étranges ballets

     

    Je ne sais pas si la direction des acteurs américains par un Français finalement néophyte a été difficile ou non, mais sur ce plan là, le résultat est plutôt probant. Jeff Bridges est très bon, et c’est lui qui tout de même domine le film, mais les deux bandits qui négocient dans son dos, Bob Gunton et Brian Goodman sont aussi très bien. Noah Wyle qui depuis s’est fait connaître n’a qu’un rôle de second plan, celui d’un tueur froid qui ne fait qu’obéir aux ordres. De même l’étrange visage de Peter Greene est judicieusement employé.

     

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    Steven et Trevor négocient

     

    Des scènes intéressantes, il y a en a pas mal. Passons sur les essais que Lenny réalise avec sa Ford Mustang de compétition, et retenons plutôt ces plongées vers l’avenue à partir de l’échafaudage des peintres en bâtiment. Ou encore ces scènes de violence très bien maîtrisées, que ce soit le kidnapping de Jimmy, la mort de son ravisseur ou encore Seth qui se fait briser la nuque pour avoir essayé de tuer son patron. Egalement cette double personnalité de M. Parker qui d’un côté se montre comme un vieillard un peu pingre et de l’autre distribue les billets de 100$.

     

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    Seth est censé protéger Jimmy

     

    Le film n’a jamais été distribué en salles aux Etats-Unis. On se demande bien pourquoi car l’ensemble tient tout à fait la route. Et il est très curieux également que Dominique Forma n’ait plus retrouvé par la suite l’occasion d’exercer son talent de metteur en scène. Il n’est pas certain que le film ait couvert ses frais puisqu’il n’a été diffusé que sous la forme d’un DVD. Mais à Hollywood on est habitué à jeter l’argent par les fenêtres, la rentabilité d’un projet n’étant pas toujours le but du financement d’un film.

     

     

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    Lenny veut récupérer 7 millions de dollars

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  • Ici brigade criminelle, Private hell 36, Don Siegel, 1954

    Don Siegel n’a pas toujours eu la main heureuse. Mais ici il a un très bon scénario, écrit par Ida Lupino et son mari de l’époque Collier Young, et en outre il bénéficie de moyens assez importants, sans être démesurés cependant. Par hasard, un flic de Los Angeles croise des truands qui cambriolent une pharmacie. Il arrête le petit voleur, mais les flics s’aperçoivent qu’il a embarqué un billet de 50 $ qui est marqué et qui provient d’une attaque à main armée qui a eu lieu à New York quelques mois auparavant. Dès lors ils vont suivre la piste de ce billet. Cal Bruner et Jack Farnham arrive jusqu’à une chanteuse de cabaret qui dit avoir reçu ce billet d’un moustachu. Les deux flics vont le chercher. Ils vont le trouver, grâce à l’aide de Lili Marlowe, la chanteuse. Ils le poursuivent en voiture, mais le gangster se tue en ratant un virage. Miracle ils vont tomber sur la boîte qui contient les billets de banque. Cal cependant décide de s'en approprier une partie qu’il pense partager avec Jack qui par ailleurs à des problèmes d’argent importants. Dès lors les ennuis commencent. Jack veut rester honnête,  il est gêné par le geste de son coéquipier, mais celui-ci est tombé amoureux de Lili et pense qu’ainsi il pourra lui payer ce qu’elle désire. En outre, Cal et Jack commence à recevoir des coups de fil bizarre, tandis que leur chef commence à soupçonner quelque chose de louche. Bref tout cela finira mal, car comme l’on sait le crime ne paie pas… au moins au cinéma. 

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    Cal débusque des cambrioleurs dans une pharmacie 

    Le film a donc deux parties bien différentes. La première partie traite de l’enquête pour retrouver les malfrats et aussi des romances de Cal avec Lili et de Jack avec Francey. Et la seconde c’est l’histoire de la déchéance de Cal. Si la première est dans la tradition du film policier un brin moralisateur, la seconde est plus noire, elle met en scène l’ambiguïté de Cal qui va se trouver corrompu par la trop grande proximité avec un tas de billets presque tombé du ciel. Evidemment c’est la seconde qui est la plus intéressante. 

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    Cal amène le voleur au commissariat

    L’affaire est rondement menée. Le film dure à peine 80 minutes. Et pourtant il se passe beaucoup de choses, l’histoire est dense, les personnages multiples et les lieux de l’action sont très diversifiés. Le film s’ouvre, avant même le générique, sur le hold-up newyorkais, été on enchaîne sur le cambriolage de la pharmacie et l’intervention de Cal. On passe ensuite du commissariat au cabaret, de l’appartement de Lili au champ de courses, puis de l’intérieur très banlieusard de Jack et Francey au parc des caravanes. On n’a pas le temps de souffler, et les scènes sentimentales ne sont là que pour expliquer la logique des personnages. Si le film est assez équilibré, les scènes de nuit sont pourtant les plus marquantes, à la fois parce qu’elles sont plus dramatiques, plus tendus, mais aussi parce qu’elles sont plus soignées sur le plan esthétique.

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    Le barman indique que c’est Lili qui lui a donné le fameux billet

    En même temps la distribution est impeccable, dominée de la tête et des épaules par Steve Cochran qui incarne Jack. Il faut dire aussi qu’il a le rôle le plus ambigu, passant de la violence la plus sauvage – voir comment il traite la pauvre Lili qui se voudrait plus indépendante – à des élans de tendresse. Bien sûr il a le physique de l’emploi, à la fois séducteur et voyou. Mais c’est plus que ça. A bien y regarder, il a une diversité de jeu qui est assez confondante. Je l’ai déjà dit dans un précédent billet, c’est selon moi un acteur très sous-estimé qui a apporté quelque chose de très personnel au film noir. Aux Etats-Unis, il est arrivé qu’on le compare à John Garfield, c’est peut-être un peu exagéré, mais ce n’est pas si saugrenu que cela. Il a le profil du looser.

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    Cal fait la connaissance de Lili qui se révèle d’un abord difficile

    Ida Lupino est par contraste un peu en dedans, pourtant c’est elle qui a écrit le film avec son mari. Mais elle est très bien. D’ailleurs toute la distribution est bonne. On retrouve Dean Jagger dans le rôle du flic soupçonneux et tenace, et aussi Dorothy Malone dans  celui de la femme un rien compatissante et angoissée de Jack. C’est vrai qu’elle a un physique qui détonne un peu par rapport au rôle de la femme au foyer qu’on lui assigne, mais on est toujours très content de la revoir. 

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    Lili est convoquée au commissariat 

    C’est pourtant Howard Duff dans le rôle de Jack qui est le moins convaincant. Un peu trop raide, un peu trop simple sans doute, quoiqu’il donne assez bien le change parce que comme il met en avant ses difficultés financières, on croit pendant un bon moment que c’est lui qui va franchir la ligne le premier lorsqu’il met la main sur la boîte pleine de billets. Son monolithisme finit pas le rendre très antipathique. 

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    Lili aide les policiers à identifier le criminel sur un champ de course 

    Beaucoup de très bonnes scènes donc, à commencer par l’intervention violente de Cal dans la pharmacie. Les bagarres sont assez crues, surtout pour l’époque, quand Cal donne un coup de poing, ça ne rigole pas. Mais aussi toute la partie sur le champ de courses dans la quête du truand à moustaches. Siegel multiplie les angles de prise de vue, alternant les plans d’ensemble et les lieux plus fermés, donnant une notion de l’espace très intéressante. Les scènes de poursuite en voitures sont plus convenues. Mais le fait de planquer l’argent détourné dans une caravane est une bonne idée qui permet d’utiliser un décor assez original dans ce genre de films. 

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    Le bandit s’enfuit dès qu’il aperçoit les policiers 

    La mise en scène de l’univers étriqué dans lequel se débat le triste Jack est également très réussie et on comprend mieux ainsi que Cal ne veuille pas de cet avenir trop tracé. Par contraste, on le voit masser les pieds déchaussés de Lilli d’une manière très érotique. 

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    Cal et Jack ne sont pas d’accord sur l’usage de l’argent que Cal a détourné 

    Bien sûr la fin du type « le crime ne paie pas, car la police veille à éradiquer ses moutons noirs » est très marquée par l’époque des années cinquante. Mais dans l’ensemble c’est un excellent film noir. 

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    Cal aime Lili d’une manière un peu violente      

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    Jack ne supporte pas les sous-entendus de ses collègues 

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    Cal trouvera une fin tragique

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