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    C’est un polar qui tire assez sur le noir. Encore un de ces films italiens des années 70 montés avec des budgets faméliques, visant un public populaire, mais avec tout de même pas mal d’idées. Milano Calibro 9 est adapté d’un ouvrage de Giorgio Scerbanenco sorti en 1969. Bien que Scerbanenco commença à écrire et à publier dans le domaine avant la Seconde Guerre mondiale, ce n’est qu’à la fin des années soixante qu’il atteint une certaine notorieté. En France c’est d’abord en 10/18 que ses livres parurent, avant d’être repris chez Rivages. Ces romans parurent assez choquants par le réalisme des scènes de violence. Evidemment, depuis on a fait beaucoup mieux dans ce sens.

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    Milano Calibro 9 est une histoire de bandits plus ou moins mafieux, en tous les cas, bien organisés. Ugo Piazza est un truand qui vient de se faire 3 ans de prison. Tout le monde, la police comme ses anciens compères, croit qu’il a étouffé 300 000 dollars à l’Américain, le chef de la mafia locale. Il va cependant retrouvé sa petite amie Nelly qui, sans avoir été fidèle, ne l’a pas oublié. Elle est danseuse plus ou moins nue dans un cabaret. Ugo a un plan, il veut faire la lumière sur les 300 000 $ et pour cela il accepte de travailler à nouveau avec l’Américain. Il est chaperonné par Rocco qui le brutalise un peu tout de même. Il va également chercher de l’aide auprès de Chino, un truand de parole, honnête pourrait on dire qui est resté fidèle au Padrino, Don Vincenzo, qui a été en fait évincé par l’Américain. Malgré la vigilance de Piazza, de nouveaux vols sont sont commis sur de l’argent qui apparemment est transféré en douce en dehors de l’Italie pour être blanchi. Mais en réalité, Piazza a tout monté, il vise en fait à ce que Chino élimine l’Américain afin de retrouver l’argent qu’il a effectivement volé. Ila rrivera à ses fins, toutefois, tout près du but, il échouera aussi parce qu’il aura été trahi. 

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    Des convoyeurs de fonds soupçonnés d’avoir volé de l’argent sont éliminés 

    Evidemment le scénario, résumé ainsi, paraît assez banal. Et a priori on ne comprend pas très bien pourquoi Tarantino désigne Fernando di Leo comme une sorte de génie. Mais en vérité c’est qu’à partir d’un scénario assez convenu, le réalisateur arrive à donner une production originale. D’une part parce que les extérieurs milanais donne une dimension très particulière au film, mais d’autre part, parce qu’il y a dans le personnage de Piazza une sorte de désenchantement, de mélancolie très touchante.

    La surabondance des extérieurs est sans doute la contrepartie de la faiblesse du budget. Pourtant ce n’est pas le moindre des intérpets. Milan est filmée comme ce qu’elle était alors, une ville très industrielle, le labeur est présent de partout, aussi bien dans les cabarets que le long des quais. Mais c’est une ville dangereuse où les gangsters n’hésitent pas à agir à visage découvert. 

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    Ugo retrouve Nelly à sa sorti de prison 

    Les personnages sortent tout de même un peu de l’ordinaire. Piazza est une sorte de brute, un petit truand qui soudain devient gourmand. Chimo est fanatiquement fidèle à Don Vincenzo, bien que seul, il est craint par la bande de l’Américain. Celui-ci d’ailleurs n’a pas vraiment de grandeur. Certes, il est rusé, mais sa cupidité lui donne un aspect médiocre assez inattendu. Un des clous du film est l’opposition entre le flic du Nord, réactionnaire, se félicitant de la mort des truands, et le flic du Sud, le commissairre Mercuri, qui au contraire voudrait une police au service de la population et du bien public, fumant la pipe il donne à son supérieur des cours de sociologie. Le personnage de Nelly est plus banal, il reste d’ailleurs très effacé. Mais après tout ce n’est pas plus mal, elle est juste là pour mettre en morceaux les rèves d’indépendance et de richesse de Piazza. 

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    Il va chercher de l’aide auprès de Chino 

    Les acteurs sont bons, particulièrement Gastone Moschin qui trimballe sa lourde silhouette de taiseux un peu partout, comme s’il errait sans but. Au moins il a une vraie tête de bandit. On se souvient de lui notamment dans Le Parrain II où il incarne un autre parrain, Don Fanucci.

    Mario Adorf est Rocco, unn truand brutal qui ne respecte que la force brutale et quand il comprendra le dessein de Piazza il se mettra tout de suite à son service. On retrouve Philippe Leroy-Beaulieu dans le rôle de Chino, une sorte d’exalté de l’amitié et de la parole donnée. A cette époque il n’était déjà plus un acteur de premier plan, et du reste, dans le film, il n’a pas su prendre le tournant de la modernité et s’adapter aux nouvelles règles définies par l’Américain. 

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    Après un nouveau vol, l’organisation de l’Américain cherche le coupable 

    Parmi les astuces du film, il y a un décalage entre la scène du début qui détaille à travers Milan le long chemin de l’argent qui va disparaître – on visite le métro comme un lieu insolité – et ce qui va se passer quelques années après quand Piazza sort de prison. Il y a aussi de très belles scènes filmées dans la gare de Milan, avec des belles diagonales tirées sur les wagons des trains. Les scènes de cabaret sont sans doute les plus faibles du film, avec des angles de prise de vue pas possibles. On retiendra aussi cette scène au début du film quand Rocco manie le rasoir pour faire parler un pauvre vendeur de journaux qu’il soupçonne être au courant de la perte des 300 000 dollars. 

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    Le commissaire Mercuri est un policier de la nouvelle école qui considère aussi les riches comme des voleurs 

    Sans être le chef d’œuvre qu’on a pu dire – Tarantino a souvent des jugements un peu trop hâtifs – il est très bon, et en tout cas il témoigne de la vitalité des films noirs ou néo-polar à l’italienne. Plus de quarante années après sa sortie, il tient parfaitement la route et tient le spectateur en haleine jusqu’au bout. 

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    Ugo met la main à la pâte pour éliminer la concurrence 

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          Ugo va avoir une sacrée surprise quand il retourne chez Nelly

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    Jean-Jacques Pauvert qui s’est éteint cette année a été un éditeur très important dans les années cinquante-soixante. Il a été un combattant de la liberté d’écrire et de penser, mais aussi un transgresseur. Il s’est fait connaître par la publication de textes érotiques plutôt dérangeants, comme Histoire d’O, ou les œuvres complètes du marquis de Sade, ou encore Georges Bataille. Bien sûr aujourd’hui tout cela est assez loin, puisqu’en effet on peu publier à peu près tout ce qu’on veut – sauf des appels à la haine raciale – sans rien risquer. Mais à l’époque publier de tels textes était une aventure risquée. Avant de devenir un éditeur de premier plan, il travailla chez Gallimard comme commis de librairie. Jeune alors, il se mit à adorer les livres d’une manière un peu immodérée. Et s’il abandonna rapidement ses études, il n’en développa pas moins une culture littéraire solide, même si elle n’était guère orthodoxe, fréquentant tout le gratin de la littérature moderne, de Sartre à Camus en passant par Genêt. Assez peu porté sur la politique, bien qu’il ait été intégré un moment dans la Résistance et dans la mouvance communiste, il préféra s’investir dans l’édition.

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    Pauvert à 19 ans

     

    Mais Pauvert n’était pas seulement cet éditeur qui a enfoncé les portes de la censure, il s’est souvent piqué d’écrire, notamment sur Sade auquel il aura consacré une partie de sa vie. Entre temps il republia les surréalistes, André Breton, à une époque où ils étaient plutôt enterrés. Il publia aussi le premier texte de Robert Faurisson sur Rimbaud, A-t-on lu Rimbaud ? C’était une époque où Faurisson n’était pas encore devenu un négationniste gâteux.

    Dans les années soixante, il joua donc le rôle d’un éveilleur à traver à la diffusion d’une culture un peu alternative et transgressive. Ses ouvrages se remarquaient d’abord par un soin très grand accordé à la qualité de l’impression, au graphisme sophistiqué de ses ouvrages, voire aux formats bizarres utilisés pour publier Sade ou pour sa collection Libertés.

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    Du rôle de l’écriture et de l’édition

     

    D’un certain point de vue, il est apparu très moderne, pourtant il republiait abondamment des textes finalement très anciens, leur donnant ainsi une autre signification en les faisant sortir des vieux cartons. Mais le simple fait qu’il ait donné une assez bonne unité à son catalogue, allant du surréalisme à Sade en passant par des érotiques et des en-dehors comme Darien, le présentait comme une sorte d’étendart. Bien que sa maison d’édition n’ait guère de succès commercial, du moins avec le milieu des années soixante, elle imprima une marque durable sur toute une frange intellectuelle et jeune qui participa à Mai 68 d’une manière active, refusant les codes trop voyants des structures hiérarchiques qui apparaissaient aussi bien dans le parti gaulliste, le parti communiste ou encore dans les petits partis gauchistes.

    Je me souviens assez bien de ce sentiment d’élévation qui nous habitait à la fréquentation des livres de Pauvert. Il nous semblait qu’ils nous rendaient un peu plus intelligents et un peu plus sensibles. Bien entendu si l’ensemble du catalogue de Pauvert est assez homogène, il n’est pas forcément intéressant dans son entier. Cependant, c’est en le reliant aux transformations sociales qui ont surgi à la fin des années soixante qu’on comprend mieux le rôle de l’édition. Il faut se souvenir qu’une des caractéristiques principales de Mai 68, a été l’explosion de la lecture des poètes : jamais Rimbaud ne s’est autant vendu qu’à cette époque là, mais aussi André Breton dont les livres se sont toujours peu vendus, est devenu sinon un auteur populaire, du moins abondamment lu.

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    La fortune Pauvert ne la connut que tardivement, vers la fin des années soixante. Principalement la cause en fut une implication dans la littérature contemporaine avec la publication des ouvrages d’Albertine Sarrazin et le prix Goncourt de Jean Carrière. Et puis les choses sont devenus un peu plus difficile avec la régression sociale et culturelle qui est apparue dans le développement d’une société libérale centrée essentiellement sur la réussite pécuniaire. Il dut se séparer de sa maison d’édition, mais il resta actif, écrivant sur Sade, republiant des ouvrages fondamentaux du surréalisme sous d’autres label. Et c’est lui qui fut aussi à l’origine du transfert de Guy Debord et de ses œuvres chez Gallimard. Il donna aussi une plus grande lisibilité au travail d’Annie Lebrun par exemple.

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    Dans la traversée du livre on trouvera aussi une description de la censure dans les années de l’après-Seconde Guerre mondiale. On a du mal à imaginer aujourd’hui comment il était difficile de se procurer des ouvrages dont tout le monde parlait par ailleurs. La censure ne touchait pas seulement les ouvrages de Sade, elle sévissait envers le roman noir, par exemple J’irai cracher sur vos tombes signé Vernon Sullivan (Boris Vian), mais aussi les productions du Fleuve Noir. Ce fut une bataille judiciaire épique. Et si progressivement la censure lâcha du terrain – notamment parce qu’un de ses piliers s’était fait piéger dans des affaires de pédophilie – ce ne fut qu’après Mai 68 qu’enfin l’édition put être à peu près libre.

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    Cependant La traversée des livres n’est pas seulement un ouvrage à la gloire de Jean-Jacques Pauvert, c’est aussi une description sur le métier du livre après la Seconde Guerre mondiale et disons jusqu’à la fin des années soixante-dix. Il montre l’importance pour l’édition non seulement d’un esprit frondreur et transgresseur, mais aussi de cet aspect artisanal et désintéressé, même si bien entendu la nécessité de financer lamaison d’édition par des rentrées financières est impérative. Si Pauvert fut un éditeur important, il n’était cependant pas le seul. Beaucoup ont émergé dans son sillage, comme André Balland, Eric Losfeld ou un peu plus tard Christian Bourgois.

    Il y a eu dans cette période un renouvellement continu des maisons d’édition, avec comme pic le moment de la Libération, puis Mai 68. Mais c’est un mouvement qu’il est difficile aujourd’hui de perpétuer. La plupart de ces maisons indépendantes se sont fait étrangler et racheter par des mastodontes comme Gallimard ou Hachette qui ne font qu’exploiter un fond déjà constitué.

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    L’évolution récente de la librairie en France et dans le monde ne rend pas forcément optimiste. Il semble que le livre, au lieu d’être un élément de passage et de transformation, d’ouverture, ne soit plus qu’un élément parmi d’autres de l’accumulation du capital humain, le peuple du livre semble de plus en plus se ghettoïser, le peuple dans son ensemble ayant été séparé des moyens de son émancipation par la logique de la marchandise. 

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    Joseph Losey est un réalisateur un peu oublié aujourd’hui, alors que dans les années soixante il avait atteint une notoriété considérable, le classant parmi les grands réalisateurs, à l’égal de Welles ou de Bergman. On considérait alors qu’il était important de voir tous les films qu’il avait pu tourner

    The lawless est un des films américains de Losey qui est sans doute le moins connu et qui était jusqu’à maintenant très difficile à voir. Une ressortie en DVD vient combler cette lacune. Comme on le sait Joseph Losey était communiste, lecteur de Marx et de la littérature marxiste, il avait fait un voyage en Russie. Cet engagement politique fort l’entraîna à produire un cinéma très critique, ce qui l’amena ensuite à s’exiler en Angleterre pour poursuivre sa carrière de réalisateur.  

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    Les jeunes mexisains ne sont pas forcément bien traités dans les champs de tomates où ils travaillent 

    The lawless est typique d’un cinéma américain militant – le titre américain parle de ces mexicains « sans-droit » - qui a été presque tué par ce qu’on appelle par commodité le mccarthysme. Il anticipe  de quelques années, par son sujet et par son traitement, le film de Herbert Biberman Le sel de la terre qui sera tourné dans des conditions épouvantables en 1954. A travers un scénario de film noir, il s’agit de dénoncer la façon dont sont traités les mexicains qui travaillent dans les champs de Californie. Le propos va au-delà du racisme puisqu’il s’inscrit dans la lutte des classes : les mexicains sont traités comme des sous-hommes parce qu’ils sont exploités comme une main d’œuvre bon marché. 

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    Le jeune Paul qui s’est accroché avec des « blancs » se fait remonter les bretelles par son père 

    Le scénario est signé Geoffrey Homes – pseudonyme de Daniel Mainwaring – d’après son roman. Ce même Geoffrey Homes qui fut à l’origine d’un des chefs d’œuvre du film noir, Out of the past. Scénariste de très nnombreux films, il était aussi un écrivain très engagé, et il échappa presque par miracle à la chasse entamée par l’HUAC contre les rouges.

    Des jeunes mexicains qui gagnent un peu d’argent à travailler dans les champs de tomates où ils sont exploités – leur exploitation est une des conditions de la prospérité des WASP – se querellent un jour avec quelques jeunes gens appartenant à la bourgeoisie locale. Une bagarre s’ensuit. La police intervient et met fin à l’altercation, mais plus tard les jeunes « Américains » vont provoquer les Mexicains lors d’une soirée dansante. Il s’ensuit une nouvelle bagarre générale, et dans la cohue, le jeune Paul qui a la tête un peu chaude frappe un policier qui est intervenu sur les lieux. Pris de panique, il s’enfuit sans trop savoir où il peut bien aller. Dès lors la petite ville de Santa Marta va être en ébullition. Excitée par une presse qui cherche toujours le sensationnel, elle s’engage dans une chasse à l’homme. Le journaliste local, Larry Wilder, comprenant que la situation devient dangereuse va intervenir et sansd doute sauver la vie à Paul. Celui-ci est traduit devant la justice, mais la foule ne s’en contente pas et commence à devenir menaçante. Elle va s’en prendre au journal qui sera détruit. 

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    Le jeune Joe affirme son racisme et sa morgue face à son père 

    Le racisme est une affaire de classe, voire de lutte des classes : cette vision marxiste est en effet porté par des jeunes Américains, riches et arrogants qui considèrent que les Mexicains sont généralement des sous-hommes des clochards et au fond qu’ils sont à leur juste place dans cette situation inférieure. Mais s’il y a d’un côté l’opposition entre les jeunes Mexicains et les Américains, on trouve aussi une romance entre le journaliste et une jeune Mexicaine. Comme s’il était possible de dépasser les oppositions initiales. Mais le racisme est aussi le résultat d’un comportement moutonnier, la ville dans son ensemble construisant ses peurs et s’en délectant, sans regard critique. 

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    Paul est finalement rattrapé par la police 

    Le résultat est assez ambigu. Il y a deux défauts qui sautent aux yeux. D’abord le scénario est assez invraisemblable, il repose sur une accumulationa ssez invraisemblable de mauvaises coïncidences qui amènent presque le jeune Paul à se faire lyncher. Il va de Charibe en Scylla, après avoir frappé malencontreusement un policier, il vole une voiture, puis se retrouve mêlé à l’accident de la voiture de la police qui est venu l’arrêter. Ensuite, les oppositions entre les méchants racistes et les bons ouvriers mexicains reste un peu caricaturale. Les jeunes Mexicains ont simplement la tête un peu chaude, ils n’ont pas une once de méchanceté. Une vision plus complexe aurait pu rendre compte du fait que justement le racisme ajouté à l’exploitation économique rend méchant et cruel. Ce manichéisme nuit au propos. Mais il serait injuste de ne voir le film que de ce point de vue. Il y a aussi des bons côtés. Le film s’ouvre par exemple sur une longue explication de la situation des Mexicains. C’est une analyse détaillée de leur exploitation, de leurs difficultés et de leurs peurs. On note que par le ton, ce film peut être rapproché de Border incident d’Anthony Mann, film noir qui prend lui aussi pour point de départ le mauvais traitement de la main d’œuvre mexicaine et qui sera toruné l’année suivant. Bien évidemment il y a aussi cette capacité à saisir le moment où la foule cesse d’être la simple addition d’individualités pour devenir un monstre que plus personne ne contrôle. Mais ça c’est un thème plus commun du cinéma américain. Moins commun est de montré comment la presse manipule et façonne l’opinion, pas seulement pour faire plaisir aux puissants, mais parce que c’est la meilleure manière pour elle d’exister. 

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    Il est présenté à la police 

    C’est le second long métrage de Joseph Losey, après Le garçon aux cheveux verts tourné deux ans plus tôt et qui traitait aussi de l’intolérance et des différences. The lawless est cependant moins niaiseux. Le film et pas mal de problème et ne bénéficia pas d’un budget important. Les acteurs ne sont pas des acteurs de premier plan, et Losey laissait entendre qu’il avait eu des problèmes avec son actrice principale, Gail Russel, qui était déjà alcoolique. L’intérêt de l’interprétation vien principalement d’avoir mélanger des acteurs habitués à la logique hollywoodienne et des acteurs mexicains dont manifestement une partie d’entre eux ne sont pas des professionnels. 

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     La foule veut en découdre et va ravager les locaux du journal 

    Bien entendu, malgré ces réserves, il faut voir ce film. La mise en scène, malgré le peu de moyens est brillante, que ce soit l’aspect quasi documentaire de la récolte des tomates, ou les longs plans à la grue filmant la foule en délire, ou encore les gros plans de Paul qui traquent les souffrances et les peurs. Tout cela donne une ambiance assez étouffante et tendue. On notera que le scénario, comme la mise en scène, tente d’éviter les pièges d’une trop grande simplification. Par exemple les violences policières ne sont portées que par un seul policier, les autres sont plutôt respectueux de la loi. Ou encore la première altercation entre les jeunes Américains et les jeunes Mexicains ne prend pas tout de suite un aspect dramatique. Celui-ci ne viendra que progressivement. 

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    Ferguson se propose de réparer les dégats et de remettre en route le journal

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    Sorti en même temps un peu partout dans le monde, c’est le gros succès du moment. Il démarre d’ailleurs fort bien aux Etats-Unis. Film à gros budget, le scénario est fondé sur un best seller de Gillian Flynn qui a été traduit en français chez Sonatine. C’est Gillian Flynn elle-même qui a écrit le scénario.

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    Nick Dunne et sa femme Amy ont quitté New-York pour une petite ville du Missouri dont Nick est originaire. Intellectuels déclassés, ils traversent plus ou moins bien la crise économique qui ravage les Etats-Unis. Mais Amy a disparu à la veille de leur cinquième anniversaire de mariage. Il semble qu’elle ait été agressée, on retrouvera des traces de lutte dans la maison. Nick signale des conditions suspectes de cette disparition à la police, prévient ses beaux parents et sa sœur jumelle. Dès lors sa vie va être sous les projecteurs, et rapidement, il va être soupçonné par la police d’être à l’origine de cette disparition. Des flash-back sont là pour nous rappeler combien cette rencontre fut idyllique, tout en étant très moderne puisque le couple savait aussi s’envoyer en l’air dans les rayons d’une bibliothèque.

    On se rend compte alors que Nick et Amy avaient chacun une vie secrète. Tandis que Nick évitait de sombrer dans la dépression en baisant ses petites étudiantes, Amy se plaignait de la méchanceté et de la violence de Nick. En vérité Amy n’a pas disparu, elle monte un piège pour faire condamner Nick pour meurtre. Ce qui amène celui-i à louer les services d’un grand avocat pour éviter d’aller en prison. Nick comprend dans quel piège il est enfermé et met en scène des contre-feux qui vont conduire Amy à la faute. Celle-ci qui pourtant avait tout prévu va se retrouvre seule et désemparée, ce qui la conduira dans les bras d’un ancien amant, Desi Collins, naguère éconduit, mais toujours transi. Pour ce sortir de son propre piège, Amy sera amenée à le tuer. Cela lui permettra de dédouanner son mari et de revenir à la maison, sans qu’on sache très bien comment ce couple haineux arrivera à se supporter.

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    L’histoire entre Nick et Amy démarre comme un conte de fée moderne

     

    Il y a plusieurs approches différentes de ce film. D’un côté c’est un thriller plein de rebondissements. Mais de ce point de vue c’est assez raté. Le dernier tiers du film était monté comme une suite de séquences visant à se débarrasser au plus vite de l’histoire et de ses personnages antipathiques et encombrants. D’un autre côté c’est un démontage de la comédie du mariage à l’américaine. L’objectif étant de consommer des gestes, des corps et des objets, le mariage est un spectacle que le couple se donne, avant de tourner à la guerre ouverte entre les époux. Il y a du Strinberg. Si l’homme est un rien désinvolte, c’est tout de même la femme qui porte la responsabilité de cette guerre totale, par sa volonté manipulatrice de prendre le contrôle des corps et des cerveaux. Et même si Nick est conscient de cette violence, il ne pourra finalement qu’y céder. C’est plus qu’un pamphlet contre le mariage, c’est une disection du rêve américain de la jeune fille qui sourit et qui vise à construire un foyer, à avoir des enfants et une belle maison. Tout cette comédie qui se joue autour de l’enfant, qu’on voudrait, qu’on ne voudrait pas, dont on ne saurait quoi faire finalement est le résumé de la condition de la femme à l’âge post-moderne. Heureusement que ce scénario a été écrit par une femme, sinon on aurait pu l’accuser de mysoginie. Mais il est vrai que les hommes n’ont pas assez d’imagination, ni même de perversité pour construire des vengeances aussi scabreuses.

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    Rapidement la police va soupçonner Nick

     

    Si le film se laisse voir sans ennui, force est de constater que le scénario est bancal et déséquilibré. On l’a dit, la fin est baclée, ou plutôt elle tire à la ligne, elle aurait pu en effet intervenir au moment du retour d’Amy sans que cela change grand-chose. Mais il y a autre chose, une assez grande incapacité à développer les personnages secondaires. Que ce soit Desi Collins ou la détective Rhonda Boney, ils ne restent qu’à moitié dans l’ombre. Tout cela donne un côté hésitant au film, navigant à vue entre le thriller et l’enquête policière, et le film noir mettant en scène la fatalité de la décomposition d’un couple.  

    Ce qui domine et qui fait l’unité du film, c’est tout de même c’est le mensonge : tout le monde ment, de la famille en passant par les amis ou les membres du couple. Derrière les sourires se cahce l’hyprocrisie. Et à la moindre difficulté les masques tombent et la haine remplace l’amabilité de façade. Les médias évidemment participent de mensonge généralisé, mais le public aussi qui fait mine de se passionner pour une histoire d’amour dont il ne connait finalement rien. Amy passera ainsi de « l’épatante Amy » un personnage créé par ses parents, à la perverse Amy qui rêve de liquider son mari, à la naïve Amy qui se fait rouler dans la farine par le premier couple d’escrocs venu.

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    Nick doit donner des gages publics de son amour pour Amy

     

    Un des atouts majeurs du film ce sont ses acteurs. Ben Affleck grossi pour l’occasion est excellent dans  le rôle d’une sorte de gros nounours qui découvre peu à peu le piège dans lequel il a été enfermé. Mais Rosamond Pike aussi qui mêle une fausse naïveté et une grande perversité en même temps. Mais tous les autres acteurs sont tous très bons, que ce soit Carrie Coon dans le rôle de la sœur jumelle Margo, ou Tyler Perry, l’avocat retors et sûr de lui et bien entendu Kim Dickens dans celui de la détective qui doute d’un peu tout ce qu’elle voit.

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    Amy bricole sa vengeance dans son coin

     

    La mise en scène proprement dite pose plus de problèmes. Certes Fincher n’a jamais été un grand réalisateur, il confond souvent image bien léchée et mouvement fluide de caméra avec un style particulier et peronnel. De style il n’y en a pas, et Gone girl ressemble comme une goutte d’eau à d’autres films du même genre, des images bleutées, des lumières qui trouent l’espace nocturne, des oppositions furtives entre la maison luxueuse et les quartiers sordides où se sont regroupés les rejetés de la société de consommation.

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    Nick a besoin d’un avocat retors pour s’en sortir

     

     

    Le caractère bâtard du film, ses hésitations entre film noir, critique sociale et thriller, laisse comme un goût d’inachevé, même si on peut le voir.

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    C’est un film noir, tourné comme un western. C’est d’ailleurs cela qui lui donne un parfum étrange. Ralph Anderson revient dans la petite ville de Tula où son père est shérif et son frère adjoint. Il fait chaud et tout le monde transpire beaucoup. Mais Ralph n’y revient pas par nostalgie, c’est plutôt contraint et forcé qu’il est là, sommé par le chef mafieux Massonetti de négocier avec son shérif de père le libre accès à l’aéroport. Car en effet Massonetti est recherché par le FBI et cherche à s’enfuir. Massonetti est un homme puissant, à la tête d’une organisation dangereuse que Ralph en tant qu’avocat a servi. Cependant, en revenant à Tula, Ralph va réveiller des vieux démons. Son frère Tippy qui a épousé sa fiancée ne voit pas d’un bon œil ce retour. Son père également qui croit que Ralph a été à l’origine d’un accident, lui fait un peu la gueule. Seule Linda semble contente de le revoir. Ralph va cependant convaincre son père de laisser filer cette canaille de Massonetti. Mais à cause de Tippy qui veut se mettre en valeur, le shérif est tué. Dès lors Ralph n’aura plus qu’un seul but, remettre Massonetti dont il s’est emparé à la justice des hommes. Pour cela il va fuir Tula, dans la petite ville il ne se sent pas en sécurité. 

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    Ralph retrouve son ivrogne de frère dans le bureau du shérif 

    A partir de ce moment là le film décrit la poursuite entre les hommes de Massonetti et Ralph. Il s’agit de traverser une région des plus hostiles où les pièges et les embuscades sont nombreux. Massonetti essaie de soudoyer Tippy qui est plutôt du genre rancunier, et ce d’autant qu’il s’est bien rendu compte que sa femme avait un peu plus qu’un penchant pour son frère. Evidemement dans ce genre de poursuite, les survivants ne seront pas très nombreux, et Tippy y laissera la vie, afin de laisser la place à Ralph dans le cœur de Tina. Massonetti sera finalement arrété et on suppose qu’il sera condamné à la chaise électrique puisqu’il est notoirement l’instigateur de plusieurs meurtres. 

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    Ralph, son frère et un adjoitn du shérif essaie d’évacuer leur prisonnier vers Barstow 

    Il y a donc deux films pour le prix d’un. D’une part un film noir, avec le conflit entre les deux frères, ou entre Ralph et son père, et de l’autre la poursuite à travers un paysage désertique où toute enfructuosité est un possible piège. Le personnage de Ralph est complexe, car s’il a fini par collaborer avec la pègre, c’est parce qu’il voulait démontrer à son propre tyran de père ses talents. Pour cette ambition, il a sacrifié son amour pour Tina qui de dépit s’est marié avec le très fade Tippy. On voit qu’il est facile de transposer un tel scénario à la période de la conquête de l’Ouest quand un homme riche et puissant pouvait imposer sa loi aux autorités constituées. Il y a un petit côté Le train sifflera trois fois dans la détermination de Ralph, presque seul contre tous.

    Si la première partie du film flirte un peu avec l’univers de Jim Thompson, la seconde est plus sage et plus héroïque, tout le monde suit la voie de la rédemption, y compris Tippy qui a la bonne idée de se faire tuer. Mais ce conformisme, très américain, n’est pas très génant, plutôt un peu ronronnant. En tous les cas la dureté de l’aventure, de la course dans le désert, est tout à fait prenante.

    La fin est pleine de rebondissements, avec un piège (The trap est le titre) qui paraît se refermer inexorablement sur Ralph Anderson.

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    Le frère de Ralph est prêt à le trahir pour de l’argent

    Bien que Norman Panama ne soit pas très connu, son plus haut fait de gloire est un film avec Danny Kaye, Le bouffon du roi, la mise en scène est excellente. Cette maitrise est surtout évidente dans la première parie, celle qui se passe dans la ville. Le découpage amplifie l’efficacoité des scènes d’action en donnant de la profondeur de champ, en alternant les gros plans et les plans larges, en modifiant les angles de prise de vue au milieu des scènes d’action justement. La seconde partie est moins brillante, certes les paysages désolés sont fort bien utilisés, mais un peu comme dans n’importe quel western. 

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    Ralph reçoit un coup de fil menaçan de la bande de Massonetti 

    L’interprétation pose un peu plus de problème, un peu trop grimaçante à mon goût, mais c’est surtout Lee J. Cobb qui n’a jamais été un modèle de sobriété qui en fait des tonnes. Richard Widmark est très bien, parfois il tord un peu la bouche sur le côté pour se donner un genre, mais c’est bon dans l’ensemble. Le meilleur est sans doute Earl Holliman  qui comme à son ordinaire joue le rôle du mauvais, même si il a quelques excuses pour avoir été un rien négligé par son père. Enfin reste Tina Louise qui est un peu trop statique à mon sens et qui joue plus sur sa plastique pulpeuse que sur son intériorité. Grande, solide, c’était seulement les débuts de sa carrière. Dans le rôle d’un homme de main, on reconnaîtra Lorne Greene qui devait connaître le succès ultérieurement dans la série télévisée, Bonanza. 

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    Ralph sauvera Massonetti afin qu’il soit jugé 

    C’est donc au final une heureuse surprise, un film abouti, même si le déroulement de l’histoire est assez attendu pour les spectateurs d’aujourd’hui qui en ont vu d’autres. 

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    Ralph retrouvera à la fois l’honneur et l’amour de la belle Tina

     

     

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