• Remerciements à Jacques le Piton et Michel Bergnes 

    A travers la saga du commissaire San-Antonio, Frédéric Dard réglait quelques comptes à des confrères qu’il ne supportait pas. Parmi ceux-ci il avait pris l’habitude de prendre comme têtes de Turc, des écrivains conservateurs, catholiques et académiciens. Ils sentaient en effet un peu la poussière et la morale à trois sous. Il y en  a trois qui revienne fréquemment : Paul Claudel, François Mauriac et Daniel-Rops. Frédéric Dard a donc contribué à ce travail de démolition contre un establishment littéraire guindé et poussiéreux. En dézinguant ces auteurs très populaires, ce n’est pas seulement à une critique de ce qu’ils sont que se livre Frédéric Dard, il revendique aussi une écriture populaire, plus directe et plus chaleureuse. C’est une manière de dénoncer la cuistrerie des intellectuels qui ont pignon sur rue. Sur le plan littéraire ils leur reproche surtout d’être ennuyeux à mourir, presqu’autant que Marguerite Duras et Alain Robbe-Grillet, autres têtes de Turc.

    A travers le traitement qu’il inflige à ces académiciens, on voit que Frédéric Dard se sert de sa culture d’une manière négative, puisque s’il dénigre ces auteurs, il les a tout de même lus. D’ailleurs à quelques exceptions près, Céline, Albert Cohen, Dard se sert négativement des citations qu’il fait de ses confrères.

    Cette mauvaise manie de s’en prendre à des écrivains catholiques, académiciens et bien-pensants, commence dès le premier opus, Réglez lui son compte¸ en 1949. Et elle ne s’arrêtera pas. Bien évidemment, pour que cela fonctionne, il faut que ces écrivains aient une certaine surface médiatique, qu’ils soient connus à défaut d’être lus. Dard manifeste ainsi sa mauvaise humeur contre une littérature embourgeoisée. Les plus jeunes lecteurs ne connaissent sans doute pas ces auteurs, et il est bon de leur rappeler pourquoi San-Antonio était un peu plus que taquin avec eux. 

    Les portraits photographiques de ces académiciens bigots qu’on publie à cette époque dans les journaux se passent de commentaires. Les piques qu’il envoie à ces écrivains sont tellement fréquentes qu’on finit par comprendre qu’ils symbolisent tout ce conservatisme bondieusart que Frédéric Dard déteste. Il faut dire que dans les années cinquante-soixante, Dard ne met pas en scène sa foi catholique, bien au contraire il n’en manque pas une pour critiquer l’Eglise, ses pompes et son hypocrisie, que ce soit par le biais de la cousine de Félicie Adèle, du cousin Hector ou justement en s’attaquant aux écrivains qu’on vient de citer. Même Félicie est gentiment moquée pour son attache à la pompe religieuse, mais elle est en quelque sorte pardonnée parce qu’elle est d’une autre époque. Le plus souvent dans ces années-là il se présente comme quelqu’un qui doute très fortement de l’existence de Dieu.  Et c’est bien sûr au nom de ce doute qu’il brocarde avec la régularité d’un métronome ces trois académiciens.

    Notez que ces trois écrivains considérables par leur place dans la sphère culturelle de la France entre 1930 et 1970, sont tous les trois des grands admirateurs et laudateurs du général De Gaulle dont Frédéric Dard se méfiait beaucoup après son retour en politique[1]. Il est vrai que cette obséquiosité chez Claudel est plus tardive et qu’elle succède à des propos plus que réactionnaires dans son Ode au Maréchal Pétain. C’est mai 68 et ses suites qui emporteront ces écrivains et les mettront peu à peu au rebus de la mémoire. Leur place a été autant importante que l’emprise de l’Eglise sur la vie sociale et culturelle de la France était puissante. Les critiquer, c’est d’une certaine manière revendiquer sa modernité, une nécessaire rupture par rapport à une France assoupie et ronronnante. En somme, dans la logique de Frédéric Dard, être académicien est une circonstance aggravante à l’état d’écrivain bigot et conservateur.

    Le trouble Paul Claudel

    Ces écrivains catholiques qui ulcéraient Frédéric Dard 

    C’est la tête de Turc préférée de San-Antonio. Je ne crois pas me tromper en disant que c’est l’auteur critiqué qui est le plus cité dans la saga du commissaire. Deux choses irritent Frédéric Dard chez Paul Claudel, Le soulier de satin et son théâtre en général, mais aussi le fait qu’il ait écrit un poème au Maréchal Pétain durant l’Occupation et ensuite une ode au général De Gaulle à la Libération. Comme il n’avait pas beaucoup de goût pour les uniformes, on imagine quel effet cela lui a fait de voir cet académicien changer son fusil d’épaule pour échapper aux règlements de comptes à la Libération. Et encore à l’époque où Dard moque Claudel, en long en large et en travers, on ne connaissait pas les détails sordides des difficultés et de l’internement de Camille Claudel. Si le naturalisme de Mauriac passe encore, les prétentions modernistes de Claudel dans le théâtre sont incidemment condamnées. 

    « Vous vous en doutez, moi, derrière mon piano, je n’en mène pas trop large ; c’est un programme qui ne me séduit pas énormément et j’aimerais encore mieux assister à une pièce de Paul Claudel qu’à la petite cérémonie dont mon marchand de mort aux rats vient de parler. » Réglez lui son compte (1949), réédition Fleuve Noir, 1981, p. 89. 

    « Les deux clowns se cassent leurs instruments sur la tête et le nez énorme de l’auguste vient de s’allumer.

    Il a en outre une touffe de tifs qui se dressent à la verticale. Béru s’étouffe. Il se libère. Il coule comme un brie en pleine Brie à midi un 14 Juillet. Il dit que c’est drôle ! Il le croit ! Il préfère ça à Claudel, et il n’a peut-être pas tort. » San-Antonio renvoie la balle, Fleuve Noir, p. 176.1960.

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    « — Mon premier est une perturbation atmosphérique. Je crois que c’est orage, qu’en penses-tu ?

     — Ça me paraît valable ; ensuite ?

     — Ensuite, ça se complique, lamente le Chétif. Paul Claudel a écrit mon deuxième au maréchal Pétain, puis au général de Gaulle.

     — Ode ! dis-je sans hésiter, car j’ai une culture tellement vaste que j’envisage de faire appel à la main-d’œuvre étrangère au moment de la récolte. » Béru contre San-Antonio, Fleuve Noir, 1967, p. 10. 

    « Agir promptement, mais ne pas s’emballer. Jamais confondre chaude-pisse et première communion, c’est pas le même cierge qui coule, comme aurait dit Paul Claudel dans son ode à Pompidou. » T’es beau tu sais, Fleuve Noir, 1972, p. 227 

    « J’examine ce pauvre monde d’une œillée captatrice, comme l’écrit Claudel dans son Ode au président Mitterrand, et n’ai aucune peine, mais par contre la joie, d’aviser Bruno Formide assis près de la fenêtre dans un fauteuil, occupé à lire la vie édifiante de saint Tignasse de l’Aloyau qui fonda l’ordre des Jésuites. » Du bois dont on fait les pipes, Fleuve Noir, 1982, p. 31. 

    « Lorsqu’on se retrouve, vers le milieu de cette ménagerie, nous sommes bredouilles : Pas plus de Fan Dé Chi Choun que d’expressions argotiques dans une ode de Paul Claudel au Maréchal Pétain. », Mesdames, vous aimez ça, Fleuve Noir, 1994, p. 73.

    Evidemment ces piques répondent à la veulerie de Paul Claudel qui après s’être réjoui de la chute de la république en 1940, se félicita de son retour ! Voici ci-dessous les textes incriminés[2]. Ce n’est pas un hasard si Dard dont les premiers San-Antonio sont aussi un hommage à la Résistance, s’en prend à ce monument de la littérature. 

    Paroles au Maréchal   (poème publié le 10 mai 1941 dans Le Figaro)
     
    Monsieur le Maréchal, voici cette France entre  vos  bras, lentement 
    qui n'a que vous et qui ressuscite à voix basse. 
    II y a cet immense corps, à qui le soutient si lourd et qui pèse de tout son   poids. 
    Toute la France d'aujourd'hui, et celle de demain avec elle, qui est la 
    même qu'autrefois! 
    Celle d'hier aussi qui sanglote et qui a honte et qui crie tout de même 
    elle a fait ce qu'elle a pu! 
    C'est vrai que j'ai été humiliée, dit-elle, c'est vrai que j'ai été vaincue. 
    II n'y a plus de rayons à ma tête, il n'y a plus que du sang dans de la boue. 
    II n'y a plus d'épée dans ma main, ni l'égide qui était pendue à mon cou. 
    Je suis étendue tout de mon long sur la route et il est loisible au plus lâche de m'insulter. 
    Mais tout de même il me reste ce corps qui est pur et cette âme qui ne s'est pas déshonorée! 
    ...................................................................................................... Monsieur le Maréchal, il y a un devoir pour les morts qui est de ressusciter. 
    Et certes nous ressusciterons tous au jour du jugement dernier. 
    Mais c'est maintenant et aujourd'hui même qu'on a besoin de nous et qu'il y a quelque chose a faire ! 
    France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père. 
    Fille de Saint-Louis, écoute-le ! Et dis, en as-tu assez maintenant de la politique ? 
    Cette proposition comme de l'huile et cette vérité comme de l'or...

     

    Au général de Gaulle   (poème publié le 23 décembre 1944 dans Le Figaro).

     
    Tout de même, dit la France, je suis sortie ! 

    Tout de même, vous autres! dit la France, vous voyez qu'on ne m'a pas eue et que j'en suis sortie! 

    Tout de même, ce que vous me dites depuis quatre ans, mon général, je ne suis pas sourde! 

    Vous voyez que je ne suis pas sourde et que j'ai compris! 
    Et tout de même, il y a quelqu’un, qui est moi-même, debout ! et que j’entends qui parle avec ma propre voix !

    VIVE LA FRANCE ! II y a pour crier : VIVE LA FRANCE ! quelqu’un qui n’est pas un autre que moi !

    Quelqu’un plein de sanglots, et plein de colère, et plein de larmes ! ces larmes que je ne finis pas de reboire
    depuis quatre ans, et les voici maintenant au soleil, ces larmes ! ces énormes larmes sanglantes!

    Quelqu’un plein de rugissements, et ce couteau dans la main, et ce glaive dans la main, mon général, que je me suis arraché du ventre ! Que les autres pensent de moi ce qu'ils veulent ! Ils disent qu'ils se sont battus, et c'est vrai !

    Et moi, depuis quatre ans, au fond de la terre toute seule, s'ils disent que je ne me suis pas battue, qu'est-ce que j'ai fait ?

    Ils ont eu le goût de la bataille dans la bouche tout le temps, et moi, quand on est vivant, est-ce qu'ils savent ce que c'est que d'avoir dans la bouche le goût de la mort ?

    Il y a tout de même une chose qu'ils ne savent pas et que je sais, c'est cette étroite compagnie que je tiens depuis quatre ans avec la mort !

    C'est ce cœur qui ne fléchit pas et cette main lentement dans la nuit qui cherche une arme quelconque !

    C'est cet ennemi étouffant dans la nuit fibre à fibre qu'il faut s'arracher du corps avec les ongles !

    Et tout à coup, me voici de nouveau dans la lumière debout et mes entrailles dans les mains ainsi qu'une femme qui enfante !

    C'est le matin ! et je vois le grand Arc de triomphe tout blanc qui resplendit dans la lumière innocente !

    Et maintenant ce que les autres pensent de moi, ça m'est égal !

    Et ce qu'ils veulent faire de moi, ça m'est égal ! et la place qu'ils disent qu'ils veulent bien m'accorder, ça m'est égal ! 

    Et vous, Monsieur le Général, qui êtes mon fils, et vous qui êtes mon sang, et vous, Monsieur le soldat ! et vous, Monsieur mon fils à la fin qui êtes arrivé !

    Regardez-moi dans les yeux, Monsieur mon fils, et dites-moi si vous me reconnaissez !

    Ah ! c'est vrai, qu'on a bien réussi à me tuer, il y a quatre ans ! et tout le soin possible, il est vrai qu'on a mis tout le soin possible à me piétiner sur le cœur !

    Mais le monde n'a jamais été fait pour se passer de la France, et la France n'a jamais été faite pour se passer d'honneur ! Regardez-moi dans les yeux, qui n'ai pas peur, et cherchez bien, et dites si j'ai peur de vos yeux de fils et de soldat !

    Et dites si ça ne nous suffit pas, tous les deux, ce que vous cherchez dans mes yeux et ce que bientôt je vais trouver dans vos bras !

    Le jour à la fin est venu ! ce jour depuis le commencement du monde qu'il fallait, à la fin il est arrivé !

    Délivre-moi de cette chose à la fin, ô mon fils, que Dieu t'envoie pour me demander !

    — Et que dois-je donc te demander ? dit le Général.

    — La foi !

    Les autres ça m'est égal ! mais dis que ça ne finira pas, cette connaissance à la fin qui s'est établie entre nous !

    Le reste ça m'est égal ! Mais toi, donne-moi cette chose qui n'est pas autre chose que tout !

    Ils ont cru se moquer de moi en disant que je suis femme !

    Le genre de femme que je suis, ils verront, et ce que c'est dans un corps que d'avoir une âme !

    Ils m'ont assez demandé mon corps, et toi, demande-moi mon âme !

    Et le Général répond : Femme, tais-toi ! et ne me demande pas autre chose à mon tour que ce que je suis capable de t'apporter.
    — Que m'apportes-tu donc ô mon fils ?

    Et le Général, levant le bras, répond :

    — La Volonté !

     Comme on dit, « y‘en a qui ne chient pas la honte ! » 

    Daniel-Rops

    Ces écrivains catholiques qui ulcéraient Frédéric Dard  

    Daniel-Rops dont le véritable patronyme était Henri Petiot – apparemment il n’avait pas de lien de parenté avec ce Petiot dont on se souvient pour avoir occis une quantité invraisemblable de ses contemporains – est aujourd’hui un auteur complètement oublié. C’est le plus catholique militant des trois. Il a passé son temps à réécrire et à expliquer la Bible, à refaire l’histoire de l’Eglise. On peut dire qu’il ne survit dans les mémoires que parce qu’il est cité dans les ouvrages signés San-Antonio. Mais si Frédéric Dard continuera à s’en prendre à Mauriac et Claudel presque jusqu’à la fin de sa vie littéraire, dès la fin des années soixante, Daniel-Rops a disparu de son horizon littéraire. Il faut dire qu’après sa mort, en 1965, ses tirages déclinent, et les temps ayant changé, la pratique de la religion catholique s’étiolant, il est rapidement sorti de la mémoire collective, au point que Frédéric Dard va renoncer à s’en prendre à lui. Pourtant c’était un écrivain dont les tirages étaient véritablement astronomiques. Mort où est ta victoire fut sans doute son plus gros succès, et d’ailleurs San-Antonio le cite plusieurs fois. 

    « Je le défrime. C’est un grand gnace maigre comme un fakir, avec une figure de lavement mal digéré et des paupières bombées comme celles d’une grenouille ou de M. Daniel-Rops (de l’Académie Française par Jésus interposé). » Des gueules d’enterrement, Fleuve Noir, 1956, p. 43 

    « En sortant de piste sous les vivats, le Gros a retrouvé tout son « pep ». Il faut dire que son exploit de la soirée restera dans les annales. N'a-t-il pas réussi à avaler les œuvres complètes de Daniel-Rops traduites en italien ? Je veux bien qu'elles avaient été imprimées sur papier-bible, mais quand même ! » En peignant la girafe, Fleuve Noir, 1963, p. 66 

    Dans le passage suivant il se paye d’un seul coup d’un seul, deux académiciens en même temps. 

     

    « Si vous continuez à faire vos bouches en distributeurs d’œufs du jour, moi je vous fous un prochain bouquin dans le style Mauriac ; retenez bien ce que je vous dis ; c’est pas une menace en l’air ! Parce que, entre nous et la collection de la « Pléiade », la différence qu’il y a entre M. Daniel Rollmops et moi (la beauté mise à part) c’est qu’il sera jamais capable d’écrire un « San-Antonio ». » En peignant la girafe, Fleuve Noir, 1963, p. 195.

    François Mauriac 

    Ces écrivains catholiques qui ulcéraient Frédéric Dard 

    Pour Mauriac et Claudel, c’est un peu plus compliqué que pour Daniel-Rops. Ils ont acquis malgré tout un certain respect auprès de l’intelligentsia. Mauriac a été le compagnon de route du général De Gaulle, et il a obtenu le prix Nobel de littérature. Frédéric Dard le traite un peu moins mal que Daniel-Rops, mais il n’en souligne pas moins le côté ennuyeux et rigide du bonhomme englué dans une morale désuète. Sans doute aussi a-t-il apprécié la noirceur de ses drames plutôt que les tourments de la foi. Mais Mauriac écrit dans Le Figaro, ce qui est pour Frédéric Dard, le comble de l’ennui et de la bien-pensance. Dans la manière de s’en prendre à Mauriac, Dard rejoint Le canard enchaîné qui lui reproche de se ranger systématiquement du côté du pouvoir et d’en justifier par avance toutes les turpitudes, et elles sont nombreuses dans le gaullisme réformé d’après 1958. Le canard enchainé comparait Mauriac à une mante religieuse, à cause de sa maigreur et de sa manière de croiser les mains comme pour prier en permanence. 

    « Elle est longue, mince, blonde, avec des nichemards bien accrochés ; des yeux noisette, striés de vert ; une bouche tellement sensuelle que vous vendriez le dernier roman de François Mauriac pour vous en rendre acquéreur ; et des pommettes un peu saillantes… » J’ai bien l’honneur de vous buter, Fleuve Noir, 1955, p 26-27.  

    « Oui, j’aurais la nostalgie de ces bons contemporains. Le temps me durerait de leurs sublimes créations parmi lesquelles on compte : le Festival de Cannes ; la canne à pêche ; les romans de François Mauriac ; et le coup du père rançois ! » Les anges se font plumer, Fleuve Noir, 1957, p.148 

    « Les hommes ont toujours tendance à donner aux milieux qu’ils traversent la couleur de leurs pensées. (Oh ! ce que je l’ai réussie, celle-là ! Du Mauriac de la bonne année. Mauriac ! l’académicien qui fait penser… à quelqu’un de triste.) »Du mouron à se faire, Fleuve Noir, 1955, p. 149. 

    « J’ai dû vous la faire déjà, en ce cas mettez-la précieusement de côté et quand vous en aurez douze, adressez-les à François Mauriac qui vous enverra par retour un superbe porte-clés représentant le général Dis-heures-dix en train d’embrasser Monnerville. » Béru et ces Dames, Fleuve Noir, 1967, p. 312  

    Ces écrivains catholiques qui ulcéraient Frédéric Dard

    Curieusement, la reconnaissance littéraire tardive de Frédéric Dard le poussera vers des bondieuseries d’un autre âge qui font apparaître le Frédéric Dard des années cinquante-soixante comme finalement plus contestataire que celui des années quatre-vingt. Après s’être rallié à François Mitterrand, en 1984 il va converser avec Monseigneur Mamie, qui pourtant représente ce qu’il y a de plus intégriste chez les catholiques et en faire un ouvrage, pas drôle du tout. Digne de Daniel-Rops justement ! Mais parallèlement il n’en continua pas moins ses leçons de dévergondage dans la saga du commissaire jusqu’à la fin de sa vie en étalant une sexualité de plus en plus scabreuse. Il est vrai que dans les années quatre-vingts, l’emprise de l’Eglise sur la vie civile en France à complètement disparue. Il ira jusqu'à obtenir une audience privée avec Jean-Paul II

    ___________________________

    [1] Bien entendu Frédéric Dard n’a jamais remis en question le rôle du général De Gaulle dans la Résistance. Mais comme il était proche de Marcel Grancher, il avait adopté les idées de celui-ci sur le fait que la Résistance ce n’était pas que le général De Gaulle et les communistes.

    [2] Il n’y a que ce bourricot de Philippe Sollers pour trouver des excuses à Claudel, mais il en a trouvé aussi à l’immonde Céline. http://www.pileface.com/sollers/spip.php?article794

     
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  • L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967  

    Al Capone est un personnage qui a fasciné des générations d’acteurs et de réalisateurs. Il a été incarné par Rod Steiger, Ben Gazzara, Neville Brand, et même Robert de Niro. On peut rajouter dans les années trente, Wallace Berry et Paul Muni qui incarnaient ce curieux personnage sous des noms d’emprunt. Ici c’est Jason Robards qui s’y colle. Le cinéma n’a pas épargné ce personnage réel puisqu’il est toujours représenté comme un homme violent, hystérique et un peu fou. L’intérêt de The St. Valentine’s day massacre réside d’abord dans le fait qu’il a été réalisé par Roger Corman et qu’il se centre principalement comme le titre américain l’indique sur le massacre de la Saint Valentin qui en son temps a bouleversé l’Amérique.

     L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967 

    Pete Gusenberg est le tueur de Moran 

    Le film raconte les origines et le déroulement du massacre de la Saint-Valentin. Il est l’apogée de la lutte qui a opposé Bugs Moran et Al Capone pour le contrôle des gangs de Chicago. C’est donc un film choral, une sorte de puzzle qui présente les contradictions d’une pègre qui s’autodétruit. On va donc suivre les différents protagonistes, notamment les frères Gutenberg qui tuent pour le compte de Moran, mais aussi les petites gens qui ont été impliqués directement ou indirectement dans le massacre. Nick Sorello qui servira d’appât pour Moran et sa bande, mais aussi le chauffeur boiteux Johnny May qui y laissera la peau. Les faits sont assez bien connus, du moins dans leurs grandes lignes et ont été rapporté maintes fois à l’écran. Le plus souvent dans des films de petits budgets, sauf si on excepte Les incorruptibles de Brian qui n’est pas très bon non plus. Corman va donc mêler des scènes assez bien connues et des éléments de la vie ordinaire des gangsters plus ou moins imaginaires. Le ton se veut quasi documentaire et utilise la voix off pour commenter et faire avancer le récit. La morale restera sauve, puisque tous ces gangsters finiront mal : Capone mourra complètement fou des suites de la syphilis, Moran décédera d’un cancer en prison. Le seul élément de surprise dans le film vient du portrait détaillé de Pete Gusenberg.

     L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967 

    Une longue procession de tueurs arrose le restaurant où déjeune Capone 

    La réalisation est soignée, et la reconstitution plutôt bonne. Mais cela sent tout de même le studio et la minceur des scènes d’extérieur qui se résument à des enfilades assez étroites de rues ne permet pas au film de respirer. Les vêtements, les tissus, font trop neufs, pas assez usés pour donner du crédit à la reconstitution. La photo de Milton Krasner qui a travaillé aussi bien pour Brooks que pour Billy Wilder ou Mankiewicz, sauve le film de la débâcle.

     L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967 

    Les règlements de compte se suivent et se ressemblent 

    On préférera l’incursion de Roger Corman dans les années trente avec Machine gun Kelly, au point de se demander si Roger Corman était fait pour les gros budgets. Il y a de beaux mouvements de caméra, un sens de l’espace évident, qui montre toute l’étendue du talent de Corman. Le générique se déroule sous la neige et donne une scène remarquablement soignée.

     L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967 

    Capone veut en finir avec Moran 

    Sans doute le principal défaut du film vient d’avoir embauché Jason Robards, mince et assez grand, pour jouer Al Capone, un petit gros plutôt trapu et épais. Mais il n’y a pas que le physique qui n’est pas à sa place. Jason Robards qui est pourtant un acteur talentueux, surjoue un Capone hystérique à la limité de la débilité mentale. On se demande bien comment un tel pitre a pu devenir le maître de Chicago. Au moins on ne pourra pas dire que Corman est complaisant avec le personnage de Capone qui n’a rien d’héroïque. C’est un peu mieux avec George Segal qui est un grand acteur oublié aujourd’hui et qui ici incarne Pete Gusenberg. Les amateurs reconnaitront au fil de l’histoire Bruce Dern, jack Nicholson dans un tout petit rôle, mais aussi Leo Gordon et quelques autres habitués des films noirs aux profils de boxeurs.

     L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967 

    Des tueurs guettent l’arrivée de Moran 

    On peut déplorer la paresse du scénario quand Gusenberg écrase un sandwich sur la figure de sa maîtresse, parodiant L’ennemi public de William Wellman. Mais il y a de très bonnes scènes dès qu’il s’agit de filmer la violence.

     L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967 

    7 personnes sont assassinées le jour de la Saint-Valentin 

    Il ressort de tout cela que ce n’est pas très simple de construire un bon film à partir d’une histoire cousue main. Néanmoins on note que le film reçu un accueil public satisfaisant, mais nous qui attendons un peu plus de Corman, nous restons sur notre faim.

    L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967 

    Le vrai Capone

     L’affaire Al Capone, The St. Valentine’s day massacre, 1967 

    Le vrai massacre de la Saint-Valentin

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  • San-Antonio, Ça tourne au vinaigre, Fleuve Noir, 1956 

    A cette époque Frédéric Dard écrit beaucoup, pour le Fleuve Noir, mais aussi pour le cinéma et pour le théâtre. En 1956, il publie au moins douze romans, soit un par mois : 4 San-Antonio, 4 Frédéric Dard, 2 Kaput, 1 Marcel G. Prêtre et un Frédéric Charles. Certes ce ne sont pas des gros romans, mais tout de même… Il trouve aussi le temps d’écrire le scénario d’Action immédiate, film d’espionnage d’après Paul Kenny.

    Il est donc devenu un forçat de la machine à écrire. Dans la collection « spécial police », Ça tourne au vinaigre porte le n° 101. Il s’intercale entre deux Frédéric Dard, Délivrez nous du mal qui porte le n° 100 et qui en quelque sorte inaugure ce style si particulier que Dominique Jeannerod appelle « les romans de la nuit »., et Les bras de la nuit qui porte le n° 102, c’est dire que Frédéric Dard est devenu un des piliers du Fleuve Noir, et plus encore de la collection « spécial police ».

    San-Antonio, Ça tourne au vinaigre, Fleuve Noir, 1956  

    Ça tourne au vinaigre est situé dans le milieu de la boxe. San-Antonio assiste avec Bérurier à un combat de boxe manifestement truqué. Mais celui qui doit s’allonger se rebelle et finit par mettre KO son adversaire. Quelques temps après le manager de celui qui a refusé de se coucher est trouvé mort. On pense qu’il s’agit d’un suicide. Mais rapidement San-Antonio qui se passionne pour ce mystère qui pourtant n’est pas de son ressort, va démontrer le contraire. Dès lors les pistes vont devenir nombreuses et entraîner San-Antonio et Pinaud vers une affaire de meurtre liée à un trafic de diamants avec l’Afrique du Sud.

    C’est un San-Antonio très sage où la qualité de l’intrigue est particulièrement soignée. On le classera plus facilement dans le « noir ». Bérurier est rapidement exclu de l’aventure et finit l’histoire à l’hôpital. C’est sans doute cela qui donne un ton finalement assez sérieux à l’ouvrage. On n’assistera à aucune frasque sexuelle du sémillant commissaire, ni de ses équipiers. C’est n’enquête qui prédomine. Certes il y a un ton assez décalé, les mots d’argot fleurissent et on a droit tout de même à quelques passages où San-Antonio étale ses diatribes contre le genre humain. Du reste il apparaît assez aigre le commissaire, emmerdant le brave Pinaud comme c’est pas possible, rabaissant avec pas mal de méchanceté Bérurier en se moquant des frasques de sa femme ou encore en le confondant avec une lignée de dégénérés. Ce qui ne l’empêche pas tout de même de pleurnicher lorsque le Gros se trouve à l’hôpital entre la vie et la mort.

    San-Antonio, Ça tourne au vinaigre, Fleuve Noir, 1956  

    Il y a une facilité à décrire sobrement l’ambiance des combats de boxe, même si c’est pour tourner ce spectacle en dérision. A cette époque la boxe était sport très populaire et Frédéric Dard fréquentait les bords du ring. Il se resservira de cette expérience dans un Frédéric Dard, On n’en meurt pas, publié l’année suivante et qui reprend le même point de départ, un boxeur vieillissant doit faire face à un combat truqué.

    On voit la façon dont Dard travaillait, comme il écrivait beaucoup, il recyclait ses propres idées. D’ailleurs il fera la même chose en recyclant la même année l’idée de l’infiltration et de la trahison d’une amitié qu’on trouve dans Les salauds vont en enfer dans un San-Antonio, Fais gaffe à tes os.

    Si ce n’est pas un San-Antonio des plus drôles, c’est un très bon opus, avec des scènes marquantes, comme l’enterrement de Mario Josephini, ou la première visite chez celui-ci. Il y a pas mal d’astuces, le cadavre caché dans la chambre de bonne dont on ne peut imaginer qu’elle soit complice, ou les coups de téléphone qui résonne dans un appartement vide. Il reste une forme de nostalgie pour ce côté très parisien qui meublait les premiers San-Antonio et qui a disparu avec la destruction programmée de Paris, destruction qui explique sans doute qu’au fil du temps les aventures du commissaire seront de plus en plus exotiques, comme si Frédéric Dard transportait sa « francitude » à l’étranger.

     

    Liste non exhaustive des romans écrits par Frédéric Dard en 1956

    Sous le nom de Frédéric Dard

    Les salauds vont en enfer, SP 87 

    Délivrez-nous du mal, SP 100

    Les Bras de la nuit, SP 102

    Le Bourreau pleure, SP 109

    Sous le nom de Kaput

    Pas tant de salades, SP 92 

    Mise à mort, SP 95

    Sous le nom de San-Antonio

    Fais gaffe à tes os, SP 90 

    À tue… et à toi, SP 93

    Ça tourne au vinaigre, SP 101

    Les Doigts dans le nez, SP 111

    Sous le nom de Frédéric Charles

    La personne en question, ESP, 161 

    Sous le nom de Marcel G. Prêtre  

    La revanche des médiocres, Edition de  l’Orangerie, 1956

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  • Le tournoi, Elodie Namer, 2015  

    Pour les amateurs de jeu d’échecs, il y a dans les tournois, les parties sérieuses, une tension, une forme de suspense qui est assez fascinante. Ce jeu a ses héros, ses légendes. S’il est compréhensible qu’il ait attiré de nombreux cinéastes et quelques romanciers, les réussites dans le genre ne sont pas très nombreuses. Probablement parce que les fortes sensations qu’on peut y éprouver se transmettent difficilement par l’image et passent par la compréhension d’une position, d’une partie, des aspects très techniques finalement du jeu. Pour cette raison ceux qui envisagent de faire un film autour du jeu d’échecs le font généralement en déportant l’histoire vers des enjeux qui sont extérieurs au jeu d’échecs proprement dit. C’est ce que réussit par exemple La diagonale du fou de Richard Dembo, tout en conservant un aspect très soigné, très documentaire à son film.

    Le tournoi, Elodie Namer, 2015

    Cal arrive ivrfe à la première partie du tournoi 

    Cal est un jeune champion de France qui se rend avec ses copains de l’équipe de France et sa fiancée Lou à un tournoi international à Budapest. Plutôt indécis sur ce qu’il veut faire de sa vie en dehors des échecs, il va rapidement être obsédé par un jeune prodige hongrois, Max, qui, à neuf ans seulement semble être promis au plus brillant avenir. Le film est donc une sorte d’initiation de Cal à la vie adulte : il se débarrassera d’une partie de ses obsessions à la fin du film en laissant la victoire à Max alors que celui-ci est perdu.

    Comme on le voit la trame est assez mince et Elodie Namer a tout misé sur une forme très réaliste dans la description d’un milieu très particulier – les échecs de haut niveau. Evidemment on peut discuter à l’infini de ce réalisme parce qu’en effet il est assez difficile de croire que Cal laisse la victoire à un petit garçon qui l’a beaucoup perturbé durant le tournoi. De même les relations entre Cal et Viktor son entraîneur me paraissent assez loin de la réalité. Mais enfin, il n’est guère possible de faire un film sur les échecs sans simplifier un peu. La première difficulté d’Elodie Namer est d’équilibrer l’aspect descriptif du milieu des échecs et l’histoire proprement dite et c’est sans doute là qu’elle échoue. Ainsi on ne comprend pas très bien la profondeur des relations entre Cal et Lou, ni à quoi ces tourments servent pour faire progresser l’histoire. L’importance accordée à Viktor dans le scénario est tout autant problématique. 

    Le tournoi, Elodie Namer, 2015

     

    Pour plaire à son sponsor il se livre à une simultanée à l’aveugle 

    Le film a connu un flop retentissant, à tel point qu’on ne sait même pas quel a été le nombre de spectateurs qui l’ont vu en salle. les critiques n’ont pas été très bonnes, sauf celles qui venaient du milieu échiquéen lui-même, les joueurs d’échecs étant contents qu’on mette en scène leur jeu favori autrement que comme quelque chose de poussiéreux. Ce serait pourtant un tort de croire qu’il ne recèle aucune qualité. Les décors, l’ambiance, sont soignés. Et Elodie Namer arrive bien à faire passer cette passion ludique et dévorante pour ce jeu. C’est surtout cet aspect qui domine dans la première partie. La seconde insiste plus lourdement sur les tourments de Cal, tourments auxquels on a du mal à participer, y compris quand il se rend compte que Lou couche aussi avec son entraîneur. Le film pourtant très court, 1 h 19 avec le générique de fin, s’essouffle assez vite, un peu comme si le scénario ne trouvait plus d’issue en dehors du tournoi lui-même. Il est d’ailleurs assez significatif que les extérieurs de Budapest ne soient pas plus utilisés.

    Le tournoi, Elodie Namer, 2015 

     

    Le tournoi réunit un grand nombre d’amateurs 

    Le film étant centré sur le personnage de Cal, c’est donc l’acteur Michelangelo Passanti qui va avoir la lourde charge de porter le film sur ses épaules. Comme il joue un personnage assez taciturne, ça passe presque, mais enfin on remarque assez vite que ses expressions sont assez limitées : il joue beaucoup du sourcil et de temps en temps il sourit d’une manière un peu niaise. Il n’est pas certain qu’il fera carrière dans ce metier. Lou de Laâge est Lou bien entendu. Elle a un peu plus de métier, mais les dialogues sont assez insipides – ça parle jeune quoi – et donc mettent difficilement en valeur les talents de la comédienne. Peut-être le plus étonnant, le plus convaincant est finalement le jeune Adam Corbier qui interprète le prodige hongrois Max. il a une grande facilité à mettre en avant l’insouciance et l’arrogance du personnage qu’il incarne.

    Parmi les astuces qu’a utilisées la réalisatrice, il y a celle de faire interpréter un membre de l’équipe de France par un vrai joueur d’échecs le grand maître Fabien Libiszewski qui s’en tire plutôt bien, compte tenu qu’il n’est pas un comédien de profession.  

    Le tournoi, Elodie Namer, 2015

     

    Lou, la fiancée de Cal est aussi une très forte joueuse 

    Au total le film qui est aussi le premier film d’Elodie Namer, n’est pas très réussi, mais grâce à une bonne maîtrise technique il y a quelques bons moments, plus sans doute pour les amateurs du noble jeu que pour le commun des spectateurs. Dans les jours qui viennent on devrait avoir un autre film sur le jeu d’échecs, Le prodige, une grosse production américaine qui se base sur le match très médiatisé entre Bobby Fischer et Boris Spassky. On peut craindre le pire, non seulement parce que les acteurs ne sont que des caricatures des vrais joueurs, mais parce qu’il semble que le film se centre sur l’affrontement entre les Etats-Unis et l’URSS. Nous verrons bien. 

    Le tournoi, Elodie Namer, 2015

     

    Cal est obsédé par le jeune prodige Max 

    Le tournoi, Elodie Namer, 2015

     

    Au terme d’une partie épique Cal laissera la victoire à Max

    Le tournoi, Elodie Namer, 2015

     

     

    Le film d’Edward Zwick sort le 16 septembre 2015 

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  • La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953 

    C’est clairement un film mineur parmi les films noirs que Don Siegel a réalisés pour la RKO. Il ne dure qu’un peu plus d’une heure. Le scénario est en effet des plus convenus, même si quelques petites coquetteries viennent percuter un peu le caractère trop lisse de l’histoire. Un grand couillon, un saisonnier, George Braden est soupçonné du double meurtre de ces voisins, le vieux Morgan et sa femme. Rapidement, notamment parce que la femme de Braden commet l’imprudence de jeter dans le lac l’arme de son mari, les soupçons vont se porter sur le malheureux innocent. Finalement sous la pression de la police et pour que sa femme soit libéré, Braden va signer des aveux. Heureusement pour ce jeune couple, l’avocat Madison va croire à son innocence et va se lancer dans une enquête pour découvrir le vrai coupable. Il finira par tomber sur un vagabond, Verne, celui-ci avouera, mais rapidement avec l’aide du DA qui tient à son coupable, il reviendra sur ses aveux. Dès lors Braden va être exécuté, pendu. Et bien sûr c’est juste au moment où Madison fuit la ville à cause de ses échecs professionnels et sentimentaux qu’il aura enfin la preuve qui va permettre d’innocenter définitivement Braden.

     La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953 

    Les voisins des Morgan sont interrogés

    Le scénario est assez téléphoné, sans surprise, mais il y a quelques détails assez intéressants : par exemple l’acharnement paresseux du DA sur le pauvre Braden, ou encore la description de la méchanceté de la petite ville qui ne supporte même pas que l’avocat défende celui qu’elle considère comme le coupable définitif. Mais tout cela ne va pas bien loin.

    La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953  

    Le DA Gillespie réclame des aveux 

    Plus intéressante est la manière dont le film est mis en scène. Siegel utilise et perfectionne la technique du « noir ». Aidé par la photographie du grand John Alton, c’est bien cela qui en fait tout le prix. Je passe sur les scènes d’action qui sont fort bien conduites, mais surtout ce qui est remarquable ce sont les scènes de nuit, souvent tournées comme à l’entrée d’un tunnel, avec des effets de contraste. Il y a aussi la manière de filmer la prison avec cette débauche de barreaux qui nous fait comprendre combien cet enfermement est une lourde peine pour un innocent comme Braden. Siegel a aussi la délicatesse de passer assez rapidement sur le développement du procès Là encore – budget oblige – il va à l’essentiel, développant l’échec de Madison. La scène de rupture entre madison et Paula est aussi très sobre et tournée presque sans lumière, renvoyant l’avocat à la nuit de ses interrogations. Le bureau de Madison est d’ailleurs un lieu clos, une sorte de refuge où se développent presque librement les démons de l’homme de loi. C’est là qui recevra son ami médecin qui tente de le mettre en garde sur les risques qu’il prend à s’employer sans mesure à la démonstration de l’innocence de Braden.

     La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953

    Ellen va voir son mari en prison 

    Film de série B, les acteurs sont tous assez peu connus, mais comme toujours chez Siegel, ils sont fort bien dirigés. Macdonald Carey doit ses meilleures performances à Joseph Losey. Il jouait déjà un rôle similaire dans The lawless où il s’occupe de sauver un jeune mexicain injustement accusé d’un crime qu’il n’a pas commis et il tournera encore pour Losey dans The damned. En vérité il trouvera plus facilement du travail à la télévision. C’est pourtant un bon acteur et ici il est assez juste dans le rôle de l’avocat obstiné Madison. Teresa Wright n’apparaitra que dans quelques films et elle aussi se recycla à la télévision. Son rôle le plus important fut celui de Charlie chez Hitchcock pour Shadow of doubt. Elle fut aussi Ellen pour John Sturges dans The capture. Elle est très bien dans le rôle d’Ellen en femme enceinte et éplorée. Braden est joué par le triste John Craven. Acteur sans ressort, son absence de qualité passe parce que son personnage est celui d’un brave innocent un peu simplet qui ne comprend pas ce qui lui arrive.

    Les seconds rôles sont plus étonnants. Verne est superbement interprété par le bizarre Jack Elam dont le physique suffit à faire froid dans le dos. Et sa compagne, Gracie, est interprétée par la remarquable Adele Mara. Malheureusement celle-ci ne fera pas une grande carrière au cinéma et déploiera son talent évident à la télévision. La fausse note dans la distribution viendra de Edgar Barrier  qui joue le DA Gillespie. Il a une tête d’alcoolique mais surtout il joue un peu comme au temps du muet.  La courte carrière de Dolores Moran qui incarne fort proprement Paula la fiancée de Madison, se terminera avec le film suivant, Silver lode, d’Allan Dwan, puis il disparaîtra de l’univers de l’image animée.

    La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953 

    L’avocat Madison va finalement se charger de la défense de Braden 

    Il y a tout de même quelque chose d’intéressant dans ce film, c’est l’attention que Siegel porte aux personnages du bas de l’échelle, bien que Verne soit une crapule, il lui donne un côté humain en le montrant comme une victime des circonstances. C’est la même chose pour Gracie, elle a beau être cupide et avec peu de cervelle on comprend rapidement que sa vie a été plus que difficile. Les Braden sont eux aussi des toutes petites gens qui n’ont pas vraiment les capacités morales et intellectuelles de s’opposer aux certitudes des hommes de la loi. On se dit que Siegel finalement a raté une carrière de cinéaste engagé.

     La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953 

    La femme de Braden et la fiancée de Madison assistent au procès 

    Comme on le voit, ce film vaut le détour, sans être ni un chef d’œuvre, ni même un des meilleurs de Don Siegel. En tous les cas il vaut largement les produits plus convenus qu’il réalisera pour Clint Eastwood. 

    La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953

    Verne va avouer les deux meurtres avant de se rétracter

     La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953 

    Alors que tout semble perdu, Ellen et Madison vont trouver la preuve de l’innocence de Braden

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