•  Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961

    Dans ce film peu connu de Franju, on notera d’abord le nom de Robert Thomas qui est l’auteur de la pièce 8 femmes en noir qui a donné naissance au film de Victor Merenda sur lequel Frédéric Dard a travaillé. Pleins feux sur l’assassin repose du reste sur le même principe éculé des Dix petits nègres d’Agatha Christie. Robert Thomas aurait écrit les dialogues avec Boileau-Narcejac dont nous avons rencontré le nom très souvent en explorant la cinématographie de Frédéric Dard et celle supposée être de lui. Le film a été produit par Jules Borkon qui avait été le producteur de Les salauds vont en enfer, Toi le venin et Les yeux sans visage.

     Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961 

    Micheline arrive en Bretagne avec Jean-Marie 

    Le vieux comte de Keraudren, Chevalier de l’Ordre de Malte, se meurt et décide de se cacher dans son immense et luxueux château pour attendre la fin. Le comte ayant disparu, le notaire convoque ses héritiers qui sont sept cousins. Mais l’homme de loi prévient, si selon son médecin le comte est sans doute mort, on ne peut pas le déclarer décédé sur le plan juridique puisqu’on n’a pas découvert le cadavre. Il leur signale que le comte si on ne le retrouve pas avant ne sera officiellement mort pour la justice que dans cinq ans. Ce qui veut dire que l’héritage attendra. Entre temps et comme il faut payer pour l’entretien du château, les cousins décident de monter un spectacle « son et lumière » pour attirer des visiteurs et financer ainsi l’attente. Mais à partir de ce moment-là,  les cousins vont commencer à disparaître les uns après les autres. C’est d’abord Henri qui est électrocuté, puis c’est André qui y passe, suivi bientôt de sa cousine Jeanne dont il était secrètement amoureux. La peur commence à s’installer et les héritiers se tirent naturellement la bourre, mais Jean-Marie, aidé de la pétillante Micheline, se transforme en détective et va monter un plan très compliqué pour piéger l’assassin.

     Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961 

    Jean-Marie doit rejoindre ses cousins et donne rendez-vous à Micheline 

    Comme on le voit, c’est un scénario sans aucune originalité, un exercice de style. C’est obligatoirement et quoi qu’on en dise un film mineur de Franju, même si ici et là il peut étonner par des trouvailles intéressantes et inattendues. Pour le considérer comme un grand film, il faudrait avoir en tête uniquement la forme, et encore, même dans la manière de filmer il y a beaucoup à redire. Mais c’est la perversité de la gloire post-mortem que de croire qu’un cinéaste célèbre n’a pu faire que des chefs d’œuvre, tandis que de son vivant Franju était considéré seulement comme un petit maître. C’est un film choral, avec des portraits individuels comme des idéal-types : on aura droit à la jeune fille folle, la nymphomane, l’avare, etc. mais le personnage principal c’est le château. On sait que Franju mit très longtemps à trouver « son » château qu’il voulait comme une célébration poétique de la Bretagne dont il était originaire. C’est en effet un très beau château de La Bretesche qui ressemble à une île qui a été choisi. Certaines scènes d’intérieur ayant été tournées ensuite au château de la Goulaine. Cependant l’application dans la manière de filmer fait rapidement ressembler le film à un dépliant touristique. Ce sentiment est d’ailleurs renforcé par la surcharge des scènes du spectacle « son et lumière ». Ces dernières apparaissent comme un dérivatif, une manière de combler l’insuffisance du scénario. Mais on peut supposer que c’était là une manière de donner un air de modernité à l’ensemble. 

    Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961 

    Tous les cousins sont réunis sous la houlette du notaire 

    Du reste le film court après l’idée de modernité : c’est notamment le couple Jean-Marie-Micheline qui va la représenter. Ils arrivent en effet dans une décapotable rutilante qui, je le suppose, était l’image d’une France en voie de modernisation rapide. On verra rien de la Bretagne profonde de cette époque, à peine au début nous verrons une femme âgée et toute de noir vêtue se débattre avec sa volaille. La modernité est aussi représentée par les instruments qui permettent la mise en œuvre du spectacle. Ce qui aujourd’hui ne peut guère surprendre. Les femmes sont présentées comme étant sur le chemin de l’émancipation. Elles portent des pantalons, conduisent des voitures et prétendent même décider en lui et place des hommes. La pétulante Micheline n’en fait qu’à sa tête sous le regard admiratif de Jean-Marie, mais la belle Edwige drague ouvertement le palefrenier qui l’envoie pourtant promener, n’étant pas habitué à être choisi par une femme. 

     Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961 

    L’ingénieur explique comment le son et lumière est conçu 

    Mais à côté de ça, on retrouve des traces du savoir-faire de Franju. Par exemple dans son attention aux animaux. C’est le cheval qui n’est pas bien traité, et ce sont surtout les oiseaux qui ont un comportement très particulier. Bien avant Hitchcock et son film Birds, Franju filme des oiseaux agressifs, Jeanne sera renversée dans les escaliers par un hibou, et des corbeaux se suicident en apparence dans la haute tour du château. Peut-être que Franju avait lu l’ouvrage de Daphné du Maurier ? Ce savoir-faire est très présent aussi dans cette manière de filmer les escaliers en colimaçon. Franju tente aussi de donner un peu de légèreté et de l’humour : par exemple l’ecclésiastique qui fait de la radiesthésie, ou encore l’enterrement très rythmé et presque joyeux accompagné par la chanson de Brassens, Les funérailles d’antan. Mais on ne peut pas dire que ce soit dans ce registre  qu’il soit le plus à l’aise. C’est d’ailleurs le seul film de Franju qui va dans ce sens. La très belle photo est signée Marcel Fradetal, un vieux complice de Franju avec qui il a travaillé sur pas moins de 4 longs métrages, dont le magnifique Judex, et 7 courts métrages. 

    Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961 

    Des bruits de pas dans le château 

    Dans un film choral, la distribution doit être soignée. Ici les acteurs sont bons, car Franju dirigeait toujours très bien, mais ils manquent de charisme et de notoriété. Pierre Brasseur, dont c’était la troisième apparition dans un film de Georges Franju, a seulement un petit rôle, il n’apparait que quelques brefs instants, le temps de mourir dès le début du film. Le film conducteur c’est Jean-Marie, incarné par Jean-Louis Trintignant. Il est très bon et sauve quelque part le film de l’ennui. Dany Saval est la pétulante Micheline. Elle était spécialisée à cette époque dans les rôles de jeunes filles drôles et délurées. Les autres acteurs n’ont rien de remarquables. Pascale Audret est la fragile Jeanne, Marianne Koch qui tournera ensuite avec Sergio Leone, hérite du rôle de la sulfureuse Edwige. Rappelons qu’à cette époque il était assez fréquent de présenter les Allemandes comme des femmes très chaudes et décomplexées dans le choix des hommes qu’elles prétendaient croquer. On trouve ça dans de très nombreux San-Antonio. Les autres acteurs ne font que passer. Y compris Lucien Raimbourg, le cousin de Bourvil, qui est toujours très juste dans ces rôles de vieux bougons, rusés et fourbes. Philippe Leroy-Beaulieu qui fera par la suite une belle carrière en Italie est aussi très bien dans le rôle d’André. Mais il meurt assez rapidement, comme Gérard Buhr qui est le premier à se faire occire. Plus étonnant est sans doute le danseur Jean Babilée dans le rôle de Christian. Mais on n’y trouvera rien à redire.

     Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961 

    Micheline et Jean-Marie explore le château 

    Le film n’aura aucun succès, ni critique, ni public. Si Les yeux sans visage avait eu un faible succès en France, il avait eu tout de suite une reconnaissance internationale qui compensait. Ce ne fut pas le cas de Plein feux sur l’assassin. C’est un film qu’on exhume maintenant parce qu’il est signé Franju. Il se trouve maintenant en Blu ray. Au moins le numérique sert-il à cela : on peut produire et diffuser un film dans une bonne qualité avec des coûts assez bas. Ce qui nous permet de voir et de revoir des films anciens sur lesquels on était passé sans doute un peu vite dans le temps.

    Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961 

     Jean-Marie guette 

    Comme je l’ai laissé entendre tout au long de cette chronique, ce n’est pas un très bon film, surtout pour Georges Franju dont on attend un peu plus. Mais peut-être me laissé-je abuser par le peu de goût que j’ai manifesté pour les formes héritées du roman de détective à la manière d’Agatha Christie. Il se voit évidemment sans déplaisir, ne serait-ce que par le rappel de ce qu’était le cinéma de ces années-là, et nous laisse le temps d’apprécier la rigueur de la mise en scène comme le château dans lequel le film est tourné, cependant il laisse une impression de vide qui ne se dissipe pas.

     Pleins feux sur l’assassin, Georges Franju, 1961 

    Jean Marie a coupé la sous-ventrière du cheval d’Edwige  

    Pour terminer, notez que, la même année, Trintignant participa à un autre film du même type, Le jeu de la vérité de Robert Hossein, film soi-disant écrit par Robert Chazal, qui connut un succès public plus important cependant.

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  •  Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957

    Lorsque le DVD de ce film est sorti en 2012, un communiqué de la Gaumont avançait que sur ce film Frédéric Dard avait travaillé aussi bien en tant que scénariste qu’en tant que dialoguiste, parmi quatre autres personnes. Evidemment on se pose la question si une telle idée est plausible ou non. C’est un exercice un peu difficile dans la mesure où il y a plusieurs personnes qui ont travaillé au scénario et aux dialogues, et toutes ces personnes sont connues, avec très souvent un CV conséquent. Le thème de cette histoire fait penser à plusieurs ouvrages, que ce soit Sunset boulevard dont Frédéric Dard avait écrit la novellisation sous le nom d’Odette Ferry[1], ou que ce soit Les yeux pour pleurer, ouvrage cette fois signé Frédéric Dard[2].

     

     Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957 

    Par ailleurs nous savons que Frédéric Dard a adapté plusieurs ouvrages de James Hadley Chase pour la scène, Pas d’orchidée pour Miss Blandish, La chair de l’orchidée et sans doute, sans qu’on en soit pas absolument certain, Traquenard[3] sous le nom de Frédéric Valmain. A lire l’œuvre de Frédéric Dard, on sait aussi qu’elle doit beaucoup à James Hadley Chase qu’il présentait un peu comme son maître et qu’il a rencontré à plusieurs occasions. C’est très clair dans les premiers San-Antonio, mais aussi dans les Kaput, et même dans les aventures de l’Ange Noir. En vérité Chase est aussi soupçonné d’être un prête-nom pour Graham Greene[4]. Du mouron à se faire[5], signé San-Antonio est dédicacé à James Hadley Chase. Il y a donc une vraie proximité entre l’œuvre de Chase et celle de Dard : le cynisme des protagonistes, le goût pour la violence et une certaine brutalité sexuelle. Dard et le Fleuve Noir utilisaient sans vergogne cette proximité comme un argument publicitaire chaque fois qu’ils le pouvaient. Il est d’ailleurs curieux que Boileau et Narcejac qui définissaient le genre policier, détestaient Chase, qu’ils confondaient d’ailleurs avec le roman noir américain, et en même temps adoraient Frédéric Dard qu’ils considéraient un peu comme leur disciple[6].

     Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957

    Philippe Delaroche est un modeste employé de banque, un peu opportuniste et fêtard. Voilà qu’un jour sa banque l’envoie livrer une automobile à la richissime madame Stella Farnwell. Après avoir extorqué une remise pour son propre compte auprès du marchand de voitures, il s’en tire devant madame Farnwell en prétendant qu’il l’a négociée pour elle. Il plaît à la riche veuve qui va décider de faire de Philippe le gestionnaire attitré de son compte. Travaillant de plus en plus souvent au domicile de la riche veuve, il ne va pas tarder à la séduire, ou plutôt c’est elle qui s’en amourache et décide de mettre le paquet pour l’avoir tout à  elle. Elle va l’épouser, mais Philippe, s’il accepte de devenir milliardaire, se sent tout de même un peu gêné par la différence d’âge. En vérité il est attiré par la jeune secrétaire de madame Farnwell, la belle et délurée Eve. Mais celle-ci, bien qu’elle joue la comédie de l’amour avec le mari de Stella, a déjà un amant ce qui rend Philippe très jaloux. Elle va le pousser à tuer sa femme en lui promettant qu’elle partira avec lui. Philippe monte ce qu’il croit être un crime parfait en maquillant la mort de Stella en accident. Malgré les nombreuses difficultés, il aura gain de cause et son alibi semble très solide. Il a fait croire à ses amis qu’il était dans la maison pendant que Stella avait un accident. Cependant les choses ne sont pas aussi idylliques qu’elles le devraient. Lors de l’ouverture du testament, il apparaît que Stella a tout légué à son fils, Bob, qui n’est autre que l’amant d’Eve ! Philippe n’aura qu’une petite rente mensuelle qui lui permettra seulement de vivoter. La surprise est de taille car non seulement il a tout perdu, mais en outre il se rend compte qu’Eve va se marier avec Bob. Entre temps la police commence à se poser des questions sur l’accident et l’inspecteur Malard soupçonne même que Philippe est bien à l’origine de la mort de Stella. Ce dernier va provoquer un rendez-vous avec Eve à qui il propose d’abandonner l’argent et de partir avec lui.  Mais elle refuse et ne veut voir que le fait qu’elle est prête à mettre la main sur une fortune colossale. Philippe se dénonce alors à la police mais Eve le tue et il tuera Eve.

    Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957  

    Stella épouse Philippe 

    Le film est assez fidèle au livre, bien que celui-ci soit sensé se passer en Californie, et que le héros, Chad Winters, est beaucoup plus arrogant et violent. On note également que dans le roman la riche Vestale n’a pas de fils, que sa laideur remplace son grand âge et que la belle Eva a un mari qui se moque d’elle presqu’au grand jour.

    L’ensemble du film est fait d’emprunts nombreux aux grands films noirs américains. Sunset boulevard bien sûr, non seulement parce qu’une femme vieillissante s’amourache inconsidérément d’une sorte de gigolo sans le sou et cynique, mais aussi dans les détails de l’usage de l’automobile (le pneu qui éclate) et du cinéma privé, et encore cette façon dont Stella habille Philippe dans de luxueux costumes. Bien entendu, ici ce n’est pas une jeune fille naïve dont le héros tombe amoureux, mais plutôt d’une garce manipulatrice qui ne vise qu’un seul but, l’argent. De The postman always rings twice, le scénario reprend le faux accident de voiture, aussi bien le surgissement de Philippe derrière Stella que la chute dans le vide de Philippe. Cet accident se trouve dans le roman de Chase, mais on sait que Chase  a eu de nombreux procès pour plagiat, et notamment de la part de James M. Cain[7]. Il est donc clair que l’ensemble se veut « dans la tradition ». D’autres éléments sont plus facilement identifiables comme des apports personnels de Frédéric Dard. Philippe est en effet un homme faible qui oscille entre une femme maternelle et une femme qui garde tout son sang-froid et qui le transforme en marionnette. C’est un peu la même trame que L’étrange monsieur Steve. Et d’ailleurs Philippe est comme Georges Villard un petit employé de banque à qui sa camarade de bureau fait les yeux doux, mais qu’il ne veut pas regarder, dévoré qu’il est d’ambitions contradictoires. C’est un velléitaire qui n’arrive qu’à concrétiser des petites combines minables. On remarquera que l'idée de livrer une voiture à une riche personne se trouve aussi dans J’ai bien l’honneur de vous buter[8], ouvrage signé San-Antonio. Remarquez également que ce type de trio, est semblable encore à celui des Yeux pour pleurer, déjà cité ci-dessus.  Tout cela fait tout de même beaucoup de proximités avec l’œuvre de Dard pour qu’il ne s’agisse que de coïncidences. Ajoutons qu’un homme qui se retrouve entre deux femmes sur la Côte d’Azur dans une maison luxueuse – et l’une qui lui montre ses seins – c’est bien la trame de C’est toi le venin, roman que Frédéric Dard publie en 1957, soit la même année que la réalisation du film Une manche et la belle. Le thème de ce livre est aussi assez semblable à un autre roman, Le fric, signé Marcel G. Prêtre, publié en 1983 au Fleuve Noir[9]. Dans ce dernier roman, dont le style cynique et désabusé rappelle à la fois Dard et Valmain[10], le héros est un modeste employé de banque qui va gravir un à un les échelons de la criminalité, à travers les femmes qu’il manipule.

     Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957 

    Philippe découvre les charmes de la belle Eve 

    Henry Verneuil est déjà à cette époque très connu, il a obtenu des succès publics très importants, il a déjà fait 5 films avec Fernandel, un avec Jean Gabin, et tous ont connu des recettes colossales. Certes il n’est pas très apprécié de la critique – ça ne changera d’ailleurs pas tout au long de sa carrière. Il a donc accès à des budgets importants, ce qui lui permet de palier souvent son manque de technicité par une belle photographie et des décors luxueux qui donnent au film un aspect glamour qu’on ne trouvait pas si souvent à l’époque dans les films noirs à la française. Ce sera donc un film assez travaillé avec des décors de grande qualité. Il y a une application évidente à filmer « propre », en choisissant des angles de prise de vue qui donnent de la profondeur de champ. Il n’y a cependant aucune audace formelle – sauf peut-être les seins de Mylène Demongeot quoi qu’il puisse s’agir des seins de sa doublure[11]. Le film se referme rapidement sur une sorte de huis clos entre les trois protagonistes, avec le but de faire ressortir une tension qui s’appuie sur le désir que les uns et les autres manifestent. Stella désire Philippe qui désire violemment Eve  qui, elle, ne désire que l’argent, Bob étant vraiment trop laid pour susciter un semblant de désir. Il y a un côté intimiste assez bien venu et une absence de morale qui est assez rare chez Verneuil.

     Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957 

    Stella a des soupçons 

    Les acteurs sont très bons. Henri Vidal est ici à son sommet, tout en désinvolture renfrognée, séducteur naïf et vindicatif. C’est un habitué du cinéma de Frédéric Dard comme on l’a déjà vu. Beaucoup ne l’aiment pas, il est vrai qu’il est parfois un peu théâtral, ce qui n’est pas le cas ici. Mylène Demongeot est excellente également. Elle représente ce  mélange de froideur et de sensualité tout à fait en accord avec l’esprit du film noir. Elle se paiera même le luxe de devenir émouvante lorsqu’elle explique à Philippe qu’elle le conservera tout de même comme amant, alors qu’il est pauvre et fauché ! Sans doute a-t-elle manqué une carrière de plus grande importance.  Isa Miranda est le dernier membre de ce trio infernal. Comme à son ordinaire, elle est très bonne dans ce rôle de femme mûre, riche et désœuvrée à la recherche d’une passion qui lui réveille les sens et lui redonne un peu de jeunesse. Les seconds rôles sont un peu moins intéressants, à commencer par Alfred Adam dans le rôle de l’inspecteur Malard qui cabotine gentiment. Seule ressort un peu du lot Simone Bach dans le rôle de la douce Sylvette qui aimerait bien que Philippe s’intéresse un peu à elle. Elle est un peu le pendant de Mireille dans L’étrange Monsieur Steve.

    Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957  

    Philippe demande des comptes à Eve 

    Il y a peu de scènes qui ressortent, et trop souvent cela ressemble un peu à un dépliant touristique : les ballades en gondole avec les chansons italiennes sont très convenues, la place Saint-Marc, tout le monde connait ça. Mais peut être que pour l’époque – nous sommes à la fin des années cinquante – cela permettait un dépaysement qui pouvait ajouter de l’intérêt à l’intrigue. On n’en était pas encore au tourisme de masse. La Côte d’Azur pas encore entièrement bétonnée devait avoir un certain attrait. Le suspense à propos du montage d’un crime parfait (y arrivera-t-il ?) est assez vite éventé et un peu artificiel il me semble. Ça manque tout de même de rythme. La course automobile entre Eve et Philippe n’a pas de fluidité et les transparences sont assez médiocres, mais on ne savait pas trop filmer à l’époque les courses-poursuite.

    Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957  

    L’éclatement du pneu de sa voiture donne l’idée à Philippe 

    Le succès de ce film, sans être médiocre, sera assez moyen pour Henri Verneuil, un peu moins d’un million et demi de spectateurs en France, sans doute est-ce cela qui l’éloignera par la suite du film noir proprement dit. Une manche et la belle se voit et se revoit avec plaisir contrairement à beaucoup d’autres films d’Henri Verneuil que l’usure du temps à rendu impropres à la consommation. L’univers de Chase est assez bien retranscrit, quoique cela manque un peu de cruauté.

     Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957 

    Philippe poursuit Stella qui ne peut lui échapper

    Une manche et la belle, Henri Verneuil, 1957  

    Eve a peur que Philippe ne la dénonce 

     


    [1] Amiot Dumont, 1951.

    [2] Fleuve Noir, « Spécial police », 1957

    [3] Adapté de la première partie du roman Traquenards paru en 1948 aux éditions du Scorpion sous le nom de Raymond Marshall.

    [4] Je ne connais pas assez ses deux auteurs de manière précise pour me prononcer de manière formelle. Il y a plusieurs ouvrages qui laissent entendre en tous les cas que les Chase sont de la plume de Greene, par exemple Robert Deleuze, A la poursuite de James Hadley Chase, Presses de la Renaissance, 1992 et plus récemment Thierry Cazon et Julien Dupré, L’étrange cas du Docteur Greene et de Mister Chase, Editions du Lau, 2014. http://alexandreclement.eklablog.com/thierry-cazon-julien-dupre-l-etrange-cas-du-docteur-greene-et-de-miste-a114845018 

    [5] Fleuve Noir, « Spécial police », 1955.

    [6] Voir par exemple sous la plume de Thomas Narcejac, La fin d’un bluff, Le Portulan, 1949.

    [7] Pierre Agostini, James Hadley Chase, le maître de l’inexorable, Profil, 2015.

    [8] Fleuve Noir, 1966.

    [9] Dans cet ouvrage on y retrouve aussi également des histoires de Rolls-Royce, comme dans Histoires déconcertantes, Fleuve Noir, 1977, ouvrage signé Frédéric Dard et dans La cinquième dimension, Fleuve Noir, 1968, ouvrage signé Marcel G. Prêtre. Sans doute cet ouvrage a-t-il été publié en Suisse à la fin des années cinquante ou au tout début des années soixante, sans que je n’arrive à en retrouver la trace. En prime il y a le portrait d’une jeune femme infirme d’un bras.  

    [10] Sous le nom de Frédéric Valmain comme sous celui de James Carter d’ailleurs.

    [11] Mylène Demongeot dans son livre de souvenirs, Mes monstres sacrés, Flammarion, 2015, affirme que Verneuil l’a doublée pour cette scène trouvant ses seins un peu trop petits. Elle signale également que le film fit un petit scandale à cause des affiches qui sur les Champs Elysées montraient son dos nu. 

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  •  Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962

    Gérard Oury avant de devenir l’auteur de comédies à succès appartenu à l’univers de Frédéric Dard. Il a été acteur dans Le dos au mur, et il a mis en scène La menace d’après un ouvrage de Frédéric Dard, Les mariolles. Ce film avait connu un succès estimable, sans qu’il soit un triomphe[1] On trouve aussi son nom au générique d’Un témoin dans la ville. Jusqu’à ce film à sketches, Le crime ne paie pas, il n’a pas obtenu de francs succès. Il va donc changer de registre et s’éloigner du film noir. Il monte en 1962 ce film en coproduction avec l’Italie, et avec une distribution de grande qualité. Le film est en outre inspiré d’une bande dessinée célèbre écrite par Paul Gordeaux. C’était une époque où France-Soir était le journal le plus lu de France il tirait à des millions d’exemplaires. Deux bandes dessinées verticales encadraient la partie distraction du quotidien : d’un côté les amours célèbres et de l’autre le crime ne paie pas. San-Antonio dessiné par Henry Blanc trouvera à s’y faire une petite place entre les deux. L’entreprise se développe donc sous la bannière d’une culture populaire alors en pleine expansion. Le film se compose de quatre histoires qui reflètent le crime à travers les âges. On passe ainsi de la Venise du XVème siècle à l’affaire Clovis Hugues qui a réellement existé, à l’affaire Feynairou qui s’appuie là encore sur un fait divers qui s’est passé dans les années 1880, et enfin on en arrive au XXème siècle avec une histoire cette fois inventée par Frédéric Dard. L’ensemble est assez plaisant quoique manquant un peu de profondeur, Gérard Oury insistant sur l’ironie hasardeuse qui fait capoter les crimes parfaits les mieux conçus. La cause de ces désordres est le plus souvent la jalousie.

      Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962

    L’homme de l’avenue est le titre de la partie scénarisée par Frédéric Dard, partie dont il tirera un roman intéressant, légèrement différent du film du moins dans la tonalité. C’est une histoire originale qui ne s’appuie pas comme dans les autres sketches sur un fait divers plus ou moins véridique. Le point de départ est celui d’un homme, Robert Williams officier anglais du SHAPE, qui veut rejoindre amis et sa famille pour le réveillon du jour de l'an, mais sur sa route il va croiser un homme qui se jette littéralement sous les roues de sa voiture. Bien que le choc ne soit pas violent l’homme décède. Après les constats d’usage, Robert Williams qui culpabilise tout de même un peu propose à la police de prévenir la femme de  Marsais. En chemin il croise Hélène, justement la cause de la dispute entre les époux Marsais, mais Lucienne Marsais n’est pas chez elle. Du fait de la violente dispute, elle s’est retrouvée à se saouler dans un bar chic d’où le barman n’arrive plus à la faire partir. Bon âme, notre officier du SHAPE va la récupérer et la ramener chez elle. Comme elle est dans un état d’ivresse avancé, il n’arrive pas à lui annoncer la mort de son mari. Mais il reçoit un pneumatique signé de Philippe Marsais, adressé à Lucienne Marsais, qui dit qu’il est hospitalisé après un accident sans gravité. Comment un homme mort pourrait-il avoir adressé un pneumatique à sa femme ? Devant cette énigme, Robert Williams va mener en quelque sorte l’enquête, notamment en pistant l’assistante de Marsais qui est aussi sa maîtresse. Celle-ci qui n’est pas au courant de la mort de son amant le cherche également. Lorsque Williams lui annoncera la triste nouvelle, elle avouera qu’ils avaient manigancé un faux accident de façon à avoir un alibi. Pensant que Lucienne Marsais se mettrait à boire, ils avaient empoisonné les glaçons de façon à faire croire à un suicide et il songeait ensuite déposer une ampoule de poison cassée à côté de son cadavre. Plus de peur que de mal, Lucienne Marsais a utilisé les glaçons pour tenter de sortir de son ivresse.

    Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962  

    A partir de ce scénario Dard va écrire un roman. Le point de départ est une vieille idée qu’il avait utilisée dans Ne raccrochez pas, un ouvrage signé Yvan Noé[2] : à savoir l’alibi qui provient d’un accident de voiture provoqué. Le roman diffère du film parce qu’il est plus centré sur l’organisation du réveillon du jour de l’an et l’attente de cette fête. C’est un peu le pendant de l’obsession dardienne de la nuit de Noël. Dard en effet a souvent traité de la nuit de Noël, aussi bien dans ses romans – Le monte-charge – que dans les articles qu’il écrivait pour des journaux lyonnais. Robert Williams a hâte de retrouver sa famille et ses invités, mais il est sans cesse retardé par les nécessités qui découlent de l’accident. Le héros est dans le roman un américain, et non un anglais, ce qui semble lui donner un peu plus de prestige. Comme le roman est écrit à la première personne, il aborde un ton plus mélancolique et plus intimiste. Dans le film il ne semble guère se préoccuper de son retard, il ne prend même pas la peine de téléphoner pour s’expliquer. Mais il est vrai qu’il ne s’agit que d’un sketch qui dure à peine plus d’une demi-heure, et donc qu’il n’y a guère de place pour les digressions.  Frédéric Dard avait sans doute plus de liberté pour l’écriture du roman que pour celle du film. L’écriture est excellente, à la fois précise et sèche, mais aussi avec cette capacité de créer une atmosphère ouateuse avec une grand économie de mots. Toutefois ce n’est pas ce qu’il a publié de mieux sous son nom dans la collection « spécial police ».

     Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962 

    Robert Williams vient de renverser un passant qui semble s’être jeté sous sa voiture 

    Le film est proprement réalisé. Trop souvent vu comme un réalisateur de comédies au succès facile à l’aide de bons comédiens, Oury est rarement salué comme un bon technicien. Et pourtant, ici sa maîtrise saute aux yeux. Tourné en écran large, il a bénéficié de moyens très importants. Oury utilise parfaitement la profondeur de champ et donne de l’emphase à l’ensemble des quatre histoires. Pour L’homme de l’avenue, il utilise un noir et blanc très contrasté qui donne un aspect très film noir tout en conservant le brillant des films plus modernes. Il réussit également à utiliser les décors de Paris et de sa banlieue alors que la plupart des scènes se passent la nuit. Le rythme est très soutenu, on peut sans doute déplorer l’insistance des scènes qui marquent l’extrême ivresse de Lucienne.

     Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962 

    A la morgue 

    Comme dans les autres sketches l’interprétation est très bonne. Le rôle principal est tenu par Richard Todd, acteur britannique qui tentait à cette époque de faire une carrière internationale. Il est très bien dans la manifestation de cet étonnement qu’éprouve un officier anglais un peu raide lorsqu’il se trouve confronté à la société française. On apprécie assez lorsqu’il dit « Je suis intelligent, enfin, pour un Anglais » ! Ça c’est du Dard tout craché ! Le rôle de Lucienne est dévolu à Danièle Darrieux dont c’est la deuxième apparition dans une histoire de Frédéric Dard, la première c’est dans Les bras de la nuit[3]. Mais il y a d’autres acteurs, à commencer par Louis de Funès qu’on retrouve encore une fois dans une histoire de Frédéric Dard. Il n’a qu’un petit rôle, mais il lui donne du punch, surtout lorsqu’il s’efforce de parler anglais ! Perrette Pradier joue le rôle d’Hélène, la maitresse de Marsais, elle aussi est proche de l’univers de Frédéric Dard, elle avait tourné dans Les scélérats sous la direction d’Hossein, et également dans Le jeu de la vérité. Elle est très bien.  Il y a encore Michel Lonsdale dans le rôle sinistre et glacé d’un employé de la morgue. Et Christian Marin qui deviendra un des subalternes de Truchot dans la série des « Gendarme de Saint-Tropez ».

     Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962 

    Le barman demande à Robert d’évacuer madame Marsais 

    La manière de construire le film utilise un procédé assez astucieux : Marsais qui participe directement à l’histoire de L’homme de l’avenue apparait dans les autres sketches, dans un rôle passif, il assiste à la projection des trois premières parties avant d’aller se créer un alibi pour le bon déroulement du quatrième sketch, un peu comme s’il apprenait des leçons pour son crime futur ! C’est lui qui est le début – il entre dans le cinéma où on projette Le crime ne paie pas – et il boucle le film en étant le sujet principal du dernier sketch. C’est une forme de prise de distance d’avec son sujet et donc une manifestation ironique sur le hasard et ses destinés.

    Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962  

    Lucienne a trop bu 

    Le film a été un bon succès commercial, bien que sa sortie ait été programmée au mois de juillet 1962. Il a également réalisé de très bons scores en Italie et à l’étranger. C’est un film très agréable à regarder, le sketch L’affaire Hugues avec Michèle Morgan est sans doute le meilleur des quatre, bien que l’ensemble soit assez homogène. Mais ce n’est pas une contribution majeure de Frédéric Dard au 7ème Art.

    Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962  

    Robert demande des comptes à Hélène

     Le crime ne paie pas, Gérard Oury, 1962 

    Lucienne s’est collé de la glace pour dissiper son ivresse

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/la-menace-gerard-oury-1960-a114844968

    [2] Editions de l’Arabesque, 1958. Si on connait assez bien les détails de la « collaboration » entre Dard et Marcel G. Prêtre, on ne sait presque rien des relations entre Dard et Yvan Noé. On en est donc réduit à des hypothèses. Mais certains des ouvrages signés Yvan Noé sont bien trop proches du style et de la thématique de Frédéric Dard pour que l’on pense qu’il a écrit encore une fois des ouvrages qu’un autre à signé. Par ailleurs Yvan Noé est crédité d’être le scénariste d’un film signé Victor Merenda, Le cave est piégé, film dont le scénario est probablement de Frédéric Dard.

    [3] http://alexandreclement.eklablog.com/frederic-dard-les-bras-de-la-nuit-fleuve-noir-1956-les-bras-de-la-nuit-a117220592

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  • L’accident, Edmond T. Greville, 1963

    C’est une des deux adaptations d’un ouvrage de Dard par Gréville[1].  Le roman rebrasse les thèmes récurrents des romans noirs publiés en « Spécial Police ». Le trio est encore une fois formé d’une jeune fille qui s’en vient perturber un couple un peu vieillissant qui sombre dans l’alcool et la déchéance physique et morale. C’est un film à petit budget qui sera produit par le curieux José Benazeraf, lui qui avait déjà été à l’origine de La fille de Hambourg. A cette époque Gréville que Bertrand Tavernier tient pour un très grand cinéaste[2], n’arrivait plus à trouver des financements. Il avait également des problèmes d’alcoolisme importants. L’accident sera d’ailleurs son ultime film, il décédera à soixante ans. C’est un réalisateur qui avait commencé une carrière assez cosmopolite avant la guerre, en Angleterre notamment, et qui manifestait comme Frédéric Dard un goût certain pour le noir et le fantastique. Son film Les mains d’Orlac connut un bon succès d’estime. Le thème de ce film est d’ailleurs très proche de l’univers fantastique de Frédéric Dard. Gréville ne connut cependant que des succès très passagers comme par exemple Le port du désir avec Jean Gabin. 

      L’accident, Edmond T. Greville, 1963

    Françoise, jeune institutrice, est nommée, pour son premier poste, en Bretagne sur une île désolée, sombre et glacée où les habitants ressemblent un peu à des fantômes. Elle se sent mal accueillie, aussi bien par les habitants que par le couple qui habite l’école : le mari étant le deuxième instituteur. Ce couple se déchire ouvertement et sombre dans l’alcoolisme. Mais après ces moments d’hésitation, c’est un véritable triangle qui va se mettre en place. Julien, le mari délaissé, se tournera vers Françoise pour en faire sa jeune maîtresse. Celle-ci cédera notamment parce qu’elle se sent très seule. Mais le trio va se déchaîner, Andrea veut tuer Françoise, et Julien veut tuer Andrea. Tout cela finira très mal et Françoise retournera sur le continent.

    L’accident, Edmond T. Greville, 1963  

    Françoise téléphone à l’école 

    Le scénario est une adaptation de Frédéric Dard lui-même. Il suit parfaitement la trame de l’ouvrage du même titre. Cependant plusieurs changements ont été opérés. D’abord l’histoire est maintenant située sur une île en Bretagne, alors que le roman était situé dans l’Ardèche, département dans lequel la première épouse de Frédéric Dard avait travaillé. Le village s’appelle Glunois, ce qui n’existe pas, et qui semble dériver de Glun. C’est d’ailleurs elle qui a servi de modèle non seulement à L’accident, mais aussi de San-Antonio chez les gones[3] : en quelque sorte une version noire et une version rose de la même situation. Ce dépaysement vers la Bretagne change tout. Elle donne à l’histoire un côté larmoyant, et fait apparaitre la jeune institutrice plus comme une simple victime, alors qu’elle est finalement bien plus tortueuse dans sa détermination. Dard jouait dans l’ouvrage du décalage entre l’âge de Françoise – 19 ans – et sa perspicacité à juger les êtres qu’elle rencontrait. Evidemment, Danik Patison qui avait 23 ans au moment du tournage, n’est pas tout à fait dans cette catégorie d’une ingénue dotée d’un sens particulier de la manipulation, et encore moins une jeune vierge. L’ouvrage se présentait comme une confession, une lettre envoyée au juge d’instruction, donc à la première personne. Une manière de se justifier aussi bien aux yeux de la justice, qu’à elle-même.

    L’accident, Edmond T. Greville, 1963 

    Le Goualec aide Françoise à porter ses bagages 

    Donc c’est encore une fois de plus d’un trio avec une sorte de notable – ici un instituteur – sa femme vieillissante et une jeune femme dont il fait sa maîtresse et qu’il impose sous son propre toit. Ce principe, Dard l’a décliné un nombre incalculable de fois. La première fois, la matrice si on peut dire, c’est dans Les pèlerins de l’enfer, ouvrage publié en 1945 aux éditions de Savoie, c’est-à-dire dans la propre maison d’édition que Dard avait créé. Notez que cet ouvrage était dédicacé à Georges Simenon et qu’il a probablement inspiré, dans la forme comme dans le fonds, ce dernier pour l’écriture de Lettre à mon juge[4]. L’ouvrage était bien plus cynique aussi, puisque Julien annonçait à Françoise qu’il allait tuer Andrea (Marthe dans l’ouvrage) avec une vipère, l’idée lui en étant venue à cause d’un « accident » qui avait vu Françoise mordue par un reptile. Ici c’est seulement Andrea qui veut se venger de sa déconvenue amoureuse. Evidemment cette vipère est chargée de nombreux symbole, c’est l’image du péché dans sa pureté originelle. L’alcoolisme est à peine esquissé dans le film, alors qu’il est central dans l’ouvrage. Julien a sombré dans l’alcool, alors que dans le film c’est seulement sa femme qui s’enivre pour oublier ses malheurs. Ce qui la fait passer pour l’empêcheuse d’adultérer en rond. Comme quoi il suffisait de laisser l’ouvrage dans son état original et de le filmer sans y toucher, les modifications de l’adaptation ne sont pas forcément utiles et faire d’Andrea une simple femme jalouse restreint forcément le propos de Frédéric Dard.

     L’accident, Edmond T. Greville, 1963 

    Françoise se sent seule et abandonnée 

    La distribution est étrange autant qu’inhabituelle, encore qu’avec des personnages comme Gréville ou Benazeraf, il ne faille s’étonner de rien. Le personnage principal est Françoise, et celle-ci est incarnée par Danik Patison qui fit vraiment une toute petite carrière. Sans doute est-ce là son rôle le plus approfondi avec Le long des trottoirs de Léonide Moguy. Elle avait auparavant tourné sous la direction de Gréville dans Tant qu’il y aura des femmes, un film qui ne rehausse la carrière ni de l’un, ni de l’autre. Elle avait un très bon physique, un physique solide qui ne la prédisposait pas à jouer les jeunes filles fragiles. On la reverra par la suite dans des tous petits, rôles, ici et là, notamment dans Le vampire de Düsseldorf. En vérité elle n’a pas le physique de l’emploi et peut difficilement passer pour une ingénue ou une gamine qui sort à peine de l’adolescence. On ne peut pas dire qu’elle soit mauvaise, elle est plutôt bien dirigée, mais elle n’est pas faite pour ce rôle[5]. Julien est incarné par le très raide Georges Rivière. C’est sans doute lui qui plombe le plus la distribution, il possède une voix assez difficile. Il n’a pas ce grain de folie qui doit nécessairement habiter un homme qui trompe sa femme ouvertement sous son propre toit. Magali Noël dans le rôle d’Andrea n’est pas plus à sa place non pas qu’elle soit mauvaise actrice. Mais dans l’ouvrage le drame se nouait dans la différence d’âge entre les époux Avene, Julien étant marié à une femme de 14 ans son aînée. Or ici cette différence n’est pas sensible, ni entre Julien et Andrea, ni entre Andrea et Françoise. Cela fait passer l’histoire d’un amour fou à un simple adultère entre personnes qui s’ennuient. Magali Noël n’avait qu’une trentaine d’années quand elle tourné dans ce film, soit un écart peu conséquent avec Danik Patison. Roland Lesaffre joue les idiots de village sans trop de conviction, alors que dans l’ouvrage l’idiot est un jeune enfant qui a du mal à suivre une scolarité normale. Gréville a également intégré dans le film des autochtones, ce qui renforce la couleur locale de son projet.

     L’accident, Edmond T. Greville, 1963 

    Andrea présente le bateau qui porte son nom 

    Le parti-pris de Gréville en refermant l’histoire sur le drame adultérin, enlève ce qu’il y avait d’excellent dans le roman : la vie de l’école dans un petit village désolé, les rapports au métier, la turbulence des enfants, la suspicion des villageois, et en même temps cet amour pour un pays singulier. On ne peut pas dire que ce soit mal filmé, bien au contraire, il y a de la science, une belle fluidité des plans séquences, même si Gréville abuse un peu des fondus-enchaînés. Quelques belles scènes, aidées par une très bonne photo de Jean Badal qui sait aussi bien faire parler les vieilles pierres que les ombres d’un feu de bois, les noirs et blancs d’une montée d’escaliers. Ce n’est donc pas d’un manque de technicité que résulte le manque d’émotion de l’ensemble. Les décors sont très beaux, mais Gréville les utilise assez mal cependant. Il lui aurait suffi de donner pourtant un peu plus d’importance aux ruelles du village pour changer cette manière claustrophobique de faire des aller-retours incessants entre les deux logements des deux instituteurs.

     L’accident, Edmond T. Greville, 1963 

    Après une violente dispute, Andrea se réconcilie avec Julien entre les draps 

    Le film n’a eu aucun succès, l’ouvrage n’a même pas été réédité avec des illustrations tirées du film, comme c’était l’usage pour les autres ouvrages de Frédéric Dard. Avec le temps il est devenu invisible et fait partie de la filmographie oubliée de Frédéric Dard, il n’existe même pas en DVD. En tous les cas le livre est certainement un des meilleurs qu’il ait écrit sous son patronyme. Sans doute suis-je trop sévère avec Gréville que j’aime bien par ailleurs parce que je suis trop proche du roman, il faudrait voir ce qu’en pense quelqu’un qui verrait le film sans connaître le livre. Mais il semble bien que les meilleures adaptations de Frédéric Dard soient celles qui suivent à la lettre le roman, comme Le monte-charge par exemple où Marcel Bluwal n’avait aucune velléité de s’écarter d’un pouce de l’intrigue.

     L’accident, Edmond T. Greville, 1963 

    Derrière ses rideaux Andrea surveille son mari 

    L’accident, Edmond T. Greville, 1963  

    Françoise repartira comme elle est venue 

     


    [1] Le second sera en 1961 Les menteurs d’après Cette mort dont tu parlais, paru en 1957 au Fleuve Noir. 

    [2] Il lui rend hommage dans son film Voyage à travers le cinéma français, 2016, film qui s’il s’inspire de Martin Scorsese Un voyage de Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995, est une prise de distance d’avec la Nouvelle Vague. Il a également publié et préfacé les mémoires de Gréville, Trente-cinq ans dans la jungle du cinéma, Actes Sud – Institut Lumière, 1999.

    [3] Fleuve Noir, 1962.

    [4] Voir Alexandre Clément, L’affaire Dard/Simenon, La nuit du chasseur, 2012.

    [5] Dans San Pedro ou ailleurs, Fleuve noir, 1968, j’ai signalé un personnage étrange de starlette un peu paumée, il me semble que c’est Agnès Laurent, mais il est peut être possible que ce soit Danik Patison. Elle est décédée en octobre 2016.

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  •  Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    Voici une autre collaboration cinématographique entre Frédéric Dard et Robert Hossein. Il y en a eu six d’officiellement répertoriées, et peut être une septième ou une huitième[1]. Cette fois, Dard a participé à l’écriture du film aussi bien comme adaptateur de son propre roman[2] qu’en tant que dialoguiste. Et donc s’il y a trahison, il en est responsable aussi. C’est sans doute un des romans noir de Dard des plus emblématiques. Si en effet cela part une nouvelle fois d’un trio, un homme pris entre deux femmes, une très jeune, et une plus mûre, l’arrière-plan est une confrontation sociale, pour ne pas dire une lutte des classes. Chacune des deux femmes représente une classe particulière. D’un côté une riche bourgeoise neurasthénique qui sombre dans le chagrin et dans l’alcool, et de l’autre une jeune fille de basse extraction qui veux s’approprier son mari quel que soit les risques, et qui pour cela veut bien détruire tout ce qui se trouve sur son chemin. Il y a quelques romans de Frédéric Dard qui montrent une conscience sociale assez aigüe, que ce soit celui-ci, ou La dynamite est bonne à boire[3], ou encore Le pain des fossoyeurs[4].

    Dans Les scélérats, cela se double d’une transformation en profondeur de la ville vers la fin des années cinquante. En fait il s’agit de la banlieue ouest de Paris, et plus particulièrement d'Elisabethville, à côté des Mureaux, rebaptisée ici Léopoldville, dans cet espace en transformation où la zone pavillonnaire et riche jouxte les reliquats d’un bâti pauvre et plus ancien qui va bientôt céder la place à des cités de type HLM. Le héros masculin de ce trio infernal est Jess Rooland un américain qui travaille pour le SHAPE installé tout à côté à Louveciennes. Il va y avoir donc une fascination morbide de la part de la très jeune Louise issue d’un milieu pauvre en voie de disparition, pour une forme de modernité amené par ces américains riches et névrosés. Le désir sexuel apparait ainsi comme une arme de guerre pour conquérir ce qu’on n’a pas. Et si les choses se terminent mal, c’est bien parce que l’ambiguïté des sentiments de Louise a créé un piège mortel pour les trois membres de ce curieux mélodrame. 

    Extrait : « Vous allez me dire qu’un pays où l’on a été élevé, on devrait à la longue s’y habituer et l’aimer ? Eh bien, vous voyez que non. J’ai toujours eu horreur de Léopoldville, probablement parce que je l’ai toujours vu tel qu’il était : triste et artificiel. Les cités ne doivent pas être construites d’un seul coup et par un seul homme, ça leur donne trop l’aspect de clapiers et par conséquent, à ceux qui les habitent, l’aspect de lapins »… « Moi qui aime la nature, j’ai horreur des cultivateurs de par-là, parce que ce ne sont pas des vrais paysans, parce que ce ne sont pas de vrais paysans. Ils ont des tracteurs et portent des blue-jeans et des bottes d’aviateur qu’ils achètent à Paris dans les magasins de surplus. Le dimanche ils vont jouer aux courses dans des autos neuves et leurs femmes ont aussi leur voiture. C’est fou ce que le poireau rapporte quand il pousse aux portes de Paris. »

     Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    Les Rooland embauchent sur son insistance Louise qui s’ennuie, comme bonne à tout faire. Très rapidement la jeune fille comprend que ce couple sans façon, qui accepte que Louise mange à leur table, est miné par un drame secret. Thelma dont la vie est vide et qui passe son temps à écouter de la musique en veut énormément à Jess, et elle s’est mise à boire plus que de raison. Les disputes sont nombreuses. Le couple doit fêter son anniversaire de mariage avec un grand nombre d’invités pour la plupart des américains qui travaillent avec Jess. L’alcool aidant, Thelma va se mettre à flirter ouvertement avec Ted. Louise les dénonce alors qu’ils sont en train de s’embrasser dans la voiture de Ted. Elle prétend avoir vu des voleurs. Tout le monde peut ainsi surprendre Thelma. Jess est furieux et gifle Louise qui s’en retourne chez ses parents. Mais le couple vient la rechercher. Louis apprendra que Thelma a perdu son enfant dans un accident de voiture dont elle rend Jess responsable. Les choses continuent comme ça cahin-caha, jusqu’au moment où Thelma a un accident, aspirée par le train alors qu’elle relève la barrière, elle est emportée par une ambulance. Dans l’ambulance elle est accompagnée par Louise. Après les obsèques, Jess est de plus en plus sombre et se met à boire. Louise qui espérait avoir son patron pour elle toute seule est déçue. Un soir alors que tous les deux ont un peu bu, elle s’offre à lui. Mais Jess qui a toujours été épris de sa femme, ne peut accéder à ses désirs, il la rejette. Alors, pour se venger, elle lui raconte qu’en réalité elle a obtenu des confidences de Thelma qui désigne Jess comme le responsable de sa mort. Jess effondré s’en va en voiture et trouvera la mort au passage à niveau.  

    Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    De l’autre côté de la rue habite un couple d’Américains 

    Bien que le scénario suive l’intrigue développée dans le livre, il y a des différences importantes. La première est dans le ton adopté. En effet, dans l’ouvrage écrit par Dard, la véritable héroïne est Louise, le couple d’Américains n’existe que par rapport à elle. Il est écrit à la première personne du singulier : c’est la jeune fille qui parle. C’est un procédé littéraire particulier que de voir comment un homme dans la force de l’âge se met à la place d’une fille de 17 ans qui peine à sortir de l’adolescence. Et si mes souvenirs sont exacts, c’est la première fois que Dard employait ce procédé. Il réitérera dans Les mariolles[5] et également dans L’accident[6]. C’est d’ailleurs selon moi ce qui donnait beaucoup de force au roman. Or dans le film, sans doute pour des raisons de production, il fallut donner un peu plus d’importance à Jess et Thelma. Le simple passage de la subjectivité de Louise à la diversification des comportements du trio obère assez l’aspect social de l’histoire. Dans l’ouvrage il est clair que Louise se place comme bonne à tout faire non seulement parce qu’elle est attirée par ces riches américains, mais aussi parce qu’elle n’a guère de choix : c’est ça, ou l’usine avec un travail harassant et mal payé. Louise est également un peu plus âgée dans le film. Ce qui lui ôte un peu plus de son innocence.

    Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    Louise s’insère dans la vie de deux être neurasthéniques et tristes 

    D’autres points très importants ont été modifiés. Dans l’ouvrage Louise est en opposition avec sa famille. Sa mère vit en concubinage avec une sorte de beau-père aigri, ouvrier déchu, communiste et alcoolique qui a du mal à travailler régulièrement. Or dans le film Arthur est devenu un peintre un peu lunaire qui est très tendre avec sa fille. Dès lors la démarche de Louise est moins compréhensible, elle ne cherche plus une famille de substitution à tout prix. Le film est donc bien moins violent que le livre, d’autant que le doute s’installe de savoir si Louise oui ou non a achevé Thelma dans l’ambulance. Si en effet elle l’a fait, alors c’est une femme – bien que jeune – qui est froide et calculatrice. Sinon, elle est victime de la situation de promiscuité dans laquelle elle vit avec des riches américains complètement névrosés. Pour des raisons difficiles à comprendre aujourd’hui, Hossein a été moins loin dans cette œuvre de cruauté que Dard. Sans doute cela venait de la production qui ne pouvait pas dépeindre une si jeune fille sous des traits aussi noirs et cruels. Egalement, dans le film Jess est bien attirée par Louise, mais il repousse l’idée de trahir sa femme. Dans l’ouvrage c’est bien plus cruel : Jess engrossera Louise qui, on le comprend, va devoir supporter le calvaire de rester fille-mère, comme sa propre mère ! Au trouble des amours ancillaires, très souvent célébrées par Frédéric Dard, notamment dans les San-Antonio, s’ajoute la fatalité d’être enceinte hors mariage. C’est dire que Louise s’en va de désastre en désastre et que sa vie est finie alors qu’elle a seulement 17 ans.

     Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    De l’autre côté de la rue les parents de Louise n’en perdent pas une miette 

    Ces hésitations dans le traitement cinématographique de l’œuvre font perdre beaucoup de l’intensité dramatique de l’histoire. Egalement Hossein use d’une voix off en remplacement du monologue de Louise dans l’ouvrage. Ce n’est pas une bonne idée car on aboutit à une mise à distance du sujet. Mais c’était peut-être la seule compatible avec le parti pris de redistribuer les cartes en fonction du trio, autrement il aurait fallu tout recentrer sur le personnage de Louise et en convaincre la maison de production. Ce qui était commercialement risqué. Le fait de gommer le back ground social amène Hossein à ne pas utiliser les décors naturels d’une banlieue en voie de décomposition et de modernisation. C’est tourné en studio, et si le décor de la maison des Rooland est judicieux, l’opposition avec l’immeuble où habitent les Martin apparaît un peu artificielle. On comprend assez mal comment une maison aussi moderne que celle des Rooland pourrait exister dans cette rue abandonnée. La frontière entre les deux mondes est ainsi assez mal définie. Et de ce fait, l’aspect criminel de l’histoire devient moins intéressant. Car il y a un crime et c’est l’innocente Louise qui est par la force des choses la criminelle. Le choix du huis clos dans la maison des Rooland donne forcément un aspect théâtral au film.

    Pour le reste le film conserve les qualités des mises en scène de Robert Hossein, une grande fluidité et le vrai sens de l’espace. Il a disposé d’un budget solide, avec un traitement des décors et de la photographie excellent. Jacques Robin avait déjà travaillé avec Robert Hossein, et il travaillera à nouveau encore avec lui. Il deviendra par la suite réalisateur sans trop de succès, mais il réalisera en 1964 Les pas perdus avec Michèle Morgan qui est un très bon film aussi. La dernière partie quand on assiste au désespoir de Jess, est filmée en cadrant les acteurs d’assez loin. Cela accentue la distance qui s’est installée entre Jess et Louise du fait de la mort de Thelma, et donc l’inutilité de cette grande maison luxueuse.

     Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    Pour leur anniversaire de mariage, les Rooland ont invité beaucoup de monde 

    La distribution est bien choisie. Michèle Morgan venait tout juste de perdre son mari, Henri Vidal qui fit un long parcours un peu désinvolte avec la cinématographie de Frédéric Dard. On l’a dit longtemps marquée par cette perte[7]. Elle manifeste ainsi un chagrin réel qui donne beaucoup de poids à son interprétation de la névrosée Thelma. Robert Hossein est Jess, son mari qui ne sait plus que faire pour ranimer une passion morte. Bien qu’un peu en retrait, comme s’il attendait un miracle, il est excellent, tout en retenu. En réalité c’est Perrette Pradier qui, dans le rôle de Louise, est la plus remarquable. C’était semble-t-il son premier rôle important, elle rejouera encore sous la direction de Robert Hossein dans Le jeu de la vérité. Elle aura cependant du mal à construire une carrière solide et se spécialisera dans le doublage. Dans Les scélérats, elle joue de son physique à la fois encore juvénile mais austère et calculateur. Mélange de dureté et de pulsions mal contrôlées, elle est révoltée sans trop savoir quoi faire de cette révolte. L’autre rôle important est celui d’Arthur interprété par le très bon Olivier Hussenot.

     Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    Dans l’ambulance Thelma semble vouloir faire des confidences à Louise 

    La musique va jouer un rôle décisif dans le film. Elle est la marque de l’attrait de Louise pour la modernité quand elle s’efforce de copier Thelma. Ce sera donc une musique de jazz, très orchestrée. C’est plus class évidemment que le Loving you de Presley qui revient en permanence dans le roman. Signée du père de Robert Hossein comme pour la quasi-totalité des films qu’il a réalisés, elle ajoute au caractère fiévreux de l’histoire. Elle est excellente, d’ailleurs André Hossein était un très bon compositeur de musiques de film, et pour ma part je trouve qu’il n’a pas eu assez souvent l’occasion de le démontrer.  Le lancinant thème dit de Michèle Morgan contribue à l’atmosphère moite de la réalisation.

    Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    Après la mort de Thelma Jess s’enferme dans sa solitude 

    Le film a connu un très bon succès commercial et critique qui a relancé la vente du roman qui vient d’être traduit en anglais. Il est difficile de le juger correctement quand on connait l’ouvrage de Frédéric Dard presque par cœur. Il est vrai que celui-ci compte sans doute parmi ce que Dard a écrit de mieux dans la série des « Spécial Police », et il s’est très bien vendu à travers les rééditions successives. Bien que l’ensemble soit plus qu’honorable, il y manque un peu de crasse et de folie pour qu’il soit un très grand film noir.

    Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    Les scélérats, Robert Hossein, 1959

    Les scélérats, Robert Hossein, 1959

     

     


    [1] Il se pourrait que Le jeu de la vérité, mis en scène par Hossein ou La sentence de Jean Valère doive quelque chose à Frédéric Dard.

    [2] Fleuve Noir, 1959.

    [3] Fleuve Noir, 1959.

    [4] Fleuve Noir, 1957.

    [5] Fleuve Noir, 1960, le livre sera porté à l’écran sous le titre La menace par Gérard Oury.

    [6] Fleuve Noir, 1961, le film sera porté à l’écran sous ce titre par Edmond T. Gréville.

    [7] http://www.parismatch.com/People/Michele-Morgan-joue-pour-Henri-Vidal-1149038

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