• Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948

    Jack Bernhard est surtout connu des amateurs de films noirs pour l’excellent Decoy[1], petit film de série B qui, dans son genre atteint au sublime. Sa grande année est 1948, il réalisera 5 films cette année-là, dont le très bon The hunted, une histoire de détective tourmenté. Ses deux derniers films sont aussi des films de détective de la série Falcon. Puis il disparaitra du paysage sans qu’on ne connaisse les raisons. C’est donc un météore dans la grande saga du film noir. L’ensemble des films réalisés par Jack Bernhard l’a été avec des budgets ridicules. Si Jack Bernhard a laissé sa marque sur le film noir, cela vient de la manière qu’il a eu d’utiliser la femme fatale, et plus encore la blonde fatale. Que ce soit dans Decoy, The hunted ou Blonde Ice, le schéma est le même : une femme mauvaise va semer la mort autour d’elle par sa cupidité et son égoïsme outrancier. La contrepartie de ce caractère singulier est une sexualité atrophiée, une frigidité rédhibitoire. Et justement c’est ce qui excite les hommes qui les désirent, parce que les faire jouir serait une grande preuve de leur virilité.  

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948

    Le jour de son mariage Claire Cummings, une journaliste, a invité à la noce ses anciens amants. Certains la détestent cordialement, comme le journaliste Herrick, et s’en méfient comme de la peste. Mais le malheureux Les Burns ne s’est jamais remis de sa rupture avec elle. Alors même que le mariage vient à peine d'être prononcé, Claire embrasse avec vigueur Les, mais elle est surprise par son mari à qui elle invente une histoire pour le faire tenir tranquille. Cependant, lors de leur voyage de noces, Hanneman la surprend en train d’écrire une lettre enflammée à Les. Il décide de divorcer. Mais Claire ne l’entend pas de cette oreille et va monter un plan pour l’assassiner et hériter. Malgré ses précautions, la police soupçonne un meurtre, mais pire encore, elle oriente ses soupçons vers Les ! Un pilote d’avion, saisi par le démon du jeu, tentant de faire chanter Claire, il est promptement assassiné sur une route obscure. Dès lors Claire va se tourner vers l’avocat Mason, à la fois pour qu’il l’aide à récupérer l’argent d’Hanneman et parce qu’il est promis à un grand avenir politique. Elle va tenter de se faire épouser. Croyant qu’elle peut toujours jouer les uns contre les autres, dans une ultime provocation elle laisse Mason annoncer devant Les qu’elle va l’épouser ! Mais le psychiatre Kippinger a compris que cette femme était dangereuse et va mettre en garde Mason contre elle. L’avocat ayant compris son jeu décide de renoncer au mariage. La frustration est trop grande et Claire le tue. Elle va essayer de faire porter le chapeau au malheureux Les qui a eu la malencontreuse idée de toucher le poignard qu’elle a utilisé. Cependant, tout le monde commence à être convaincu qu’elle est bien une criminelle et que Les n’est pour rien dans cet assassinat. Son ancien amant, son patron au journal et le psychiatre vont mettre en place un piège pour la confondre. 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Claire Cummings se marie avec le riche Hanneman 

    Le scénario est basé sur Once too often le roman d’un petit maître du noir, Whitman Chambers dont quelques-unes de ces œuvres, mais pas celle-là, ont été traduites à la Série noire. C’est semble-t-il une œuvre fondatrice qui traite au cinéma le thème de la veuve noire. Claire assassine un peu tous ceux qui se mettent en travers de sa route. Ce qui est intéressant ici, ce ne sont pas les invraisemblances, mais plutôt la capacité qu’elle a de jouer avec le feu. En effet, elle convoque ses anciens amants à son mariage et elle en embrasse un comme un défi à son nouveau mari. Elle est donc marquée par une sorte de délire de toute puissance, ces provocations tant qu’elles marchent lui donnent une importance qu’elle n’aurait pas autrement. Elle jongle d’ailleurs aussi comme ça avec la police ou même le pilote d’avion qui se croit plus malin qu’elle.  Elle est donc joueuse car en se mettant dans des situations impossibles, il faut bien qu’elle fasse preuve d’un grand talent pour s’en sortir ! 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Les anciens amants de Claire sont très jaloux 

    Le curieux du film est sans doute que Claire ne séduit que des moustachus ! Et d’ailleurs ce qui n’ont pas cet attribut sous le nez ne se laissent pas abuser bien longtemps. Film fauché, il n’y a quasiment pas de scènes d’extérieur, seuls quelques plans de champ de course ou de terrain d’aviation viennent un peu rompre cette succession d’intérieurs. En tous les cas tous les protagonistes de cette sombre affaire n’existent devant la caméra que dans des lieux clos. Cela va permettre de surcharger la photographie d’un noir qui masque la médiocrité des décors. Mais avec Jack Bernhard ce n’est pas gênant c’était même un peu sa marque de fabrique ce minimalisme. Il est intéressant de voir qu’il ne reste pas statique dans sa manière de filmer, qu’il sait se déplacer et ainsi donner du champ à l’ensemble. Le rythme est excellent, le montage resserré. Cette histoire pourtant pleine de rebondissements ne dure que 1 h 14. 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Le sergent Benson soupçonne un meurtre 

    Dans ce genre de film, l’interprétation est importante. Et en effet, budget oblige, on peut avoir dans ces films de série B des acteurs de second ordre, quasi inconnus, sans pour autant que cela gâche le film. Comme son titre l’indique, il va de soi que c’est le personnage de la blonde de glace qui est décisif. C’est Leslie Brooks qui s’y colle. Pas spécialement jolie, elle a une personnalité énergique et intéressante. Mais on se souvient que dans Decoy, la garce de service était déjà interprétée par Jean Gillie, une blonde de glace aussi, et pas très jolie, très britannique, mais avec une personnalité très forte également. C’est le seul premier rôle de Leslie Brooks dans une carrière qui s’arrêtera très rapidement, le reste de sa filmographie ce ne sont au mieux que des seconds rôles. Robert Paige et sa moustache sont Les Burns, l’ahuri de service. Dans ce genre de rôle il est très bien, sans doute avait-il de l’entraînement, car s’il n’a pas fait grand-chose, il est apparu plusieurs fois dans la série des Deux nigauds. Les autres acteurs ont tout de même des têtes assez curieuses et donnent un côté un peu horrifique à l’ensemble. James Griffith qui avait un physique de mante religieuse, est le curieux journaliste Herrick. Son côté fouineur et soupçonneux étoffe le rôle. Dans l’ensemble la direction d’acteurs est bonne. 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Claire approche l’avocat Mason 

    C’est moins un peu moins bon que Decoy. Mais outre que c’est un film pionnier, le film recèle de belles scènes, notamment celles qui filment Claire de dos, dialoguant avec ses ennemis du moment. Elle relève juste les sourcils et on comprend que celui qui l’ennuie en la soupçonnant va sans doute être poursuivi de sa hargne. On remarque que Bernhard a utilisé abondamment les rayures provoquées par les stores vénitiens, ce qui permet de mieux faire ressortir les personnages dans des situations difficiles. La photo est due à George Robinson qui avait beaucoup travaillé sur des films fantastiques à petit budget et aussi sur la série des Deux nigauds.

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948  

    Le psychiatre veut mettre en garde Mason 

    C’est donc un film noir très maîtrisé, avec un petit bémol sur la fin, la ficelle est un peu grossière dans la façon dont le psychiatre fait craquer Claire qui tout soudain avoue tout ce qu’on veut et le met même par écrit. 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Kippinger va démasquer Claire

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/la-rapace-decoy-jack-bernhard-1946-a114844852

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  •  La rançon de la peur, Milano Odia : la polizia non puo’ sparare, Umberto Lenzi, 1974 

    Au moins ce film montre clairement la spécificité du poliziesco all'italiana, il n’y a guère de complaisance, ni de romantisme avec les criminels comme on peut le voir dans les films américains ou les films français à la même époque. Ceux-ci sont montré comme de dangereux psychopathes n’ayant aucun autre but que le mal. Lenzi aurait même tendance à en rajouter dans la nécessité de purger radicalement la société de cette engeance. 

    La rançon de la peur, Milano Odia : la polizia non puo’ sparare, Umberto Lenzi, 1974 

    Giulio Sacchi participe à un hold-up 

    Giulio Sacchi est un petit délinquant qui conduit la voiture du gang de Maione. Mais sa nervosité est trop grande et parce qu’il est mal garé il attire l’attention de la police sur lui. Paniqué, il tue le policier. Il s’ensuit une course poursuite avec la police. Les gangsters s’en tirent pourtant, mais Maione ne pardonne pas Sacchi été lui donne une raclée en lui disant de l’oublier. Sacchi fréquente une jeune femme qui travaille comme secrétaire pour le richissime Porrino. Toujours à cours d’argent il va avoir l’idée de kidnapper la fille de celui-ci, espérant pouvoir récupérer 500 millions de lires dans l’affaire. Pour cela il va s’entourer de deux minables petits délinquants, Vittorio et Carmine qu’il arrive à impressionner avec son bagout. L’affaire part assez mal puisque Sacchi va commencer par tuer deux vieux receleurs qui leur vendent des armes pour commettre leur forfait. Ils vont enlever Marilu dans des conditions dramatiques, non seulement ils tuent Gianni son petit ami, mais celle-ci s’étant enfuie, ils vont massacrer les habitants d’une villa assez proche. Devant cette débauche de meurtres, le commissaire Grandi prend l’affaire en mains. Et tandis que Sacchi négocie la rançon, alors qu’il commence à être soupçonné par la police, il se construit un alibi en faisant chanter outrageusement Maione. Sacchi ne veut pas laisser de traces, il projette d’ailleurs de tuer aussi Marilu, mais d’un même mouvement il assassine aussi sa fiancée Jone. Malgré les réticences, Grandi qui est de plus en plus persuadé que Sacchi est le coupable, va remplacer Porrino pour la livraison de la rançon. Sacchi assassine Marilu puis ses deux complices et va se réfugier chez Maione. Les preuves étant insuffisantes pour condamner Sacchi, celui-ci est relâché. Mais Grandi ne se tient pas pour battu, il va aller provoquer Sacchi et il finira par le tuer.

     La rançon de la peur, Milano Odia : la polizia non puo’ sparare, Umberto Lenzi, 1974 

    La police poursuit les gangsters 

    La réalisation est soignée et l’utilisation des décors réels de Milan est très astucieuse car elle donne à comprendre mieux encore que de grands discours comment la délinquance prend racine dans les formes délétères de l’urbanisme débridé. Les délinquants sont minables et drogués, Sacchi qui se prend pour le cerveau ne vise finalement qu’à épater son entourage à peu de frais. Son discours sur les inégalités sociales ne convainc personne et sans doute pas lui-même. Il n’apparait que comme le cache misère de la dégénérescence d’un individu livré à ses pulsions. La manière dont il est énoncé liquide d’un seul coup une explication de type sociologique comme excuse et fait ressortir au contraire le peu d’humanité de cette racaille. Le film est cru, dans le langage comme dans l’action, les deux complices de Sacchi admirent malgré tout l’amoralisme de cet imbécile qu’ils se sont choisis comme chef. La façon crapuleuse dont ils se livrent dans la villa à des exactions barbares en dit long sur leur caractère veule. Mais ils sont tous les trois à des degrés divers complètement abrutis, à la bêtise ils ajoutent volontiers le mensonge et le goût de la trahison. Sacchi réunissant tous les défauts qu’on peut imaginer chez un délinquant. Notez qu'à cette époque les kidnappings d'enfants de milliardaires sont nombreux en Italie.

    La rançon de la peur, Milano Odia : la polizia non puo’ sparare, Umberto Lenzi, 1974 

    Sacchi tente de se faire admirer auprès des petits délinquants de son quartier 

    Filmé en cinémascope, la profondeur de champ est excellente, la lumière crépusculaire, et cela donne un aspect néo-réaliste à l’ensemble. Pour ceux qui connaissent le Milan d’aujourd’hui, ils seront surpris de voir le côté délabré de la ville. Le rythme est aussi très bon, même si vers la fin cela se ralentit un petit peu quand il faut démontrer l’astucieuse la manière imaginée par Sacchi pour récupérer le montant de la rançon. La course poursuite consécutive au hold-up qui ouvre le film est rondement menée, et l’analyse des relations entre Jone et Sacchi parfaitement exploitée : en effet on y remarque la louche complaisance de la jeune femme pour ce petit criminel sans envergure complètement tordu qu’elle entretient aussi. Les délinquants vivent dans les redents de la civilisation, un peu en marge, et c’est parmi les ordures de la ville que Grandi ira à la recherche de Sacchi pour le tuer. Les scènes où l’on voit Sacchi fanfaronner auprès d’un public acquis à sa dévotion sont également remarquables de justesse psychologique. 

    La rançon de la peur, Milano Odia : la polizia non puo’ sparare, Umberto Lenzi, 1974 

    Ils récupèrent Marilu dans une villa où elle s’est réfugiée 

    La distribution est intéressante. D’abord il y a Thomas Milian dans le rôle de Sacchi. Il cabotine beaucoup et endosse un personnage qu’il trimbalera au fil du temps dans d’autres films policiers ou dans des westerns spaghetti. Ça n’est pas très grave cependant parce qu’en réalité il interprète un grand cabotin. Donc on peut dire qu’il est parfait dans le rôle. Henry Silva qui a aussi produit le film interprète le commissaire Grandi, à sa manière, impavide sous l’outrage, il est froid et déterminé. Les deux acolytes de Sacchi, sont interprétés par Ray Lovelock et Gino Santercole, ils représentent les deux faces d’une même veulerie. Anita Strinberg dans le rôle de la petite amie de Sacchi est excellente également

    La rançon de la peur, Milano Odia : la polizia non puo’ sparare, Umberto Lenzi, 1974 

    Sacchi ruse pour déjouer les plans de la police  

    C’est donc un très bon Lenzi, peut-être un de ses meilleurs dans le genre polliziottesco. Il n’est pas exempt de défauts pourtant, et on peut regretter une fin abrupte et bâclée.  On soulignera la bonne bande son, la musique étant signée de l’inévitable Ennio Morricone.

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  •  La guerre des gangs, Milano Rovente, Umberto Lenzi, 1973

    Umberto Lenzi a travaillé énormément dans le cinéma de genre, selon les modes : le peplum, puis le giallo et enfin le poliziottesco qui donna naissance à des œuvres très intéressantes dans le début des années soixante-dix. Ce genre qui se trouve aux confins du film noir et du cinéma d’action a donné de véritables chefs-d’œuvre. Ce sont des films à petit budget, souvent tournés dans les décors naturels, très violents par nature, avec un ancrage social marqué mais sans ostentation. Lenzi est assurément un des maîtres de ce sous-genre qui en France a été un peu méprisé, on regardait trop souvent le cinéma italien soit à travers les comédies à l’italienne, ou les westerns spaghetti. C’est un cinéma sans prétention, et il est toujours bon d’en revoir un de temps à autre. Milano rovente n’est pas le meilleur de l’œuvre de Lenzi, mais plusieurs aspects valent cependant le détour, notamment son réalisme cru. 

    La guerre des gangs, Milano Rovente, Umberto Lenzi, 1973 

    Milan est le terrain de chasse des prostituées de Cangemi 

    Salvatore Cangemi est un sicilien qui se trouve à la tête d’un vaste réseau de prostitution à Milan. Mais une de ses putes va être assassinée. C’est en réalité un message du Français, Roger Daverty, qui veut que Cangemi vende la drogue qu’il importe depuis le Liban à travers son réseau. Cangemi se fait tirer l’oreille, et les coups bas entre son équipe et le Français se font de plus en plus fréquents, à la traque des prostituées qui sont le gagne-pain de Cangemi succède les rétorsions contre le Français. La police est aussi dans le coup et voudrait bien coincer Cangemi. Après plusieurs passes d’arme, Cangemi va engager Billy Barone, un sicilien qui a fait ses classes aux Etats-Unis. La lutte des gangs reprend de plus belle, mais entre-temps Cangemi est tombé amoureux de la belle Jasmine. Finalement sous l’impulsion de Barone, Cangemi et Daverty vont signer une sorte de compromis. Le premier accepte de distribuer l’héroïne du second, pour un pourcentage cependant plus élevé. Mais ce répit sera de courte durée. En effet Jasmine est une taupe du Français et contribue à la ruine matérielle de Cangine. En outre celui-ci se fait piéger par la police pour de la drogue qu’on a cachée chez lui. Obligé de se mettre en fuite, il va essayer de se venger du Français. Mais c’est trop tard, celui-ci est mort, tué par Barone qui en fait n’avait qu’un but : prendre la place de Cangine, celui-ci aura été trahi par tout le monde et aussi par son cousin. 

    La guerre des gangs, Milano Rovente, Umberto Lenzi, 1973 

    Une nouvelle recrue pour le réseau de Cangemi débarque de Sicile 

    Le scénario est très touffu comme on le voit, mais surtout il donne lieu à des scènes répétitives dans les actions punitives des gangs qui s’affrontent. Et l’argument ne progresse pas vraiment. Le début est excellent et soigné, d’abord avec ces putes qui travaillent dans des endroits un peu désolés et à l’écart de Milan, ensuite avec la poursuite dans le métro quand Cangemi et Lino sauve de la mort une prostituée qui travaillait avec les Français. On remarque que les gangsters sont soit des Français – Daverty est Corse ! – soit des Siciliens, donc aussi quelque part des étrangers, quoique le film donne des excuses aux Siciliens puisqu’ils sont présentés comme fuyant la misère de l’île. Les vrais Milanais ne semble pas concerné par le crime organisé. Les belles séquences, comme les pertes de Cangemi sur le tapis vert, alternent avec du nettement moins bon, la torture de Lino est longue et tape à l’œil. Le personnage du commissaire de police sensé traquer Cangemi n’est pas très développé. Le meilleur se trouve le plus souvent dans l’usage des décors réels de Milan, filmés en cinémascope, une vie froide et dure pour ceux qui ne savent pas se défendre. Le personnage de Barone est un peu caricatural tout de même. 

    La guerre des gangs, Milano Rovente, Umberto Lenzi, 1973 

    Nino est convoqué à un repas dont il ne ressortira pas vivant 

    Le principal problème semble résider dans la distribution. En effet Antonio Sabato est particulièrement mauvais dans le rôle, il en fait des tonnes, grimace à contre-temps. Marisa Mell est insignifiante, pourtant son rôle était intéressant puisqu’elle piège Cangemi. Seul Philippe Leroy qui a toujours été en France un acteur sous-estimé, tire son épingle du jeu. Les seconds rôles sont sans doute plus intéressants, représentant des figures ordinaires de la pègre milanaise, ou des putes sans charisme et sans beauté. Umberto Lenzi attribuait l’échec public de ce film au fait que le héros, Cangemi, ne peut pas être sympathique, un proxénète ne pouvant servir de modèle pour l’identification d’un public populaire. 

    La guerre des gangs, Milano Rovente, Umberto Lenzi, 1973 

    Lino se fait électrocuter les couilles par les hommes du Français

     Au passage on reconnaitra déjà l’influence du Parrain de Coppola, la violence crue des assassinats, le banquet qui tourne au drame, mais aussi la manière dont Cangemi va tomber amoureux d’une fille qu’il croit différente de celles de son milieu, et aussi cette façon de protéger Virginia en éliminant le sinistre Nino. Il faut bien donner un peu d'humanité à Cangemi, et c'est pourquoi il va voir fréquemment sa mère qui s'ennuie dans une maison de retraite. Le décès de celle-ci est d'ailleurs le début de la fin de sa carrière criminelle.

    La guerre des gangs, Milano Rovente, Umberto Lenzi, 1973 

    Cangemi perd des millions de lires sur le tapis vert 

    Ce n’est donc pas un grand film de Lenzi, néanmoins il recèle quelques scènes très intéressantes, plutôt dans la première partie d’ailleurs. Mais dès lors que le film s’éloigne de son décor urbain, il devient bavard et par moments ennuyeux. On peut le voir pour ce côté un peu prolétaire et crasseux comme l’histoire d’un homme qui tente d’échapper à sa condition sans jamais y parvenir.

    La guerre des gangs, Milano Rovente, Umberto Lenzi, 1973  

    La fin de Cangemi est amère

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  • Hardcore, Paul Schrader, 1979 

    Remontons à la source de 8mm. Comme je l’ai dit, il y a Hardcore. Paul Schrader est un réalisateur très important qui n’a pas eu la reconnaissance qu’il mérite. Il a été aussi un grand scénariste, il a travaillé pour Scorsese, pour Sydney Pollack et quelques autres. Dans l’ensemble de sa carrière, on trouve le meilleur et le pire. Mais outre qu’il y a de très grandes réussites, Taxi diver, Yakusa, American gigolo, Blue collar, ou encore Raging Bull, on peut voir dans son œuvre une certaine continuité dans l’analyse des mondes en décomposition, quelque chose comme l’envers du décor d’une Amérique qui doute. Mettant l’accent aussi bien sur l’effondrement matériel que moral de l’Amérique, il explore les peurs et les démons à l’œuvre dans le monde de la consommation et de l’argent. La morale et le puritanisme côtoie le crime dans son expression la plus brutale. Son approche est donc facilement compatible avec le développement du film néo-noir elle participe de son développement. C’est le cas ici. 

    Hardcore, Paul Schrader, 1979 

    Andy va montrer un film porno à Jake 

    Jake Van Dorn est un petit industriel de Grand Rapids dans le Michigan, très prospère dont la vie grise et bien réglée s’organise autour de la crainte de la religion. Il vit seul avec sa fille encore adolescente, et fréquente la famille de son beau-frère. Cette monotonie va être rompue lorsque Kristeen doit partir avec sa cousine Marsha à une convention des jeunes chrétiens de l’Eglise hollandaise. En effet, au cours du voyage Kristeen disparait. La police alertée bien entendu, mais Jake va engager un détective plutôt habile, Andy Mast, pour tenter de la retrouver. Quelque temps plus tard, alors que Jake désespère, le détective a retrouvé la trace de sa fille qui a tourné dans un film porno. Mast va tenter de remonter la piste du porno. Mais Jake trouve qu’il se laisse aller, notamment parce qu’il le trouve dans une position équivoque avec une prostituée. Il va le virer et décider de prendre l’enquête à son compte. La chose se révèle difficile parce qu’il n’a pas idée du milieu dans lequel il doit se balader. Il ère d’un sex shop à un autre, d’un bordel à un autre, souvent en se faisant rabrouer. Mais il va finir par tomber sur Niki, une jeune prostituée qu’il rencontre sur le tournage d’un film porno. Celle-ci va l’aider contre un peu d’argent bien entendu. Il va rencontrer le pire du milieu de la pornographie, un dénommé Ratan qui donne dans les films SM et peut-être les snuff-movies. Cependant le beau-frère de Jake s’inquiète de cette dérive et va réengager Andy Mast pour lui prêter main forte et le protéger malgré lui d’un milieu dangereux. Finalement Jake va retrouver sa fille, mais dans des conditions dramatiques qui vont révéler ses propres insuffisances. 

    Hardcore, Paul Schrader, 1979 

    Jake est choqué lorsqu’il voit sa fille tourner dans un film porno 

    C’est un film très riche et presque fondateur d’un genre. Les thèmes brassés sont nombreux, et certains ont cru y reconnaître une sorte de remake de La prisonnière du désert de Ford, Paul Schrader dit d’ailleurs que ce film l’a inspiré[1]. En effet le thème de la jeune fille innocente qui disparait mais qui s’éloigne de son propre milieu pour des raisons diverses et variées est récurrent dans le cinéma américain. On peut se demander s’il ne s’agit pas là d’un regret de la disparition d’une société patriarcale qui finalement a donné trop de pouvoir à la gent féminine, ou encore d’une déception des mâles qui ne sont plus capables de protéger leurs femelles des visées des prédateurs. Ce n’est pas sans raison que la débauche ostentatoire et ridicule est opposée à un puritanisme dont les racine semblent plonger dans un univers irréel de carte postale qui représente le rêve américain comme une vaste tromperie. Il y a cependant un autre thème tout aussi intéressant : Jake est un industriel de Grand Rapids dont le décor, le climat et les activités sont à l’opposé de ceux de la Californie. C’est un peu comme si ce film annonçait le déclin de l’Amérique industrielle et besogneuse, et l’avènement d’un nouvel ordre social fondé sur l’hédonisme et la consommation mercantile de plaisirs éphémères et louches. Aux paysages de neige du début du film sont opposées les lumières tapageuses de Los Angeles. La neige est bien l’image de l’innocence, et cette nuit californienne équivoque est l’exact inverse. Et du reste comment ne pas voir que lorsque Kristeen s’éloigne du foyer familial elle sombre dans la pire des turpitudes.   

    Hardcore, Paul Schrader, 1979 

    Jake va suivre la piste jusqu’à Los Angeles 

    Le scénario est écrit par Paul Schrader lui-même et se trouve parfaitement équilibré. L’ambiguïté est la dimension latente de tout le film. En effet, on apprendra que Jake a été largué par sa femme parce qu’il ne s’intéressait pas au sexe, parce qu’il était trop sinistre dans sa vie de tous les jours, c’est Niki qui met l’accent sur cet aspect des choses. Mais elle aussi est ambiguë, dans une tirade étonnante, elle expliquera à Jake qu’elle est finalement un peu comme lui puisqu’elle non plus ne s’intéresse pas au sexe, c’est d’ailleurs pour ça qu’elle peut coucher avec n’importe qui : le commerce et l’étalage du sexe conduit inévitablement à sa destruction. Mast est aussi très ambigu. S’il semble être compétent, il parait aussi vouloir profiter de la situation, pour soutirer de l’argent à ses clients, pour tirer un coup. Il représente une forme de lucidité blasée. Et pourtant il protégera Jake et abattra le sinistre Ratan sans plus d’état d’âme. Kristeen n’est pas moins ambiguë, elle révèle une face de sa personnalité particulièrement tourmentée. Si elle est travaillée par la sexualité, elle veut aussi se venger de ce père qui ne s’est pas intéressé suffisamment à elle après le départ de sa mère. On comprend bien qu’elle aurait bien voulu prendre la place de cette mère absente, au moins sur le plan symbolique. 

    Hardcore, Paul Schrader, 1979 

    A San Francisco, son beau-frère tente de lui venir en aide 

    C’est aussi une sorte de voyage initiatique : Jake découvre une Amérique dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Son personnage va ainsi être transformé fondamentalement, il va devoir admettre que le monde idéal dans lequel il croyait vivre n’existe pas. Et cette découverte douloureuse va l’amener à s’ouvrir aux autres et à admettre que sa fille est sa fille malgré tout, comme Niki est une fille bien malgré ses difficultés et son mode de vie. Il va donc découvre des sentiments au-delà du jugement. Et on voit bien qu’il finit par douter des préceptes religieux tant il a de plus en plus de mal à les justifier. Kristeen elle-même va finir par ouvrir les yeux sur ce père qu’elle croyait absent, un peu comme si elle avait provoqué des événements dramatiques uniquement pour le prouver. Les personnages stables du film sont finalement ceux qui acceptent le monde tel qu’il est et qui s’y adaptent sans illusion, Mast et Niki, qui ont une attitude ironique lorsque Jake a la prétention de changer l’ordre du monde. 

    Hardcore, Paul Schrader, 1979 

    Niki, une prostituée, va aider Jake 

    La réalisation est impeccable, d’abord par cette capacité de se servir des décors réels qui justifient l’action et expliquent les personnages. C’est une analyse matérialiste des déterminations individuelles. J  ake est Jake, parce qu’il est un petit industriel engoncé dans l’univers d’une petite ville dont la religion est l’épicentre de la vie intellectuelle et sociale. Niki est Niki, parce que son univers est celui de Los Angeles, de l’argent facile et de toutes les dépravations. La manière de filmer change avec les décors, Grand Rapids représente une forme de paisibilité, Los Angeles la frénésie et San Francisco le crime. Le rythme est très soutenu et la photo est excellente : elle est due à Michael Chapman qui a beaucoup travaillé avec Scorsese dans ce qu’il a fait de meilleur, mais qui a aussi travaillé pour Coppola et pour Philip Kaufman.

    Il y a de très belles scènes, l’ouverture et le final sont particulièrement soignés. Au début nous voyons des enfants qui attendent Noël avec beaucoup d’innocence, jouant dans la neige immaculée, et à la fin nous assistons à un déchaînement de violence qui ne semble plus devoir prendre fin dans des rues glauques et occupées par les poubelles. Dans les deux cas, tout est juste.

    Hardcore, Paul Schrader, 1979  

    Sur la piste de sa fille, Jake assiste à la projection d’un snuff movie 

    L’interprétation est largement dominée par un immense George C. Scott qui peut ici donner toutes les facettes de son talent. Dur ou désespéré, il cogne quand il faut, mais il s’effondre aussi avec des larmes poignantes. Il se révélera aussi tendre et humain avec Niki. A cette époque George C. Scott avait des problèmes d’alcoolisme très importants et passait son temps à s’accrocher avec Schrader – on dit que dans son contrat il était prévu six jours supplémentaires pour traiter ce problème. Mais c’est peut-être cette tension qui donne son prix à son interprétation. L’extraordinaire Peter Boyle qui était déjà un curieux personnage dans Taxi driver – scénario de Schrader – est ici Andy Mast avec toute la rouerie qu’il convient de donner à un tel personnage. Et puis il y a aussi Season Hubley dans le rôle de Niki. Elle est remarquablement juste, mais peut-être cela provient-il tout simplement de ce que Schrader est un bon directeur d’acteurs. Curieusement elle n’était pas prévue dans le casting et a été imposée par le studio. 

    Hardcore, Paul Schrader, 1979 

    Les retrouvailles entre Jake et sa fille ne se passent pas comme il l’espérait 

    Le film n’a pas eu de succès, ni public, ni critique, il ne s’est imposé qu’au fil du temps. Même Schrader ne le considère pas d’un regard bienveillant. C’est cependant un excellent film qui n’a pas subi par trop les outrages du temps et qui se revoit avec beaucoup d’intérêt, même si depuis on a fait dans le genre des films bien plus violents et bien plus crasseux. Il confirme que Paul Schrader est un cinéaste majeur des années soixante-dix, et que le cinéma américain dans ces années-là était créatif et novateur, en prise directe sur son temps.

     

     


    [1] https://filmschoolrejects.com/commentary-hardcore-5fa62a225dba/

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  •  8 mm, Eight millimeter, Joel Schumacher, 1999

    A la fin des années 90, l’Amérique s’enfonçait dans une crise morale qui se traduisait par des films néo-noirs qui reflétaient une vision glauque et pessimiste de l’avenir. C’était déjà le cas de Show girls dont nous avons parlé précédemment, mais c’est sans doute encore plus le cas de 8 mm. En effet, le film est d’une telle noirceur qu’il se situe au-delà du réalisme ordinaire des films qu’on classe généralement dans la catégorie néo-noir. En vérité on retrouve déjà ce genre de thématique avec Hardcore de Paul Schrader en 1979. En quelque sorte ce genre de film va couvrir les années Reagan dont l’optimiste feint ne peut masquer le délabrement économique et social de l’Amérique. Le renouveau de l’Amérique, c’est-à-dire son apaisement moral devra curieusement attendre les années Clinton et l’amélioration sensible de la conjoncture économique. Bien entendu, il ne faut pas chercher un message politique explicite ou implicite dans ce film, mais il y a au moins une correspondance assez nette entre le développement d’une époque tourmentée et les réalisations filmiques destinées à satisfaire un public plus ou moins voyeur de ses propres errements. 

    8 mm, Eight millimeter, Joel Schumacher, 1999 

    Tom est engagé par la veuve d’un milliardaire 

    Tom Welles est un détective marié qui a une petite fille. Il est obsédé par son travail et néglige un peu sa famille. Il s’est construit cependant une bonne réputation. Un jour la veuve d’un milliardaire lui propose d’enquêter sur un film qu’elle a retrouvé dans le coffre-fort de son mari. Le film montre une jeune fille qui se fait assassiner. Mme Christian lui demande de retrouver cette fille, elle veut savoir s’il s’agit d’un simulacre ou de quelque chose de plus sordide, un snuff movie. Tom va donc partir de ce que montre le film, retrouver laborieusement l’identité de la jeune fille, puis remonter la piste dans l’univers de la pornographie crasseuse californienne de ceux qui l’ont assassinée. Au fur et à mesure que son enquête avance, il va devenir lui-même une sorte de vengeur avec pour but de punir ceux qui ont tué cette malheureuse jeune fille. Il remontera jusqu’à un réalisateur aussi raté que fou et dégénéré qui utilise la puissance maléfique d’un certain Machine qui n’opère que cagoulé. Pour cela il va s’allier à un jeune homme, Max California, qui travaille dans un sex shop et qui va le guider dans l’univers crasseux du porno SM. Il obtiendra gain de cause, mais au prix d’un traumatisme dont il aura du mal à se défaire dans l’avenir. Le scénario est de Kevin Walker qui a eu pas mal de succès en travaillant pour David Fincher, notamment sur Seven et sur The game. Il s’est fait une spécialité de mêler une forme de réalisme trash à des formes évoluant vers le fantastique. C’est également lui qui a fait le scénario de Sleepy Hollow de Tim Burton. 

    8 mm, Eight millimeter, Joel Schumacher, 1999 

    Tom partira d’un film pour retrouver une jeune fille assassinée 

    Il y a pourtant un sentiment de déjà-vu. Cette histoire en rappelle plusieurs autres. D’abord Hardcore qui était aussi une dérive dans un univers plutôt glauque et dérangeant. Mais il est aussi par son esprit proche du film de William Friedkin, Cruising, qui date de 1980 et qui parlait de la contamination d’un inspecteur de police qui côtoyait en permanence le mal dans le milieu trouble des homosexuels. Le message du film de Joel Schumacher n’est cependant pas très clair. En effet face au mal absolu que représente la pornographie SM qui plonge dans le crime, il semble nous opposer la stabilité de la famille représentée par la femme et la fille de Tom, comme si les turpitudes présentées à l’écran étaient le résultat de la dissolution de celle-ci. Les pornographes criminels sont sans famille, et la jeune fille assassinée souffrait elle-même de ne pas avoir de père et de vivre dans une famille recomposée. La fin du film passe pas mal de temps à montrer que pour exorciser ses démons, Tom doit d’abord se transformer en véritable vengeur avant de revenir balayer la pelouse de son jardin. Les motivations de ces pornographes ne sont pas explicitées, il est dit que cela est inutile : ils sont mauvais, arrogants, et ils aiment ça ainsi que le confessera le sinistre Machine. L’idée est qu’on ne peut s’en sortir qu’en les éradiquant définitivement de la surface de la terre. C’est donc un message assez peu nuancé. 

    8 mm, Eight millimeter, Joel Schumacher, 1999 

    Il a retrouvé la mère de la jeune fille assassinée 

    Mais ce n’est pas là le seul défaut du film. Il y a d’abord un manque de rythme évident. Ça se traine assez bien. Et je ne dis pas ça en pensant à la nécessaire longueur de l’enquête proprement dite puisqu’on comprend bien qu’une enquête de ce type ne peut être que longue et difficile. C’est plutôt que la caméra s’attarde trop sur les tourments qui affecte Tom. L’autre point important est la faible utilisation des décors extérieurs. On passe en effet de Miami à Los Angeles et de Los Angeles à New York sans que l’atmosphère change trop. Certes on comprend bien que Schumacher a voulu donner une allure un peu claustrophobe à son film, mais il eut pu mieux contextualiser l’histoire en la renvoyant à son insertion géographique, ce que savent faire très bien les réalisateurs de séries télévisées par exemple. La crasse esthétisante dans laquelle baigne le film apparaît alors particulièrement artificielle. Cela donne nécessairement une image assez plate, un manque de profondeur de champ. L’autre point très critiquable est le côté voyeur du film qui s’exprime curieusement sans rien montrer, juste en suggérant ! On pourrait dire qu’il s’agit là d’une sorte d’escroquerie morale. Schumacher n’a jamais été un bon cinéaste, cinéaste tape à l’œil, il n’est pas connu pour sa subtilité. Cela se traduit ici par la lourdeur des scènes familiales avec les lancinantes menaces de la femme de Tom, Amy, qui somme son mari en permanence de quitter son métier et de s’occuper de sa famille. C’est pleurnichard en diable, et surtout assez illogique puisque sa femme ne travaillant pas, Tom est bien obligé d’aller au charbon. 

    8 mm, Eight millimeter, Joel Schumacher, 1999 

    Max California travaille dans un sex shop 

    C’est une distribution assez haut de gamme. A cette époque Nicolas Cage qui venait de tourner le tourmenté 8mm s’engagea dans le projet de Scorsese, Bringing Out the Dead, dans un rôle tout aussi déjanté. Il avait un beau palmarès, ayant tourné sous la direction de son oncle, Francis Ford Coppola, plusieurs films dont le très beau Peggy Sue got married, mais aussi sous celle de David Lynch ou encore de Brian de Palma, c’est seulement dans les années 2000 qu’il devint le roi du navet. Ici il est assez insignifiant, il en fait trop dans le genre tourmenté, les grimaces sont assez malvenues. Il hésite entre le détective à l’ancienne, persévérant et honnête jusqu’à la mort, et l’enquêteur qui ne sait plus pourquoi il travaille sur une affaire qui le tue. Il ne manifeste pas assez sa rage devant tant de turpitude et d’immoralité.

    Il y a le jeune Joachim Phoenix qui est évidemment très bien dans le rôle d’un musicien de rock raté qui va donner son amitié et sa vie pour Tom. James Gandolfini est aussi excellent dans le rôle du salaud Eddie Poole. Peter Stormare est étonnant aussi dans le rôle du dégénéré Dino Velvet. C’est un habitué des rôles de débiles profonds, cruels et sans avenir et qui fait presque toujours tuer avant la fin du film. Amy Morton incarne la malheureuse Mme Mathews avec beaucoup d’émotion et d’intensité. Il est regrettable qu’elle n’ait pas poursuivi sa carrière au cinéma. Le ratage de cette distribution, c’est sans doute Catherine Kenner dans le rôle de la femme éplorée de Tom. Mais il faut dire qu’un tel emploi est impossible à jouer. 

    8 mm, Eight millimeter, Joel Schumacher, 1999 

    Tom est piégé par Dino Velvet et Eddie Poole 

    Malgré un budget de 40 millions de dollars, qui a mon sens n’est pas justifié par ce qu’on voit à l’écran, le film obtint un succès très moyen. Sans doute cela provient-il d’un mélange des genres, un côté gore assez mal assumé, une histoire de détective assez classique et une analyse des fantasmes de l’Amérique de la fin des années 90. Peu de scènes intéressantes peuvent être retenues, peut être celles des rencontres entre Tom et la pauvre Mme Mathews. Les moments où Tom espionne Eddie Poole, ou encore quand il recherche l’identité de sa fille. Cependant, il reste que ce film est un jalon de plus dans la décomposition du film néo-noir, et à ce titre il est intéressant. 

    8 mm, Eight millimeter, Joel Schumacher, 1999 

    Tom devient le vengeur

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