•   Bulle Ogier, J’ai oublié, Le seuil, 2021

    Des livres de mémoires d’acteurs ou de réalisateurs, il y en a beaucoup, plus ou moins intéressants. Celui de Bulle Ogier, co-écrit avec Anne Diatkine, est important à plus d’un titre. D’abord elle décrit son insertion dans un milieu du cinéma assez marginal qui tient plus du film expérimental que du film commercial. J’ai vu Bulle Ogier d’abord dans L’amour fou, à sa sortie. Un film qui dure plus de quatre heures et qui conte les affres d’un metteur en scène de théâtre et d’une actrice qui n’arrivent pas à avancer dans le montage d’une pièce de Racine, Andromaque. Si le canevas était assez précis, il donnait pourtant une très large place à l’improvisation aux acteurs. Bulle Ogier s’étend assez bien sur la manière de faire de Jacques Rivette, cette volonté de saisir le jeu au plus près de sa création. C’était en 1967. On pourrait qualifier ce film de Nouvelle Vague radicalisée. Puis Bulle Ogier avait fait La salamandre, en Suisse sous la direction d’Alain Tanner en 1971. C’était le portrait d’une jeune femme révoltée, navigant entre un petit boulot de vendeuse et un autre petit boulot dans une usine à saucisses. C’était drôle, enlevé, et Bulle Ogier était extraordinaire, révélant une personnalité à la fois fragile et en guerre contre la société. Comme elle le dit dans son livre, un rôle c’est toujours un peu de soi. Ce fut un succès, enfin un succès relatif, ce n’était pas des millions d’entrées tout de même, qui lui permis par la suite de faire une carrière. Ensuite elle s’est acoquinée si on peut dire avec Barbet Schroeder qui faisait aussi l’acteur sur Céline et Julie vont en bateau. C’est, nous dit-elle, l’homme de sa vie, on veut bien le croire. Mais les films de Barbet Schroeder ont dérivé d’une forme assez psychédélique dans le ton de l’époque, More, La vallée, vers une sorte de classicisme avec toutefois des films un peu scabreux, Maitresse ou Tricheurs. 

    Bulle Ogier, J’ai oublié, Le seuil, 2021

     

    Jacques Rivette dirigeant plus ou moins Bulle Ogier dans L’amour fou, 1967 

    Bulle Ogier suit le mouvement et peu à peu ce cinéma expérimental qui correspondait à une forme de révolte contre les formes et les normes imposées, va tourner en rond. Que ce soit Godard ou Rivette, ils vont finir au fil du temps par s’enfermer dans des questions de forme et finalement ennuyer la jeunesse qu’ils pensaient représenter leur public vieillissait en même temps qu’eux. On peut donc déjà avec le livre de souvenirs de Bulle Ogier dresser un bilan de cette avant-garde expérimentale. Godard a fini par nous ennuyer après Bande à part, définitivement. Rivette après Céline et Julie vont en bateau. La plupart de ces réalisateurs avec qui Bulle Ogier a tourné, se sont également enfermés dans un système de financement qui, s’il leur assurait du travail et la matérielle, bridait leur créativité et les éloignait du public. Barbet Schroeder s’écartera de cette misère en montant des films à Hollywood avec plus ou moins de succès, mais en retrouvant une certaine forme d’académisme. Il est possible que leur temps avait passé, la société post-soixante-huitarde n’était plus aussi riante que disons dans les années 1960-1972. Bulle Ogier fera même une incursion chez Claude Lelouch dans un film bizarre Mariage en 1974. Sans grand succès, comme quand elle se tournera vers des formes plus convenues de polar à petit budget, Le gang des otages d’Edouard Molinaro ou Bel ordure de Jean Marbœuf. Tous ces films elle n’en parlera pas… évidemment ! 

    Bulle Ogier, J’ai oublié, Le seuil, 2021

     

    Bulle Ogier dans La salamandre d’Alain Tanner, 1971 

    Le deuxième aspect de ces souvenirs, ce sont ses propres réflexions sur le métier d’actrice. En développant des relations sociales très germanopratines, Bulle Ogier va se lier à Marguerite Duras et par là s’avancer dans le théâtre. Mais je ne connais pas ce travail parce que je ne vais presque pas au théâtre et qu’en plus Bulle Ogier a surtout joué à Paris. Elle n’a pas fait d’école de théâtre, elle a surtout fait confiance à sa spontanéité, ce en quoi elle a eu raison bien entendu. On peut dire ce qu’on veut de ses choix de carrière, mais c’était une personnalité unique, la voix, son jeu, tout cela reste naturel. Contrairement à ces acteurs interchangeables d’aujourd’hui qui ont suivi des tas de cours et qui pourtant vous irritent le poil dès qu’ils ouvrent la bouche, tant leur voix est mal posée et leurs mimiques incertaines. Ils manquent de personnalité. Il est donc clair, et les souvenirs de Bulle Ogier le montrent, qu’elle appartient au passé, je dirais à un passé glorieux en ce sens qu’il indiquait que tout était possible, y comprend qu’on peut recréer le monde dans toutes ses dimensions. Bien entendu elle décrit un monde où on croit que tout est permis, sur le plan sexuel comme sur le plan de l’usage de psychotropes. Mais elle le fait avec finesse sans titiller le voyeurisme de ses lecteurs. Elle donne d’ailleurs quelques allusions sur le fait qu’elle ne comprend plus très bien le monde moderne, et ce divorce elle l’énonce déjà pour ce que fut sa vie dans les années quatre-vingts, au point qu’elle avait besoin de sa fille pour tenter de combler son océan d’incompréhension. 

    Bulle Ogier, J’ai oublié, Le seuil, 2021

     

    Bulle Ogier dans La vallée, 1972 

    Le troisième aspect de cet ouvrage c’est le deuil. Bulle Ogier a perdu beaucoup de monde, et à commencer par sa fille qui semblait promise à une belle carrière d’actrice et qui décédera d’une crise cardiaque à l’âge de 25 ans. Mais il y a bien d’autres pertes tout autour d’elle qu’avec l’âge elle dut assumer. Des misères, elle en a eu son lot, à commencer par un père qui la reniera ! Mais ces drames et ces traumatismes l’ont nourrie en quelque sorte, cela l’a obligée à s’accrocher à son métier, mais surtout lui a donné une distance ironique aussi bien avec le théâtre que le cinéma. Si elle semble avoir bien aimé Marguerite Duras, elle en dresse tout de même un portrait assez féroce. Par exemple quand elle rencontre Marguerite Duras pour la première fois, celle-ci lui dit qu’elle est trop grande ! C’est cocasse quand on sait que Bulle Ogier mesure moins d’un mètre soixante ! Marguerite Duras n’est pas plus haute que trois couilles à genoux, à la limite du nanisme, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir une haute idée de sa grandeur ! Bulle Ogier venait d’un milieu très bourgeois, mais complètement décomposé, ce qui sous-entend que c’est bien cela qui a nourri sa révolte. C’est tout de même étrange parce quand elle interprète Rosemonde dans La salamandre, elle semble vraiment sortir de la classe ouvrière ! 

    Bulle Ogier, J’ai oublié, Le seuil, 2021

     

    Céline et Julie vont en bateau, Jacques Rivette, 1973 

    J’aime bien Bulle Ogier, même si les trois quarts de sa filmographie me laisse de marbre. En refermant son livre, je dirais que c’est une femme de passions et de fidélité. Fidélité d’abord à elle-même, puis à son mari et à son entourage, ses réalisateurs, mais aussi fidélité à une époque complètement dépassée et anéantie aujourd’hui, mais qui a été intéressante même si elle n’a pas vraiment changé le cours de l’histoire du cinéma.

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  • Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023

    Palme d’or à Cannes en 2023, Golden globes pour le meilleur scénario et le meilleur film étranger en janvier 2024, ce film a coûté environ 6,2 millions d’euros et en rapporté 20. C’est donc une affaire rentable d’un point de vue comptable. Cependant, il n’a fait en France qu’1,3 millions d’entrées ce qui n’en fait pas un succès important et qui en outre reste loin des médiocres Killers of Flower Moon et Napoleon de Ridley Scott qui ont fait respectivement 156 et 170 millions de dollars en salles. Cependant ces deux derniers films ont coûté très cher, aux alentours de 200 millions de dollars chacun, et donc ils ne seront pas rentabilisés. Avant même de juger la qualité de ce film qui ne dépend en effet ni du nombre des entrées, ni des récompenses obtenues dans les festivals, on doit faire deux constats :

    – le premier est qu’un film peut être rentable et jugé intéressant avec un budget relativement modeste, on sait par exemple que la suite en deux volets des Trois mousquetaires réalisée par Martin Bourboulon qui a fait pourtant entre 5 et 6 millions d’entrées en France, affichera un bilan négatif, les deux films ayant coûté ensemble environ 70 millions d’euros. Il aurait fallu atteindre au moins 8 à 9 millions de tickets vendus dans l’hexagone ;

    – le second est que la relative étroitesse du public d’Anatomie d’une chute en fait un film pour festivaliers ou pour une clientèle semi-instruite, représentative de la classe moyenne inférieure. Le film de Justine Triet a été présenté dans plus de vingt festivals – ce qui prouve que le film a été bien lancé – et il reste en course pour l’Oscar du meilleur film étranger. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Le petit Daniel a trouvé le corps de son père dans la neige 

    C’est un problème qui a été soulevé par d’autres que moi. « Anatomie d’une chute est touché par un émiettement de la cinéphilie : il y a trente ou quarante ans, ce film aurait attiré non pas 1 million, mais 2 millions ou 3 millions de spectateurs. Sa présence aux Oscars porte donc un enjeu existentiel. » écrit Michel Guérin dans Le monde daté du 13 janvier 2024. Si le sujet aurait pu donner naissance à un film populaire, mais soigné, c’est manifestement raté. Sans doute cela vient-il de la difficulté des spectateurs à s’identifier aux personnages de ce film, nous y reviendrons, mais aussi parce que c’est un thriller, n’en déplaise à Michel Guérin, et qu’il a pourtant la prétention d’être tout autre chose. Autrement dit, massivement les Français ont refusé cette vision de notre société à travers l’exposition d’un crime. Notez que ce film a été financé pour une grande partie par des institutions, l’Union européenne, la Région Rhône-Alpes, ou encore France télévisions, Canal +. Sans cela le film n’aurait sans doute pas vu le jour. Mais comme le film a gagné de l’argent, on ne saurait le leur reprocher. Ces quelques remarques jetées rapidement sur ma page blanche indiquent déjà une forte séparation entre les films qui se voudraient populaires et qui sont financés par les plateformes du type Netflix, Apple ou Amazon et ceux qui ne seront rentabilisés pratiquement que dans les salles – le marché du DVD et du Blu ray s’étant effondré. Et donc il vient que cela confirme la disparition d’un cinéma populaire en salles autre que les comédies stupides du type Christian Clavier, Frank Dubosc, ou les blocks-busters du type Marvel. Encore que ces derniers en 2023 ont été en échec sur le plan commercial, justement à cause de la démesure de leur budget. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    On pratique l’autopsie sur le corps de Samuel 

    Justine Triet a été très critiquée quand, à Cannes, lors de la remise de sa Palme d’or, elle a attaqué le gouvernement de Macron pour la brutalité incroyable utilisée pour imposer la réforme des retraites. Dans le même mouvement elle a fustigé la politique culturelle de la France qui brille principalement par son absence. Je pense qu’elle a eu raison, non seulement parce que je suis d’accord avec ça, mais parce qu’une réalisatrice – bonne ou mauvaise – a bien le droit d’émettre un jugement sur la société dans laquelle elle vit. Mais cela ne change rien, en bien comme en mal, à ce qu’on peut penser de ce film, non pas que ce film existe indépendamment de ce qu’est sa réalisatrice, mais parce que le film a été conçu bien avant cette réforme maudite. Pour le reste il s’agit d’un film noir, inspiré selon la réalisatrice elle-même par l’affaire Alexandra Knox. Celle-ci, riche héritière américaine, avait été impliquée dans le meurtre de sa colocataire, puis blanchie après quatre ans d’emprisonnement. Cette affaire avait également inspiré le film Still Water de Tom McCarthy[1]. Mais si cette affaire a inspiré Justine Triet, c’est plutôt sur la question des formes de procédure que pour le crime proprement dit. Ce ne sera donc pas une relecture d’une affaire sulfureuse. Nous sommes dans notre domaine du film noir, dans son versant procedural. L’affiche est assez laide, ce qui m’a un long moment dissuadé de voir ce film. Cette absence de glamour signifie sans doute la volonté naturaliste de la réalisatrice.  

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Maître Renzi qui est en même tant l’ex-amant de Sandra l’interroge 

    Sandra, une romancière, reçoit une étudiante de la faculté de Grenoble qui l’interviewe et qu’elle tente manifestement de séduire. Cependant elle doit interrompre l’enregistrement parce que son mari qui aménage les combles pour en faire des chambres d’hôtes, a mis une mauvaise musique à fond. Tandis qu’elle part se reposer, son fils Daniel va promener le chien dans la neige. Mais en revenant il trouve le corps de son père, mort, au pied du chalet. Il alerte sa mère, Sandra appelle le Samu, la police intervient et l’enquête commence. Tout de suite les médecins légistes penchent pour un crime car Samuel a reçu un coup derrière la tête. Sandra va chercher l’appui d’un avocat, Vincent Renzi, qui se trouve être un de ses anciens amants. Vincent semble toujours attiré par Sandra. L’enquête, à travers les témoignages de Sandra et de Daniel, révèle des incohérences, et Sandra est inculpé pour le meurtre de Samuel. Elle a notamment menti sur un coup qu’elle avait reçu sur le bras gauche. Elle est cependant mise sous contrôle judiciaire. Elle ne doit pas être laissée seule avec son fils, car elle pourrait influencer son témoignage. Celui-ci va donc être sous la surveillance de Marge Berger. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Le juge d’instruction interroge Daniel 

    Le procès débute une année plus tard. Les témoins et les experts défilent. Une experte tente de montrer que la mort de Samuel pourrait être due à une chute et non à un coup violent porté par un objet contondant. Le déroulement du procès met en avant les difficultés du couple, notamment les différentes tromperies de Sandra qui séduisait aussi bien des hommes que des femmes. Ce sont deux écrivains à la recherche du succès. Le psychiatre de Samuel révèle que celui-ci souffrait de la violence et de l’autoritarisme de Sandra. Ce témoignage est conforté par un enregistrement audio qu’avait réalisé Samuel sur son mobile. Il montre qu’une violente dispute avec des coups avait eu lieu juste avant le jour fatal de la mort de Samuel. La défense plaide que Samuel avait sans doute fait une tentative de suicide aux médicaments. Daniel qui a assisté au procès, va à son tour tenter d’empoisonner son chien avec des cachets. Marge va l’aider à sauver le chien. Mais cela permet à Daniel de venir au secours de sa mère en confirmant d’une manière indirectement que son père a bien peut-être fait une tentative de suicide. A la suite de ce témoignage, Sandra va être acquittée. Elle va fêter son acquittement avec ses avocats, et se livre à un jeu de séduction avec Vincent, jeu qui va tourner court. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Vincent annonce aux médias que Sandra est innocente 

    Beaucoup de critiques, dont Michel Guérin, déjà cité, tentent de nous faire croire que ce filme serait autre chose qu’un thriller. C’est beaucoup de mépris pour le cinéma de genre. A cette aune, on peut dire que tout thriller, tout film noir, est aussi toujours autre chose que les crimes qu’il assume ! Quand Justine Triet titre son film Autopsie d’une chute, c’est manifestement une référence, et peut-être un hommage, au film d’Otto Preminger, un des grands maîtres du film noir[2]. La structure est d’ailleurs à peu de chose près la même. Et bien entendu le film de Preminger qui fut un énorme succès et est devenu un classique, est autre chose aussi qu’un simple procédural. Le scénario n’est pas très original, en ce sens qu’il ne recèle aucun suspense, ni des rebondissements spectaculaires et inédits. Les uns ont dit que c’était un scénario très habile. Derrière le sujet, assez commun finalement, il faut donc essayer de voir les intentions de la réalisatrice. Le premier problème qu’on rencontre avec ce film c’est qu’on ne peut pas s’attacher aux personnages, ils sont tous plus antipathiques les uns que les autres, y compris Daniel, le fils, qui finalement apparait tout aussi sournois et manipulateur que sa mère. Si je regarde du côté du milieu qui est dépeint, ce sont des semi-intellectuels sans envergure, en situation d’échec qui passent leur temps à se décharger de leurs responsabilités sur les autres. Plus ou moins libertins, à la mode d’une sexualité assez mal définie, ils théorisent leur déchéance. Le discours de Sandra sur le fait qu’elle a un besoin de sexe hygiénique est d’une stupidité affligeante et renforce la méfiance qu’on peut avoir à son endroit. Dévorés d’ambition, les deux époux ne réussissent rien du tout. Ces caricatures donnent dans le roman dit d’autofiction, c’est-à-dire aussi ennuyeux qu’égocentrique, comme si leur misérable existence pouvait intéresser quelqu’un d’autre que Justine Triet qui sans doute a elle aussi connu les manques d’inspiration dans son activité créatrice. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Le procureur tente de démontrer que Sandra a fait de fausses déclarations 

    Comme dans le précédent film de Justine Triet, Sibtl, on retrouve le portrait de l’écrivain raté qui entraîne les sujets vers la psychanalyse. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que cela ait pu intéresser autant de monde en dehors des critiques nécrosés qui peuplent les colonnes du Monde, de Libération ou de Télérama. Le seul personnage un peu positif semble être celui de Vincent l’avocat qui semble prendre en pitié les torsions récurrentes que la manipulatrice Sandra opère avec la réalité – il avouera du reste ne jamais gagner ses procès ! Cette ambiance délétère m’a fait douter des intentions de Justine Triet tant la charge est lourde, à commencer par le psychiatre qui est décrit comme un imbécile prenant pour argent comptant les fables que lui racontent ses patients. Le personnage de Sandra est carrément monstrueux, manipulatrice, menteuse, séductrice, elle n’a aucune empathie pour son mari ou pour sa famille. Elle abuse de sa position dominante dans la mesure où Samuel a tout fait pour se conformer au nouveau rôle qui est assigné aujourd’hui aux hommes dans la sphère boboïde. Et donc il vient que non seulement à la fin du film on est persuadé que Sandra est coupable, même si elle a été acquittée, et qu’en outre elle est le prototype de ces nouvelles femmes au sexe indistinct qui mènent le monde à sa perte. Il est difficile d’y voir un plaidoyer féministe, bien au contraire.  

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Daniel présente un premier témoignage devant le tribunal 

    Dans ce film on remarque que les hommes – Samuel, Vincent, mais aussi le petit Daniel – ont les cheveux longs, au point que le fils non seulement est presqu’aveugle, mais aussi pratiquement déguisé en fille. Il est l’image même de l’enfant castré par sa mère. De manière symétrique et sans finesse, les femmes qui comptent ont les cheveux courts, Sandra, Marge, et possèdent des allures viriles. C’est Marge, roulant des épaules, qui semble finalement décider que Daniel doit témoigner. Tout cela semble être une critique au vitriol des femmes nouvelle manière et des hommes dévirilisés. Si cela doit annoncer la nouvelle définition des genres, ce n’est guère enthousiasmant. Daniel semble s’être rangé instinctivement dans le camp des vainqueurs, et donc d’une certaine manière il va renier son père pour se soumettre aux exigences muettes de sa mère. Les personnages masculins qui représentent la justice sont eux aussi des caricatures. Je ne parle pas seulement de l’avocat général à la nuque rasée, mais aussi des gendarmes ou des médecins qui pratiquent l’autopsie. Cependant à bien regarder, ils sont les seuls à remettre de l’ordre dans le chaos ambiant.  

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Une experte tente de montrer que Samuel a très bien pu chuter 

    Parmi les pistes intéressantes, il y a cette idée d’un couple qui vit en osmose, coupé du reste du monde pour des raisons diverses, notamment le manque de moyens matériels, mais aussi cette terrible fatalité qui a rendu Daniel aveugle et qui a induit une trop évidente culpabilité chez les deux époux. Cet enfermement est symbolisé par le pillage du livre de Samuel par Sandra. Ce qui parait au premier abord traité comme une compensation guidée par la nécessité de trouver un point d’appui à la création littéraire, aurait pu être traité comme une substitution entre deux personnalités, et du même coup aurait expliqué cette inversion des genres qu’on semble percevoir et qu’on a décrite dans le début de ce billet. Mais le scénario n’a pas perçu cette possibilité et en reste au simple fait d’une sorte de jalousie entre les deux époux qui pratiquent le même métier. Cela vient sans doute à la fois de la paresse et de la volonté de centrer toute l’histoire sur le portrait ambigu de Sandra. Il y avait là pourtant un jeu de miroir très intéressant à développer. Mais la réalisatrice a préféré s’en tenir à la piste facile de la jalousie sous-jacente de Samuel. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Le psychiatre qui suivait Samuel pense que Sandra le martyrisait 

    Le scénario, contrairement à ce qui a été dit ici et là, comporte de sérieuses lacunes. D’abord dans les détails même de la procédure, alors que Justine Triet disait s’être appuyée sur les conseils d’un avocat d’Assises le traitement de Daniel, un mineur, est assez irréaliste. Non seulement il assiste aux phases les plus scabreuses du procès, mais en plus c’est lui qui dit au juge quand et comment il va témoigner. Pour un gosse censé avoir 11 ans, il fait preuve d’une maturité incongrue. C’est gênant dans une approche qui se veut naturaliste. Mais passons, ce n’est peut-être pas là le plus important, étant donné que la plupart des spectateurs ne connaissent pas bien le fonctionnement de la justice. La construction reste problématique. D’abord dans le fait que Daniel justement n’intervient réellement que dans la dernière demi-heure, faisant basculer le portrait d’un couple qui se déchire, vers les mensonges et les sournoiseries de l’enfance, sujet très souvent débattu au cinéma. On a beaucoup souligné le fait que le film est excessivement long. Il dure deux heures et demi, ça tire à la ligne, notamment sur les séquences où Daniel joue du piano. Je crois qu’on aurait pu enlever au moins une demi-heure, sans perdre quelque chose. Passer également de l’écoute d’un enregistrement audio à sa représentation visuelle à la manière d’un flash-back est assez incongru. Ça vient comme un cheveu sur la soupe parce qu’on passe de l’exposition de faits forcément subjective, à une représentation visuelle qui se voudrait le reflet d’une vérité. De la même manière, je ne sais pas trop ce qu’apporte l’interview de Sandra par une jeune étudiante de Grenoble. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023

    Un enregistrement montre que Sandra et Samuel avaient eu une violente dispute 

    Parmi les éléments gênants, il y a ce mélange de langues. L’anglais qu’on entend est assez scolaire, mais on doit se farcir les sous-titres dans l’image. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que la barrière de la langue est un obstacle à la relation amoureuse ? Pire encore sans doute, c’est filmé comme un téléfilm des années soixante-dix. C’est-à-dire avec des plans rapprochés qui sont censés permettre de lire le trouble sur les visages. Mais le plus souvent le cadre est mal foutu. Quand Daniel est interrogé par le procureur général et par l’avocat de la défense, ils sont hors cadre, on les entend poser les questions, mais on ne les voit pas ou alors apparait une manche. On voit seulement Daniel qui bouge la tête de gauche à droite. Pratiquement tous les dialogues y compris quand il s’agit de la dispute censée être violente entre Sandra et Samuel, sont filmés en champ-contrechamp ce qui en diminue la tension. Les plans larges sont très rares, même le palais de justice est filmé de façon étriquée, alors que c’est tout de même un personnage important du scénario. Il y a manifestement une mauvaise saisie de l’espace, guère de profondeur de champ. Au début avec la neige qui entoure le chalet, on se dit qu’on va avoir une atmosphère à la Fargo avec un froid glacial qui représente les relations congelées et morbides des protagonistes, mais non, le décor disparait en même temps que la neige et la montagne, entre quatre murs, ça devient très bavard. Triet est incapable de bouger sa caméra pour nous faire ressentir la taille imposante de la salle d’audience. Donc très peu de mouvements de caméra, avec une photo qui n’a rien de remarquable, sans aucun travail sur les couleurs, alors que les décors s'y prêtaient. Tout cela manque de style. C’est au ras du sol. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023

    Daniel a essayé d’empoisonner son chien 

    La distribution est naturellement dominée par Sandra Hüller. Elle est tout à fait juste dans le rôle de cette fausse intellectuelle, mais vraie matrone rentrée à la manière allemande, c’est-à-dire brutale. Elle est presqu’aussi odieuse que Charlize Theron dans le film Monster de Patty Jenkins, sauf que dans ce dernier film, le monstre finissait par devenir attachant. Cependant elle représente très bien cette femme vieillissante et en échec dans tout ce qu’a été sa vie. La scène de la dispute, qui est aussi le clou du film, lui va très bien. Swan Arlaud est Vincent l’avocat qui a conservé de la tendresse pour le monstre et qui se laisse utilisé par elle. Il est très bien, il a une voix juste et pas trop de cet accent « moderne » qu’on se farcit aujourd’hui dans la plupart des films français. Anne-Lise Heimburger dans le rôle de l'experte qui démonte les spéculations de la police fait aussi un bon numéro.

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023

    A la télévision une critique littéraire explique que les romans de Sandra traitaient de la mort de son mari 

    Derrière ce n’est franchement pas terrible. Le petit Milo Machado Graner incarne Daniel, à mon sens il est bien trop âgé pour le rôle. Certes on peut toujours arguer qu’il a atteint rapidement une grande maturité, mais ça s’oppose à l’idée qu’il serait fragile à cause de son âge. Mais en plus il joue mal, sa voix sonne faux, sauf qu’il pleure à la demande. Antoine Reinartz a été très critiqué pour le rôle de l’avocat général. Je serais plus nuancé, le rôle d’un procureur étant bien de torturer l’accusé. Par contre Samuel Theis dans le rôle court, mais important du mari assassiné, est très mauvais, notamment dans la scène de la dispute. Il vire à la pleurnicherie. Jehnny Beth incarne l’auxiliaire de justice qui accompagne Daniel. Elle a l’air d’être complètement ailleurs, camouflée derrière un physique médiocre, engoncée dans des vêtements de clodo, comme si en province on s’habillait différemment qu’à Paris ou encore que les employés de la justice soient payés maigrement. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Le nouveau témoignage de Daniel tend à disculper sa mère 

    Comme on l’a compris, ce n’est pas un film que je trouve bon. Mais enfin, par rapport à la précédente Palme d’or gagnée par une réalisatrice française avec Titane en 2021 par Julia Ducournau, le film reste presque dans des normes académiques. Il a suffisamment plu pour penser que c’est une bonne Palme d’or. J’ai noté trois sortes de critiques, je ne parle pas ici des critiques de profession qui sont tous unanimes, mais du public qui s’est déplacé pour le voir et qui a payé son ticket : les enthousiastes qui représentent environ la moitié de l’échantillon, quinze pour cent environ qui ont trouvé ce film pas mal, mais comme un thriller classique. Et puis le reste qui trouve ce film mauvais et faible sur le plan technique. Je ne crois pas que cette Palme d’or restera dans l’histoire. Le plus gros reproche qu’on peut faire à ce genre de production, au fond, c’est qu’elle n’a pas de style, mais c’est un problème qui ronge le cinéma mondial et principalement occidental d’aujourd’hui. 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023

    Sandra a été acquittée 

    Anatomie d’une chute, Justine Triet, 2023 

    Sandra en fêtant son acquittement retombe dans les jeux de la séduction 



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/stillwater-tom-mccarthy-2021-a210131572

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/autopsie-d-un-meurtre-anatomy-of-murder-otto-preminger-1959-a154721204

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  • 3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976   

    Le succès de Comptes à rebours a incité Roger Picaut à poursuivre un peu dans la même veine, ou plutôt à travailler avec le même modèle économique et la même équipe. André G. Brunelin sera au scénario, et on retrouvera de nombreux acteurs qui avaient participé à la première aventure, Serge Reggiani, Michel Bouquet, Marcel Bozzuffi, et encore Amidou. Mais l’histoire va s’éloigner d’une simple représentation du milieu, et se porter plutôt vers la description d’une France prolétaire en crise, c’est-à-dire en voie de désindustrialisation accélérée pour laisser place à la modernité. Cette tendance se retrouve dans beaucoup de films noirs français, avec par exemple Le chat de Pierre Granier-Defferre, avec Jean Gabin et Simone Signoret qui sortira en 1971 qui donne comme cadre à leur intrigue un Paris qu’on démolie d’une façon méthodique à grands coups de pelleteuses. Cette situation particulière avec la destruction du quartier populaire de la Défense, venait juste après celle des Halles, et était le symbole haï du pompidolisme. En effet, derrière cette modernisation à marche forcée de l’Ouest de Paris, il y avait aussi toute une kyrielle de malversations, de détournements d’argent public et même des meurtres pour s’emparer d’un marché juteux. Ce scandale s’ajoutait à la laideur imposée aux malheureux Parisiens par des architectes complaisants et « internationaux ». En même temps, Pigaut et Brunelin vont revisiter le film de casse, comme l’avait fait avant eux Jean-Pierre Melville dans Le cercle rouge. Sauf qu’ici ce ne sont pas vraiment des professionnels, mais plutôt des demi-sels qui vont tenter de prouver que malgré tout ils ont du talent ! 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    En passant devant la tour Roussel, ils repèrent un convoi chargé de diamants 

    Dans le quartier de la Défense, Gus et Pierrot traficotent des marchandises « tombées du camion. Un jour ils repèrent un convoi très surveillé qui transporte des diamants. Il doit y avoir une exposition en haut de la tour Roussel, flambant neuve ! ils commencent à rêver de dévaliser l’exposition. Gus juge que c’est trop difficile, Julien qui colle des affiches veut rester honnête. José est le premier à travailler l’idée. Bientôt ils vont s’adjoindre les conseils d’Albert, un vieux garçon qui vit avec sa mère, qui elle-même traficote dans la brocante. Mais bientôt tout le monde va s’y mettre. Julien étudie les plans amenés par José qui, travaille dans la tour. Ils vont tous visiter l’exposition et Gus prend l’empreinte de la clé qui commande le système d’alarme. Ils commencent à imaginer comment ils vont pénétrer dans les sous-sols puis escalader les gaines d’aération pour atteindre le 28ème étage. Mais ils buttent sur le système d’alarme, car s’ils ont compris, grâce à Albert, comment cela fonctionne, ils leur manquent le matériel pour mettre le système d’alarme en veilleuse. 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    Lulu balaye devant son bistrot 

    Gus a alors l’idée de revendre le coup à Raphaël, un truand installé qui dans un premier temps avait refusé. Détaillant longuement le système Raphaël va prendre l’affaire en charge. Ses hommes vont exécuter le plan concocté par Gus, Pierrot et leurs amis, sous leur œil vigilant. Le coup réussi sans souci. Tandis que la compagnie d’assurance s’affole, la perte serait de 3 milliards, Lulu se fait recevoir par Raphaël et tandis qu’elle détourne son attention, ses amis ouvre le mur et vole le coffre-fort où le truand a enfermé le butin ! Cependant n’arrivant pas à ouvrir le coffre, ils décident de transactionner avec la compagnie d’assurances. Ils demandent cinquante millions. La compagnie accepte, mais elle ne tient pas sa promesse, et ne leur donne que cinq millions, le reste se sont des faux billets de banque. Ils vont partager cette somme étriquée en huit, et regarderont les pelleteuses s’avancer pour finir de détruire leur quartier. Il est temps de s’en aller. 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    Gus et Pierrot tente de se débarrasser du carton de vêtements pour enfants

    Comme on l’a compris, c’est un film de casse traité sur le mode léger, à la manière de I soliti ignoti – Le pigeon – de Mario Monicelli, sorti en 1958, ou encore   d’Audace colpo dei soliti ignoti – Hold-up à la milanaise – de Nanni Loy sorti en 1959 qui lui aussi connu un grand succès international. L’équipe qui imagine le casse, c’est un peu un mélange des Pieds Nickelés et des prolétaires en voie de déclassement. Cependant le cœur du film ne se trouve pas là, mais dans une critique de la modernité. En effet la bande qui va imaginer le casse procède d’une sorte d’esprit de vengeance face à l’écrasement que le quartier subi. La tour est le symbole de cette arrogance. On verra des scènes d’exode quand les habitants, pauvres, forcément puisqu’ils déménagent avec une charrette à bras, devront quitter le quartier. D’ailleurs les casseurs ne sont pas du tout équipés, ils sont peut-être habiles pour imaginer le casse, mais ils n’ont pas le capital nécessaire pour aller jusqu’au bout de l’affaire. Cette équipe de bras-cassés n’a en vérité que très peu d’ambition. Même le prétentieux Gus qui vit du maquereautage de sa femme, ne vise jamais très haut. D’un côté il y a donc le monde des puissants, représenté aussi bien par la tour Roussel que par le truand Raphaël. Ce sont les deux faces du capitalisme. De l’autre, une bande plus ou moins bien soudée autour de sa misère. Ils sont en voie de disparition, et c’est pour ça que leur combat est important. A leur manière, ce sont des contestataires de la modernité. 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    Les derniers habitants quittent le quartier 

    Ces gens-là ne s’embarrassent pas de la morale ordinaire, ils manifestent certainement une forme de solidarité, mais en même temps, ils ne sont pas dans les clous pour respecter la loi. Celle-ci ne les concerne pas vraiment. Ce sont des anarchistes, sans la doctrine. Mais au-delà de ça, ils jouent sur leur force collective si on peut dire. Peut-être ne sont ils pas très malins, mais ensemble ils ont une créativité supérieure à celle de Raphaël et de ses sbires. Leur force, c’est la force du quartier qui reste en vie malgré les assauts répétés de la modernité. Quand ils ne peuvent pas avancer par leur compétence, ils font appel à la ruse qui leur permet d’utiliser la puissance de l’argent de Raphaël. Comme on le comprend le thème sous-jacent, c’est la révolte des petits contre les gros. Leur solidarité est représentée par la manière dont ils se sont encordés pour escalader les 28 étages de la tour. 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    Gus dit qu’il ne veut pas marcher dans le casse 

    Sont-ils attachés à l’argent ? Pas vraiment, et d’ailleurs ils se contenteront de peu avec les quelques vrais billets que leur a donné la compagnie d’assurances, leur triomphe c’est plutôt d’avoir monté le coup et de l’avoir réussi grâce à leur intelligence. Car à côté de cet aspect un peu brancaille des protagonistes, il y a tout de même un coup qui est très bien monté et qui va faire la pige à beaucoup de films de casse. Pigaut va donc passer une grande partie du film a détaillé la méthode pour réussir un casse d’envergure. Là les références cinématographiques sont nombreuses. Quand les protagonistes s’assoient autour d’une table dans le bistrot de Lulu, sous la lampe, pour étudier le plan, c’est évidemment à Asphalt Jungle de John Huston auquel on pense. Quand il filme la traversée des conduits d’évacuation et d’aération par toute la bande, c’est par contre au Trou de Jacques Becker auquel on pense, ou encore Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil. Ces longs couloirs, ce passages difficiles, sont le reflet du passage vers un autre monde, un peu moins contraignant. 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    Julien maintenant s’intéresse au casse 

    Cependant à l’évidence, ce qui intéresse le plus Pigaut, et nous aussi, c’est de filmer ce quartier qui est en train d’être assassiné par les promoteurs immobiliers. Les choix des décors sont judicieux, avec cette juxtaposition des maisons pauvres et éventrées et les immeubles écrasants et flambant neufs, de verre, d’acier et de bêton. Il va donc filmer des oppositions, la tour qui s’élève vers le ciel, et le quartier écrasé, abimé par les pelleteuses, mais aussi la petite camionnette 2CV, rafistolée, par opposition aux belles voitures des truands et par opposition aussi au convoi lourdement défendu par la police. Le film est habité par cette concurrence entre verticalité et horizontalité. C’est ce qui en fait la musique latente. Le bistrot de Lulu par opposition aux salles d’exposition est un lieu poétique et chaleureux. De même les petits truands du quartier sont mal équipés, avec des lampes électriques qui tiennent sur les casques de chantier avec des élastiques !  

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    Gus a fait faire la clé de l’alarme 

    Techniquement il y a très peu de choses remarquables, ce qui n’est pas étonnant avec Pigaut, mais c’est propre. Quelques travellings arrière dans les sous-sols, des vues plongeants sur le quartier pour mettre en abime les oppositions dont on a parlé, ou encore le travelling latéral qui fait se rejoindre José et Pierrot qui, chacun de leur côté cherche à comprendre comment faire pour dépouiller la tour de son trésor. Les scènes dans le bar sont intimes et réussies. La photo de Jean Tournier est typique de ce qui se faisait à l’époque pour ancrer l’histoire dans la réalité matérielle. On peut regretter cependant la scène de la bagarre au début du film, ça n’ajoute pas grand-chose et ça donne dans le simplisme rigolard. 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    En passant par les sous-sols, ils espèrent atteindre la salle d’exposition 

    Pour le reste, Pigaut compte sur sa pléiade d’acteurs, et il n’a pas tout à fait tort. Si dans Comptes à rebours, la figure centrale était Serge Reggiani, ici le film est beaucoup plus choral et les rôles volontairement équilibrés. Serge Reggiani est plus effacé dans le rôle de Pierrot, il n’a plus rien d’un dur ou d’un désespéré, mais d’un petit vieux à la recherche d’un hobby pour occuper sa retraite. Michel Bouquet est très bon dans un rôle inhabituel pour lui d’Albert, le fils à maman un peu rêveur. Cette maman-là est la tonitruante Françoise Rosay qui surjoue toujours un peu. Marcel Bozzuffi a un rôle important, bien plus que dans Comptes à rebours. Il est Gus, ce maquereau prétentieux mais aussi rusé qui se venge des avanies que lui a infligées Raphaël. Bernard Fresson est très bon dans le rôle du prolétaire Julien qui voudrait bien rester honnête, il est le plus souvent très bon ! Et puis il y a la superbe Dany Carrel, toujours à l’aise dans n’importe quel rôle de composition.

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976 

    Gus revend le coup à Raphaël 

    L’ensemble de la distribution est solide. Les yeux exercés reconnaitront aussi Victor Lanoux dans un tout petit rôle, celui de l’homme de main de Raphaël. Il était alors au tout début de sa carrière au cinéma. Gabriele Ferzetti est Raphaël, mais il son rôle est court. Notez encore Amidou dans le rôle de José – sans doute en avait-il marre de jouer les maghrébins de service – avec des lunettes, une sorte de sous-prolétaire – il est veilleur de nuit – avec des lunettes. Il est bien. Par contre la musique de Teo Usuelli est très mauvaise et se trouve en porte à faux avec le propos mélancolique de l’histoire. Je me demande bien ce qu’a voulu faire ce compositeur italien, mais en tous les cas il n’a rien apporté. 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    Lulu détourne l’attention de Raphaël pendant que ses amis déménagent son coffre-fort 

    Le succès commercial de ce film fut assez moyen, bien moins important que Comptes à rebours. Sans doute que le public ne voulait plus assister à l’écrasement de Paris par la modernité pompidolienne. Mais la critique de l’époque a été plutôt favorable au film. C’est un film injustement oublié, non qu’il soit parfait bien sûr, mais surtout parce qu’il témoigne sur un ton léger finalement d’une époque de destruction massive de Paris à travers une histoire et des personnages attachants. 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976 

    L’assurance n’a pas payé ce qu’elle devait 

    3 milliards sans ascenseur, Roger Pigaut, 1976

    Les pelleteuses vont finir par les chasser du quartier 

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  •  Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Dans les années soixante-dix on fabriquait en France avec succès de bons films policiers, avec une prédilection pour les voyous. Le flic n’était jamais le héros. C’était probablement une conséquence de Mai 68 qui avait vu la police se déchaîner contre la contestation – on était pourtant bien loin de la sauvagerie macronienne contre les Gilets jaunes. Et Olivier Marchal ne faisait pas encore de films pour célébrer la martyrologie de la police. Et donc on se penchait sur la vie des hors-la-loi. Jean-Pierre Melville ayant ouvert le chemin dès le début des années soixante. Mais c’est seulement après Mai 68 que Melville va devenir une référence universelle dans le cinéma mondial et donc qu’il avait être accepté comme un grand réalisateur. C’est d’ailleurs vers ce moment-là que Melville va déconnecter son cinéma d’un ancrage dans le réel, ancrage qui est omni présent au moins jusqu’à L’armée des Ombres. Beaucoup de critiques auront bien du mal à voir dans cette réorientation du cinéma vers la poésie sombre de la vie des truands, autre chose qu’un exercice de style ne valant que pour la forme. Il faut bien comprendre que le film noir à la française qui explose dans les années soixante-dix, est l’exact pendant du poliziottesco qui se développe en même temps de l’autre côté des Alpes. Il y a de nombreux réalisateurs français qui ont travaillé sur ce segment et qui sont trop peu considérés, je pense à Serge Leroy, Sergio Gobbi bien trop sous-estimé mais qui a fait pourtant quelques réussites, Jean Larriaga, Alain Corneau – avec sans doute beaucoup trop de prétention – et puis bien sûr Roger Pigaut. 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Nolan est suivi par le mystérieux Valberg 

    Celui-ci a commencé une petite carrière d’acteur sous l’Occupation, et ce n’est que tardivement qu’il s’est tourné vers la réalisation, peu sollicité par le cinéma, il se tournera vers la télévision. Mais au début des années soixante-dix, il connait deux très beaux succès sur des scénarios d’André G. Brunelin. Ce dernier travaillera dans le genre notamment avec Jeff de Jean Herman pour Alain Delon, et même il participera au scénario du Désert des Tartares mis en scène par Valerio Zurlini. Brunelin est également connu pour avoir écrit une belle biographie de Jean Gabin qu’il connaissait très bien, biographie qui fait encore autorité. Mais avant d’être scénariste et biographe, Brunelin avait été attaché de presse, travaillant à la promotion de films comme Mélodie en sous-sol ou Les félins, ce qui peut expliquer son goût pour le cinéma populaire quand il se lancera dans l’écriture scénaristique. Cependant si le sujet est relativement banal, Roger Pigaut a eu l’excellente idée d’utiliser une forme chorale pour Comptes à rebours, forme qui permettait d’avoir toute une pléiade d’acteurs connus, le plus souvent un peu en retrait, pour une somme relativement faible.   

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971 

    Zampa, Ferrier, Gilbert et Levasseur se demandent ce qu’ils vont faire 

    François Nolan sort de prison et après être passé par la Camargue, il rejoint Paris. Il veut retrouver ses anciens complices d’un casse qui a mal tourné et pour lequel il a été condamné à dix ans. Il veut savoir qui l’a dénoncé, et cela d’autant que son frère Pierrot est décédé dans ce braquage. Lui-même avait été blessé. Dans sa quête, il va être suivi par Valberg qui est un inspecteur des assurances et qui a été défiguré dans la fusillade avec la bande. Zampa, Ferrier, Gilbert et Levasseur se réunissent au cercle de jeu pour savoir comment ils doivent réagir à la sortie de Nolan. Celui-ci cependant se rapproche de Madeleine, une ancienne maîtresse, qui a refait sa vie avec un médecin prospère, Michel Sainte-Rose. Sur la route d’Houdan, il repère Macias qui le suit pour le compte de son ex-bande, il lui demande de faire une commission, qu’ils se retrouvent tous chez Juliani et Léa pour discuter. Il est très bien accueilli par le couple. Au cimetière où Nolan va se recueillir sur la tombe de son frère, il est abordé par Valberg qui lui fait par de ses rancœurs d’avoir été défiguré. Chez Léa et Juliani, la discussion n’aboutit pas, ses anciens complices lui proposent de l’argent, une association, et nient être pour quelque chose dans sa dénonciation. Léa envenime un peu les choses en disant qu’ils n’ont fait guère d’efforts pour venir en aide à Nolan, et la réunion se clôt sur la promesse de Nolan de tous les tuer ! Il commence d’ailleurs par Jebel qui aurait voulu prendre les devants et qu’il tue dans le jardin. 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Nolan a retrouvé Madeleine, son ancien amour 

    Les truands ne sont pas contents, et pour se prémunir d’une attaque de Nolan, ils engagent Narcisse, un tueur cruel, pour s’en débarrasser. Celui-ci va torturer Juliani sous les yeux de Léa qui finit par parler. Nolan tue ensuite Ferrier dans son garage. En rentrant chez lui Nolan s’aperçoit que son concierge a été lui aussi maltraité. Narcisse est sur ses talons, une course-poursuite s’engage, Nolan tue finalement Narcisse. Puis il va délivrer Juliani et Léa. Il continue sa route en allant assassiner Gilbert au cercle de jeux, aidé en cela par Macias qui ne se fait pas prier pour trahir ses patrons. Nolan retrouve ensuite Zampa et lui fait croire que Gilbert s’est dénoncé. Ils font une partie de chemin de fer, et Nolan finalement tue Zampa ! Curieusement Nolan retrouve Valberg qui lui indique que la dénonciation est partie en fait d’un coup de fil de Houdan. Nolan se rend chez Michel le médecin, et celui-ci avoue que c’est bien lui qui l’a dénoncé. Nolan hésite, mais ne le tue pas. Il s’en va et attend Madeleine avec laquelle il veut s’en aller en Camargue. Mais Valberg arrive chez Michel, tue le médecin et téléphone à la police à laquelle il fait croire que c’est Nolan qui a tué Michel. Alors que Madeleine et Nolan sont dans le train, celui-ci descend sur le quai pour acheter les journaux, mais la police l’arrête pour le meurtre de Michel ! 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Nolan a coincé Macias qui le suivait 

    C’est donc l’histoire d’une double vengeance, celle de Nolan, et celle de Valberg. Inspirée à la fois des romans noirs de José Giovanni et d’Auguste Le Breton, cette méditation sur la trahison imaginaire ou non est compliquée par une sorte de romance entre Nolan et Madeleine. On retrouvera aussi cette idée qu’on peut trahir simplement par humanité comme Léa quand elle voit le vieux Juliani qui ne peut plus parler, handicapé dans son fauteuil à roulette, torturé par le tueur Narcisse. On ne cherchera donc pas la vraisemblance dans ce portrait du milieu. Le personnage le plus intéressant est Valberg qui se pose en deus ex machina. Physiquement et moralement il est totalement à part. c’est un homme torturé et compliqué qui ne prend que des chemins de traverse pour arriver à son but. Et il y arrive ! Les autres protagonistes restent dans le rôle assez passif des truands arrivés et qui ne veulent plus se mouiller. Ils sont prêts à payer Nolan pour qu’il les laisse tranquille. Mais celui-ci n’a pas avalé les dix ans passées en cabane et se cherche un coupable, sans vraiment approfondir la question. Il sème le malheur, mais en vérité il n’est que l’instrument de Valberg. 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Nolan discute avec le docteur Sainte-Rose qui vit maintenant avec Madeleine 

    Plus compliqué est el couple bourgeois formé par Madeleine et Michel. Il est vrai qu’on comprend tout de suite qui est le coupable de la dénonciation qui a détruit la vie de Nolan et de son frère. Mais peu importe. Ce médecin apparemment discret et tranquille est tout aussi machiavélique que Valberg qui, lui, avance à visage découvert. Sous les dehors lisses d’un homme policé et aimable, il cache un caractère complètement rongé par la jalousie, visant à s’approprier Madeleine pour sa satisfaction personnelle. Alors que Madeleine – caractère aux contours des plus flous – semble au contraire pencher pour Nolan. D’ailleurs quand il lui proposera de partir avec lui pour la Camargue, elle n’hésitera pas une minute.  

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Valberg aborde Nolan au cimetière 

    Un certain nombre d’astuces scénaristiques vont émailler le film. Par exemple le tueur Narcisse qui va mourir en se regardant dans la glace pour vérifier qu’il est bien le plus beau. Tueur cruel, on le verra conserver une partie de son âme d’enfant en assistant à un spectacle de guignol, c’est là qu’il recevra Zampa pour définir les contours de son nouveau contrat. Le personnage de Valberg est certainement caricatural, mais ses lunettes dont un verre est noir, l’autre clair, lui donne une allure assez unique. Ces deux personnages relèvent en quelque sorte l’intérêt, car Nolan et la bande qu’il pourchasse sont plutôt très traditionnels. Peut-être que l’obsession morbide de Nolan pour se venger, n’est pas assez évidente, et certainement on comprend assez mal qu’arrivé au bout de l’histoire, sachant qui l’a dénoncé, lui et son frère, il laisse la vie sauve à Michel, et en plus abandonnant son revolver qui le condamnera sûrement aux Assises. A cette époque n’oublions pas que la peine de mort est encore en vigueur pour quelques années. Le personnage complètement muet de Juliani est également problématique, handicapé, il est censé imposer son autorité d’une manière muette au reste de la bande. 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Nolan rencontre son ancienne équipe chez Léa et Juliani 

    Plusieurs éléments du scénario sont assez peu compréhensibles. D’abord la volonté de trahir de Macias, plus ou moins garde du corps. Qu’il n’aime pas ses patrons, pourquoi pas, mais de là à se ranger du côté de Nolan qui est en apparence l’élément le plus faible du lot et pas forcément le plus sympathique, c’est assez incongru. De même quand la bande se réunit chez Léa et Juliani dans le but de trouver un arrangement, on ne comprend pas le comportement de Léa qui ne reste pas neutre et qui prend parti ouvertement pour Nolan, accusant directement les anciens complices de Nolan de l’avoir abandonné. Certes ça donne un peu de la force à son personnage – force qui s’évaporera face à Narcisse – mais on peut penser que ça complique l’intrigue inutilement. 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Narcisse veut faire dire à Léa où se trouve Nolan 

    La réalisation repose d’abord sur le choix des lieux qu’on peut regrouper en trois. D’abord le vieux Paris de Belleville et ses rues en pente, encore un peu village, où Nolan va se ressourcer en louant une chambre dans un hôtel de seconde catégorie. On verra sur des murs crasseux une enseigne lumineuse pour Martini, ce qui fait encore plus ressortir le caractère vieillot du quartier. Ce décor s’oppose à celui de la banlieue où logent à la fois Michel et Madeleine, à Houdan dans une villa cossue, et Léa et Juliani dans une autre villa, mais cette fois plutôt discrète et enfoncée sous les arbres et les buissons, comme si ses propriétaires avaient quelque chose à cacher et qu’ils voulaient disparaitre à la vue de tous. Il y a enfin le cercle de jeu, et les diverses propriétés que possèdent les membres de la bande. Ils ont beaucoup d’argent, arrivés, ils ne font plus les sales besognes eux-mêmes. 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Nolan aperçoit Narcisse à travers la glace sans tain 

    Dans la manière de filmer, on reconnait plusieurs influences, d’abord évidemment celle de Melville qui avait utilisé Serge Reggiani, Marcel Bozzufi et Simone Signoret. Par exemple la façon de montrer la solitude de Nolan dans sa petite chambre d’hôtel – voir Le samouraï. Ou encore Macias qui rêve devant son chapeau, hésitant à le mettre, puis finalement le portant comme s’il voulait enfin assumer un nouveau rôle dans le milieu. Pigaut va utiliser des tons bleutés et pastellisés pour marquer un peu plus la froide détermination de Nolan. Le rôle de Bossuffi renvoie à celui de Ricci dans Le deuxième souffle. Évidemment Pigaut n’est pas Melville. Mais vers cette époque on pouvait déjà repérer l’influence de Melville dans le cinéma de genre, notamment en Italie, dans le poliziottesco, ou dans les films noirs japonais. Certains passages de ce film font penser d’ailleurs à Pierre Lesou, Main pleine[1], roman qui sera adapté par Michel Deville sous le titre de Lucky Jo en 1964, avec ce truand qui sort de prison et qui ne reconnait rien de ses anciens complices, ni même de la femme qu’il a jadis aimée. Pierre Lesou était certainement le meilleur disciple de José Giovanni et d’Auguste Le Breton. 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971 

    Nolan va tuer Gilbert 

    Pour le reste Pigaut n’était pas un très grand technicien, il n’a pas une grande aisance dans les mouvements de caméra, sauf quand il suit Reggiani avec un travelling latéral, à la manière justement de Melville dans Le Doulos. Il s’en tire cependant très bien quand les décors parlent. La photographie est bonne, mais sans plus. La scène où Macias doit faire semblant de tuer Nolan sur la voie de chemin de fer est assez ratée et manque ce cette perspective qu’on en peut tirer assez facilement.  

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Nolan affronte maintenant Zampa

    Le film repose d’abord sur l’interprétation de Serge Reggiani dans le rôle de Nolan, l’affiche parle d’elle-même, tous les personnages, en noir et blanc, gravitent autour de lui, en, couleurs, une arme à la main, comme s’il était cerné. Il avait déjà tenu ce type de rôle, fatigué et déboussolé dans Le doulos. Il est plutôt juste. Derrière il y a Michel Bouquet qui s’est visiblement amusé à composer ce personnage tordu de Valberg, il est l'image du destin, celui qui annonce les catastrophe. Grand acteur de théâtre, il ne dédaignait pas le cinéma de genre. Juste avant Comptes à rebours, il avait interprété le rôle d’un commissaire vicieux et hargneux dans Un condé d’Yves Boisset[2]. Il n’a pas beaucoup de temps à l’écran, mais il est remarquable et apporte beaucoup au film. Les membres de la bande, incarnés par Marcel Bozzuffi qui à l’époque faisait une gentille carrière en Italie dans le poliziottesco, André Pousse, ou encore Jean-Marc Bory, sont eux aussi assez juste. C’est nettement moins bon avec Jeanne Moreau dans le rôle de Madeleine. À cette époque elle était déjà sur la pente déclinante, vieillie avant l’âge, elle avait seulement 42 ans, elle trouvait difficilement des rôles, hésitant entre les Etats-Unis et la France. Elle a l’air de s’ennuyer, sourit à contretemps, physiquement elle présente peut d’attrait, et on ne comprend guère que Nolan et Michel en soient tous les deux amoureux. Mais son rôle n’est pas très important. Jean Desailly incarne le docteur Michel, il est bien, sans plus, mais il a peu de lignes de texte. Charles Vanel étant muet et cloué dans son fauteuil n’a pas grand-chose à faire, et Simone Signoret ne semble pas très à l’aise. Joëlle Bernard, l’épouse de Roger Pigaut interprète Suzy, la femme du défunt Jebel renforçant le côté familial de l’entreprise. Notez que la musique de Georges Delerue qui avait le sens des mélodies entêtantes est très bonne et renforce le côté nostalgique de l’entreprise. 

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Valberg indique à Nolan que la dénonciation venait d’Houdan 

    Le film fut un bon succès public, pour un budget somme tout assez modeste, et la critique le salua comme un retour aux bons vieux fondamentaux du cinéma de genre de qualité. Évidemment ça ne tient pas la comparaison avec du Melville, à l’impossible nul n’est tenu, mais c’est un polar plutôt agréable qui a assez bien passé les outrages du temps.

    Compte à rebours, Roger Pigaut, 1971

    Nolan revient voir Michel


    [1] Gallimard, Série noire, 1959.

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/un-conde-yves-boisset-1970-a184445078

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  •  Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Edouard Molinaro a sans doute donné le meilleur de lui-même dans le film noir, Le dos au mur ou encore Un témoin dans la ville. Mais ses plus gros succès seront des comédies, les deux Cage aux folles et L’emmerdeur par exemple. Ces comédies sont bien moins intéressantes. Au début des années soixante-et-dix, il revient à ce genre, probablement sous l’impulsion de Daniel Cauchy qui aimait beaucoup la sombre poésie des voyous sans avenir, et aussi sans doute parce qu’il est un peu dans le trou. Évidemment, ce n’est plus un film en noir et blanc, l’époque a bien changé, et les nouveaux bandits de trônent plus dans les troquets de Pigalle comme Bob le flambeur dans le film de Melville. Ici les voyous sont des marginaux qui n’aspirent à rien, même pas à s’établir.  Mais sans doute que l’intérêt se trouve aussi et peut être d’abord dans le fait que l’histoire et les dialogue ont été concoctés par Alphonse Boudard qui à l’époque connait beaucoup de succès, en tant que romancier et en tant que scénariste, travaillant pour Alain Delon et Jean Gabin. Le scénario est inspiré par la saga de Christian Jubin. Un braqueur de banques qui a connu une certaine notoriété dans la fin des années soixante à la fois pour s’être attaqué à Jo Attia, tuant une barmaid du Gavroche l’ami de celle-ci, enlevant et violant sa fille Nicole, et ensuite pour s’être évadé d’une manière spectaculaire du palais de justice en prenant avec un complice et sa femme trois personnes, dont le juge, en otages. Le temps a estompé le peu de choses qu’on connaissait de lui. Il est mort en prison en 1990 et n’a pas connu la consécration d’un grand ouvrage qui l’aurait fait rentrer dans le clan des voyous renommés. Les journalistes se contentent de parler de lui comme d’un petit voyou. Mais enfin, il avait braqué des dizaines de banques et s’attaquer à Jo Attia, pour des raisons que j’ignore, n’était pas le signe d’une couille molle. Il faut noter que Daniel Cauchy, l’acteur principal, qui s’était fait remarquer dans des films noirs des années cinquante, de Jean-Pierre Melville avec Bob le flambeur à Jacques Becker, Touchez pas au grisbi, s’est beaucoup impliqué dans ce film dont il est crédité comme « producteur délégué ». Curieusement il disparaitra des génériques de films vers la fin des années soixante-dix pour devenir, semble-t-il, un réalisateur de films publicitaires.   

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    A sa sortie de prison Gilbert Nodier commet des agressions 

    Gilbert Nodier sort de prison et tout de suite commet des agressions. Il va voir sa marraine à qui il offre une télévision, puis retrouve son ancienne maîtresse, Monique. Mais ses agressions ont laissé des traces et la police vient le chercher chez Monique. En tentant de s’échapper il se foule la cheville et il est arrêté. En taule il se lie avec Serge Donati. Mais il ne supporte pas la claustration et fait une tentative de suicide dont il est sauvé par Serge. A leur sortie de prison Gilbert et Serge commettent de nouvelles agressions, notamment contre des prostituées qu’ils dépouillent. Mais s’attaquant à une prostituée de Cerutti, Serge est recherché par le milieu qui commence à en avoir marre de ce racket. Il s’est réfugié chez Ginette, une bistrotière dont le mari est un ami. Cela lui permet d’échapper aux hommes de Cerutti. Le mari de Ginette va s’acoquiner avec eux, notamment pour agresser des directeurs de banque à qui ils extorquent de l’argent. Mais un jour Gilbert tombe sur une pute qui fait l’amazone et qui le drague, mais il l’envoie au bain. Cependant comme les trois malfrats sont sur un coup et que ce coup foire, Gilbert va se tirer des pattes en grimpant dans la petite voiture de Liliane, la pute qu’il a rencontrée. Bien qu’il la braque avec son arme, elle ne se laisse pas intimider et le sauve tout de même. C’est le début d’une grande passion qui les mène au mariage. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972 

    La marraine de Nodier vient le voir en prison 

    Ils continuent cependant leurs mauvais coups, s’attaquant notamment à un supermarché. Liliane les accompagne et va tenter de revendre des bijoux volés à un ancien petit copain. Mais les hommes de Cerutti sont toujours sur la piste de Serge. Et la pute noire qu’il avait agressée le reconnait un jour chez Ginette. Elle le dénonce à Cerutti qui envoie ses hommes menacer Ginette et la mettre à l’amende de cinq millions de francs. Ils ont dégradé son bistrot en envoyant de la peinture de toutes les couleurs sur les murs. Gilbert décide d’aller voir Cerutti, Liliane l’accompagne et l’attendra dans la voiture. Investit une sorte de boxon de luxe. Les choses se passent mal, et Gilbert tue Cerutti et blesse gravement sa femme Nelly. Le trio est maintenant en fuite, la police le traque. Elle va repérer Liliane en surveillant la maison de ses parents. La police les arrête au moment du déjeuner dans une auberge de banlieue. Tandis que le juge interroge Gilbert, Serge et Maurice pour tenter de démêler le vrai du faux, notamment pour savoir si Gilbert a bien tué Cerutti et blessé Nelly, Liliane est mise en liberté provisoire et quitte la Roquette. Sous le prétexte d’embrasser Gilbert lors d’une de ses auditions, elle braque le juge, donne des armes à Serge et à son mari. Ils sont découverts, et comme la police les empêche de partir, ils décident de prendre le juge et son greffier en otages. Ils obtiennent une voiture se débrouillent pour que les flics ne les suivent pas. Pour brouiller les pistes, ils changent plusieurs fois de voiture. Ils ne savent pas très bien où aller. Usant parfois du bus pour se faire moins repérer. Mais les gares et les aéroports sont sous surveillance, les gendarmes ont établi des barrages autour de Paris. Un soir alors qu’ils essaient de voler une voiture, sa conductrice se met à hurler, refuse de donner les clés. La police qui patrouillait dans le secteur, va les arrêter facilement, notamment parce que Gilbert refusera de tirer. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Gilbert a fait une tentative de suicide en prison 

    Très ancré dans les années soixante-dix. Cette histoire raconte d’abord la décomposition du milieu, et l’arrivée en force de malfrats qui n’ont plus le respect de la hiérarchie. Ce Gilbert Nodier est une sorte de Mesrine, braqueur, il travaille avec sa femme et ne craint pas d’affronter les malfrats déjà installés et imagine des évasions spectaculaires. Il y a donc deux camps, d’un côté les arrivés qui portent de beaux costumes, encravatés, ils se gobergent dans les beaux quartiers et font prospérer leur business à la manière des capitalistes. Et de l’autre, les chiens fous, en blousons de cuir, vivant dans la périphérie, mais refusant de se contenter des miettes et de respecter les plus puissants. Il y a toujours eu évidemment à côté des gros poissons des plus petits, mais ce qui est apparemment neuf dans le début des années soixante-dix, c’est leur audace qui les rend complètement incontrôlable que soit par le milieu ou par la justice. La différence entre les deux catégories est que les seconds n’ont aucune ambition, même pas celle de durer, à peine vivre l’instant. Provocateurs, ils s’exposent le plus souvent inutilement. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Gilbert va aller au cachot 

    Cependant si le personnage de Gilbert est bien cadré, une enfance difficile, des parents absents, le portrait des autres personnages est clairement en retrait. Par exemple on ne sait rien de ce qui a amené Liliane à se livrer à la prostitution. Pourquoi devient-elle encore plus suicidaire que son mari ? En effet, à la fin du film Gilbert n’osera pas tuer, alors qu’elle l’aurait fait sans remords. Elle semble être une femme émancipée, forte, très axée sur le mal sous toutes ses formes. Pute sans doute, mais maitrisant sa destinée. D’ailleurs les femmes n’apparaissent pas du tout comme des femmes soumises, Ginette a son franc parler et n’hésite pas à faire la leçon à son mec. Cependant, Le couple Gilbert-Liliane reste assez traditionnel. C’est à la vie à la mort, et cette morale conduit Liliane à prendre tous les risques pour son mari. On a connu ça avec Mesrine et Sylvia Jeanjacquot, ou avec Michel Vaujour et son épouse Nadine qui le fera s’évader par la voie des airs d’une manière spectaculaire. Michel Vaujour avait d’ailleurs lui aussi pris en otage un juge en 1979. Avait-il vu le film de Molinaro ? En tous les cas il aura fait 27 longues années de cabane. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Serge dépouille les putes qu’il lève 

    Le banditisme de cette époque c’était assez facile, il suffisait d’avoir un peu de couilles et un révolver. Il y avait encore de l’argent liquide dans les banques et les supermarchés. Et puis les voitures se volaient assez facilement. On vole toujours des voitures bien sûr, mais c’est plus compliqué, il y faut un équipement qui est assez onéreux. Tout ça c’était pour ceux qui ne voulaient pas se servir de la prostitution de leurs femmes comme gagne-pain. Mais ça n’existe plus depuis bien longtemps, et il n’y a plus de liquide dans les banques et les supermarchés. En dehors de la drogue, c’est plus compliqué de faire une carrière de voyou.  D’ailleurs ça fait bien longtemps qu’on n’a pas entendu parler d’un hold-up d’envergure. Même les transports de fonds sont tranquilles et on ne perce plus de tunnels pour arriver dans la salle des coffres d’une banque de la Société Générale. Sans doute cela ôte beaucoup de poésie à ce métier qui était très artisanal et demander du savoir faire et du sang froid. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Gilbert qui rackette aussi les putes est tombé sur Liliane 

    On voit qu’Alphonse Boudard a construit son scénario en empruntant beaucoup aux légendes du milieu, et pas seulement au couple Jubin. Curieusement il emprunte aussi l’accident de Gilbert à Albertine Sarazin qui décrit, dans L’astragale[1] comment elle s’est brisée la cheville en tentant de s’évader d’une maison dite de redressement. Il emprunte aussi à sa vraie vie, en racontant les duretés de la vie carcérale et cette envie de mourir qui vous vient naturellement avec celle de s’évader. Tout le passage sur la prison est du Boudard pur et simple. D’ailleurs on verra sa silhouette quand il assiste au déshabillage de Gilbert qui va partir au cachot. Il n’est pas crédité, mais un œil exercé le repère assez facilement. On y sent la détresse de ceux qui sont enfermés comme de ceux qui viennent les voir pour les soutenir, mais ce sont qu’il faut soutenir. Boudard recyclera la scène de l’arrestation de Gilbert, Liliane et Serge dans l’excellent Flic story de Jacques Deray où il fera une petite apparition[2]. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Gilbert et Liliane se sont mariés 

    L’histoire est solide. Cependant la réalisation reste assez pauvre. Sans doute par manque de moyens. En effet Molinaro procède avec une surabondance de plans rapprochés et un montage rapide, trop rapide qui gêne la fluidité du récit. Ça donne un film assez étriqué, ça manque d’ampleur. La scène de l’arrestation de la bande est bien la même que celle de Flic Story, quand Borniche, incarné par Alain Delon, arrête Émile Buisson, mais elle est nettement moins bien réussie. Plus qu’une question de savoir faire, c’est un manque de moyens qui ressort. Donc on n’aura pas trop de plans larges toujours plus longs et difficiles à mettre en place. Le cadre filme au plus près de l’action, même les scènes au palais de justice, sans doute pour éviter qu’on mette notre nez dans la pauvreté des décors. C’est beaucoup mieux quand Molinaro filme la banlieue ou la province de cette époque lointaine maintenant. La photo de Raoul Coutard n’a rien d’exceptionnel et la musique de Michel Legrand est plutôt bienvenue. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    La bande braque un supermarché 

    L’histoire est menée avec une voix-off, c’est celle du juge qui retrace le parcours de Gilbert, qui le résume en même temps qui essaie de mettre à jour ses motivations. Mais Gilbert répond presque toujours à côté de la plaque et sème le trouble. Il y a une scène aussi très bien venue, c’est quand Gilbert qui vient d’agresser plusieurs personnes pour les voler, va acheter une télévision pour sa marraine, alors qu’on croit qu’il va agresser le marchand qui était en train de compter sa recette. Cette scène monte que Gilbert veut payer avec ses propres billets le cadeau qu’il fera à sa marraine qui est celle qui l’a élevé. Mais elle montre aussi que dans le début des années soixante-dix, tout le monde n’avait pas encore la télévision ! Il demandera au marchand si ce modèle permet bien de capter les trois chaînes. Nostalgie, aujourd’hui on en accès, via internet à cinq cents chaînes venant du monde entier. Également Gilbert accompagne son ancienne petite amie qui travaille comme comptable à l’usine. On y voit un décor qui aujourd’hui ne peut plus exister : de longues usines mangeant l’espace et envoyant leur fumée polluante vers le ciel. La scène du banquet du mariage est pas mal aussi, même si elle manque un peu d’ampleur. Après leur fuite du palais de justice, le trio entame une longue errance dans Paris et sa banlieue qui est peut-être ce que Molinaro réussit de mieux dans ce film. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972 

    Les hommes de Cerutti sont venus mettre Ginette à l’amende 

    L’interprétation est assez juste et relève le film. D’abord Daniel Cauchy dans le rôle de Gilbert. Il est suffisamment nerveux et arrogant comme le rôle le demande et démontre aussi une certaine angoisse de la prison comme un vrai attachement à sa marraine et à sa femme. Il est le fil rouge du film, présent à l’écran du début jusqu’à la fin. Je crois que c’est son seul premier rôle dans sa carrière. Il avait commencé sa carrière d’acteur avec Melville, Quand tu liras cette lettre et Bob le flambeur, il a terminé sa vie en 2020, emporté par le COVID à l’âge de 90 ans. Bulle Ogier dans le rôle de Liliane est un très bon choix. Bien qu’elle ait la réputation d’une actrice pour films d’art et d’essai, il faut se souvenir qu’elle a connu son premier vrai succès avec La salamandre, le portrait d’une révoltée, une marginale issue de la classe ouvrière et qui tente d’échapper à son destin. Elle est excellente, et je me dis qu’elle aurait dû insister dans cette voie d’un cinéma populaire. Le couple tient la route, y compris dans les scènes de lit où on peut voir, assez brièvement, Bulle Ogier complètement à poil. Ce qui montre qu’elle n’avait peur de rien. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    La police arrête Gilbert, Serge et Liliane dans une auberge de banlieue 

    Les autres acteurs sont bons, voire très bons. Gilles Segal dans le rôle de Serge, tient tout à fait son rang. Mais Molinaro donne de la place à des acteurs dits de second rang et qui n’ont pas l’habitude d’avoir autant de lignes à dire. D’abord Ginette Delbat, dans le rôle de la marraine. Elle est vraiment étonnante, juste et émouvante. Mais je dirais qu’elle est toujours très bien. Ensuite Simone Rieutor dans le rôle de Monique l’ex-petite amie de Gilbert. Elle serait très rarement utilisée au cinéma et fera l’essentiel de sa carrière à la télévision. Du côté des malfrats on a trois acteurs impeccables, presque habités et habitués par leur statut de voyou à l’écran. L’excellent Gérard Darrieu qui incarne Maurice, mari de Ginette, Pierre Collet le mari de marraine, qui n’a que quelques instants à l’écran mais qui l’occupe très bien, et puis Maurice Barrier qui est Jo L’homme de main de Cerutti. Ce dernier est brutal et cruel, mais tout en finesse ! 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972 

    Liliane a obtenu la liberté provisoire 

    Le film a été un échec commercial radical, du moins en France pour le reste je ne sais pas ce qu’il a fait à l’étranger, mais il s’est vendu en Allemagne et en Italie au moins. Il n’avait pas eu de mauvaises critiques pourtant. Si ce n’est pas un chef d’œuvre, c’est tout de même un film qui se voit agréablement avec une histoire qui tient la route, tout en nous donnant un coup de nostalgie pour nos chères années soixante-dix qui nous paraissent aujourd’hui bien loin et bien insouciantes au regard de ce que le monde est devenu. 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Avec les revolvers amenés par Liliane Gilbert et Serge prennent le juge en otage 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Ils quittent le palais de justice 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Ils essaient de fuir en évitant les grands axes et en prenant le bus 

    Le gang des otages, Edouard Molinaro, 1972

    Cette fois la police les tient


    [1] Paru en 1965 chez Jean-Jacques Pauvert, un grand succès et un grand livre que je recommande vivement aux jeunes générations qui ne le connaisse pas encore. Albertine Sarazin c’était une sorte de Boudard au féminin, avec une belle langue, très personnelle et un humour désespéré. Incidemment elle a sauvé par son succès Pauvert de la faillite.

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/flic-story-jacques-deray-1975-a151000230

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