• Achtung ! Banditi, Carlo Lizzani, 1951

    Achtung ! Banditi, Carlo Lizzani, 1951 

    Carlo Lizzani fut dans le temps considéré comme un réalisateur de premier plan. J’avais rendu compte il n’y a pas très longtemps de l’excellent Banditi a Milano[1], La chronique des pauvres amants vaut aussi le détour. Mais sa carrière n’a pas toujours été très maitrisée et il s’est un peu laissé aller à tourne des westerns, des polars de série B. Il avait participé au scénario de Riz amer, une référence pour le néo-réalisme italien tout de même, et Achtung ! Banditi ! est son premier long métrage. Deux sources principales animent la cinématographie de Lizzani : la guerre et la résistance, et le film noir. Mais dans les deux cas il utilise souvent des décors propices à mettre en scène des gens du peuple, des ouvriers ou des marginaux. En tous les cas, comme beaucoup de réalisateurs italiens de cette génération, il vise un cinéma à la fois populaire et exigeant.

     Achtung ! Banditi, Carlo Lizzani, 1951 

    Les partisans avancent sous le couvert de la forêt 

    Le titre reprend les slogans allemands visant à couper la population de la résistance. Le film raconte l’histoire d’un groupe de partisans amené par Vento qui doit rejoindre Gênes pour récupérer des armes dans une usine acquise à la cause antifasciste. Ils vont difficilement traverser les lignes ennemies, mais l’usine est en grève également, ce qui met les Allemands en ébullition. Néanmoins ils vont parvenir à leurs fins. Sauf que les Allemands entre temps décident de démonter les machines et de les expédier en Allemagne car ils trouvent les ouvriers italiens trop nonchalants, alors que l’effort de guerre doit être soutenu. Mais les ouvriers, avec l’assentiment de l’ingénieur qui dirige l’usine, vont saboter les machines de façon à ce que les Allemands ne puissent plus les utiliser. Le groupe des partisans est sur le qui-vive, se méfiant de tout le monde, ils soupçonneront la belle Anna, la secrétaire de l’ingénieur, d’être une espionne à la soldes Allemands, au motif que son frère s’est engagé dans les chasseurs alpins, bataillons censés lutter contre les partisans et appuyer les troupes allemandes dans la mise en place d’un ordre nouveau. Mais en vérité devant la cruauté des Allemands, les chasseurs alpins vont retourner leurs armes contre les occupants et rejoindre la résistance qui sortira de l’épreuve renforcée.

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    Une paysanne aide les partisans à se cacher des Allemands 

    Sans donner de date, l’action se situe manifestement à la fin de la guerre, les Allemands et les fascistes n’ont plus le vent en poupe. Le film présente l’originalité d’avoir été financé sous forme de souscriptions et de participation[2]. Ce qui au fond va bien avec la structure chorale qui refuse de s’attarder trop longtemps sur tel ou tel protagoniste de l’histoire, préférant mettre en avant une logique collective, celle du peuple rassemblé dans l’épreuve. Le film utilise des décors naturels, ceux d’une Ligurie blessée encore par les séquelles de la guerre de Libération. Les scènes de foule dans l’usine sont particulièrement réussies, mais aussi ce rassemblement des femmes qui viennent braver l’occupant aux portes de l’usine, réclamant de pourvoir voir leurs maris  qui sont réquisitionnés à même l’usine, obligeant les Allemands à les disperser d’une manière expéditive. Il y a donc une vérité sociale dans ce film qui mêle intelligemment d’ailleurs des acteurs de métier et des vrais ouvriers d’usine., la population locale. Le film s’appuie sur des événements qui ont eu lieu, même si pour les besoins de la fiction on y a introduit des éléments de romance, entre Anna et Andrea, ou entre Gatto et la jeune paysanne. Mais ce ne sont que des ébauches qui peut être ou non se poursuivront après la guerre. Le tout ne s’embarrasse pas de sentimentalisme. Et d’ailleurs on n’assistera pas à la pendaison de Marco et de l’ingénieur.

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    Anna retrouve son frère Domenico engagé dans les chasseurs alpins 

    En premier lieu, c’est le quotidien des partisans qui est filmé, plus que les actes de bravoures, c’est l’attente, le danger, la faim, le manque de sommeil. Et puis la solidarité d’un pays avec la résistance, ce qu’on a connu aussi en France bien sûr et qu’on exaltera dans de très nombreux films, de La bataille du rail à L’armée des ombres qui est sans doute la fin d’une glorieuse page cinématographique. La veine se tarira progressivement, dans la succession des générations. Si les Italiens sont filmés comme un groupe solidaire, unis aussi bien par le labeur que par la lutte contre l’occupant, ils ont des caractères tout de même assez tranchés, ce n’est pas le cas des Allemands qu’on voit comme une masse indistincte et mauvaise. D’ailleurs, les chasseurs alpins se retourneront vers la résistance justement à cause de l’imbécile cruauté des occupants.

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    L’usine est en grève 

    L’interprétation est excellente, il y a manifestement de l’enthousiasme chez les acteurs. La belle Gina Lollobrigida est Anna, et bien qu’elle soit la tête d’affiche, elle n’a pas le premier rôle. Elle était encore très jeune, mais c’était déjà une grande vedette. Le fait qu’elle ait accepté de faire ce film a dû  sans doute en faciliter le montage. On retrouve Lamberto Maggiorani dans le rôle de Marco. C’est Ladri di biciclete qui l’avait révélé. Ici il joue un ouvrier, lui-même venant de la classe ouvrière, le choix est très bon. Andrea Checchi tient le rôle de l’ingénieur, c’était un acteur de métier dont la carrière entamée avant la guerre se poursuivit jusque dans les années soixante-dix. Giuliano Montaldo qui ressemble étrangement au jeune Nicolas Cage, tient le rôle du commissaire Lorenzo. C’est lui aussi un acteur de métier.

    Achtung ! Banditi, Carlo Lizzani, 1951  

    L’ingénieur veut organiser le démontage des machines 

    A travers le film qui est par moments un peu bavard, Lizzani se saisit de la question de la reconstruction de l’Italie comme un Etat moderne et démocratique pour mettre fin à la parenthèse fasciste. C’est pourquoi les partisans passent pas mal de temps à réfléchir pour savoir s’ils respectent bien les principes démocratiques, sous-entendant par là qu’à la fin de la guerre il faudra que chacun trouve sa place et soit respecté dans ce qu’il est et ce qu’il a à dire. L’ensemble se situe à l’intersection du film de guerre, de résistance, mais aussi du film militant dans ce qu’il met en scène l’importance décisive du petit peuple sans importance. Même si le budget n’est pas très important, cet aspect est secondaire, non seulement parce que l’esthétique du film s’y prête, mais aussi parce que Lizzani utilise la mobilité de la caméra au mieux pour se déplacer dans les décors urbains d’une ville abîmée.

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    Les Allemands occupent l’usine 

    Les années n’ont pas eu vraiment de prise sur le film, il se revoie encore avec un très grand plaisir, même si maintenant le sujet ne peut plus avoir l’attrait de la nouveauté, mais il y a du souffle et de l’émotion, de la vérité aussi.

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/bandits-a-milan-banditi-a-milano-carlo-lizzani-1968-a114844652

    [2] Carlo LizzaniQuaderni delle Olimpiadi, n. 3, agosto 1951. En parlant de son film, il insiste sur le fait que ce sont des ouvriers qui ont souscrits des actions de 500 lires pour le financement du film, de façon à ne pas rester des spectateurs passifs. Plus encore ce sont les ouvriers de Gênes qui ont choisi le thème du film.

     

    « Et tournent les chevaux de bois, Ride the pink horse, Robert Montgomery, 1947La plage déserte, Jeopardy, John Sturges, 1953 »
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