• Alain Delon a 80 ans aujourd’hui

     Alain Delon a construit au fil des années une des plus belles carrières d’acteur. Si bien évidemment il n’a pas tourné que des chefs d’œuvres – il a même curieusement participé au navet mis en scène par BHL – sa filmographie compte une grande quantité de chef d’œuvre. Il a su être à la fois un acteur populaire, une icône servie par un physique exceptionnel, et un interprète de films plus difficiles dans lesquels il s’engageait financièrement pour les voir aboutir.  

     Alain Delon a 80 ans aujourd’hui

    Il fut révélé comme on sait par Plein soleil, le film de René Clément avec qui il tournera trois autres titres. On connait l’anecdote : René Clément voulait d’abord lui donner le rôle de Greenleaf, mais c’est le tout jeune Delon qui le persuada d’inverser les rôles et de lui donner celui de Ripley. Ce premier film qui rencontra un succès public considérable joua un rôle majeur dans la carrière de Delon, puisqu’en effet Visconti décida d’engager Delon pour le rôle de Rocco. Rocco est ses frères est sans doute le chef d’œuvre de Visconti. Ces deux films sont maintenant considérés comme des classiques qu’on peut revoir encore et encore tant ils frisent la perfection, avec chaque fois un Delon flamboyant. Il n’aurait fait que ces deux films qu’on pourrait déjà lui accorder une place à part dans l’histoire du cinéma.

      Alain Delon a 80 ans aujourd’hui

    Tout juste sorti du film de Visconti qui triomphera un peu partout dans le monde, Alain Delon va enchaîner avec un nouveau film de René Clément, Quelle joie de vivre ! C’est une œuvre méconnue, une comédie, dans laquelle Delon est un fasciste qui se fait anarchiste par amour et s’en va poser des bombes contre le capital. Le film n’a pas été un très grand succès public, mais Delon le tient pour un de ses meilleurs, et il a tout à fait raison.

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    Devenu une vedette internationale, Delon va tourner cette fois avec Michelangelo Antonioni dans L’eclisse, où il aura pour partenaire  la très belle Monica Vitti. Le film, sans doute trop compliqué, n’aura pas un grand succès public. Mais Delon y est formidable dans le rôle d’un jeune homme qui flambe sa vie à jouer en bourse. Il donne une énergie inattendue à cette histoire imaginée par Antonioni. C’est sans doute un des meilleurs Antonioni dont la production déclinera dans les années soixante-dix vers l’ennui.  

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    Mais tout de suite après cet échec relatif, Delon va enchaîner avec Il gattopardo encore avec Visconti. Production à grand spectacle, Delon y rencontre Claudia Cardinale et Burt Lancaster dans un film qui obtiendra la Palme d’or à Cannes en 1963 à une époque où ce prix avait encore une signification. C’est un triomphe mondial, public comme critique. Ce n’est pourtant pas, selon moi, ni ce qu’a fait de mieux Delon, ni ce qu’a fait de mieux Visconti, je trouve ce film un peu trop surchargé, ampoulé, même si évidemment les acteurs principaux sont formidables.  

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    Dans la foulée, Delon va tourner pour presque rien dans un film policier à l’intrigue un peu mince et dialogué par Audiard : Mélodie en sous-sol. Delon veut tourner au côté de Gabin. Il demande essentiellement comme cachet les droits de distribution au Japon et en Amérique latine. Ce que les distributeurs français négligent. Se prenant par la main Delon ira présenter ce film lui-même ce qui lui assurera la fortune – dans l’affaire il aura gagné plus que Gabin – mais renforcera sa gloire, il deviendra à partir de cette époque une vedette adulée au Japon. C’est sans doute un des meilleurs films de Verneuil, ce qui n’est pourtant pas un exploit, mais c’est rondement mené et plutôt bien fait, et puis le couple Gabin-Delon fonctionne parfaitement. Gabin tournera encore à deux reprises avec Delon dans des films qui seront encore de gros succès.

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    Delon est maintenant devenu une vedette de premier plan au niveau international. Il va tourner avec Christian Jaque, réalisateur trop oublié aujourd’hui, un film de cape et d’épée qui rompt avec son image, La tulipe noire, qui sans être un grand film n’en est pas moins un agréable divertissement familial et un gros succès au box-office. Succéderont à cette réalisation deux autres films majeurs, le premier sous la direction de René Clément, Les félins, et le second sous celle du jeune Alain Cavalier, L’insoumis. Le premier est bien connu et a été un bon succès international, film maitrisé de A jusqu’à Z, le second qui prend pour toile de fond les séquelles de la Guerre d’Algérie a été censuré au moment de sa sortie. C’est selon moi un des plus beaux rôles d’Alain Delon qui a lui-même produit le film. Bien qu’il interprète un soldat perdu engagé dans l’OAS, ce n’est pas un film politique, mais un très beau film noir avec une formidable Léa Massari.

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    Dans les années suivantes, Delon va s’engager dans une carrière américaine avec un succès assez mitigé. Il retrouvera René Clément une nouvelle fois pour le très solide Paris brûle-t-il ? où il interprétera le rôle de Jacques Chaban-Delmas. Il va ensuite partager la vedette du film de Robert Enrico, Les aventuriers, d’après le roman de José Giovanni, avec Lino Ventura. Ce sera un nouveau triomphe public.  Après avoir participé au très bon film à sketches, Histoires extraordinaires sous la direction de Louis Malle, où il est confronté avec Brigitte Bardot, il tourne sous la direction de Jean-Pierre Melville Le samouraï qui est un tournant dans sa carrière, non seulement parce que c’est un succès international, mais parce qu’il change sa manière de jouer en s’orientant délibérément vers les rôles de voyous qui vont dominer ce qu’il fera dans les années soixante-dix. Ce film est également un tournant dans l’histoire du film noir, tant il aura influencé le cinéma mondial. La même année Delon tourne Diaboliquement votre sous la direction de l’immense Julien Duvivier dont ce sera le dernier film. Film sous-estimé et sans être un grand succès, il mérite cependant le détour.  

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    Après un bref passage dans un film avant-gardiste, La motocyclette, à l’audace surannée, Il va ensuite enchaîner deux gros succès publics, Adieu l’ami, où il partage la vedette avec Charles Bronson, et La piscine de Jacques Deray, dans lequel il assassine une fois de plus Maurice Ronet. Ce sont deux films noirs à la française, genre dans lequel Delon va se spécialiser dorénavant. Jeff est un film plus ambitieux de Jean Herman produit par Delon lui-même, mais il marchera bien moins.

    Deux films policiers suivront encore, Le clan des siciliens et Borsalino. Dans le premier il partage la vedette avec Jean Gabin et Lino Ventura, immense succès public, ce n’est pas un film majeur, plutôt un divertissement. Dans le second qu’il produit lui-même, il s’associe avec Jean-Paul Belmondo. Si le succès public est au rendez-vous, ce n’est pas non plus un très grand film pour cause de scénario un peu trop simpliste à mon sens. La même année il retrouve Melville pour Le cercle rouge qui sera le plus grand succès public du réalisateur. Affublé d’une moustache, il partage la vedette avec d’autres gloires de l’époque, Yves Montand, Bourvil et Gian Maria Volonté. Ce film marque d’ailleurs le déclin de Melville en tant que réalisateur.

    Le début des années soixante-dix n’est d’ailleurs pas si facile que ça pour Delon. Il tourne pourtant d’excellents films. Notamment La veuve Couderc d’après Simenon, ou L’assassinat de Trotsky avec Losey aux côtés de Richard Burton et de Romy Schneider, film qui ne rencontrera pas le succès bien qu’il possède des grandes qualités. De même le très beau film de Zurlini, Le professeur dans lequel il retrouve Lea Massari, si ses qualités sont reconnues par la critique, sera boudé par le public. Entre temps il a tourné encore avec Melville dans Un flic qui sera le dernier de ce réalisateur. Malgré de belles qualités formelles le film ne sera pas un grand succès. C’est aussi le premier film où Delon incarne un policier.

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    Il enchaîne alors les films policiers, avec plus ou moins de bonheur. Il tourne avec Burt Lancaster dans le très solide Scorpio de Michael Winner, dans Traitement de Choc d’Alain Jessua, puis le très bon Les granges brûlées signé Jean Chapot, mais que Delon aurait mis lui-même en scène après avoir chassé le réalisateur du plateau. Malgré la présence de Simone Signoret le film ne marche pas. Il ne va retrouver le haut du box-office qu’avec Deux hommes dans la ville, où il partager l’affiche encore avec Jean Gabin. C’est un très beau plaidoyer contre la peine de mort et Delon y est formidable dans la peau d’une victime de la fatalité.

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    Il faudra attendre Flic story de Jacques Deray pour que le succès public et critique revienne. Entre temps il enchaîne les films qui sans être médiocres ne sont pas des chefs-d’œuvre. Le gitan, une nouvelle collaboration avec José Giovanni, est aussi un bon succès, mais il n’atteint pas le meilleur de Giovanni, ni le meilleur de Delon.

    C’est le film de Joseph Losey, Monsieur Klein qui va réconcilier Delon et la critique. Produit par Delon lui-même, le film est salué un peu partout comme un chef-d’œuvre. Et si à sa sortie le film n’a connu qu’un succès assez faible, il s’est bonifié avec le temps. Nous sommes au milieu des années soixante-dix. Delon a dépassé maintenant la quarantaine. Il va diversifier ses films de plus en plus à la recherche du succès. Mais ça ne fonctionne pas trop. Il est maintenant impliqué en tant que producteur dans la quasi-totalité des films qu’il tourne. Le gros succès ne reviendra qu’avec Mort d’un pourri sous la direction de Georges Lautner avec qui ce sera la première collaboration. Il faut bien le dire, ce film n’est pas plus qu’un bon divertissement.  

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    Après quelques nouveaux errements, et le succès rencontré avec Le toubib de Pierre Granier-Deferre il va se lancer dans des adaptations des ouvrages de Jean-Pierre Manchette, écrivain d’extrême gauche dont il produira coup sur coup Trois hommes à abattre, Pour la peau d’un flic et Le choc. C’est d’ailleurs un des paradoxes de Delon, s’il s’affiche comme politiquement à droite, il n’hésite pas à adapter Manchette et ensuite Jean-Claude Izzo pour la télévision. Des adaptations de Manchette il n’y a pas grand-chose à dire. Sort du lot curieusement Pour la peau d’un flic que Delon a mis en scène lui-même, dédiant ce film à René Clément. La réussite de ce film tient à la relative légèreté de ton qui rompt avec l’image sombre le plus souvent projetée par Delon.

    Son autre réalisation officielle, Le battant, sera aussi un gros succès public. Plus conventionnel, moins inspiré que Pour la peau d’un flic, c’est une histoire de voyou dédiée cette fois à Melville. Mais à partir de cette époque, la carrière de Delon se ralentit. Il multipliera les excursions vers le cinéma d’auteur, Godard pour Nouvelle vague, Bertrand Blier pour Notre histoire, avec quelques succès épars dans le cinéma grand public comme Parole de flic de José Pinheiro.

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    Mais le temps a passé, et Delon ne retrouvera plus le succès qu’à la télévision avec la série des Fabio Montale d’après Izzo et la série Frank Riva.  

    Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette formidable carrière, ce bref aperçu est cependant suffisant pour situer la place de Delon dans l’histoire du cinéma français : une des toutes premières. 

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