• Anthony Summers, Le plus grand salaud d’Amérique, The secret life of J. Edgar Hoover, Le seuil, 1995

     

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    Pour une fois le titre français est bien meilleur que le titre américain. On sait tous que les hommes politiques ou qui fricotent aux alentours sont plus ou moins pourris. Mais à mon avis la palme revient de loin à cette canaille de J. Edgar Hoover. Il est le concentré de tout ce qui est détestable chez un être humain. Menteur, corrompu, hypocrite et manipulateur, il fut le grand patron du FBI pendant une quarantaine d’années. A cet égard il a été un des hommes les plus puissants qui ont fait l’Amérique. Pendant des années et des années il a couvert les activités de la mafia qui par ailleurs le faisait chanter à cause de son homosexualité. Il a saboté l’enquête sur l’assassinat des frères Kennedy.

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    Hoover et son amant Clyde Tolson qui était aussi son second au FBI 

    Sous le couvert de développer une police fédérale, il a de fait mis en place une police politique qui travaillait au développement des idées d’extrême-droite. Un seul exemple suffit. Quand les frères Kennedy sont arrivés au pouvoir en 1960, Hoover qui les détestait, leur disait que le point le plus important était la lutte contre le communisme. Or évidemment à cette époque le Parti communiste américain qui n’a jamais été très important avait vu ses effectifs fondre. Ses membres étaient évalués à 8000, autant dire un groupuscule, et Robert Kennedy disait que la moitié au moins de ses membres étaient des agents du FBI. Il exagérait à peine. En tous les cas, à cette époque, à New York, le FBI comptait 400 agents attachés à  la lutte contre le communisme, et seulement 4 agents attachés à la lutte contre le crime organisé, la mafia. Hoover prétendait que celle-ci n’existait pas.

    Et toute la carrière de ce sinistre individu était de ce tonneau. On sait aussi que c’est lui qui sabota l’enquête sur la mort de Marilyn Monroe. Et la question qui se pose est : pourquoi une telle canaille a-t-elle pu rester aussi longtemps à la tête d’un organisme aussi puissant ?

    La réponse est double : d’abord parce qu’il avait des dossiers sur tout le monde. Il avait compris le premier l’importance du chantage. Homosexuel lui-même, ça ne le gênait pas du tout d’accumuler les preuves de l’homosexualité d’autrui pour les manipuler. Et ça ne le gênait pas non plus d’afficher une morale chrétienne rigoriste. Mais il avait aussi un sens certain de la publicité : il mettait en scène les arrestations de bandits comme Dillinger pour s’en attribuer le mérite, même s’il n’a jamais été un agent de terrain, et pour cause, son physique ne lui permettait pas. Petit et malingre, il n’a jamais arrêté qui que ce soit. Il supervisait également les films à la gloire du FBI, allant même jusqu’à y apparaître pour leur donner un accent de vérité. Pour tout cela le public l’adorait et les politiciens le craignaient.

    Hoover était très raciste, proche on l’a dit du Ku-Klux Klan. Mais il se murmurait aussi que sa haine des noirs – dont il freina longtemps le recrutement au FBI – venait de ce qu’il avait du sang noir dans les veines !! Une vraie caricature !

    On sait un peu tout ça. Le livre d’Anthony Summers qui a été une source importante d’inspiration pour le roman de Marc Dugain, fourmille évidemment d’anecdotes qui donnent une allure assez répugnante à la politique. Il n’est pas étonnant que ce personnage hors du commun ait été l’objet de nombreux ouvrages. On appréciera particulièrement l’analyse des relations d’Hoover avec la mafia et les pétroliers texans – Summers suggère que Hoover a eu un rôle important dans le meurtre de Martin Luther King. La fin est également pathétique. Même gâteux Hoover restait à son poste et inspirait la crainte à tous les présidents qui n’arrivaient jamais à s’en débarrasser. Sa mort non plus n’est pas claire, il n’y a pas eu d’autopsie, mais Summers affirme qu’il courait des rumeurs à Washington avant le décès d’Hoover qu’il allait être empoisonné ! Evidemment tous ses dossiers secrets ont disparus. Helen Gandy, sa secrétaire avait fait le ménage. Il est possible que tous les dossiers n’aient pas été perdus pour tout le monde et qu’un jour on les retrouve.

    Anthony Summers détaille la complexité des hommes et des femmes qui entouraient Hoover. Il s’attarde sur Clyde Tolson, le dépeignant comme une sorte de parasite qui avait pour principale fonction de traquer les employés du FBI qui avaient plus ou moins fauté. Mais d’Helen Gandy, on ne sait rien, pourtant Hoover lui faisait totalement confiance et c’est elle qui avait la clé du coffre où s’empilaient les secrets plus ou moins ragoutant.

    En France on est habitué aux turpitudes et aux hypocrisies de notre classe politique, mais cela semble presque bénin par rapport à ce qui a pu se passer aux Etats-Unis. On est fasciné de voir les moyens que le FBI mettait en place pour infiltrer et briser les mouvements de gauche, l’acharnement à détruire des personnes qui ne lui plaisait pas, comme par exemple Jean Seberg l’actrice qui était aussi l’épouse de Romain Gary.

    Le portrait de Lyndon B. Johnson est particulièrement savoureux, que ce soit pour ses accointances mafieuses, ou pour sa vulgarité. En parlant d’Hoover, il disait que c’était un putois et qu’il valait mieux l’avoir à l’intérieur de la tente pour qu’il pisse dehors, plus qu’à l’extérieur pour qu’il pisse dedans ! Johnson faisait le malin, mais Hoover le tenait par les couilles. Johnson comme Hoover était habité par une sorte de paranoïa, craignant en permanence de se faire assassiner.

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    Helen Gandy, la secrétaire inamovible d’Hoover 

    Les passages les plus intéressants de ce livre sont relatifs à la chasse aux sorcières où l’on voit Joseph McCarthy en créature de Hoover qui était un des instigateurs les plus importants de cette ignominie. On ne sait pas quelles étaient les convictions véritables d’Hoover sur le plan politique, et si son anticommunisme était sincère ou seulement destiné à la galerie et à s’attirer les faveurs de ceux qui l’employaient, comme par exemple les pétroliers texans dont il était très proche. Ce qu’on sait c’est qu’il avait des accointances dans les milieux d’extrême-droite et qu’il s’arrangeait pour recruter des agents de la même couleur politique que lui.

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    Joseph McCarthy et Roy Cohn, les créatures d’Hoover 

     

    Ainsi pendant des années le FBI a influencé la politique des Etats-Unis, par exemple en faisant chasser les enseignants de l’université qu’il trouvait trop à gauche. On remarque d’ailleurs que cela allait de pair avec le développement des théories économiques libérales enseignées à l’Université de Chicago. Il ne faut donc pas sous-estimer Hoover, c’était peut-être un clown, mais il a joué un rôle inégalé dans la transformation de l’Amérique. 

    Ce sinistre personnage apparaît plusieurs fois dans les ouvrages de James Ellroy, exactement pour ce qu'il était, un manipulateur et un salaud. 

    « La part des lions, Jean Larriaga, 1971Crime société anonyme, Murder inc., Stuart Rosenberg, 1960 »
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