• B. Traven, Le visiteur du soir, Stock, 1967

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    Il est des auteurs comme B. Traven dont la lecture et la relecture de toute l’œuvre s’impose. Le recueil de ses nouvelles n’est pas du second choix. Au contraire il est emblématique de l’imagination fertile de Traven. Une dizaine d’histoires composent l’ensemble, dont la plus importante donne son titre. La taille est variable, elle oscille entre 55 pages et 10 pages. Les sujets sont assez divers, on y trouvera les difficultés de conduire un troupeau de vaches sur des centaines de kilomètres, à des histoires plus fantastiques comme Le visiteur du soir, ou encore Macario. Ecrite au présent ou à l’imparfait, à la première ou à la troisième personne, elles présentent pourtant une grande unité thématique aussi bien que stylistique. Etre un grand nouvelliste n’est pas à la portée du premier venu.

    Parmi les thèmes qui dominent, il y a d’abord cette sorte de communion entre l’homme et la nature, cette volonté d’aller à la vérité la plus immédiate des choses de la vie. Malgré la misère qu’elle engendre pourtant, la jungle mexicaine est le lieu de la vraie vie. Il y a une fièvre lente qui monte de cette nature luxuriante, la soif, la faim. Ensuite il y a cette façon de regarder les Indiens. Que Traven les saisissent à l’époque de la conquête espagnole ou dans un temps plus contemporain, il y a un respect et une compréhension pour leur culture et leur mode de vie. Avant de s’établir à Mexico, Traven vécut plusieurs années dans les Chiapas, au contact direct des Indiens. C’est une région un peu à part au Mexique, qui lui-même est aussi un pays à part.

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    Le ton est souvent ironique, et plus encore envers les Gringos ou les Espagnols et leur prétention effarante à imposer leur religion moisie à un peuple qui pourtant a connu une civilisation très sophistiquée. La cruauté des conquistadors appuyés par l’Eglise est un crime sans nom, une régression barbare. Mais par-delà ce contexte social et historique douloureux, il y a une étude de caractères. Dans Chaîne de montage, on trouve une opposition radicale entre l’imbécile cupidité de l’Américain qui ne vise qu’à exploiter le travail ancestral de malheureux indiens, et la naïve nonchalance de ces derniers. Evidemment c’est aussi une critique indirecte de notre malheureux Occident perclus des rhumatismes de la consommation à outrance qui nous laisse croire qu’en toute circonstance nous sommes toujours plus pauvres. Il n’y a pourtant pas de complaisance à la description de la misère des Indiens,, mais cette pauvreté pour terrible qu’elle soit n’est pas aussi grande que la misère morale dans laquelle nous nous abimons.

    Le style ne se laisse pas enfermer simplement dans une sorte de naturalisme, au contraire, il intègre puissamment une forme de folie méditative qui flirte avec le fantastique. Traven était aussi doué d’une grande imagination, même si manifestement il empruntait beaucoup à la vie mexicaine qu’il avait partagée. Il y a aussi un côté visuel qui a mon sens n’a pas été assez souligné dans l’œuvre de Traven et c’est ce qui explique qu’il ait été beaucoup adapté au cinéma – principalement au Mexique. Il n’y a pas de tournures alambiquées ou précieuses dans ces nouvelles, c’est simple et direct. Les intrigues sont souvent construites avec des chutes plutôt inattendues.

     

    Bref pour ceux qui ne le connaissent pas encore vraiment, qu’ils lisent Traven, tout Traven, cela contribuera à les rendre meilleurs.

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    Traven explique l’importance des couleurs pour les Indiens des Chiapas, il semble que cela leur soit resté

    « Voyage au bout de l’enfer, The deer hunter, Michael Cimino, 1978Jean Giltène, Pas de pitié pour les femmes, Fleuve Noir, 1950 »
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