• Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979

     Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979

    Le poliziottesco est souvent l’occasion de visites touristiques aux quatre coins de l’Italie. Mais Guido Zurli est lui spécialisé dans le poliziottesco turc ! Il avait tourné l’année précédente Polizia salvage avec presque que des acteurs turcs, ce qui limite les frais. La Turquie c’est d’ailleurs le seul intérêt de ce film qui par ailleurs est plutôt mauvais. Mais cet intérêt est important. D’abord parce qu’il montre que le poliziottesco a tenté de s’exporter vers d’autres pays à travers des coproductions. Ensuite parce qu’on retrouve dans ce film quelques unes des obsessions du poliziottesco, le viol par exemple comme arme de chantage, la mafia – ici la mafia turque – qui s’en prend à la famille, la mère ou l’enfant. Mais il y a dans ce film aussi des éléments d’une tentative de rapprochement de la Turquie, encore assez moderne et libérale, des nations occidentales. On verra la Cathédrale Sainte-Sophie qui avait déjà été le décor de plusieurs films, notamment de From Russia with love de Terence Young, et qui n’avait pas encore été transformée en mosquée par le dictateur panislamiste Erdogan. A cette époque cependant on s’inquiétait moins des dérives islamistes de la Turquie qui vivait encore sur l’heritage d’Atatürk que de la place de la mafia turque dans le trafic de l’héroïne vers l’Occident et particulièrement les Etats-Unis. C’est en effet par là que la French connection s‘alimentait, avec comme relais la mafia sicilienne. Le sujet c’est donc le démantèlement d’un gang des trafiquants d’héroïne par Interpol. 

    Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979 

    Sur le port d’Istamboul, les gangsters veulent récupérer la drogue 

    Sur le port d’Istamboul, Keaton agent d’Interpol mène la vie dure à un gang de trafiquants de drogue. Il a infiltré le gang et connaît par cœur ses circuits. Il intervient ainsi facilement chaque fois qu’il a vent d’un arrivage. La mafia turque trouve que ça ne peut plus durer et pour mettre fin à ses embarras cherche à s’en débarrasser. Dans un premier temps ils vont utiliser les services de leurs tueurs. Mais sans résultat, la malice de Keaton déjouant les plans. Au stand de tir Keaton va faire la connaissance d’un champion de tir, Genghis, ils sympathisent. C’est sur Genghis que la mafia turque va faire porter ses espoirs. Elle lui propose 50 000$ puis 100 000$ pour qu’il abatte Keaton. Mais Genghis a beau être turc, il est honnête et refuse. Mais les mafieux turcs sont excessivement obstinés. Ils reviennent à la charge, et se font menaçants. Les choses s’enveniment, ils vont assassiner la mère de Genghis, puis faire mine de kidnapper son fils. Enfin, ils vont finir par enlever sa femme et la violer pour faire céder Genghis. Ils le surveillent à tous les instants, mais pourtant, il va se débrouiller pour faire passer un message à Keaton. Celui-ci a rendez-vous avec un pseudo-informateur à la Cathédrale Sainte-Sophie. Et quand il s’y pointe Genghis fait semblant de l’abattre. La mafia croit que Keaton est mort et se trouve soulagée. Mais Keaton va mettre à profit cette croyance pour faire le grand ménage. Et d’abord retrouver la femme de Genghis. Tout cela va se terminer par un carnage, notamment celui qui a violé la femme de Genghis se prendra une balle dans la tête, et les personnages haut-placés seront tous arrêtés. 

    Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979 

    Keaton poursuit les gangsters sur les toits d’Istamboul 

    On voit donc que les figures régulières du poliziottesco ont été réarrangées en ménageant les institutions. Certes on comprend bien que la mafia turque dispose d’informations de première main, et que les gros bonnets du trafic de la drogue sont aussi des notables, mais dans l’ensemble on suppose que la police est intègre, qu’elle soit turque ou qu’elle soit représentée par Interpol. On remarque que comme dans de très nombreux poliziotteschi, il y a un regard curieux et un peu désabusé sur la famille. A chaque fois elle est d’ailleurs représentée par un père et une mère, et un enfant unique ! C’est l’idéal qui a sévi longtemps en Italie et qu’on dit être la cause de la décroissance démographique dans ce pays. Rappelez vous que longtemps l’Italie était un pays où on faisait beaucoup d’enfants, ce qui entraînait évidemment comme une nécessité d’exporter ce surplus de main d’œuvre. Et puis l’Italie est devenue – signe de modernisation, - un des pays d’Europe où on fait le moins d’enfants avec l’Allemagne. Ce curieux retournement de perspective s’est traduit au cinéma par des positions curieuses sur les enfants, disons une interrogation profonde sur le sens de la procréation. Mais dans ce film on voit aussi un autre phénomène, c’est la célébration de la femme. Même si ce n’est pas très exploité, parce que le scénario est paresseux, on verra au début du film une jeune policière, Jasmine, se battre tout à fait comme un homme avec courage et détermination. C’est sans doute le portrait qu’on voulait donner de la nouvelle femme turque. Tout se passe donc comme si la violence évidente de la société allait donner naissance à de nouveaux rapports sociaux en Turquie et ailleurs. Evidemment ce thème est assez inconscient, mais pourtant il est là sous nos yeux, au premier plan. 

    Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979

    La chasse dans les ruelles d’Istamboul 

    Le héros se divise en deux, coproduction italo-turque oblige. Il y a le policier intègre et dynamique, Keaton, qui ne doute de rien et qui représente l’Occident, sans doute est-il américain, bien que ce ne soit pas précisé dans le film. Et puis à ses côtés Genghis, le représentant d’un Orient policé et vertueux, l’inverse du sauvahe. Et donc le film se présente comme une célébration de l’alliance entre l’Occident et l’Orient afin que la paix règne sur le monde. On verra à la fin la dernière image où seulement la pognée de mains entre Keaton et Genghis apparait. Les ennemis c’est le gang des trafiquants d’héroïne, ceux-là sont des vrais sauvages et d’ailleurs ils ne pensent qu’à forniquer, si la femme est consentante, tant mieux, sinon, on la violera. Cette sexualité barique est la marque de leur sous-développement, ils sont proches de la bête. On notera des détails curieux, surtout pour l’époque. D’abord il semble que l’école soit une simple garderie où on met les enfants lorsque les obligations familiales ou professionnelles nous empêchent de les garder. 

    Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979 

    Au stand de tir Keaton fait la connaissance du champion de tire Genghis 

    Sur le plan cinématographique il n’y a pas grand-chose à en dire. C’est vide. Bien que le film soit saturé de longues scènes d’action, la mise en scène reste plutôt molle, le rythme est mauvais. Mais enfin il y a des décors intéressants, le marché par exemple, ou les toits d’Istamboul sur lesquels Keaton pourchasse les gangsters. Les poursuites sont répétitives. Les couleurs sont étranges, parfois c’est tout bleu, parfois c’est ocre, sans qu’on comprenne trop pourquoi. Le meurtre sous la douche est évidemment une pâle copie de ce qu’avait fait Hitchcock dans Psycho. Mais ça ne suffit pas à donner du style. 

    Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979 

    La femme qui a parlé sera assassinée dans sa douche

    L’interprétation c’est d’abord Luc Merenda dans le rôle de Keaton. Curieusement il est devenu une vedette du cinéma de genre en Italie, alors qu’il est d’origine française et qu’il a très peu tourné en France. C’était un sportif accompli, taillé pour les rôles d’action, doté d’un physique avenant. Mais pour le reste on ne doit pas trop compter sur lui. Ce n’est pas un des moindres problèmes que de le voir disparaître dans la deuxième partie du film pour laisser la place à Kadir Inanir qui interprète Genghis. Cet acteur n’a pas connu une grande renommée en dehors de la Turquie. Il est assez ennuyeux, mais il n’est pas certain que cet ennui ne soit pas le fait du réalisateur qui dirige sa troupe à la va comme je te pousse. Gabriella Giorgelli incarne Jasmine la policière turque, et donne totu de même un peu de nerf à son rôle. Film à petit budget, le producteur du film, Giuseppe Colombo se donnera aussi un petit rôle celui d’un tueur sous le nom d’artiste Joe Pidgeon !

     Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979 

    Genghis se rend au rendez-vous de Sainte Sophie 

    L’ensemble est très mauvais, la musique affreuse, mais pour les raisons qu’on a dites, il est tout de même très intéressant à regarder. Comme quoi on peut toujours s’intéresser à un film pour des raisons extra-artistiques ! 

    Bersaglio altezza uomo, Guido Zurli, 1979

    Le dernier gangster vivant tente de s’enfuir avec la femme de Genghis comme otage

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