• Big Jim McLain, Edward Ludwig, 1952

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    John Wayne est bien connu pour ses engagements politiques à l‘extrême droite, c’était le Clint Eastwood de l’époque. Ce film de 1952 est assez particulier à plus d’un titre, dans sa fonction comme dans sa forme. D’abord parce qu’il intervient en 1952, comme un soutien à l’HUAC qui est contestée aux Etats-Unis même pour sa violence, son manque de discernement et sa conduite bien peu démocratique. Le film est produit par John Wayne lui-même qui, dans la lutte anti-communiste se sentait investi d’une mission, peut-être parce qu’il n’avait pas fait la guerre, et que cela lui permettait de se racheter. Mais il emprunte aussi des formes au film noir, forme détestée par l’HUAC, forme qui sera quasiment détruite à cause de cette commission justement.

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    Deux grands couillons débarquent discrètement à Hawaï pour lutter contre le communisme 

    L’histoire est assez simple, voire simplette, conçue pour la propagande active, pour l’endoctrinement. Deux agents de l’HUAC sont expédiés à Hawaï pour y démanteler un réseau d’espions russes. Car comme l’explique Jim McLain dès le début du film, être communiste, ce n’est pas une opinion politique, c’est être un traitre à sa patrie, c’est être à la solde des Russes dont le seul et unique but est bien sûr de réduire le monde entier en esclavage. L’enquête est banale, mais Big Jim va rencontrer rapidement l’amour en la personne de la jolie Nancy qui tombe elle aussi sous le charme de ce grand niaiseux qu’elle trouve intelligent. C’est dire combien ce film illustre le lieu commun selon lequel les femmes sont folles… d’une manière ou d’une autre. Mais le copain de Big Jim, Mal Baxter, va se faire lâchement assassiner. Evidemment les Américains étant par nature – et aussi parce qu’ils ont le bon droit de leur côté – plus rusés que les Russes, ils finiront par l’emporter.

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    Le chef des espions russes parle américain avec un fort accent étranger et marche en canard preuve de sa fourberie

    Au passage le film aura prouvé que l’HUAC – la Commission des Activités Anti-Américaines – non seulement fait du très bon travail, mais qu’elle a bien le droit puisqu’on est en guerre contre les rouges, de s’asseoir sur les droits de la défense. Bien entendu tout le long du film on aura droit au catéchisme anti-rouge, les professeurs bourrant le mou à noter jeunesse pour mieux miner le système de l’intérieur, ou encore ces parents qui courageusement et après une longue vie de labeur dénoncent leur fils qui a été endoctriné par la propagande communiste. D’ailleurs n’est-il pas syndicaliste ? De même une infirmière d’origine japonaise qui soigne les lépreux – la métaphore entre les lépreux et les communistes est du reste un peu épaisse – n’oublie de « courageusement » dénoncer son ex-mari. Elle a divorcé de lui parce qu’au fond on ne peut pas vivre avec un communiste. C’est donc un film qui appelle à la délation et au repentir pour ceux qui auraient eu l’étrange idée de croire que le communisme pouvait être une alternative politique valable.

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    Jim McLain a tout de même le temps de nouer une idylle 

    Le film est une caricature, il n’y a pas de raisonnement, ni même une ébauche d’analyse. Les communistes sont mauvais, un point c’est tout, et on perdrait son temps à chercher à expliquer pourquoi ils le sont devenus. Nancy essaie bien d’avancer des explications par la frustration, mais Big Jim la coupe sèchement, pour pas qu’elle y revienne : il suffit juste de savoir qu’on est en guerre avec eux.

    Ce film, plutôt répugnant, est un concentré de John Wayne, la malveillance ajoutée à l’imbécilité. Si son jeu raide et sans finesse peut passer quand il joue les cow-boys mal dégrossi, il ne peut donner le change quand il interprète un enquêteur rusé et plein de finesse. Déjà vieillissant, dans le film il porte une moumoute, il n’a guère de crédibilité en séducteur de la jeune et jolie Nancy Olsen.

    Ni fait, ni à faire, le scénario hésite entre le drame, la mort de Mal, et la comédie. On voit Big Jim se marrer comme un bossu quelques instants après avoir montré les mâchoires serrées devant le cadavre de Mal. Des scènes de comédie incongrues, comme la visite d’une sorte d’illuminé qui prétend avoir ses entrées au Kremlin, ou encore les relations entre Big Jim et Madge qui tournent au vaudeville. L’ouverture du film se fait sur les séances de travail de l’HUAC histoire de donner un côté documentaire à cette histoire simplette et sans saveur.

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    Une sorte de clown se targue d’avoir un contact direct avec Staline 

    Le film n’eut aucun succès aux Etats-Unis et je crois qu’il n’a jamais été distribué en France.  Ce qui montre les limites de la propagande quand elle est aussi mal faite. Qu’espérait donc John Wayne en se lançant dans cette entreprise ? Etre pris pour un politologue ? Un bon américain ? Je n’ai pas assez d’éléments pour comprendre par quelle démarche on peut devenir John Wayne. Je ne suis pas le seul. En 1970 Paul Newman produisait le film de Stuart Rosemberg WUSA qui s’attaquait directement à John Wayne – sous le nom de John Wayno toutefois – le désignant comme le véhicule d’une morale fasciste et raciste. Il n’avait pas tort. D’ailleurs le racisme est omniprésent dans Big Jim McLain. Il nous fait remarquer la haute taille de Big Jim et de son acolyte Mal qui est encore plus grand que lui. C’est une manière de remettre à leur place les asiatiques, ou les Hawaïens qui sont a peine bons à chantonner des petites romances et à se placer sous la protection des « grands » américains.

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    Big Jim aura finalement le dernier mot 

     

    Beaucoup ne veulent pas prendre ce film au sérieux, et avancent qu’on peut tout de même se délecter d’autres films de John Wayne, notamment ceux qu’il a tournés avec John Ford par exemple. Ce n’est pas mon avis. Tout John Wayne est dans Big Jim McLain. Ses autres films ne sont que la même chose en mineur, en plus discret. D’ailleurs quand John Wayne ne combat pas les communistes il combat une autre variété de rouges, les indiens qui sont eux aussi des mauvais américains.

    « Gangster n° 1, I Mobster, Roger Corman, 1958The woman on the pier 13, I married a communist, Robert Stevenson, 1949 »
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