• Big racket, Il grande racket, Enzo G. Castellari,1976

    Big racket, Il grande racket, Enzo G. Castellari,1976

    Le poliziottesco décline les formes de délinquance italienne dans toutes les grandes villes, Naples, Milan, Turin, ou Gênes. Ici c’est Rome qui est à l’honneur, avec cette idée d’arrière-plan selon laquelle chaque ville sécrète des formes de criminalité spécifique. Ce qui veut dire qu’on fera à chaque fois un effort pour montrer des décors singuliers, mais aussi des formes d’organisation sociale particulières. C’est ici une fois de plus le thème du policier qui se trouve en lutte contre une sorte de mafia, mais qui doit affronter aussi bien la corruption des institutions que la passivité des citoyens qui ne veulent pas s’impliquer et qui préfèrent payer pour jouir d’une paix illusoire et précaire. Curieusement les poliziotteschi n’ont pas eu beaucoup de succès en France, en tous les cas on ne les a pas compris comme une partie importante du cinéma italien. C’est plus tard qu’on les a découvert. Dans les années soixante-dix, on en était resté en France aux « auteurs » représentatifs du cinéma italien, Fellini, Scola, Risi et aussi pour faire bonne mesure Sergio Leone. Ce qui ne veut pas dire que ces réalisateurs ne méritaient pas leurs lauriers, mais juste qu’ils en masquaient d’autres fiçnalement tout aussi importants qui possédaient d’autres qualités cinématographiques. On est passé à cette époque complètement à côté des Lenzi, De Martino et autres Castellari qu’on voyait comme de simples réalisateurs commerciaux flattant les bas instincts du public. Seul Damiano Damiani parce qu’il avait un message politique de gauche très clair, trouvait grâce devant la critique.  .

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    Luigi se fait malmener par une bande de racketters

    Nico Palmieri est un inspecteur de police romain qui espionne les racketteurs qui s’en prennent aux petits commerçants, dans l’espoir de faire témoigner les victimes de ce racket devant la justice. Mais en même temps, il essaie de comprendre comment ce gang fonctionne, qui e protège et qui se trouve à sa tête. Assez rapidement il va tomber sur Rudy le Marseillais qui encaisse le pognon soustrait aux commerçants. Mais celui-ci est plutôt du genre méfiant, et il se débrouille pour envoyer Nico à l’hôpital. La hiérarchie polciière est très critique avec les méthodes de Nico, et elle menace en permanence de lui retirer l’enquête. Il va cependant reprendre sont travail et finir par inciter un commerçant excédé, le propriétaire d’une petite tratoria, Luigi, de témoigner. Mais pour le dissuader de parler, les gangsters enlèvent sa fille et la viole. Luigi est fou de rage bien entendu, et quand il va recevoir les racketters, il va se servir cette fois d’un flingue, en abattre trois, ce qui va l’envoyer en prison. Les racketters que Nico amènent devant le juge sont très bien défendus par un avocat rusé, Giovanni Giune. Tandis que Nico tente de continuer son enquête, Rudy le Matseillais va essayer de faire chanter un propriétaire de boite de nuit, Mazzarelli, qui est aussi un traficant de drogue. Dans cette confrontation, Mazzarelli va être laissé pour mort et va se retrouver en prison lui aussi. Nico est désaisi de l’enquête, il va donc changer de tactique. Dans un premier temps, pour faire sortir le loup du bois, il va s’allier avec un couple de gangsters, Pepe et son neveu qui braquent des banques d’une manière assez traditionnelle. Mais ça ne marche pas vraiment car les racketters vont dénoncer Pepe et son neveu à la police. Ce dernier va être tué et son oncle va se retrouver en prison. Nico va monter une ultime tentative pour coincer la bande car il sait qu’ils préparent un gros coup sur les docks. Les gangsters ne sont pas vraiment surpris, sans doute ont-ils été prévenus de l’action de la police. Une fusillade terrible s’engage, Nico reçoit l’aide spontanée d’un tireur d’élite qui revient d’un concours olympique. Mais celui-ci va subir les représailles des gangsters, ceux-ci vont violer et tuer sa femme. Mais Nico démissionne de la police et il a appris que les gangsters vont tenir une grande réunion dans une usine d’engins agricoles. Nico va former une bande avec Pepe, Luigi, Mazzarelli et le tireur d’élite nommé Rosetti. Ils v ont investir l’usine et atteindre en se dissiumant dans les hauteurs l’arrivée des gangsters. Ils vont alors s’apercevoir que le grand chef de cette ensemble hétéroclite qui mêle la Mafia sicilienne aux gangsters marseillais est l’avocat Giovanni Giune. C’est lui qui prononce le discours de politique générale qui doit conduire à la terreur de la ville et à une emprise encore plus solide. Une fusillade va éclater, avec de nombreux morts de part et d’autre, mais si ses camarades se font tuer, Nico aura le dernier mot en abattant l’avocat puis Rudy le Marseillais. 

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    Son supérieur reproche à l’inspecteur Nico de ne pas suivre la procédure

    C’est un peu la Horde sauvage au pays du poliziottesco. Je crois que c’est l’un des plus violents films de ce type qui ait été tourné. Rome ne connait pas la douceur de vivre, mais le chaos total. Les institutions ne fonctionnent plus correctement, et le prétexte politique pour semer le trouble sera représenté par une bande de gauchistes qui va elle aussi justifier son racket pour faire la révolution. Il y a donc une parenté entre la mafia et les gauchistes. En vérité la situation italienne à cette époque était plutôt à la préparation d’un coup d’Etat – Gladio – coup d’Etat avorté qui entraînera la mort d’Aldo Moro. On sait depuis qu’un certain nombre d’attentats attribués à des anarchistes étaient le fait des services secrets liés à l’extrême-droite. Mais cette question difficile n’est pas abordée, on s’en tient simplement à la délinquance ordinaire, or on sait que dans la réalité la Mafia a prêté main forte à ceux qui voulaient fomanter un coup d’Etat, mais a aussi manipulé les Brigades Rouges pour semer le chaos et justifier l’intervention de l’armée. Cependant, ici il y aura une discussion sur ce que fait la Mafia. Elle est présentée comme une simple bande ordinaire de délinquants, commes les Marseillais qui viennent semer le trouble en Italie. Or si les Marseillais traficotaient avec la Mafia, ce n’est pas pour racketter les commerçants romains, mais plutôt pour consolider le tyrafic de drogue vers les Etats-Unis. On voit donc que le biais de cette histoire est de présenter le chaos qui règne dans la ville comme une simple perte d’autorité des institutions, une application des théories révolutionnaires contre la propriété privée. S’il est vrai que cette période qu’on a appelée les années de plomb pouvait être qualifiée de pré-révolutionnaire, la Mafia travaillait au contraire à la restauration de l’ordre ancien, la main dans la main avec l’extrême-droite. Autrement dit la plupart des poliziotteschi ont un message politique : restaurer l’ordre ancien en éliminant les criminels. Mais en vérité cette utopie n’a pas de sens puisque le capitalisme s’est développé et installé avec la criminalité et la Mafia. Donc ici nous retombons sur le message ordinaire d’un policier qui contourne les règles officielles parce qu’elles ne fonctionnent pas et ne sont pas faites pour les nouvelles formes de délinquance qui envahissent les grandes villes. 

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    La fille de Luigi a été violée

    Tout va se passer comme si les criminels violant les règles de la morale la plus élémentaire, ils allaient obliger ce policier intègre, Nico, à inventer de nouvelles règles de lutte contre eux. On les connait bien, ce sont celles qu’applique l’inspecteur Harry ou Paul Kersey. On s’allie avec des criminels qui ont conservé un zeste de morale élémentaire, et on classe les criminels par ordre d’importance pour mieux les combattre, ne pas perdre de temps avec le menu fretin. Cette logique curieuse se heurte à une autre logique, c’est que pour qu’un chef de bande règne sur le crime il faut que déjà les criminels soient nombreux. Le crime organisé, c’est bien connu, c’est une pyramide, plus la base est nombreuse et plus la pyramide est solide. Cependant en acceptant cette démarche, l’inspecteur Nico admet implicitement que le crime et la violence sont des formes naturelles de la vie sociale : il combat la violence par la violence et le crime par le crime. Mieux encore il va, après avoir échoué à faire son métier en respectant la loi, transformer de paisibles citoyens en bêtes sauvages, ivres de vengeance. C’est le point le plus intéressant de ce film. Notez que la manière dont luttent les petits commerçants romains sous la houlette de Nico, pourrait s’apparenter à une lutte du petit commerce contre la concurrence déloyale des multinationales. Le second aspect remarquable, c’est la sexualité qui est ici représentée uniquement par des viols sauvages, comme si Castellari engageait les Italiens dans une contre-révolution sexuelle ! A ce propos on notera deux éléments décisifs, la femme la plus émancipée est une sorte de matrone appartenant au gang et qui ne semble pas elle non plus avoir de sexualité véritable ou qui a remplacé celle-ci par une débauche de violence et de meurtres. Ensuite on se perd en conjectures sur les relations réelles entre Pepe et son neveu. Nico non plus n’a pas de vie sexuelle, trop absorbé par sa mission d’ange exterminateur. 

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    Luigi abat des racketters avec plaisir 

    La manière de filmer tout ça est excellente et convaincante, fluide et bien rythmée. La vision de ce film se justifie au moins pour cetet raison. Les décors naturels choisis sont très parlants, non seulement parce qu’ils juxtaposent une Italie laborieuse et honnête à une Italie violente et mauvaise. Il y a un jeu sur les couleurs légèrement passées qui tombe à pic pour prouver que l’air du temps est celui de la décomposition. Castellari connaît ses classiques, que ce soit pour les scènes de prison, ou la manière dont la bande à Nico va investir l’usine, notamment en passant par les conduits d’aération qui est décalquée de Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil. Une femme nue viendra assez curieusement distraire le gardien de l’usine pour permettre le passage de la bande. Les scènes d’action sont très enlevées, menées tambour battant, le clou est sans doute la fusillade sur le port, entre les wagons de marchandises et les locaux de la gare, avec le tireur d’élite qui abat des gangsters qui virevoltent dans les airs avant de s’effondrer gracieusement au sol. Les scènes de viol sont très crues, surtout celle d’Anna Rosetti. La scène de l’évasion de la prison, évasion organisée par Nico, est curieusement plus qu’elliptique, alors qu’elle est préparée longuement, ce qui me fait dire qu’elle a dû être coupée au montage.  

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    Nico va s’allier avec des petits gangsters 

    L’interprétation c’est d’abord le pâle Fabio Testi dans le rôle de Nico. Il lui manque quelque chose pour qu’on le croit vraiment converti à la violence sauvage. Il est un peu trop propre sur lui. Mais comme c’est un film d’action, ça passe. Le reste c’est mieux, beaucoup mieux, d’abord Renzo Palmer dans le rôle de Luigi le commerçant qui trouvera sa fille violée. Ensuite il y a Orso Maria Guerrini dans le rôle du tireur d’élite. Vincent Gardenia dans le rôle de Pepe est aussi très bien. Les femmes ne sont d’ailleurs pas très bien servies dans la distribution. Marcella Michelangeli dans le rôle de la vicieuse Marcy est un peu caricaturale, s’efforçant d’apparaître terrible et cruelle, pire qu’un homme ! 

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    Un tireur d’élite vient spontanément en aide à Nico 

    Dans l’ensemble, et même si on n’adhère pas à la rhétorique politique sous-jacente de Castelleri, c’est une très belle méditation sur la violence engendrée par la vie moderne. Ce film est sorti à la sauvette en France, du reste je ne l’avais pas vu en salle, c’est bien dommage, car il méritait mieux. Il semblerait que ce film soit maintenant un peu mieux apprécié. Notez que dans la version DVD distribuée au Royaume Uni, la scène du viol d’Anna Rosetti a été coupée pour cause d’une trop grande violence. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les poliziotteschi marchaient très bien aux Etats-Unis et ailleurs en Europe, ils étaient délaissés seulement en France. Ce film a été tourné en italien, mais il a été doublé en anglais parce qu’il était destiné au marché anglo-saxon. 

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    L’avocat veut faire régner la terreur sur la ville 

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    Le Marseillais a été abattu également 

     

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    L’édition VHS du film reprend et détourne l’affiche du Marginal

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