• Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948

    Jack Bernhard est surtout connu des amateurs de films noirs pour l’excellent Decoy[1], petit film de série B qui, dans son genre atteint au sublime. Sa grande année est 1948, il réalisera 5 films cette année-là, dont le très bon The hunted, une histoire de détective tourmenté. Ses deux derniers films sont aussi des films de détective de la série Falcon. Puis il disparaitra du paysage sans qu’on ne connaisse les raisons. C’est donc un météore dans la grande saga du film noir. L’ensemble des films réalisés par Jack Bernhard l’a été avec des budgets ridicules. Si Jack Bernhard a laissé sa marque sur le film noir, cela vient de la manière qu’il a eu d’utiliser la femme fatale, et plus encore la blonde fatale. Que ce soit dans Decoy, The hunted ou Blonde Ice, le schéma est le même : une femme mauvaise va semer la mort autour d’elle par sa cupidité et son égoïsme outrancier. La contrepartie de ce caractère singulier est une sexualité atrophiée, une frigidité rédhibitoire. Et justement c’est ce qui excite les hommes qui les désirent, parce que les faire jouir serait une grande preuve de leur virilité.  

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948

    Le jour de son mariage Claire Cummings, une journaliste, a invité à la noce ses anciens amants. Certains la détestent cordialement, comme le journaliste Herrick, et s’en méfient comme de la peste. Mais le malheureux Les Burns ne s’est jamais remis de sa rupture avec elle. Alors même que le mariage vient à peine d'être prononcé, Claire embrasse avec vigueur Les, mais elle est surprise par son mari à qui elle invente une histoire pour le faire tenir tranquille. Cependant, lors de leur voyage de noces, Hanneman la surprend en train d’écrire une lettre enflammée à Les. Il décide de divorcer. Mais Claire ne l’entend pas de cette oreille et va monter un plan pour l’assassiner et hériter. Malgré ses précautions, la police soupçonne un meurtre, mais pire encore, elle oriente ses soupçons vers Les ! Un pilote d’avion, saisi par le démon du jeu, tentant de faire chanter Claire, il est promptement assassiné sur une route obscure. Dès lors Claire va se tourner vers l’avocat Mason, à la fois pour qu’il l’aide à récupérer l’argent d’Hanneman et parce qu’il est promis à un grand avenir politique. Elle va tenter de se faire épouser. Croyant qu’elle peut toujours jouer les uns contre les autres, dans une ultime provocation elle laisse Mason annoncer devant Les qu’elle va l’épouser ! Mais le psychiatre Kippinger a compris que cette femme était dangereuse et va mettre en garde Mason contre elle. L’avocat ayant compris son jeu décide de renoncer au mariage. La frustration est trop grande et Claire le tue. Elle va essayer de faire porter le chapeau au malheureux Les qui a eu la malencontreuse idée de toucher le poignard qu’elle a utilisé. Cependant, tout le monde commence à être convaincu qu’elle est bien une criminelle et que Les n’est pour rien dans cet assassinat. Son ancien amant, son patron au journal et le psychiatre vont mettre en place un piège pour la confondre. 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Claire Cummings se marie avec le riche Hanneman 

    Le scénario est basé sur Once too often le roman d’un petit maître du noir, Whitman Chambers dont quelques-unes de ces œuvres, mais pas celle-là, ont été traduites à la Série noire. C’est semble-t-il une œuvre fondatrice qui traite au cinéma le thème de la veuve noire. Claire assassine un peu tous ceux qui se mettent en travers de sa route. Ce qui est intéressant ici, ce ne sont pas les invraisemblances, mais plutôt la capacité qu’elle a de jouer avec le feu. En effet, elle convoque ses anciens amants à son mariage et elle en embrasse un comme un défi à son nouveau mari. Elle est donc marquée par une sorte de délire de toute puissance, ces provocations tant qu’elles marchent lui donnent une importance qu’elle n’aurait pas autrement. Elle jongle d’ailleurs aussi comme ça avec la police ou même le pilote d’avion qui se croit plus malin qu’elle.  Elle est donc joueuse car en se mettant dans des situations impossibles, il faut bien qu’elle fasse preuve d’un grand talent pour s’en sortir ! 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Les anciens amants de Claire sont très jaloux 

    Le curieux du film est sans doute que Claire ne séduit que des moustachus ! Et d’ailleurs ce qui n’ont pas cet attribut sous le nez ne se laissent pas abuser bien longtemps. Film fauché, il n’y a quasiment pas de scènes d’extérieur, seuls quelques plans de champ de course ou de terrain d’aviation viennent un peu rompre cette succession d’intérieurs. En tous les cas tous les protagonistes de cette sombre affaire n’existent devant la caméra que dans des lieux clos. Cela va permettre de surcharger la photographie d’un noir qui masque la médiocrité des décors. Mais avec Jack Bernhard ce n’est pas gênant c’était même un peu sa marque de fabrique ce minimalisme. Il est intéressant de voir qu’il ne reste pas statique dans sa manière de filmer, qu’il sait se déplacer et ainsi donner du champ à l’ensemble. Le rythme est excellent, le montage resserré. Cette histoire pourtant pleine de rebondissements ne dure que 1 h 14. 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Le sergent Benson soupçonne un meurtre 

    Dans ce genre de film, l’interprétation est importante. Et en effet, budget oblige, on peut avoir dans ces films de série B des acteurs de second ordre, quasi inconnus, sans pour autant que cela gâche le film. Comme son titre l’indique, il va de soi que c’est le personnage de la blonde de glace qui est décisif. C’est Leslie Brooks qui s’y colle. Pas spécialement jolie, elle a une personnalité énergique et intéressante. Mais on se souvient que dans Decoy, la garce de service était déjà interprétée par Jean Gillie, une blonde de glace aussi, et pas très jolie, très britannique, mais avec une personnalité très forte également. C’est le seul premier rôle de Leslie Brooks dans une carrière qui s’arrêtera très rapidement, le reste de sa filmographie ce ne sont au mieux que des seconds rôles. Robert Paige et sa moustache sont Les Burns, l’ahuri de service. Dans ce genre de rôle il est très bien, sans doute avait-il de l’entraînement, car s’il n’a pas fait grand-chose, il est apparu plusieurs fois dans la série des Deux nigauds. Les autres acteurs ont tout de même des têtes assez curieuses et donnent un côté un peu horrifique à l’ensemble. James Griffith qui avait un physique de mante religieuse, est le curieux journaliste Herrick. Son côté fouineur et soupçonneux étoffe le rôle. Dans l’ensemble la direction d’acteurs est bonne. 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Claire approche l’avocat Mason 

    C’est moins un peu moins bon que Decoy. Mais outre que c’est un film pionnier, le film recèle de belles scènes, notamment celles qui filment Claire de dos, dialoguant avec ses ennemis du moment. Elle relève juste les sourcils et on comprend que celui qui l’ennuie en la soupçonnant va sans doute être poursuivi de sa hargne. On remarque que Bernhard a utilisé abondamment les rayures provoquées par les stores vénitiens, ce qui permet de mieux faire ressortir les personnages dans des situations difficiles. La photo est due à George Robinson qui avait beaucoup travaillé sur des films fantastiques à petit budget et aussi sur la série des Deux nigauds.

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948  

    Le psychiatre veut mettre en garde Mason 

    C’est donc un film noir très maîtrisé, avec un petit bémol sur la fin, la ficelle est un peu grossière dans la façon dont le psychiatre fait craquer Claire qui tout soudain avoue tout ce qu’on veut et le met même par écrit. 

    Blonde Ice, Jack Bernhard, 1948 

    Kippinger va démasquer Claire

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/la-rapace-decoy-jack-bernhard-1946-a114844852

    « La rançon de la peur, Milano Odia : la polizia non puo’ sparare, Umberto Lenzi, 1974Mortelle randonnée, Claude Miller, 1983 »
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