• Braqueur, Redoine Faïd, entretiens avec Jérôme Pierrat, La manufacture de livres, 2010

     

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    Voilà un excellent livre de voyou, spécialité de la maison d’édition La manufacture des livres. Des ouvrages sur le grand banditisme, il y en a beaucoup, d’une qualité inégale cependant. Mais celui-là est sûrement un des meilleurs qu’on peut lire sur la question.

    Redoine Faïd s’est fait connaître principalement par l’attaque de fourgons blindés dans la banlieue parisienne. Et puis bien entendu, il s’est fait arrêter dans des conditions assez rocambolesques, et il est parti en prison pour une dizaine d’années. Il en sortira en 2009, puis publiera l’ouvrage Braqueur, jurant ses grands Dieux qu’il s’est bien réintégré et qu’il ne retournera plus en prison.

    Plutôt que de raconter sa vie sous une forme autobiographique, Redoine Faïd se laisse interroger par Jérôme Pierrat qui connaît bien son sujet et qui d’ailleurs met parfois en contradiction la version de Redoine Faïd en utilisant des sources qu’on suppose venues de la police. Il faut donc lire un peu entre les lignes pour deviner la vérité.

    Mais quelle vérité ? On comprend bien les raisons qui font que Redoine Faïd ne va pas tout dire, et qu’il laissera volontairement un certain nombre de points dans l’ombre. Pour autant, c’est un livre qui donne un grand sentiment de sincérité, non pas dans le fait qu’il serait un repenti, mais plutôt dans l’analyse de ses motivations et de son parcours.

    Comme on le sait, Redoine Faïd est un pur produit des banlieues parisiennes. Fils d’immigré algérien,  il est l’avant-dernier d’une famille de dix enfants. Ayant peu de goût pour l’école, il commence très jeune à voler, malgré les corrections paternelles. Au fur et à mesure, il grimpe les échelons, cambriole des dépôts informatiques et finit par s’attaquer aux fourgons blindés. C’est en effet là qu’il y a le plus d’argent à gagner rapidement. Mais c’est le plus dangereux aussi. Sa motivation n’est pas l’argent, bien qu’il en faille parce que les cavales ça coûte très cher. Faïd n’a pas vraiment de vices, il ne fume pas ne boit pas, il ne touche pas à la coke. En fait il ne sait pas très bien pourquoi il fait ce « travail ». Parce que si on comprend bien qu’il refuse de travailler pour un patron et un salaire de misère, on n’a pas de vraies explications de sa part lorsqu’il continue alors même qu’il est bourré de fric.

    Il le reconnaît lui-même, il ne vit finalement que pour ça. Il est comme drogué à l’attaque des fourgons blindés. Monter une équipe, repérer un coup, le minuter et l’exécuter est toute sa vie.

     

    Curieusement, Redoine Faïd se pense extérieur au milieu du grand banditisme qu’il dit ne pas fréquenter. Il a d’ailleurs beaucoup de mépris pour la plupart des gangsters. Lui-même se fait appeler Doc, en référence au personnage que Steve McQueen interprète dans Le Guet-Apens. Manifestement il sait très bien raconter. Il y a quelques épisodes très drôles dans sa vie : d'abord les relations qu'il entretient avec quelques gangsters juifs. Il se planque très souvent en Israël où il a investi de l'argent. Il ne comprend pas d'ailleurs que les gangsters arabes et juifs s'entendant si bien, que les hommes politiques n'en fassent pas autant. Même s'il souligne les inégalités entre Israéliens et Palestiniens, manifestement il a beaucoup d'admiration pour Israël.

    Un des passages les plus drôles du livre qui n’en manque pas, est certainement la rencontre de Faïd avec Nono. Ce dernier a un chien, un rottweiler, que les flics ont embarqué à la fourrière parce qu’il avait causé des dégâts. Nono le considère comme son fils et va lui rendre visite, par l’intermédiaire de son avocat, comme s’il avait un parloir avec lui !!

    Autre point intriguant, Faïd ne dit absolument rien de ses relations féminines, comme si cela ne l’intéressait pas vraiment. Alors que la plupart des anciens taulards aiment à raconter leurs relations sentimentales.

    Redoine Faïd affirme que sans le cinéma la délinquance baisserait de 50%, c’est peut-être vrai. En tous les cas il reconnait que les films américains l’ont beaucoup influencé dans son comportement comme dans la recherche des mauvais coups qu’il va faire. C’est toujours les mêmes films qui reviennent : Scarface de Brian de Palma, Heat de Michael Mann. Si les voyous à l’ancienne ont des préférences pour la sage du Parrain les voyous issus des banlieues ont maintenant d’autres références.

    Contrairement à ce qu’il avait affirmé, il semble que Faïd ne se soit pas rangé des voitures. Il a été de nouveau arrêté à la fin de l’année 2011 pour l’attaque d’un fourgon blindé qui a eu lieu  le 20 mai 2010 et au cours de laquelle une policière a été tuée.

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    Le fourgon blindé attaqué par une bande en 2010 à laquelle Redoine Faïd est soupçonné d’avoir appartenu

    Si la culpabilité de Redoine Faïd était avérée dans cette affaire, il repartirait alors pour de très longues années puisque sa remise de peine tomberait et qu’il en prendrait au minimum pour une quinzaine d’années.

    Quoi qu’il en soit, L’ouvrage de Faïd est une excellente histoire, faite pour le cinéma, ce n’est pas étonnant, car Faïd pense cinéma ! Pour l’instant il aurait refusé qu’on mette en scène sa vie. Il pourrait changer, la nécessité aidant, mais ce ne serait pas facile de trouver un acteur capable de l’incarner !

     

    « Le traître, Decision before dawn, Anatole Litvak, 1951En quatrième vitesse, Kiss me deadly, Robert Aldrich, 1955 »
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