• Brown’s requiem, 1981

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    C’est le premier roman d’Ellroy. Très différent de ce qui suivra, il s’inscrit dans la lignée des romans californiens de détective, de Chandler à Ross Mac Donald. Bien avant d’être inspiré de Wambaugh, c’est là qu’on trouve la première source de l’œuvre d’Ellroy.

    Brown est un ancien flic qui s’est fait viré de la police pour son incompétence. Il végète en récupérant des voitures que les clients ne paient pas. Presque par hasard, il va tomber sur une affaire bizarre : engagé par un caddie à moitié fou, raciste et combinard, il va se trouver inexorablement attiré par la sœur de celui qui l’a engagé. Jane est violoncelliste et vie avec un vieil homme, un Juif, avec qui apparemment elle n’a pas de relations sexuelles.

    Tout le reste déroule tranquillement, dans la tradition du roman de détective. Fritz Brown a un passé d’alcoolique, et au fil des pages nous raconte sa vie. Car l’histoire est écrite à la première personne, ce qui va assez bien avec la forme confession de l’œuvre, mais aussi avec le déroulement linéaire de l’affaire.

    Curieusement le ton du récit emprunte une forme compassionnelle qu’Ellroy va oublier ensuite. C’est presqu’un roman de gauche dans la mesure où il n’y a que des victimes et ou le misérable caddie, raciste et criminel est lui aussi une victime. De même Brown déteste la télévision et procède à la destruction du poste qu’utilise son ami.

    Manifestement Ellroy se cherche, et il n’a pas encore trouvé la manière de se faire remarquer. La référence à Ross Mac Donald est assez évidente. Dans le style comme dans le fond. L’histoire du trafic des allocations sociales s’apparente assez au trafic de main d’œuvre qu’on trouve dans The Moving Target. Le détective est, comme Archer (au cinéma Harper) un ancien policier plutôt déçu du fonctionnement des institutions, et désabusé par ses contemporains.

    Il y a également, ce qui est plus étonnant, compte tenu de l’image de conservateur dont aime à se parer Ellroy, de longs passages plutôt bienveillants sur les hippies, la contre-culture. Cette vision compatissante des utopies finissantes en Californie le rapproche encore plus de Ross Mac Donald.

    Dans ce premier roman qui est déjà bien épais, rien n’annonce le style débridé, plus ou moins réaliste qui fera ensuite son succès en mêlant des personnages de fiction à des personnages bien réels. De même l’écriture à la première personne lui donne une approche subjective qu’il abandonnera par la suite. On note cependant déjà un penchant pour le style gore dans la description des meurtres et un cynisme curieux qui caractérise Brown et sa démarche opportuniste.

    Le style est assez aléatoire, l’intrigue embrouillée, surchargée de notations sur la musique ou sur le passé des protagonistes, ce qui nuit grandement à sa lisibilité. Il aborde des thèmes qu’il quitte aussitôt après, par exemple on se demande pourquoi il introduit une histoire d’amitié entre Walter et Brown. Est-ce pour faire du remplissage ? En tous les cas ça part dans tous les sens.

    L’écriture est très peu soignée. Parfois on se demande si cela est dû à la mauvaise traduction ou au contraire à la fainéantise d’Ellroy qui semble peiner à se relire :

    « - Je ne sais pas. Et tu sais quoi ? Je m’en fiche. Changeons de sujet, tu veux bien ?

    - D’accord, pour le moment. Envoie moi un autre carafon, tu veux bien ? » p. 36 de l’édition Rivages/noir.

    « … je pénétrais dans l’appartement obscur après avoir refermé la porte doucement derrière moi. » p. 112.

    Il est assez étrange de pénétrer dans un appartement qui a la porte fermée, mais il est préférable de refermer la porte après qu’on soit rentré !!

    Certains ont dénoncé la mauvaise traduction de Freddy Michalsky, mais comme Ellroy est coutumier de ces errements dans l’utilisation des temps, et qu’on retrouve des incongruités semblables dans les traductions de Jean-Paul Gratias, il est plus probable que cela provienne du texte en anglais lui-même. Voulant donner à son affaire un côté surprenant, le style roublard d’Ellroy le pousse à utiliser des détails, notamment sur la vie des caddies, qui paraissent plutôt bidonnés

     

    Adaptation au cinéma

     

    Ce n’est que tardivement, après le succès de L.A. Confidential que Brown’s requiem sera porté à l’écran. Film à petit budget, il sortira dans deux salles aux Etats-Unis et fera une carrière médiocre seulement en DVD. Le film a été produit par Michael Rooker qui pensait peut-être rééditer les succès de Paul Newman dans le rôle d’Harper.

    Le scénario a été simplifié, le nombre de personnages a considérablement diminué. Si bien qu’on ne comprend plus grand-chose à l’intrigue. Les relations entre Brown et Jane Baker sont devenues transparentes, alors qu’elles sont la clé de voute du roman. Disparaissent aussi toutes les formes de contextualisations  particulières à la contre-culture américaine et à l’attraction du Mexique sur le malheureux détective. L’éradication complète du personnage d’Omar Gonzales dénature le sens de l’ensemble. C’est aussi d’un goût douteux d’avoir fait de Jane une gamine de 17 ans qui couche avec son père. C’est cet aspect scabreux qui a permis de rapprocher ce film de Chinatown de Roman Polanski.  

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    L’ensemble est filmé à la manière d’un mauvais téléfilm, la multiplication des gros plans ne masque pas la pauvreté de la production.. Ni fait, ni à faire, les images sont laides et le casting déplorable. Il semblerait que des capitaux néerlandais soient à l’origine de ce navet. On est assez surpris d’ailleurs de retrouver au détour d’une image l’excellent Brad Dourif.

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