• Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946

     Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946 

    C’est le quatrième film de Lang qui prend comme thème la Seconde Guerre mondiale. Mais maintenant la guerre est fini, et il ne s’agit plus de propagande, seulement d’utiliser un décor pour développer un film. Officiellement il s’agit de mettre en avant l’efficacité de l’OSS dans la lutte contre les puissances de l’Axe. L’ouvrage dont a été tiré le scénario, a été co-écrit par Alastair MacLean – célébrissime auteur des Canons de Navarone – et Corey Ford un écrivain qui fut aussi membre de l’OSS. Alastair MacLean est aussi l’auteur de The last frontier, roman anticommuniste que Phil Karlson porta à l’écran sous le titre de Dernier passage[1]. Le scénario proprement dit a été développé par des gens de gauche comme Ring Lardner Jr, ou Albert Maltz qui seront très inquiétés par la chasse aux sorcières. 

     

     Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946

    Alvah Jesper est un savant que les services de l’OSS vont utiliser pour tenter de récupérer Katrin Lodor qui est sur le point de travailler avec les nazis pour mettre au point l’arme atomique. Il va donc essayer de la rencontrer en Suisse, mais les Allemands le surveillent, et lorsqu’il arrive jusqu’à elle, ils vont la faire disparaître. Dès lors avec les services américains, Al va tenter de la retrouver, mais il arrivera trop tard, elle sera abattue par les nazis. Tout semble perdu, mais Al pense qu’il peut encore se rendre en Italie pour rencontrer un autre savant Polda et l’empêcher de mettre son talent au service des puissances de l’Axe. Là il va être pris en charge par la Résistance italienne. C’est ainsi qu’il fera la connaissance de la très belle Gina avec qui il va nouer une idylle malgré les impératifs de la guerre. Al est hébergé chez Gina, mais bientôt ils doivent fuir parce que la Gestapo est sur leur piste. Al va rencontrer Polda qui subit le chantage de la police italienne et de la Gestapo : ils détiennent sa fille et veulent l’obliger à travailler pour eux. Al va cependant, en s’abritant derrière les relations qu’il a entretenues avec Lodor, amener Polda à coopérer. Le projet est de retrouver et de récupérer Maria, la fille du savant italien, et de les évacuer tous les deux vers les Etats-Unis. Mais en réalité, Maria a été assassinée. Al et Polda arriveront à prendre la fuite, le savant américain promettant à Gina de revenir une fois la guerre terminée.

     Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946 

    Al arrive en Suisse pour rencontrer Katrin Lodor 

    C’est un scénario quelconque, et la légende affirme que le film a été amputé de la fin tournée par Lang qui voyait Al découvrir les camps de la mort et se rendre compte que les travaux sur la bombe atomique pouvaient faire finalement courir au monde des dangers très graves. Je ne connais pas cette version, mais on dit qu’elle a été sabotée par les studios qui voulaient laisser un message optimiste aux spectateurs. Et même si tout le long du film Al se pose la question de l’utilisation criminelle qu’on peut faire des travaux des savants, cette critique radicale de la course aux armements a bel et bien disparu. Il est donc assez inutile de  chercher dans cette production un message clair et net. Ce quatrième et dernier film antinazi de Lang n’est plus qu’un prétexte au développement d’un film d’aventures.

     Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946 

    Pour passer les barrages ils se cachent dans un camion 

    L’ensemble est assez mou, manque de densité, et l’aspect dramatique n’est pas très convaincant. C’est pourtant une grosse production, puisqu’en effet, en 1946 Gary Cooper était la plus grosse vedette d’Hollywood. Mais l’histoire est assez décousue. On passe de la nécessité de connaître le développement des travaux allemands sur la bombe atomique, à celle d’exfiltrer Polda, le tout sur une romance à deux sous. Certes il y a de belles scènes, comme la rencontre émouvante entre Lodor et Al. Ou les difficultés d’Al à convaincre Polda. Mais sans doute qu’il n’y a pas assez d’espace pour l’intrigue policière proprement dite, ce qui fait qu’on ne craint pas grand-chose pour les héros et qu’au fil des bobines on s’en désintéresse. De même la transformation d’un savant un peu rêveur en un agent secret déterminé n’est pas très crédible. Et puis il y a le fait que l’ensemble est trop bavard, on revient sans cesse sur les peurs de Gina

     Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946 

    Al doit rassurer Polda qui craint pour la vie de sa fille 

    Au niveau de la distribution, la déception c’est tout de même Gary Cooper. Il roule un peu trop des yeux, fait des mimiques malheureuses pour signifier ses sentiments, un peu comme au temps du muet. C’est pourtant un acteur important, un peu trop oublié aujourd’hui et qui jusqu’au bout de sa vie s’investit dans des films intéressants. Il est bien trop statique, même dans les scènes d’action, un peu comme s’il hésitait entre le rôle du savant et celui de l’agent secret, tardant à faire son choix. La scène où il se déguise en savant allemand pour approcher Polda est excellente cependant, de même sa confrontation avec la très belle Ann Dawson qui joue les agents doubles et qu’il fait chanter sans vergogne pour atteindre son but. Lili Palmer est excellente dans le rôle de Gina. C’est une femme qui a fait une carrière internationale exceptionnelle, juive allemande, elle s’exilera en Angleterre et tournera aussi aux Etats-Unis. Elle est présente au générique de Body and Soul, le magnifique film de Robert Rossen. Lang la filme en mettant en valeur ses petits seins pointus à travers son pull-over, et pour cette raison, ça vaut tout de même le coup de voir ce film ! Si le reste de la distribution ne démérite pas, il n’a rien d’exceptionnel, on peut même trouver Sokoloff dans le rôle de Polda un peu trop caricatural. Marjorie Hoshelle dans celui de Dawson est bien, mais son apparition est trop brève.

     Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946 

    Gina et Al doivent se cacher 

    Film de studio, les décors sont assez bien réalisés pour donner du corps au film, c’est un des points forts. Cependant dans ce film et contrairement à ceux qui le précèdent directement, il y a une inflexion dans la manière de filmer de Lang, il y a moins de mouvements de grue, très peu de plans d’ensemble. En vérité cela annonce les films noirs du début des années cinquante comme Clash by night ou The big heat. Une caméra plus mobile qui suit l’action au lieu de la contempler et d’en rendre compte, ce qui introduira finalement une subjectivité intéressante qui est absente de l’ensemble des films que Lang a réalisés dans le cadre de la lutte contre les nazis et la justification de l’action des services secrets américains. On rappelle qu’à cette époque de nombreux films mettront en scène pour la valoriser l’action de l’OSS, notamment 13 rue Madeleine, de Henry Hathaway. Ça n’a jamais donné de très grands films.

     Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946 

    Al va tuer Luigi 

    Bien entendu on recommandera ce film à tous les amateurs de films noirs, mais aussi à ceux de Lang, tout en les prévenant pour qu’ils ne s’attendent pas à visionner un chef d’œuvre. L’ensemble manque trop d’enthousiasme pour cela. Rappelons pour terminer que Cloak an dagger est la devise de l'OSS.

    Cape et poignard, Cloak and Dagger, Fritz Lang, 1946 

    Gina surprend Al en pleine bagarre

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/le-dernier-passage-the-secret-ways-phil-karlson-1961-a114844800

    « Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944Les faucons de la nuit, Nighthawks, Bruce malmuth, 1981. »
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