• Chair de poule, Julien Duvivier, 1963

     Chair de poule, Julien Duvivier, 1963

    C’est l’avant dernier film de Julien Duvivier, un très bon film noir. A l’origine il s’agit pourtant seulement d’une adaptation d’un roman de James Hadley Chase, Tirez la chevillette, qui est un plagiat éhonté du Facteur sonne toujours deux fois. Avec toutefois une volonté de durcir le ton et de basculer vers un peu plus de cynisme.

      Chair de poule, Julien Duvivier, 1963

    Deux prolos, deux amis, Daniel Boisset et Paul Genest, ouvriers en serrurerie, s’embarquent dans un cambriolage qui tourne mal : surpris par les propriétaires, ils sont obligés de s’enfuir, mais au passage Paul a estourbi le mari. La police s’en mêle, et Daniel est abattu dans la rue. Paul n’est pas inquiété. Quelque temps avant de passer en jugement, Daniel arrive à se défaire de ses menottes et à s’évader durant un transfert. Il va finir par arriver dans l’arrière-pays niçois, dans un coin assez désertique. En fait il cherche à se rapprocher de la côte pour trouver un bateau et embarquer. Par hasard il rencontre Thomas, un garagiste débonnaire qu’il aide à faire démarrer sa camionette. Thomas, trouvant Daniel très sympathique, va l’engager dans le garage relais qu’il exploite au milieu d’un quasi désert. Mais Thomas est marié à une femme bien plus jeune que lui. Celle-ci est très jalouse et ne souhaite pas que Daniel s’incruste. Son attitude cependant va changer quand elle va découvrir que celui-ci est un meurtrier évadé. Dès lors elle va exercé un chantage sur lui pour qu’il ouvre le coffre fort de Thomas car elle veut s’en aller avec les économies du garagiste. Daniel ne veut pas se plier à cette injonction. Cependant, Marie n’est pas la seule à guigner l’argent de Thomas : c’est aussi le cas de son ex-beau frère

     Chair de poule, Julien Duvivier, 1963 

    Chez Corenne Daniel et Paul tente d’ouvrir un coffre 

    Tandis que Thomas s’absente, Daniel finit par céder au chantage et ouvre le coffre de son patron. Mais pour cause d’intempéries, il revient inopinément. Daniel prouve cependant qu’il a dû céder au chantage de Marie, mais l’affaire tourne mal et  Marie tue son époux. Sachant que la police risque de le soupçonner, Daniel enterre Thomas dans le garage. Il veut partir, mais il doit attendre que les choses se calment. Marie se donne à lui, même si il s’en méfie comme de la peste. Cependant la disparition de Thomas commence à faire jaser. A commencer par l’ex-beau-frère Roux. Paul cependant vient rejoindre Daniel. Les retrouvailles sont enjouées, sauf que Marie commence à faire du charme à Paul car elle a compris qu’il avait lui aussi la capacité d’ouvrir le coffre fameux. Paul est en effet un esprit un peu faible, opportuniste il guette la première occasion qui pourra le faire sortir de son état de prolétaire. Pendant que Paul et Marie vont faire développer des photos en ville pour faire des faux papiers à Daniel, Roux et son fils décident de passer à l’attaque et de dénicher le magot de Thomas. Il s’ensuit une lutte épique, les Roux, père et fils, sont mis en fuite, mais Daniel a été grièvement blessé. Paul va ouvrir le coffre, et se propose de partir tout seul avec le magot, mais les Roux ont prévenu les gendarmes et ceux-ci empêchent Paul de partir.

     Chair de poule, Julien Duvivier, 1963 

    Daniel rencontre Thomas qui est la crème des hommes 

    C’est un scénario très noir qui articule la fatalité et la cupidité sur fond de trahison. Daniel et Thomas sont des gens simples et relativement honnêtes à leur manière. Mais ils sont victimes du destin. Daniel est trahi par celui qu’il croit être son meilleur ami, et Thomas par sa femme, une ancienne prostituée qui a épousé Thomas pour son magot. La cupidité est un mal qui s’étend, à la famille Roux, comme à Paul qui en marre de subir sa vie de prolétaire.

    Il y a un côté assez prolétarien dans ce film, en ce sens que les principaux protagonistes travaillent de leurs mains et sont d’extraction modeste : mécaniciens ou garagistes. C’est ce côté populaire qui donne à mon avis une vraie épaisseur à cette histoire. C’est une histoire d’amitié aussi, amitié trahie soit par nécessité – Daniel subit le chantage de Marie – soit par goût de l’argent. Cette thématique rejoint par la bande la thématique des Duvivier d’avant-guerre.

    Chair de poule, Julien Duvivier, 1963 

    Thomas veut que Daniel reste au relais 

    L’interprétation est dominée par Robert Hossein qui occupe l’écran quasiment de bout en bout. Il est parfait dans le rôle de Daniel et n’a aucun mal à supplanter Jean Sorel qui joue le pâle Paul. Ce dernier qu’on présentait à l’époque comme un nouvel Alain Delon, avant qu’il ne parte se perdre dans une carrière de second ordre en Italie, manque cruellement de charisme, sauf dans les scènes de la fin où sa fourberie éclate. Mais ce n’est pas un vrai problème. Tous les autres acteurs sont très bons. A commencer par la sulfureuse Catherine Rouvel qui n’a pas eu la carrière qu’elle méritait, dans le rôle de la garce Marie, mais une vraie garce dont il n’y a rien à tirer, qui se sert de son corps comme d’une arme de destruction massive. Gérard Wilson joue Thomas le garagiste au bon cœur, malheureux en amour. Il a une présence incroyable. Lucien Raimbourg est aussi étonnant dans le  rôle du père Roux, méchant à souhait, sournois, intégralement mauvais, il ne sait qu’inventer pour nuire à son prochain. La distribution est complétée par les copains de Robert Hossein, Robert Dalban en gendarme, Jean Lefebvre en curé frileux. Comme ils se retrouvaient toujours avec lui à cette époque, sans doute le réalisateur qui engageait Robert Hossein s’obligeait par contrat à prendre aussi Dalban et Lefebvre.

     Chair de poule, Julien Duvivier, 1963 

    Roux, le beau-frère guigne le magot de Thomas 

    La réalisation est sobre mais juste. Tourné en extérieur dans l’arrière-pays niçois, Duvivier s’éloigne des clichés habituels sur la Provence et la Côte d’Azur. C’est presqu’un décor de western. Le caractère isolé et sauvage est parfaitement rendu pour cette sorte de huis clos noir.

    Parmi les scènes qu’on retiendra, il y a cette violence qui est déclenchée par les Roux qui attaquent le relais tandis que Thomas est absent. On se croirait dans Les chiens de paille. Daniel ébouillantera le père Rous avec de l’huile de friture. Mais le casse du début, peu sophistiqué d’ailleurs, est également bien mené et bien filmé, avec la scène de Daniel se faisant flinguer à la sortie de l’immeuble qu’il vient de cambrioler. Le film a reçu une bonne réception critique et le public a suivi. Pour autant, on a mis assez longtemps à en redécouvrir les qualités, sans doute parce que vers la fin des années soixante, on ne prenait pas assez au sérieux les films noirs, les confondant avec des divertissements populaires sans contenu.

     Chair de poule, Julien Duvivier, 1963 

    Thomas surprend Marie et Daniel en train de forcer son coffre 

    En le revoyant cinquante ans plus tard, on est surpris par sa fluidité et de sa vigueur. Le film n’a pas vieilli.

     Chair de poule, Julien Duvivier, 1963

    Marie se donne à Daniel

     Chair de poule, Julien Duvivier, 1963 

    Daniel doit affronter Roux et son fils

     Chair de poule, Julien Duvivier, 1963 

    Paul a tué Marie

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