• Classe tous risques, Claude Sautet, 1960

     

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    Considéré comme le vrai premier film de Claude Sautet, c’est aussi un des films les plus typiquement « giovannien ». Après le succès du Trou, le livre, mais aussi le film de Jacques Becker, José Giovanni va se lancer dans l’écriture de romans pour la Série noire. Il écrit quatre romans en 1958, Le deuxième souffle, Classe tous risques, L’excommunié et Histoire de fou. Cet ensemble forme un tout, fait d’histoires de truands inspiré des destinées tragiques de grands bandits qui ont existé. Ces romans sont de grand succès. Ils mêlent habilement des éléments de la réalité du monde des voyous à un art consommé de la tragédie. Les noms des héros sont à peine démarqués : dans Le deuxième souffle Gustave Méla devient sous la plume de José Giovanni Gustave Menda, LaRocca, le héros de L’excommunié garde son nom, mais son aventure est transformée et réinterprétée. En effet, LaRocca était un pâle chef de bande marseillais qui semait d’abord la terreur dans son quartier dans l’entre-deux-guerres. Quant à Abel Danos, figure singulière du banditisme de l’Occupation, qui fut condamné à mort pour ses participations à la Carlingue de la rue Lauriston, il en fait Abel Davos et gomme tout son trouble passé lié à la collaboration. Raymond Naudy devient Raymond Naldi. Raymond Naudy était du reste membre des réseaux de Résistance.

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    On comprend donc que ce n’est pas la vérité historique qui intéresse Giovanni. L’unité thématique des premiers ouvrages de Giovanni se trouve d’abord dans la descente aux enfers de voyous qui ont été importants et qui peu à peu deviennent moins que rien. Ces hommes seuls qui avaient l’habitude d’être des références dans leur domaine, sont dévalorisés, déphasés, trahis par le milieu. Au passage c’est une démythification des codes du milieu. Certes, ils trouveront parfois ici et là des soutiens ponctuels, mais c’est pour mieux faire ressortir combien ils sont seuls. Ils sont morts, mais le savent pas encore.

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    Classe tous risques est l’histoire d’un gangster, condamné à mort par contumace et qui a fui en Italie avec sa femme, ses enfants et son ami. Pris à la gorge par des problèmes d’argent, ils attaquent un encaisseur en pleine rue, à Milan. La police les traque. Ils décident de repasser en France, mais, en arrivant par Bateau à Menton, ils sont accueillis par les gendarmes. Une fusillade s’ensuit. Naldi et la femme d’Abel sont tués. Abel va essayer de rejoindre Paris avec ses enfants. Il demande de l’aide à ses amis parisiens. Ceux-ci, des truands embourgeoisés, rechignent à l’aider, mais ils envoient à leur place Eric Stark. Ce dernier, au volant d’une fausse ambulance va le chercher. Une amitié va naître entre les deux hommes. Abel va placer ses enfants chez ses beaux parents, et va poursuivre tout seul sa longue cavale, de coups minables en réglements de comptes, il finira par être arrêté et condamné à mort.

    Le film n’a pas eu de succès à sa sortie en 1960, mais il est depuis devenu un classique du genre. Ce n’est pas un simple film policier, c’est un film noir, splendidement mis en scène par Sautet. Le début s’ouvre sur la gare de Milan et continue sur l’attaque de l’encaisseur en pleine rue. C’est filmé d’une manière très réaliste, le budget étant étroit, l’utilisation de décors réels est plus que nécessaire, mais en même temps c’est ce qui donne de la vérité à l’ensemble. On retrouve ensuite cette manière d’utiliser le décor urbain à l’aide de plans larges et profonds lorsqu’Abel est de nouveau à Paris et qu’il arpente les grands boulevards.

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    Comme je l’ai dit plus haut, c’est un film typiquement giovannien, non seulement à cause de cette histoire d’amitié virile qui se maintient au-delà de toute question entre Stark et Abel, mais aussi dans l’attention qui est donnée aux enfants. Ce sont à la fois des boulets qui empêchent Davos d’agir comme il le voudrait, mais qui en même temps lui donnent l’occasion d’être un peu meilleur, un peu au-dessus du commun des tueurs.

    Les scènes de bravoure cinématographique abondent, que ce soit dans le bar de Riton, ou dans le regard mélancolique que Davos porte sur ses enfants, sachant qu’il ne les reverra pas, ou encore la manière dont Abel dépouille le receleur, révélant une ambiguité de caractère qui laisse perplexe, car ce film est bien au-delà d’une glorification ou d’une condamnation du voyou : la figure négative du héros portée par Abel est le révélateur du sens du tragique de l’existence humaine.

    Le casting est également tout à fait giovannien. C’est d’abord Lino Ventura qui porte liottéralement le film sur ses épaules, et dfont c’est aussi le premier vrai grand rôle dramatique. Belmondo est également très bon, pour une fois, assez sobre. Il retrouvera Giovanni sur le tournage d’Un nomma La Rocca l’année suivante, mis en image assez platement par Jean Becker. Mais encore, on trouve Michel Ardan dans le rôle de Riton, Michel Ardan qui par la suite produira Les grandes gueules avec Lino Ventura et Bourvil, toujours d’après un roman de José Giovanni. Si Sandra Milo est assez quelconque, Dalio est très bon dans le rôle du receleur, et surtout il y a Philippe March dans le rôle de Jeannot qui reviendra dans deux autres films de Giovanni, Dernier domicile connu et Où est passé Tom ?

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    Claude Sautet avait connu Lino Ventura sur Le fauve est lâché, film sans trop d’intérêt, mais scénarisé par Frédéric Dard et Claude Sautet. Et c’est Ventura qui l’imposera lorsqu’il décidera de soutenir le projet d’adapter le livre de José Giovanni. Sur le scénario, Sautet et Giovanni travaillent ensemble, et ils retravailleront encore ensemble lorsqu’il s’agira d’adapter Mon ami le traître, ouvrage très ambigu de José Giovanni sur la période de l’Occupation. Si Sautet est plutôt associé à la peinture des mœurs de la classe moyenne dans les années soixante- dix, il a porté tout de même un intérêt important au film noir. En dehors de Classe tous risques, il a tout de même réalisé Max et les ferrailleurs, et puis il a écrit un certain nombre de scénarios pour le film noir : Le fauve est lâché, Mise à sac, Symphonie pour un massacre sur lequel il travaillera avec José Giovanni (celui-ci faisant aussi un peu l’acteur), et quelques autres.

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     Les vrais Abel Danos et Raymond Naudy

     

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