• Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016

     Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016

    Ce film rentre dans une nouvelle catégorie des films néo-noirs qui axe son propos sur une Amérique complètement malade et au bord de l’effondrement total. Non seulement tous les personnages de cette histoire n’ont rien de positif, mais leur comportement s’explique par un matérialiste plutôt direct. L’histoire a été écrite par Taylor Sheridan, le scénariste de Sicario, mais aussi le réalisateur du plus récent Wind River. C’est le genre de film qui fascine aussi bien les festivaliers de Cannes que les critiques de la côte Est qui n’arrivent pas à croire que l’Amérique c’est aussi ça, un pays complètement dégénéré dont le mode de développement n’a pas seulement détruit la nature, mais aussi les âmes. C’est un film de David Mackenzie qui n’a pas laissé de trace remarquable tout au long de sa carrière, sauf peut être le curieux Young Adam, d’après le récit plus ou moins autobiographique d’Alexander Trocchi, compagnon de route sulfureux de Guy Debord dans les années cinquante. 

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    Toby et Tanner parlent de leur mère disparue 

    Toby et son frère Tanner qui vient de sortir de prison ont décidé de braquer des banques pour se sortir de la misère, mais aussi pour se venger des banques dont les pratiques malhonnêtes, bien que légales, visaient à dépouiller la famille d’un ranch qu’on soupçonne de receler des grandes réserves de pétroles. Ils ne braquent que des petites banques et ne prennent que des coupures inférieures à 100 $. Ils ont tout d’amateurs. Mais en réalité Tanner a fait dix ans de prison et est très endurci. Le ranger Marcus Hamilton va partir à leurs trousses avec un amérindien, Alberto, sur qui il n’arrête pas de faire des blagues très douteuses. En vérité Les frères Howard ont un véritable projet. Cet argent qu’ils piquent à la Texas Midland Bank va leur servir de mise de fonds pour jouer au casino et remporter une somme qui leur permettra de racheter l’hypothèque qui court sur le ranch. Toby st séparé de la mère de ses enfants et donc il ne voit ceux-ci que rarement. Ce qui ne l’empêche pas de leur faire la morale. Pendant que les deux frères montent leur dernier coup, Marcu et Alberto les attendent dans la petite ville de Post. Selon Marcus, rien ne sert de leur courir après, et ce d’autant qu’il a compris, notamment grâce au témoignage de la serveuse d’un T-bone, que les deux braqueurs n’étaient pas tout à fait de la région, mais pas très loin. Cependant le dernier coup va mal tourner, cette fois ils braquent une banque un peu plus importante, et ils tombent sur des agents de sécurité qui leur tirent dessus, Toby est blessé, Tanner tue deux personnes. La poursuite commence. Les deux frères se séparent, et Tanner entraîne les poursuivants dans la direction opposée à celle de son frère. Marcus se joint à la chasse, il va abattre Tanner qui a tué Alberto, et Toby va passer entre les mailles du filet. Il va négocier son hypothèque et mettre le ranch au nom de ses enfants. Marcus prend sa retraite, mais il n’est pas satisfait, et retourne voir Toby à qui il confie qu’il n’est pas dupe de la manœuvre. Mais il ne peut plus rien contre lui, et le laisse vivre en paix, sachant que son pétrole va lui rapporter beaucoup d’argent.

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    Marcus Hamilton croise des cow-boys désenchantés 

    Le thème principal est celui de l’effondrement de l’Amérique, un effondrement que rien ne peut enrayer, même pas l’argent que Toby finira par gagner avec ses puits. L’effondrement est moral autant que matériel. Il faut voir ce Texas ravagé par les puits de pétrole qui sont creusé n’importe où, n’importe comment. Les incendies dont personne se préoccupe. Toutes ces âmes noires qui errent sans but d’une bière à une autre, jusqu’à un casino. Le second thème sous-jacent c’est celui de la rapacité des banques. Si un employé à l’honnêteté de dire les raisons qui ont poussé sa banque à mettre la mère des Howard sur la paille, les autres sont tous en train de chercher à contourner les règles de la décence commune pour s’enrichir. L’ambiguïté est toujours présente, Toby apparaît en fait comme un manipulateur, il excite son frère en lui avouant que sa mère ne l’a pas couché sur son testament. C’est une manière comme une autre de l’amener à la mort, de le fixer sur une conduite suicidaire. Car si Toby a encore ses enfants, et peut-être même un avenir avec son ex-femme, Tanner lui n’en a aucun. Marcus est le témoin de l’effondrement. Contrairement à ce qu’on a avancé, les blagues qu’il balance à longueur de temps à Alberto en faisant mine de se moquer des indiens sont destinés d’abord à remettre à sa place la vieille idée selon laquelle la civilisation apportée par les blancs était bien meilleure que celle des amérindiens. Mais comme ses concitoyens il comprend aussi la logique des frères Howard, les banques qui ne sont jamais condamnées pour leurs malversations, méritent bien finalement de payer un peu. Même les cow-boys paraissent usés, se demandant qu’est-ce qu’ils font encore là sur leurs chevaux, ils se rendent compte qu’ils ne sont plus que des pions sacrifiés sur l’autel de la rentabilité. Tout le monde semble aigre : par exemple la vieille serveuse qui sert des T-bones. Et les vieux regardent d’un œil très ironique la police en train de se dépatouiller avec des hold-ups un peu dérisoires. 

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    La serveuse du T-bone drague ouvertement Toby 

    Si les intentions du scénario nous paraissent intéressantes, leur mise en forme laisse un peu à désirer. Il y a des ruptures de ton qui viennent d’une mauvaise maitrise du rythme. Ça s’accélère cependant vers la fin, dès lors qu’il faut conclure, en rentrant dans l’action proprement dite la poursuite tragique de deux bandits, on n’a plus de temps pour les digressions, et c’est mieux. L’ensemble est assez platement filmé. La photo est travaillée, mais manque de style et de personnalité. David Mackenzie a des idées de mouvement d’appareil, mais c’est assez convenu comme cette façon de multiplier les panoramiques pour masquer les difficultés à saisir la profondeur de champ. C’est la chose la plus importante qu’on peut reprocher au réalisateur : il manque de style, versant dans le reportage terre à terre. Evidemment ça ne donne guère envie de visiter le Texas, mais en même temps on comprend peut-être mieux pourquoi ces gens qui semblent abandonnés de tous votent pour Trump. Comme on le voit, la dimension politique et critique est affichée.

     Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    Toby tente d’expliquer à son fils le droit chemin

    La distribution c’est d’abord Chris Pine et Ben Foster dans les rôles des deux frères rebelles. Ils sont plutôt bons, parfois un peu cabotins. Leur différence de physique permet à Mackenzie de renforcer les oppositions de caractères. Ben Foster dans le rôle de Tanner est tout de même un peu plus convaincant. Jeff Bridges est le ranger Marcus. Il joue un peu sur le même registre que dans True grite, le vieux justicier bougon et désabusé qui fait semblant de ne croire en rien. Je le trouve plutôt bon. Il y a de belles initiatives dans la distribution, histoire d’éviter à tout pris le caractère glamour. Ainsi les filles qui draguent Toby ne sont pas particulièrement attirantes et sexy, au contraire, elles apparaissent aussi comme des victimes, que ce soit la serveuse un peu enveloppée du snack, ou cette fille qui au casino lorgne sur les jetons de Toby. Celle-là est maigre, vraiment triste. On verra apparaître deux fois les réflexions des amérindiens sur leur propre histoire – c’est assez typique de Taylor Sheridan – de la part d’Alberto, et lors de l’affrontement de Tanner au casino avec un vrai comanche. Il est curieux de voir les amérindiens en exil dans leur propre pays, mais c’est hélas le lot de tous les pays colonisés. 

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    La serveuse acariâtre explique à Marcus et Alberto ce qu’ils doivent manger 

    Le film a été surestimé par la critique. Il y a trop de relâchement dans le scénario pour que ce soit un grand film. Et la mise en scène est très convenue. Néanmoins ne boudons pas notre plaisir, le film se voit très bien. Il a fait un flop retentissant en France, mais il a suffisamment fait d’entrées principalement aux Etats-Unis pour boucler son budget très largement. C’est d’ailleurs assez étrange que ce film ait fait un bon succès aux Etats-Unis, ce qui semble signifier que les Américains sont plutôt intéressés par la critique de leur société. 

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    Au casino Tanner tombe sur un vrai comanche

     Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    A la retraite Marcus rend visite à Toby

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