• Complot de famille, Family plot, Alfred Hitchcock, 1976

     Complot de famille, Family plot, Alfred Hitchcock, 1976

    C’est l’ultime film d’Alfred Hitchcock dont la carrière s’étend de 1922 à 1976. Curieusement il ne fut pas boudé par le public, ni même la critique, même si ce film n’est pas considéré comme faisant partie de son œuvre majeure. C’est une comédie sur fond d’affaire d’héritage et d’assassinats en série. Il y a manifestement là un désir de changement de la part d’Hitchcock. Le format n’est plus tout à fait le même qu’autrefois, il n’y a pas de vedette très glamour, et jusqu’à la photographie qui n’est plus très bien léchée comme c’était généralement le cas pour les œuvres antérieures. Nous sommes dans les années soixante et dix, les temps ont changé.

      Complot de famille, Family plot, Alfred Hitchcock, 1976

    Le scénario est une adaptation d’un ouvrage à succès de Victor Canning, auteur britannique aujourd’hui oublié, dans la lignée des romans à énigme[1]. Ce qui est assez gommé ici puisqu’on sait tout de suite à quoi s’en tenir sur les différents protagonistes. C’est l’histoire de deux couples, l’un plus ou moins centré sur Blanche Tyler qui se fait passer pour un médium et qui se trouve affublé d’un amant chauffeur de taxi qui l’aide à faire croire à son public qu’elle a des dons. L’autre est un couple d’escroc qui réalise des kidnappings pour obtenir des diamants en guise de rançon. L’un est plutôt prolétarien, l’autre riche et insatiable. Mais ils vont curieusement se croiser. En effet, pour obtenir de l’argent de Mme Rainbird, Blanche doit retrouver le fils de sa sœur qui a été abandonné, puis adopté par quelqu’un dont on ne sait rien. Cette quête va mettre Blanche et George qui joue les détectives privés sur la piste d’un certain Eddie Shoebridge qui en fait n’est que l’héritier de Mme Rainbird. Menacé d’être découvert, Eddie Shoebridge qui a pris le nom d’Adamson va tenter de les tuer. D’abord en envoyant son complice qui l’avait aidé à assassiner ses parents adoptifs, puis en y allant lui-même. Mais tout finira bien, les méchants seront punis et les gentils toucheront la rançon.

     Complot de famille, Family plot, Alfred Hitchcock, 1976 

    Blanche joue les médium auprès de la richissime Mme Rainbird 

    L’intrigue un peu sautillante ne casse pas trois pattes à un canard, il n’y a pas vraiment de suspense. Pour tout dire elle ne tient pas vraiment la route, tant les coïncidences s’accumulent d’une manière incongrue. Les personnages n’ont aucune épaisseur, et on trouve le temps très long – le film dure 2 longues heures tout de même – en attendant une fin qu’on connait à l’avance. Sans doute ce qui est assez raté dans ce film est que le spectateur doit se partage entre les deux couples justement, et donc qu’il ne peut de ce fait s’intéresser à aucun des personnages. Le film emprunte beaucoup à l’imagerie hitchcockienne, que ce soit le portrait de Fran qui est très proche de Marnie finalement, ou que ce soit la poursuite de Blanche et George par Maloney qui rappellera, mais en mineur, la séquence phare de La mort aux trousses.

    Complot de famille, Family plot, Alfred Hitchcock, 1976  

    Fran vient récupérer le diamant auprès de la police 

    Sur le plan cinématographique proprement dit, il y a beaucoup à redire. La photographie est assez médiocre, mais le cadre est mal fait. L’ensemble donne une impression de mollesse, même quand il s’agit de scènes d’action. Manifestement Hitchcock avait perdu la main. Les décors sont mal utilisés, y compris la belle maison d’Arthur Adamson qui est filmée d’une manière étriquée, même quand il s’agit de film des escaliers, ce que pourtant Hitchcock avait fait très bien cent fois auparavant. Les décors extérieurs, la route, la station-service de Maloney n’a pas de caractère particulier, alors qu’elle devrait parler justement de son propriétaire, le dévoiler quelque peu. Mais c’est filmé paresseusement. Sans réel souci de continuité. Si la scène d’ouverture qui nous fait connaitre le charlatanisme de Blanche, est assez bien menée, la scène qui va venir ensuite, l’échange du diamant contre le kidnappé est sabotée : en effet lorsque Fran rentre dans le bureau de la police, on devrait sentir une tension, au moins une peur. Rien de tout cela, on a l’impression d’un échange entre un client et un commerçant. Plusieurs scènes se passent la nuit, dans la rue. Elles sont très mal éclairées et cela nuit à l’intensité de l’intrigue. Je passe sous silence les mauvaises transparences. Hitchcock en a fait tellement tout au long de sa carrière qu’on dirait presque une marque de fabrique.

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    Blanche et George vont partir à la recherche d’Eddie Shoebridge 

    Evidemment la distribution n’a strictement rien de glamour. Ce sont tous des acteurs de second rang qui ont peu atteint le statut de vedette. Bruce Dern dans le rôle de George en fait un petit peu trop dans le genre grand niais qui aime Blanche mais qui passe son temps à se disputer avec elle. Elle, c’est Barbara Harris, elle est pas mal. C’est une actrice qui n’a jamais percé et qui n’a fait que des apparitions épisodiques au cinéma. On la retrouvera un peu plus tard dans Peggy Sue got married le très beau film de Coppola. Karen Black incarne une sorte de femme fatale à travers le rôle de Fran. C’est une bonne actrice au physique un peu étrange. Ici elle a du mal car son rôle hésite entre la croqueuse de diamants sans scrupule et celui de la maitresse manipulée qui sert les noirs desseins de son amant. Le quatrième larron est William Devane. La même année il jouera dans Marathon man, grand succès international. Il incarne ici le mauvais garçon qui s’aperçoit que le destin l’a floue lorsque Blanche vient le relancer pour lui faire savoir qu’il peut hériter de plusieurs millions de dollars. Il est très bon, mais c’est vrai que dans l’ensemble tous ces acteurs manquent un peu de charisme.

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    Les freins ont été sabotés 

    Il y a peu de scènes qu’on retiendra, peut-être l’ouverture. Non seulement il y a des incongruités – par exemple Fran et Arthur vont approcher l’évêque pour le kidnapper et demander une rançon, et au même moment George arrive dans l’église pour obtenir des renseignements sur Eddie Shoebridge – mais il y a des scènes tellement mal tournées que s’en devient ridicule. Par exemple quand la voiture n’a plus de freins et que Blanche se jette sur George pour qu’il l’a protège. La voiture une fois renversée, Blanche écrasera la bouche grimaçante de George de son talon.

    Complot de famille, Family plot, Alfred Hitchcock, 1976 

    Fran vient raconter ses déboires à Arthur 

    Bref, c’est un divertissement raté qui tient plus de la télévision que du grand écran et surtout qui confirme que depuis le début des années soixante Hitchcock était vraiment sur la pente déclinante, même du point de vue de sa maîtrise technique. Certes on me reprochera sans doute d’être de parti-pris en ce qui concerne Hitchcock, tant il y a peu de films de lui qui arrivent à m’intéresser, mais ici, au-delà de l’histoire elle-même, il y a cette faiblesse dans la réalisation qui est franchement gênante.

     Complot de famille, Family plot, Alfred Hitchcock, 1976 

    Blanche est prise au piège 

    Complot de famille, Family plot, Alfred Hitchcock, 1976  


    [1] La version française de ce roman a été publiée dans la prestigieuse collection sueurs froides chez Denoël qui avait aussi publié D’entre les morts de Boileau-Narcejac qu’Hitchcock avait porté à l’écran sous le titre de Vertigo. 

    « Bastille day, James Watkins, 2016Le paradis des mauvais garçons, Macao, Josef Von Sternberg, 1952. »
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