• Corleone à Brooklyn, Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979 

    Avec ce film, nous sommes dans un terrain plus sûr. D’abord parce que Lenzi a avancé que c’était son poliziottesco préféré, ensuite parce que c’est la question de la mafia et des rapports entre la mafia italienne et la mafia américaine qui est ici posé. on l’oublie trop souvent, les Italiens ont toujours été pionniers pour ce qui concerne les  films de mafia et n’ont pas attendu The Godfather de Coppola pour en causer.  mais il est certain que les deux premiers opus de la trilogie ont donné un coup de fouet aux productions italiennes de ce sous-genre. Le poliziottesco est un genre assez mal défini, mais globalement on peut voir plusieurs évolutions, en partant de la violence urbaine en Italie et les difficultés pour la police de la réduire, on en vient naturellement à la corruption des élites, puis aux gangs et enfin à la mafia proprement dite. Le poliziottesco va s’interroger ausi sur les relations entre la mafia sicilienne et la mafia américaine. ce dernier segment permet de renouveler le genre - on passe de la mafia plus ou moins rurale décrite par Damiano Damiani, inspirée de Leonardo Sciasca, à l’idée d’une pieuvre transatlantique. Il existe plusieurs films italiens qui traitent des rapports entre la Sicile et New York, par exemple l’excellent Pizza Connection, réalisé en 1985 par Damiano Damiani[1]. Une des raisons au développement de ces sujets est de pouvoir mieux vendre les films aux Etats-Unis, pays qui absorbait dans la deuxième moitié des années soixante-dix, et jusqu’au milieu des années quatre-vingts les films de ce genre, les recettes étaient bien plus fortes qu’en Italie où les salles ont commencé de fermer les unes après les autres vers la fin des années soixante-dix.  

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Les hommes de mains de Barresi vont tuer Santoro  

    A Palerme la guerre entre les clans mafieux bat son plein. Barresi qui s’est réfugié à New York, fait assassiner Santoro. Après une course poursuite et une fusillade, un membre des commandos, Scalia, est arrêté et transporté à l’hôpital. Le commissaire Berni est chargé de l’affaire et pense que si on fait parler Scalia, on pourra extrader Barresi et le juger. Cependant, Barresi a chargé un de ses hommes de main pour assassiner la sœur de Scalia, craignant qu’elle le dénonce. Berni va voir Scalia et lui annonce la mort de sa sœur et l’incite à collaborer avec la police pour la venger. Celui-ci se fait tirer l’oreille, mais comme par ailleurs il est accusé de meurtre, il accepte d’accompagner Berni à New York pour identifier Barresi et le ramener en Italie où on le jugera. Barresi est ennuyé par la police, puisqu’en effet il est venu aux Etats-Unis clandestinement il va donc, sur les conseils de son avocat, en prison en attendant d’être jugé. L’expédition de Berni et Scalia à New York, est pourtant compliquée. Sur le chemin de l’aéroport, ils sont attaqués par les hommes de Barresi qui a compris que Scalia pouvait le dénoncer. Les attentats échouent, et pour éviter qu’on le retrouve, Berni se réfugie chez sa femme dont il est séparé et avec qui il a eu une petite fille. Ces retrouvailles ébauchent un rapprochement. Mais ils n’ont pas le temps de se mettre à jour. En quittant l’appartement de Paola, Berni et Scalia sont de nouveau agressés dans le garage en sous-sol de la résidence. Une fusillade s’engage et la voiture ses assaillants va être brulée. C’est Paola qui va les conduire à l’aéroport, mais encore une fois, un faux accident organisé par les hommes de Barresi tente de les arrêter et de les tuer. Pendant ce temps-là Barresi est morose, car en prison, il doit cohabiter avec des petits délinquants plutôt crasseux, mais il sait se faire respecter.    

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979 

    Barresi a envoyé un tueur à la sœur de Scalia 

    Scalia et Berni arrivent finalement à New York où ils sont accueillis par le lieutenant Sturges qui indique que le lendemain matin le juge examinera la requête d’extradition contre Barresi qui, sans le témoignage de Scalia, se retrouverait libre rapidement. Le soir Berni va se rendre chez un vieil ami à lui qui tient une pizzeria à Brooklyn. Il pense qu’ils seront là plus en sureté. Mais il a la mauvaise idée de téléphoner à la police pour que Sturges sache où il se trouve. Ça ne traine pas, dans la soirée, deux hommes arrivent dans le restaurant pour tuer Berni et Scalia au moment de la fermeture du restaurant. Mais leur plan est contrarié par l’arrivée de trois petits voyous qui viennent pour faire la caisse du restaurateur. Ce qu’ils font sous la menace de leurs armes. Mais les deux hommes de main de Barresi les tuent. Les coups de feu ont alerté le commissaire Berni. Il descend rapidement et les deux tueurs prennent la fuite. Le lendemain matin, Scalia et Berni doivent se rendre au tribunal où Sturges les attend. Mais Scalia tente de s’enfuir, Berni le rattrape, lui passe les menottes, quelques voyous qui passaient dans le coin veulent venir au secours de Scalia dont ils ne savent rien, et rossent commissaire. Cependant l’intervention de la police permet à Berni de reprendre la main. Ils arrivent donc au tribunal. Mais Scalia refuse de témoigner, Berni est furieux et Barresi est libéré. Il traite Scalia de lâche. A la sortie du tribunal un tireur installé sur le toit tue Scalia. Berni se rend alors compte que Scalia a laissé une confession où il incrimine clairement Barresi comme le commanditaire de l’assassinat de Santoro. La police newyorkaise se lance alors à la poursuite de la voiture de Barresi et l’arrête. Berni pourra le ramener en Italie où il sera jugé. 

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Le commissaire Berni va tenter d’utiliser Scalia pour atteindre Barresi 

    C’est donc une histoire de témoignage contre un ponte de la mafia qui se croit intouchable. Plusieurs aspects du film rappellent d’ailleurs The Narrow Margin de Richard Fleischer[2]. Le long voyage dans le train quand Berni tente de repérer des tueurs qui pourraient l’empêcher de mener sa mission à bien. Mais dans l’ensemble c’est plus un film d’action qu’un suspense. Le jeu est de faire en sorte que le héros se sorte des situations les plus difficiles et qu’on se demande si Scalia arrivera vivant au tribunal. La surprise étant que finalement il refusera de témoigner car il veut lui-même assuré sa vengeance et tuer Barresi. Tout le long de la route, les pièges sont nombreux et variés. Peut-être un peu répétitifs. Par-delà le simplisme de l’intrigue, il faut retenir la relation compliquée et ambiguë entre Berni et Scalia. Scalia suit une logique de vengeance et au fond il se sert du commissaire pour l’assouvir. C’est le cœur du film cette relation entre les deux hommes, tout le reste se trouve à la périphérie. Le mafieux Barresi est un mafieux parmi tant d’autres, on connait sa logique. Il est en réalité la cible à la fois de Scalia et de Berni.  

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    L’attaque contre le commissaire et Scalia a échoué 

    Berni a une femme dont il est séparé, un embryon de famille avec une petite fille donc, mais il s’en tient assez loin, faisant passer son devoir avant le reste, et on comprend que c’est son travail de policier qui se trouve être le centre de sa vie. Paola n’est pas prête de comprendre qu’elle passe après son boulot. Berni et Scalia, chacun à sa manière, vit en marge d’une vie normale. Ils sont tous les deux obsédés. Même le policier américain, Sturges, ressemble à un fonctionnaire, sérieux certes, mais sans cette exaltation qui caractérise le couple Berni-Scalia.   

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Ils ont trouvé refuge auprès de la femme du commissaire 

    L’avantage de ce film est une belle utilisation des décors urbains. Au début on voit les rues de Palerme, puis l’assassinat de Santoro filmé dans un marché en plein air au milieu d’une foule très dense. Ensuite on a la poursuite des assassins à travers le labyrinthe des vieilles rues de Palerme. Symétriquement Lenzi va filmer les rues de New York. C’est le New York de la fin des années soixante-dix, un New York plutôt crasseux où la délinquance explose. On trouve des voyous à tous les coins de rue. On a l’impression que le message est le suivant : au fond les rues de New York sont encore moins sûres que celles de Palerme, et je pense que cela devait être vrai, tant la ville était délabrée. C’est cette ville qu’on voit dans Taxi Driver film dont Lenzi copie la manière de filmer la nuit. Cette manière de travailler la photographie des décors urbains, si elle est typique du poliziottesco, et ici ramenée à une poésie vénéneuse. 

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Dans le garage en sous-sol, ils sont à nouveau agressés 

    C’est une méditation sur la violence, comme si celle-ci s’expliquait par le caractère urbain de la vie moderne. C’est l’aspect le plus fort du film d’ailleurs. C’est ce qui fait d’ailleurs que les personnages, dont le mafieux Barresi, disparaissent et se fondent dans le décor. Cette manière de faire est à l’opposé des films de Coppola sur la mafia qui eux au contraire s’appliquent à nous expliquer les raisons de l’action criminelle de ses membres. Ici les explications sont réduites à une mécanique : Barresi fait tuer Santoro pour prendre sa place, Scalia veut venger la mort de sa sœur, Berni doit mettre Barresi sous les verrous. Il n’y a pas un brin de psychologie là-dedans. C’est d’ailleurs ce qui fait l’unité du genre poliziottesco, contrairement au giallo, de travailler l’action, c’est la ligne behavioriste si vous voulez pour parler comme Manchette.

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Sur le chemin de l’aéroport, la route leur est barrée par un faux accident 

    Donc beaucoup d’actions, de pièges tendus, tout cela donne un rythme rapide à l’ensemble. Comme à son habitude Lenzi utilise un montage très serré pour accéléré encore l’action. Les poursuites en voitures qui sont une autre figure récurrente du poliziottesco sont bien filmées, particulière la première quand les tueurs tentent d’échapper à la police. Parmi les scènes d’action, celle qui se passe dans la pizzeria de l’ami du commissaire, est la meilleure, avec des acteurs d’ailleurs qui sont très étonnants. Le choix de l’écran large est judicieux, il donne de l’ampleur à l’action et justifie les plans généraux. Les scènes un peu plus intimes, notamment entre le commissaire et sa femme, sont assez banales, figures imposées, Lenzi s’en débarrasse rapidement. Ça ne l’intéresse pas vraiment.

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    En prison Barresi fait la loi 

    C’est un film relativement homogène quant à son rythme. Bien que la scène du tribunal nous paraisse insuffisamment travaillée. A-t-elle été coupée au montage ? En tous les cas elle manque clairement d’ampleur. Les couleurs sont celles du poliziottesco, avec ses bruns et ses beiges, que Lenzi éclaire parfois d’une touche de rouge comme le bonnet du petit voyou qui veut dévaliser la pizza. La photo est très bonne et joue sur les contrastes entre les Etats-Unis, New York enneigée, et la Sicile, Palerme et son marché exubérant. 

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Le lieutenant Sturges est venu accueillir Berni à l’aéroport 

    L’interprétation est centrée sur le duo Berni-Scalia. Le premier c’est Maurizio Merli, abonné aux rôles de flic violent et déterminé, il tient sa place dès lors qu’il s’agit d’action. Naturellement brun, il a décidé qu’en se teignant en blond cela lui donnerait l’air un peu plus américain. Il avait commencé sa carrière sans moustache, mais il l’a fit pousser ! Cet acteur qui décédera très jeune, a atteint son apogée dans les années soixante-dix. C’est pour ses rôles dans les poliziotteschi qu’il est surtout connu, il tournera plusieurs films avec Umberto Lenzi et quelques-uns avec Stelvio Massi. Scalia c’est Biagio Pelligra. Il est très bon, étonnant même dans ce rôle tourmenté. Et puis il y a Mario Merola, très populaire en Italie, c’est un napolitain qui a gardé d’ailleurs dans le film son accent. Il incarne le sinistre Barresi.Il n’est pas extraordinaire, mais il tient sa place. Sans doute a-t-on voulu démystifier les Don de la mafia, en donnant à Barresi un l’image d’un gros, engoncé dans des vêtements de mauvaise coupe.  

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Des petits voyous sont venus déranger les tueurs de Santoro 

    Je passe sur Van Johnson qui a le tout petit rôle du lieutenant Sturges – sans doute le nom est il une forme d’hommage à John Sturges. Il fut une grande vedette de la MGM, mais là il était en fin de carrière en Italie et n’avait guère accès à des grands rôles. Dans ce film les rôles féminins sont très peu nombreux. C’est Laura Belli qui hérite de celui de la femme de Berni. Elle se donne du mal, mais en pure perte. On reconnaitra aussi Venantino Venantini dans le tout petit rôle du chef de la police. 

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Scalia tente encore d’échapper à Berni 

    C’est un bon film noir, à l’italienne. Si le scénario écrit par Lenzi est assez convenu, la réalisation est inventive et vaut le détour. Il n'existe pas sur le marché français de Blu ray ou de DVD de ce film qui pourtant le mériterait, il faut aller le chercher jusqu'en Italie ! Je signale à tout hasard qu’on le trouve sur YouTube avec des sous-titres en français.

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Scalia refuse de témoigner contre Barresi 

    Corleone à Brooklyn,  Da Corleone a Brooklyn, Umberto Lenzi, 1979

    Berni a récupéré la confession de Scalia 



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/pizza-connection-damiano-damiani-1985-a203534892

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/l-enigme-du-chicago-express-narrow-margin-richard-fleischer-1952-a148842224

    « Umberto Lenzi, Meurtre par intérim, Un posto ideale per uccidere, 1971L’enfer dans la ville, Nella Citta l’inferno, Renato Castellani, 1959 »
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