• Des voleurs comme nous, Thieves like us, Edward Anderson, La manufacture de livres, 2013

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    Le livre d’Edward Anderson est en quelque sorte devenu un classique de la littérature noire. Paru en 1937, il a toujours été réédité, aussi bien aux Etats-Unis qu’en France. Certes sa notoriété n’est pas aussi grande qu’elle le devrait, mais il a trouvé son chemin et son public au fil des années, et sa lecture reste toujours très prenante. Il s’agit d’un trio de voleurs, Bowie, Chicamaw et T.Dub. Evadés de prison où ils purgent de longues peines pour meurtre et braquages, ils fuient et sur la route ils vont commettre de nouveaux cambriolages de banques. Dans cette course éperdue, Bowie va tomber amoureux d’une fille simple Keechie, elle aussi peu gâtée par la vie, qui sa le suivre jusqu’au bout de sa course tragique. Il va y avoir de nombreux rebondissements, des retours en prison, de nouvelles évasions, le tout conjugué à une violence féroce Féroce, mais pas gratuite. En effet, le titre renvoie au fait que des personnes respectables, celles qui mettent les autres en prison finalement ne valent pas mieux que les braqueurs de banque, sauf que leur malice, leur instruction, leurs relations sociales leur permettent de garder le nez propre et de ne pas aller en prison. L’avocat marron, sans illusion, fait du reste un cours à Bowie sur ce thème, s’incluant lui aussi parmi ces gens qui ne risquent rien mais qui finalement ont une moralité douteuse. On y trouve un passage sur un banquier qui justement a ruiné toute une petite ville, mais qui au final s’est retrouvé encore plus riche et n’a pas été condamné. Cette allusion nous fait penser à notre situation présente où, il faut bien le dire, les banquiers ont une réputation particulièrement vérolée. Il faut dire que nous sommes dans les années trente, et la crise est loin d’être terminée, le peuple américain se souvient encore du scandale des banquiers qui ont, comme aujourd’hui, ruiné le pays, sans trop de dégâts pour eux. Comme on le voit l’ouvrage recèle un message politique fort : c’est une critique du capitalisme sauvage, sans concession. Mais ce n’est pas pour autant un livre politique parce que les personnages ont une existence propre. Bowie, Keechie, même Chicamaw qui semble avoir des origines indiennes, sont des martyrisés de la vie. Mais curieusement, même dans leur révolte, ils cherchent à conserver une morale personnelle. Bowie aime Keechie, il ne lui veut que du bien, et en même temps il pense toujours à aider ses amis dans le besoin. Ayant réussi un gros coup, il n’hésite pas à distribuer une partie de son butin avec une grande générosité.

    Bien sûr les intentions et l’histoire ne seraient rien sans le style remarquable du roman. C’est sec comme un coup de trique, on ne perd pas de temps en vaines digressions psychologique, mais en même temps, en peu de mots, Anderson laisse passer de grands moments de tendresse et d’abandon. Egalement la rencontre entre Bowie et Hawkins l’avocat marron, communiste, mais désabusé, est tout à fait glaçante et édifiante :

    « - Les riches, dit Hawkins, ne peuvent pas se balader dans des grosses bagnoles, exhiber des épouses endiamantées, et s’attendre à ce que l’homme ordinaire se contente de les regarder admirativement. C’est ce que font les moutons, oui, et ils vont jusqu’à chanter les louanges des riches, mais ces mêmes moutons ressentent quelque chose qu’ils ne comprennent pas et qu’ils expriment par ce qu’on appelle dans la presse la glorification des grands criminels. »

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    Les éditions de 1985 et de 1995 en France

    L’ouvrage a connu en français trois éditions, mais le titre choisi par La manufacture de livres me semble le plus juste. La couverture, si elle ne ressemble pas aux personnages, est pourtant tout à fait le reflet de cette période de misère que traversèrent alors les Etats-Unis. Les personnages sont ancrés dans un décor rural, encore sauvage.

    « Pierre Gauyat, Jean Meckert, Jean Amila, encrage, 2013LES AMANTS DE LA NUIT, They live by night, DE NICHOLAS RAY & DES VOLEURS COMME NOUS, Thieves like us DE ROBERT ALTMAN, DEUX ADAPTATIONS DU LIVRE D’EDWARD ANDERSON »
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