• Deux Hommes dans Manhattan, Jean-Pierre Melville, 1959

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    Ce film intervient juste après la réussite de Bob le flambeur. Melville en écrit le scénario, et le tourne en grande partie à New York dans des décors naturels. C’est un tout petit budget, un film artisanal, presqu’expérimental qui rappelle de nombreux films tournés à la même époque, par exemple Shadows, la première réalisation de John Cassavetes. Presqu’entièrement nocturne, c’est une déambulation, une errance, dans une ville tentaculaire. Il est probable que c’est cet aspect qui a retenu l’attention de Godard qui lui rend hommage de plusieurs façons dans A bout de souffle.

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    Moreau débute son enquête d’une manière routinière

    Le scénario est des plus simple. Le délégué français auprès de l’ONU a disparu. Un journaliste de l’AFP est chargé d’enquêter sur cette disparition. Il va s’adjoindre un photographe, buveur, jouisseur et cynique, Delmas, avec qui il va faire équipe. En explorant la vie de Fevre-Berthier, ils vont croiser des personnages, des femmes principales, qui leur font découvrir la vie un rien dissolu de ce héros de la Résistance. Ils vont finalement le retrouver mort d’une crise cardiaque, mais pour des raisons de prestige, ils devront étouffer le scandale.

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    Moreau va ré veiller Delmas pour l’embarquer dans sa recherche

     Tous les ingrédients du film noir sont déjà-là. La nuit l’alcool, la quête de la vérité, une voiture qui suit les deux journalistes, le jazz aussi. Il y a de longs plans qui filment les voitures se déplaçant dans la nuit. De même il y a quelques plans de l’ONU qui visent à recopier cette sorte de vérisme qu’on trouve dans certains films noirs américains où on mêlent quelques plans filmés au plus près de la réalité pour les incorporer à la fiction. Mais ce n’est pas un film noir. Le pari de Melville c’est donc de filmer une sorte de dérive dans une ville où les lumières dissimulent la réalité. Le rythme sera lent, un rien monotone – il ne se passe rien avant les deux tiers du film, et de mystère il n’y en a pas vraiment. Ce sera l’occasion de dessiner des portraits, particulièrement des portraits de femmes. Elles fascinent Melville tout autant que les lumières de la ville, et il les films avec beaucoup de tendresse, presque dans la nudité de leurs âmes. C’est peut-être dans l’utilisation du noir et blanc qu’on reconnaît la patte de Melville. Et puis la musique est bonne.

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    Ils vont naviguer avec la voiture de Delmas

    Cependant les intentions ne font pas les films, et l’ensemble est assez raté. Ça manque de grâce. Une grosse partie du ratage tient à l’interprétation de Melville qui s’est attribué le rôle de Moreau en portant une moumoute. S’il fut un bon directeur d’acteurs, ici il est raide comme un passe-lacet. Il n’a pas la bonne diction, et ses gestes, notamment quand il fait sauter les clés dans sa main, sont empruntés. Pierre Grasset est un peu mieux, il a plus de métier, son manque de charisme nous empêche de croire à son cynisme affirmé.

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    Les lumières de ville fascine Melville

     L’autre défaut important du film est qu’il est très bavard et que cela ralentit l’action. Melville corrigera tout cela et ira ensuite plutôt – mis à part Léon Morin prêtre – vers des films presque muets. Je passe vite sur la manière peu crédible qui est celle de Moreau corrigeant Delmas, ou la façon dont Bill Kearnes qu’on retrouvera tout de suite après dans Plein soleil  éjecte un ivrogne de son bar.

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    Delmas et Moreau vont prendre une petite collation dans un estanco qui ressemble à celui de The Killers de Siodmak

     Il va de soi que pour ceux qui considèrent que Melville est un grand réalisateur, il faut voir ce film, même s’il est un peu ennuyeux. Il nous éclaire finalement assez bien sur les intentions et l’amour du cinéma du réalisateur. Cependant, alors que ce film est souvent considéré avec bienveillance, je le trouve finalement moins intéressant que Quand tu liras cette lettre que Melville a pourtant complètement renié.

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    Les références cinématographiques de ce film sont tellement nombreuses qu’on ne peut les compter. Ici un cinéma passe Raw wind in eden, film avec Jeff Chandler. Godard reprendra le procédé dans A bout de souffle en montrant une affiche de Tout près de Satan de Robert Aldrich

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    Le film est saturé de musique de jazz. Ici Moreau et Delmas rende visite à une chanteuse de jazz

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    Delmas veut gagner de l’argent avec les photos du mort

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    La fille de Fevre-Berthier a suivi les deux journalistes toute la nuit

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    On retrouvera Delmas dans un club de jazz en train de se saouler

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    Et Delmas se débarrassera finalement des photos volées

    « Méfiez-vous fillettes, Yves Allégret, 1957Philippe Corcuff, Polars, philosophie et critique sociale, Textuel, 2013. »
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