• Drive, Nicolas Winding Refn, 2011

    Drive-1.jpg

    Comme je ne critique presque jamais les films récents, j’ai décidé de m’y mettre, histoire de dire que je me tiens au courant de l’évolution du cinéma. Et puis il paraît qu’il y a des innovations excellentes dans la forme des films noirs d’aujourd’hui.

      

    Drive-4.jpg


    Garagiste et cascadeur le jour, le héros, joué par Ryan Gosling, conduit les voitures des braqueurs pour arrondir ses fins de mois, dans son genre c’est un excellent spécialiste. Triste et solitaire, il va pourtant tomber amoureux de sa voisine de palier qui comme par hasard est mariée avec un petit gangster qui va sortir de prison. Cette ébauche de relation amoureuse triangulaire va l’emmener à aider le mari d’Irene pour commettre un hold-up qui va mal tourner pour cause de fourberie des associés. Cette situation va entraîner une série de violences sanglantes qui vont voir disparaître tous les personnages du film les uns après les autres. C’est une adaptation d’un ouvrage de James Sallis paru chez Rivages il y a quelques années.

     

    On pourrait relever toutes les incohérences du scénario, comme cette vieille manie de ne pas faire changer le héros de tenue, mais on me répondra que cela n’a pas d’importance, car ce qui est important, c’est la mise en scène et non pas l’histoire en elle-même. C’est en effet la mode aujourd’hui de distinguer en littérature ou au cinéma la forme du fond. Or Jean-Pierre Melville qui s’y connaissait disait que pour faire un bon film il fallait une bonne histoire + une bonne réalisation + de bons acteurs. Dès lors qu’un de ces ingrédients disparait, il n’y a plus de film. Ici il est difficile de comprendre l’objectif que s’assigne Refn, hormis celui de faire un film ! Contrairement à ce qu’on peut croire, comme la société change, les histoires qu’on peut raconter changent aussi et avec elle la façon de les écrire.

     

    Drive-3.jpg


    Nicolas Winding Refn est surtout connu pour un film de genre, Le guerrier silencieux, qui est sorti en France directement en DVD. C’était déjà un film très ennuyeux, danois en quelque sorte, mais je crois que Drive le surpasse. Auréolé d’un prix de la mise en scène à Cannes, le projet disait s’inspirer de Bullit pour les poursuites de voitures, et du Point de non-retour pour l’obstination du héros à poursuivre ses ennemis je suppose. Mais Gosling n’est pas Lee Marvin, ni Steve McQueen. C’est d’ailleurs ce qu’affirme Refn dans l’interview assez bouffonne publiée dans le numéro d’octobre de Positif. Mais ce n’est pas parce qu’on a des références cinématographiques excellentes et qu’on en fait étalage qu’on est soi-même un grand réalisateur. Refn semble le croire et les critiques qui l’écoutent parler aussi.

    Il était d’ailleurs étrange que Cannes ait couronné un film noir, je veux dire un vrai film noir, il fallait bien qu’il y ait quelque chose de particulier, et ce particulier est justement la mise en scène chichiteuse, qui traite finalement son objet par le mépris et aussi le jeu complètement plat des acteurs. L’histoire ne devait guère plaire à Refn, qui multiplie les bizarreries, hésitant entre le gore, façon Tarantino, et la mélancolie moderniste façon Antonioni. Refn ne sait pas et ne saura jamais filmer simple.

     

    Drive-2.jpg

    Refn applique la technique de l’ennui au film de poursuite, ça c’est nouveau. C’est mou que ça n’en peut plus, même les scènes de violences sont molles et ennuyeuses malgré les bizarreries des meurtres. Que l’on tue un acolyte en lui crevant un œil ou en lui ouvrant le bras à l’aide d’un rasoir, on recherche plutôt l’effet que l’efficacité et la cohérence.

     

    Drive-6-copie-1.jpg

     

    L’esthétique du film pourtant tourné à Los Angeles est danoise, car Refn croit, ou fait semblant de croire à la supériorité de la manière de filmer européenne. Les acteurs ont un manque de glamour évident : Carey Mulligan semble tout juste sortie d’un collège de banlieue, ou d’en avoir fini avec le ménage. Elle semble sortir d’un film d’Hal Hartley, la poésie en moins. S’il peut paraître logique que Golding joue plat, ne laisse pas passer d’émotion, il est froid et calculateur, il n’est guère compréhensible que tous les personnages soient atteint de la même maladie de langueur, y compris quand ils commettent un hold-up sanglant qui devrait leur faire monter un peu l’adrénaline.

    Si la photo n’est pas mauvaise, le film est tourné à Hollywood, le cadre est souvent curieux, particulièrement en ce qui concerne les scènes intimes. Le plus gros défaut du film, qui en compte pas mal, est principalement l’incohérence du rythme. En effet dans certains films un rythme lent peut-être un atout, je pense par exemple à Taxi driver qui est aussi, jusque dans le titre, une référence ostentatoire pour Refn. Mais ici c’est tout juste un Fast and furious fauché pour intellectuel.

    « Murder by contract, Irving Lerner, 1958Le retour de L’écailler »
    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :