• Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    Stephen Neal sort d’un asile où il a été interné plusieurs années après la mort de sa femme. Il est en effet soupçonné de l’avoir empoisonnée pour mettre fin à ses souffrances. Avant de regagner Londres il va traverser une  fête foraine dont les bénéfices sont destinés aux victimes de la guerre. Nous sommes en effet à l’époque des bombardements allemands sur l’Angleterre. Participant aux jeux, notamment en consultant une voyante, il va gagner un gâteau curieux, il se révélera être un moyen de faire passer des microfilms qui dévoilent les plans de l’Angleterre pour reconquérir l’Europe. Dès lors il va être poursuivi, notamment par un aveugle qui le bat et lui vole le gâteau dans un train. Mais l’aveugle mourra dans le bombardement d’une usine. Intrigué par cette hargne à vouloir lui prendre le gâteau, Neale va rechercher la voyante qui lui a indiqué comment gagner le gâteau. Il va tomber sur un couple, un frère et une sœur d’origine autrichienne qui vont l’aider. Grâce à la sœur qui tombe amoureuse de lui, il va retrouver peu à peu une piste qui le mènera vers un réseau d’espionnage. D’abord sceptique, la police va l’épauler et il arrivera à détruire l’ensemble du réseau.

      Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944

    Le scénario écrit par le vieux routier de Seton I. Miller qui a travaillé avec Michael Curtiz, Howard Hawks et quelques autres, est basé sur un livre à succès de Graham Greene, auteur anglais qui a beaucoup fait pour le développement du film noir. On lui doit le scénario du Troisième homme, mais également la nouvelle dont a été tiré le film de Frank Tuttle, Tueur à gages. Il s’était fait une spécialité du roman psychologique basé sur des récits d’espionnages qui étaient censés, bien avant John Le Carré, et même avant Eric Ambler, montrer l’aspect glauque et peu reluisant des services d’espionnage britanniques : c’est une spécialité britannique. Il mêlait aussi souvent à ses récits des considérations sur la religion catholique dont il était un adepte. Malgré la très grosse réputation de Graham Greene, on ne peut pas dire que ce scénario soit très convaincant. On y retrouve cependant ses obsessions, un héros assez négatif et névrotique qui est plongé dans une histoire qui le dépasse, la  construction d’une relation amoureuse ou sexuelle improbable, et enfin cette voie de la rédemption par l’action. On note que contrairement à Man hunt, le film n’hésite pas, c’est bel et bien une histoire d’espionnage.

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    Neale vient de gagner un gâteau en devinant son poids 

    Ce film est encore une participation de Fritz Lang à l’effort de guerre des Américains. On ne sait pas trop ce qui ressort de la commande des studios et ce qui appartient vraiment à Lang dans le sujet. On a repéré le thème de la culpabilité latente du héros qui bien qu’innocent est obligé de l’endosser. S’il est d’abord un divertissement, il a aussi pour but de démontrer comment les nazis sont partout et minent la démocratie de l’intérieur. On voit donc que ce n’est pas la lourdeur du message qui sera le principal. C’est d’abord l’histoire d’un homme qui fuit son passé et qui essaie d’échapper au cauchemar présent dans lequel il est plongé. S’il est ahuri par les conséquences de ses actes, il les assume pourtant avec volonté, d’autant que cela lui offre la possibilité d’une rédemption par l’amour ! On relèvera un grand nombre de scènes improbables et guère réalistes comme cette façon de transmettre des documents par le biais d’un gâteau, ou les réunions d’un réseau plus ou moins fermé sous la houlette d’une soi-disant voyante. 

    Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944  

    Un autre gentleman réclame le gâteau 

    L’intérêt de ce film tient donc principalement à sa mise en scène qui va mettre en œuvre toutes les ficelles du film noir. Et c’est justement avec ce genre de film au scénario assez banal, qu’on se rend compte de toute la distance qu’il peut y avoir entre Hitchcock et Fritz Lang. Si en effet, l’histoire qui se passe en Angleterre, les acteurs et l’ambiance, auraient pu être des véhicules pour Hitchcock dans sa période anglaise, la différence se fait sur la mise en scène. Les codes visuels utilisés par les deux réalisateurs ne sont pas les mêmes. C’est ce qui permet à Fritz Lang d’éviter plus souvent qu’Hitchcock la niaiserie et de forcer l’intensité dramatique des situations et le déroulement sautillant des scènes d’action. Le style de Lang est toujours facilement reconnaissable, que ce soit dans ses mouvements de grue, ou dans la multiplication des plans de plein pied ou de plein champ. Cela permet aussi bien de donner du corps aux scènes de foule, à la kermesse, dans le métro, que de donner du poids aux décors comme par exemple les imposants escaliers de la scène finale. La photo de Henry Sharp est excellente, mais elle ne fait que refléter les intentions de Fritz Lang qui non seulement faisait des story-boards précis, mais encore s’occupait des éclairages.

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    Dans le train qui le mène à Londres, Neale partage le compartiment avec un aveugle 

    L’interprétation n’est pas des meilleures, mais Lang était un bon directeur d’acteurs. Ray Milland a ce caractère mollasson qui plombe un peu le personnage de Stephen Neale. Ce n’est pas tant qu’il soit mauvais acteur, mais plutôt c’est son physique qui pose problème. Notez qu’il sera habitué un peu partout à ces personnages taciturnes et tourmentés, que ce soit chez Billy Wilder, Le poison, chez Hitchcock, Le crime était presque parfait, ou dans le film extraordinaire autant que méconnu de Russel Rouse, L’espion. Bref quoi qu’on en dise, il a laissé sa marque dans le film noir. Marjorie Reynolds est Carla, elle aussi manque de charisme, du reste elle ne fera pas une grande carrière. Mais les autres acteurs sont très biens, que ce soit Percy Waram dans le rôle de l’inspecteur Prentice, ou Hilary Brooke dans celui de la belle et mystérieuse Madame Bellane. Dan Durya dans un petit rôle se fait bien remarquer par sa présence.

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    Neale rencontre un couple d’autrichiens qui organise des kermesses 

    De cet ensemble, on retiendra quelques scènes de grandes qualité : la kermesse que traverse Neale, l’attente de la fin des bombardements dans le métro, et bien sûr la scène de l’escalier qui est presque un détour obligé pour le film noir. Les scènes d’action sont précises et bien rythmées. Ce n’est certes pas du meilleur Lang, mais ça tient la route quelques décennies plus tard. 

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    L’inspecteur Prentice finit par comprendre que Neale n’a pas menti

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    Willi est mort

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    Neale et Carla sont poursuivis par le gang

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    Sur les toits de Londres la bataille est féroce

     Espions sur la Tamise, Ministry of fear, Fritz Lang, 1944 

    Storyboard de Fritz Lang pour la scène de l’escalier

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