• Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971

     Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971

    Pour la deuxième fois, après L’arme à gauche, Lino Ventura va interpréter un personnage de Charles Williams. Fantasia chez les ploucs est le roman le plus connu de Charles Williams, celui qui s’est le mieux vendu dans le monde, mais c’est surtout un roman extrêmement drôle qui brocarde l’Amérique, ses valeurs et ses illusions. Car Fantasia chez les ploucs est bel et bien un roman anarchiste, une ode au désordre. Il oppose les paysans rusés aux gens de la ville qui non seulement ne les comprennent pas, mais se croient plus malins qu’eux. Charles Williams avait commencé sa carrière avec des romans ancrés dans une réalité campagnarde dure et austère, ici il récupère ce thème en le détournant en quelque sorte, en en faisant une parodie

    Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971

    Sam Noonan accompagné du jeune Billy va rejoindre son frère Sagamore qui habite dans un trou perdu où il est censé s’occuper d’une ferme. Sagamore a des ennuis avec le shérif qui veut le coller en prison car il le soupçonne de fabriquer illégalement de l’alcool, mais malgré une surveillance presque constante, Sagamore arrive à tourner la loi et son alambic n’est jamais découvert. Il met au point des ruses nombreuses et variées qui mettent en rage les autorités. Parallèlement, un couple dans une roulotte semble s’être égaré, il s’agit d’une jeune fille, Caroline Tchou-Tchou, et de son mentor. Elle semble avoir été témoin d’un meurtre à Miami, et elle se cache avec son bikini serti de diamants. Billy va se prendre d’amitié pour elle et elle lui apprendra à nager. Mais elle est pourchassée par des tueurs féroces qui sans doute en veulent à ses diamants. Les frères Noonan vont essayer eux aussi de s’emparer du bikini serti de diamants. Peu après, étant pourchassée par des tueurs, elle disparait et le pauvre Billy a beaucoup de peine. Sam et Sagamore vont organiser les recherches, et pour cela ils font une publicité à tout casser, attirant les foules de toute la région. Mais organiser, cela veut dire aussi distraire cette foule et en profiter en la faisant payer. C’est une véritable kermesse qui s’installe sur les terres de Sagamore, avec des spectacles, de la restauration et aussi une sorte de bordel ambulant. Après des heures de vaines battues, le shérif va découvrir par hasard que Sagamore gardait Caroline Tchou-Tchou cachée dans un appentis de sa maison dans lequel il dissimulait aussi son alambic. Dès lors les frères Noonan sont obligés de prendre la fuite. 

    Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971 

    Sagamore contemple la voiture de la police qui brûle 

    Les différences factuelles entre le livre et le film peuvent être pointées. Par exemple dans l’ouvrage les frères Noonan ne courent pas après le bikini serti de diamants, ils visent plus bas, les petites combines ordinaires. De même Caroline Tchou-Tchou fuit d’abord des tueurs qui veulent la tuer pour l’empêcher de témoigner au procès d’un gangster. Mais ce n’est pas le plus important. Comme je l’ai dit, l’ouvrage développe le point de vue d’un enfant, un peu comme dans Zazie dans le métro. Or, dans le dernier quart du film le petit Billy disparait quasiment, sans qu’on sache pourquoi. Cela change le ton de l’ensemble du récit qui devient juste une pantalonnade sans importance. Le roman est burlesque, et le film cherche à l’être aussi. La différence principale est que dans l’ouvrage beaucoup de la drôlerie passe par les dialogues. C’est ce qui rend difficile l’adaptation d’un tel ouvrage, et Pirès a choisi de traduire le burlesque en négligeant cette contrainte, même si une partie des dialogues du livre est réutilisée ici. Un peu comme San-Antonio, dont certains récits ressemblent à Fantasia chez les ploucs, je pense aux épisodes de la saga du commissaire qui mettent en scène Marie-Marie enfant, et dont aucune adaptation n’a été satisfaisante. 

    Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971 

    Caroline Tchou-Tchou est chanteuse et stripteaseuse 

    Gérard Pirès est un réalisateur de films publicitaires, c’est son principal métier. Accessoirement il a fait quelques films de long métrage, et puis il a tourné des daubes de première grandeur pour Luc Besson, Taxi ou encore Les chevaliers du ciel. Il n’y avait donc pas grand-chose à attendre de lui. Il respecte l’histoire à peu près, et la met en images. Cependant pour se donner un style, il a décidé de colorier son film avec des couleurs criardes inutiles. Les habits des différents protagonistes sont évidemment ridicules, sans pour autant donner un ton campagnard à l’ensemble. Sans doute pensait-t-il que cette loufoquerie ne l’obligerait pas à réfléchir sérieusement aux problèmes de la transposition des Etats-Unis vers la France. L’extravagance dans la manière de filmer faisant sortir le film du réalisme, celui-ci pouvait très bien être tourné en Auvergne. L’ensemble manque de grâce, et les scènes qui nécessitent des mouvements de foule sont complètement ratées. Le rythme n’est pas bon, hésitant, peut être prisonnier du fait que tout de même Pirès veut raconter une histoire. Le personnage d’oncle Noé – dans l’ouvrage oncle Findley – est sacrifié. Or pour Williams il a une importance capitale, non seulement parce que c’est lui qui permet au shérif de découvrir la cachette de Carolien Tchou-Tchou, mais surtout parce qu’il représente les excès de bigoterie du Sud profond. 

    Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971 

    Sagamore encaisse la monnaie et partage avec son associé 

    Le film peine à être drôle, et l’interprétation paresseuse n’aide pas beaucoup. On comprend bien que Lino Ventura à cette époque cherche à sortir des rôles dramatiques qui sont sa marque de fabrique, mais, lui qui est si naturel même quand le film est mauvais, surjoue complètement les paysans bougons et madrés. Pour tout dire il a l’air de s’ennuyer à tourner ce film autant que nous à le regarder. Jean Yanne dans le rôle de Sam en fait des tonnes, sans succès. On a oublié aujourd’hui qu’à cette époque c’était un acteur à succès qui remplissait les salles aussi bien avec ses propres réalisations qu’avec ses interprétations. Sans doute pensait-on que de le faire jouer avec Lino Ventura serait un gage de succès, mais cela ne fonctionne pas du tout. Mireille Darc est insipide, transparente, dans le rôle de Carolien Tchou-Tchou, elle fait un pâle effet dans le rôle d’une strip-teaseuse. Mais le pire se sont encore les seconds rôles. Ils sont tous mauvais, et particulièrement les policiers, le shérif en tête qui est joué maladroitement par Luigi Bonos qui ne compte que sur ses grimaces. Même Rufus est mauvais, c’est dire. Mais la médiocrité de l’interprétation ne vient pas forcément de l’incapacité de Pirès à diriger des acteurs, elle est plutôt le résultat du fait qu’il n’a pas trouvé la tonalité qu’il devait donner à son film. On verra aussi une petite apparition d’Alain Delon qui aimait bien traverser les films dans lesquels jouait Mireille Darc qui était alors sa compagne.  Dufilho a toujours été un fieffé cabotin, mais dans mesure où il joue un allumé qui croit au déluge prochain, ce n’est pas grave. Il est pourtant tout aussi mal utilisé. On reconnaitra aussi Nanni Loy dans le rôle du docteur Severance, coproduction franco-italienne oblige. 

    Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971 

    Caroline et Billy doivent fuir pour ne pas se faire tuer 

    Il n’y a rien à tirer de ce très mauvais film. Il est même assez pénible de le revoir après toutes ces années. Il m’avait déjà ennuyé à sa sortie, mais les choses se sont aggravées avec le temps. Il a été éreinté par la critique, même si certains ont cru y voir un film expérimental à la manière d’Helzapoppin le film complètement déjanté de H.C. Potter. Il faut vraiment que j’ai la foi du charbonnier pour m’y remettre, j’ai cependant une excuse, j’aime beaucoup l’œuvre de Charles Williams. Mais curieusement ce n’est pas la pire des adaptations cinématographique de cet auteur, Français Truffaut dépassera les bornes de la médiocrité avec Vivement dimanche ! en 1983. Malgré tout Fantasia chez les ploucs a fait ses frais. 

    Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971 

    Sagamore et Sam essaient de s’emparer du bikini de Caroline 

    Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971 

    Oncle Noé annonce l’Apocalypse 

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