• Iron man, Joseph Pevney, 1951

     Iron man, Joseph Pevney, 1951 

    Dans la rubrique « films noirs de boxe », Iron man vaut le déteour. Joseph Pevney est un réalisateur méconnu. Bien qu’il ait touché à un peu tous les genres, il a développé son savoir dans le film noir, avec des petits films très bons interprétés par Tony Curtis au début de sa carrière : The midnight story, 6 bridges across et Flech and fury sont des films remarquables. Il a égalment fait l’acteur – il était le condisciple de John Garfield. Et justement il a joué avec lui dans Body and Soul le très beau film de boxe de Robert Rossen et un des plus grands succès de John Garfield.

     Iron man, Joseph Pevney, 1951 

    Joseph Pevney et John Garfield dans Body and Soul 

    Il y a d’ailleurs beaucoup de similitudes entre les deux films. Par exemple, le personnage de Joseph Pevney, Shorty Polasky, ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du frère de Coke Mason interprété par Stephen McNally. L’autre intérêt de ce film est qu’il s’agit d’une adaptation d’un roman de Willaim R. Burnett, un des piliers selon moi – mais pas que – du roman noir américain de l’époque glorieuse. C’est à lui qu’on doit The asphalt jungle, très beau roman, mais aussi archétype du film noir.

    En vérité c’est un remake d’un film du grand Tod Browning de 1931 dans lequel le rôle principal était tenu par Lew Ayres, tandis que Jean Harlow interprétait Rose. Le film de Tod Browning était beaucoup plus noir que celui de Pevney, peut-être cela vient-il de ce qu’il a été tourné pendant la grande crise : Rose notamment était franchement mauvaise, alors qu’ici, malgré son ambiguïté initiale, elle conservera quelque chose de bon.  

    Iron man, Joseph Pevney, 1951

    Coke Mason est un mineur, un peu rustre, qui ne rêve que de s’acheter un petit magasin de radio et d’échapper à cette obligation sinistre de descendre au fond d’un puits pour extraire du charbon. Son frère George, moins costaud, mais plus malin tient une salle de billards. C’est lui qui va pousser Coke à passer boxeur professionnel. Or Coke n’a pas beaucoup de métier, c’est seulement une brute qui frappe fort et qui détruit. Mais enfin, encouragé par sa fiancée Rose qui pense ainsi à l’argent qu’il peut gagner il va se lancer sur le chemin du succès. Jusqu’à devenir champion des Etats-Unis dans la catégorie des poids lourds. Mais à la suite d’un combat arrangé, il se séparera de son frère et de sa fiancé. Errant de ci de là, il finira par perdre son titre contre Speed O’Keefe, un ancien ami à lui du temps de la mine que son frère entraîne également. C’est à l’occasion de son ultime combat qu’il perdra, qu’il retrouvera le respect de lui-même et les applaudissements enfin du public. 

    Iron man, Joseph Pevney, 1951 

    La boxe y est bien dénoncée comme un sport sauvage et sans éthique. On y voit les magouilles des uns et des autres, comme on y voit les effets délétères sur les relations amicales, non seulement entre les deux frères, mais aussi entre O’Keefie et Coke. Mais ce n’est pas Raging bull. dans les années cinquante, l’époque de la chasse aux sorcières, on est peut-être dans ce qu’il y a de pire pour le cinéma américain en matière de puritanisme. Et à mon avis, cette nécessité déséquilibre beaucoup trop le film. Prenons l’exemple de Rose : au début on la voit en petite vendeuse qui se fait draguer sans déplaisir par son patron, alors qu’elle est fiancée presqu’officiellement avec Coke. C’est elle qui le pousse à être boxeur professionnel. C’est elle encore qui détourne l’argent de Coke pour acheter un combat. Mais ensuite, elle semble être le guide de la rédemption de Coke. Même chose pour le frère, on comprend bien à ses beaux costumes qu’il ne vit pas de son travail, mais plutôt de petites combines. Pour autant la rupture entre les deux frères intervient sans qu’on ait clairement connaissance des fautes de George. Et encore Coke est une grande brute, un véritable suavage. Mais il a une conscience, aussi il ne vise qu’à perdre son dernier match pour se racheter d’on ne sait trop quoi. 

     Iron man, Joseph Pevney, 1951 

    Le travail de la mine est dur et pénible 

    Le film n’est pas très long, à peine 1 h 18. Mais probablement que trop de temps est accordé aux matches de boxe proprement dits. Pas que ces matches soient mal filmés. Certes ce n’est pas Raging bull, ni même Body and Soul, c’est pourtant supérieur au pauvre film de Clint Eastwood Million dollars baby. Si la chorégraphie des combats est assez sommaire, basée principalement sur la balourdise de Coke, Pevney arrive à maintenir chaque fois le suspense : on ne sait pas qui va gagner. Par contre, tout le début du film est remarquable, la petite ville Coaltownest remarquablement bien filmée, les scènes dans la mine sont très bien aussi, tout en évitant le misérabilisme : les décors, les figurants, tout cela donne une vie très dense un côté prolétarien bien venu. Parmi les scènes remarquables, je retiendrais l’accident au fond de la mine, avec toute la petite ville qui accourt au secours des mineurs. C’est ce qui explique que Coke va finalement se laisser convaincre de faire boxeur professionnel. 

    Iron man, Joseph Pevney, 1951 

    Le puit s’est effondré, l’alerte est donnée en ville 

    Par sa thématique, par les rapports ambigus entre les deux frères, Iron man  se rapproche aussi bien de Body and Soul  que du très bon Champion  de Mark Robson avec Kirk Douglas qui fut un grand succès deux ans auparavant. C’est d’ailleurs en revoyant ces vieux films sur la boxe qu’on se rend compte combien le film noir prenant la boxe comme sujet a évolue d’une approche quasiment prolétarienne vers les niaiseries plates et sans saveur en passant par Rocky et en se terminant par Million dollars baby. Mais les temps ont bien changés, et la boxe n’est plus un sport très populaire, à peine un spectacle où les effets remplacent la description d’un milieu social misérable. 

    Iron man, Joseph Pevney, 1951 

    Coke a gagné, mais il n’est pas content 

    L’interprétation est excellente. Avec en tête Jeff Chandler dans le rôle de Coke. Certes il n’a pas vraiment l’allure d’un boxeur, et Pevney ne se préoccupe guère de lui maquiller le visage pour montrer combien il paye cher le fait de s’obstiner à boxer. Mais son physique un peu étrange – il sera abonné ensuite aux rôles de Cochise – son air bourru font merveille. Il fait partie de ces acteurs de le fin des années quarante et du début des années cinquante qui se sont un peu englués dans les productions de Universal, sans que ce studio ne lui donne la possibilité de s’exprimer suffisamment. Un peu comme Steve Cochran, il est injustement oublié.

    A ces côtés il y a Evelyn Keyes, qui fut la femme du grand John Huston, lui aussi un grand amateur de boxe – sa pratique lui ayant donné son nez cassé et lui permit tardivement de tourné le crépusculaire Fat city, sûrement un des meilleurs films sur ce monde décomposé de la boxe professionnelle. Evelyn Keyes qui est elle aussi très oubliée aujourd'hui, apporte le côté un peu blasé au film, avec sa dureté. Elle est excellente.

    Stephen McNally joue le rôle du grand frère George de manière très convaincante, oscillant entre tendresse fraternelle et égoïsme matérialiste.

    Iron man, Joseph Pevney, 1951 

    C’est sous les huées qu’il remporte son titre de champion 

    La distribution est complétée par Jim Backus, très bon second rôle, qui interprète ici l’ambigu journaliste sportif Max, et le fade Rock Hudson assez peu crédible dans le rôle d’un mineur qui va devenir à son tour un grand boxeur. Après tout, ce n’est pas parce qu’on dispose d’un physique de jeune premier qu’on ne peut pas interpréter un boxeur, la preuve Paul Newman dans le très bon Marqué par la haine. Joyce Holden au physique aussi un peu dur est la photographe qui tomber sous le charme bestial de Coke, avant de s’apercevoir qu’il a autre chose à faire que de s’occuper d’elle. Il y a donc des « gueules » intéressantes dans ce film qui à la fois le date et lui donne son cachet. 

    Iron man, Joseph Pevney, 1951

    Coke s’est éloigné de Rose et s’est découvert une nouvelle compagne 

    Iron man, Joseph Pevney, 1951 

    Battu, Coke est pour la première fois acclamé

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