• J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937

     J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937

    On peut considérer à juste titre Fritz Lang comme un des maîtres incontournables du film noir. Et si You only live once n’est certainement pas son chef d’œuvre, il est pourtant une pièce indispensable dans la genèse du film noir. Tourné en 1937, avec de solides moyens, il se trouve à mi-chemin entre le film de gangsters qui proliférait dans les années trente et le film noir tel qu’il se développera dans les années cinquante autour du thème de la fatalité. Ce film nous montre à quel point Fritz Lang était adapté à la culture américaine par la mise en scène d’un individualisme forcené qui va se heurter à la rigidité des institutions et de leurs règles déshumanisées. Même si Fritz Lang n’a pas écrit le scénario, il y a apporté sa touche personnelle, non seulement sur le plan visuel, mais aussi sur un certain nombre de détails ou d’éléments de dialogue. 

    J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    Eddie vient d’être libéré 

    Eddie Taylor vient de sortir de prison, condamné pour la troisième fois, il risque, en cas de récidive de se retrouver condamné à mort, ou même à une perpétuité. Mais bien qu’il soit très amer, il compte bien ne pas retourner à sa vie de mauvais garçon. Il est en effet amoureux de Joan, la secrétaire de son avocat qui s’est dévoué pour le faire élargir et qui lui a même trouvé un travail. Tout le monde conseille à Jo, d’oublier Eddie qui ne peut que lui apporter des ennuis. Mais elle ne veut rien entendre. Eddie trouve un emploi de chauffeur routier, il se marie avec Jo. Ensemble ils cherchent une petite maison à louer et font des projets d’avenir. Tout irait bien si la fatalité ne s’en mêlait. Eddie est en retard sur sa tournée, parce qu’il a perdu du temps pour chercher un logement. Son patron le met à la porte. Privé d’emploi, il recommence à errer avec sa bande. Or, celle-ci projette de commettre un hold-up. Sur les lieux on trouvera son chapeau, et comme il n’a pas d’alibi, il est désigné comme le coupable évident. Dès lors il se met en fuite, mais Jo lui demande de se rendre, pensant qu’il pourra prouver sa bonne foi. Mais le système judiciaire en décide autrement et le condamne à mort, tandis qu’Eddie continue à clamer son innocence. Eddie en veut à Jo parce qu’elle l’a mis dans le pétrin en lui conseillant de se rendre. Il lui demande donc de lui apporter un revolver. Elle se plie à cette exigence, mais le père Dolan l’en dissuade. Cependant Eddie va trouver de l’aide à l’intérieur de la prison et il va réussir à s’évader. Mais au moment de son évasion, son innocence est établie, mais il ne le croit pas et persiste à vouloir s’évader, ce qui va causer la mort du père Dolan. Dès lors il est un criminel en fuite.  Et dans sa fuite, il va entraîner Jo qui est enceinte et attend un enfant. Le bébé va naitre dans des conditions précaires, dans une cabane et dans les bois, et comme ils sont traqués, Jo va le confier à sa sœur. Ils vont tenter de passer la frontière du Canada, et ensuite ils se proposent de récupérer leur gosse. Mais les choses vont devenir de plus en plus difficiles pour eux, ils vont vivre comme des hors la loi. Alors qu’ils ne sont plus très loin de la frontière, Jo va voler des cigarettes pour Eddie, mais elle réveille un gardien qui la reconnait et qui prévient la police. Ils seront abattus à la frontière. 

    J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    A sa sortie de prison il est accueilli par Jo 

    La trame s’apparente à They made me a criminal qui sera tourné juste après[1]. Mais il y a beaucoup de films qui, dans les années trente, regarde le criminel comme un produit des dysfonctionnements de la société et non comme un choix personnel du criminel. C’est sans doute la plus évidente influence de la gauche hollywoodienne dans le film noir : on ne nait pas criminel, on le devient. Cette fatalité qui va décider du sort des Taylor est une forme de matérialisme car celle-ci est renforcée par les lois et les institutions qui broient les individus dès lors qu’ils dérogent au contrôle social. La dureté du patron qui refuse de reprendre Eddie dans son entreprise, est un exemple d’un rapport de classes. L’efficacité de l’entreprise n’a pas à tenir compte de du fait que les Taylor s’aiment. Evidemment il y a une contradiction entre la passion amoureuse et la vie ordinaire, le quotidien. Les ambitions matérielles de JO et Eddie sont très modestes, ils veulent juste un toit et de quoi vivre. C’est le deuxième thème qui apparait derrière celui de l’innocent condamné à tort. L’amour est plus fort que tout et même si nos deux héros doivent mourir, ils ont vécu ce qui est plus important que tout. On peut les opposer par exemple au couple d’aubergistes qui vivent mesquinement et qui les chasseront de leur chambre au prétexte qu’ils ont été des criminels. C’est donc aussi le récit d’un amour fou, un couple qui fuit la société et ses normes mesquines. La fuite est évidemment sans issue. Mais c’est la seule solution qui se trouve à la portée du couple.

     J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    En prison il attend l’heure de son exécution 

    Dans la relation entre Jo et Eddie, il y a cependant un déséquilibre : Eddie est désocialisé, et Jo va tenter de l’humaniser. Elle est évidemment plus forte que lui, elle comprend mieux les choses de la vie et quelque part, c’est elle qui lui enseigne. Si lui est amer, elle est toujours enthousiaste, même dans les pires difficultés. Cette asymétrie est renforcée par le fait qu’Eddie ne croit en rien, ni en personne, la tournure dramatique vient du fait qu’il met en doute la sincérité du père Dolan, mais il ne fait pas plus confiance aux voyous. Jo est d’ailleurs bien intégrée, elle est la secrétaire d’un avocat influent. Sa vie est aussi rectiligne que celle d’Eddie est sinueuse. Mais elle a du cœur, et contrairement à son entourage, elle ne veut pas se méfier d’Eddie et de son passé. La fin est dramatique, désespérée, comme souvent chez Lang. C’est comme s’il voulait nous faire passer le message selon lequel la vie ne vaut que par ces instants qu’on vole à l’éternité. C’est aussi un hymne à la liberté. 

    J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    Jo a essayé de faire passer une arme à Eddie 

    La mise en scène, c’est du Lang de cette époque intermédiaire entre l’Allemagne et les Etats-Unis. Il y a en effet un style, mais il est plutôt démonstratif. En hésitant entre l’expressionisme et le réalisme, il surajoute des éléments symboliques qui ôte un peu de sa fluidité à la mise en scène, par exemple les scènes qui se passent en prison quand on voit Eddie enfermé comme une bête dans une cage, ou la multiplication des fenêtres et des ouvertures qui séparent de fait les deux amants. Il y a des jeux d’ombres qui seront reprises par les autres grands maîtres du film noir. Les scènes dans le brouillard ou dans la fumée des lacrymogènes sont très nombreuses. La scène du hold-up a beaucoup impressionné à l’époque. Elle fera école, on la retrouvera dans Criss-cross le chef d’œuvre de Robert Siodmak[2], mais pire encore, elle sera intégrée telle quelle dans le Dillinger de Max Nossek en 1945 ! C’est du studio, et les scènes dites d’extérieur en souffre énormément. C’est cela qui rend la mise en scène insuffisamment fluide, contrairement aux autres films de la maturité du cycle américain. Evidemment des insuffisances scénaristiques aussi font souffrir le film, par exemple le fait que la grâce arrive exactement au moment de l’évasion est un peu téléphoné. On pourra y trouver un manque de rythme important, parce que Lang hésite entre l’histoire d’amour et la forme du film noir qui est en gestation à l’époque. Il y a aussi des scènes inoubliables comme lorsque Jo va retrouver Eddie planqué dans un wagon en partance pour nulle part. Elle le prend dans ses bras et le sort de son obscurité. 

    J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    Eddie va s’enfuir de l’hôpital de la prison 

    L’interprétation est assez étrange : Sylvia Sidney dans le rôle de Jo est excellente. Elle est un peu oubliée aujourd’hui, mais ce fut une grande vedette qui fit une carrière exemplaire. Elle était déjà présente dans Fury l’année précédente, elle avait aussi tourné pour Hitchcock dans Sabotage. Elle est parfaite avec ce mélange de fragilité et d’innocence, et de détermination. La prestation d’Henry Fonda dans le rôle d’Eddie est plus irrégulière. Cela vient qu’il a du mal à jouer les nerveux, on aurait mieux vu John Garfield par exemple. On dirait qu’il a toujours 2 de tension, il est peu crédible en voyou, mais contrairement à son habitude, il est un peu plus en colère et en rébellion contre la société. Il reprendra ce personnage de faux coupable dans The wrong man d’Hitchcock qui manifestement a été inspiré lui aussi par You live only once, y compris dans la symbolique des barreaux. Les seconds rôles sont très bons, Barton MacLane dans le rôle de l’avocat Whitney, dévoué mais discrètement amoureux de Joan, ou encore Jean Dixon dans celui de Bonnie, la sœur de Joan. 

    J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    La prison est très surveillée 

    Le film est donc important, non seulement pour mieux comprendre la grammaire et le style cinématographique de Lang, mais en tant qu’étape dans la construction du cycle du film noir. Il y a un parfum de romantisme qui séduira les plus endurcis. De ce point de vue, You only live once, a des antécédents dans le cinéma américain, par exemple Peter Ibbetson d’Henry Hathaway, et même des continuations avec par exemple Portrait of Jenny de William Dieterle. Par la suite les films qui mettront en scènes des amants pourchassés par la justice seront nettement plus durs. Ce film n’a pas eu beaucoup de succès, et après l’échec public de Fury, Lang s’est trouvé en difficulté à Hollywood. En tous les cas, il est très bon de le revoir.

    J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    Jo récupère Eddie à la gare 

    J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    Jo va confier le bébé à sa sœur 

    J’ai le droit de vivre, You only live once, Fritz Lang, 1937 

    Ils tentent de franchir la frontière

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  • Commentaires

    1
    Cinéphile passionné
    Lundi 27 Juillet 2020 à 22:25

    Bonjour Monsieur, j'aime beaucoup votre blog et vos analyses pertinentes de films rares, mais pourriez faire un effort pour votre orthographe désastreuse qui renonce systématiquement à accorder les pluriels et qui multiplie les fautes de frappe et de syntaxe... Je recopie souvent vos textes pour mon usage personnel, mais je dois reprendre et corriger tous ce que vous écrivez... Dommage ! Bien cordialement à vous. FR

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