• Jack L’éventreur, The lodger, John Brahm, 1944

    Jack L’éventreur, The lodger, John Brahm, 1944

    Le scénario et le scénariste étant les mêmes que ceux de Man in the attic, ainsi que nous l’avons dit dans notre précédent billet, nous nous bornerons à rappeler les différences minimes. D’abord la danseuse de music-hall si elle est toujours la nièce des logeurs, se nomme cette fois Kitty et non plus Lilly.  Ensuite le film de John Brahm néglige la jalousie entre Slade et Warwick, du reste ici, Kitty sera peu attirée finalement par le locataire. Egalement le ressort psychologique n’est plus tout à fait le même : Slade ici n’en a pas après les femmes à cause de sa mère, mais plutôt parce que son frère a été trahi par une femme et qu’il a sombré dans l’alcool. La poursuite de Slade va se passer dans les coulisses du théâtre, puis dans les cintres, alors que Fregonese optait pour une confrontation finale dans la maison des Bunting. Quelques autres petits détails négligeables différent, comme par exemple le fait que probablement Slade est mort. Le plus important est sans doute que le producteur est ici Robert Bassler qui, après The lodger, produira un grand nombre de films noirs dont deux autres films avec John Brahm comme réalisateur, Hangover square et The brasher doubloon. Il est encore producteur de Thieves’ Highway de Dassin, The house on the telegraph hill de Robert Wise, ou Suddenly don’t nous avons parlé récemment[1]. 

    Jack L’éventreur, The lodger, John Brahm, 1944 

    Slade visite la chambre qu’il va louer 

    C’est donc plutôt dans les intentions esthétiques que ce film va différer des autres adaptations du roman de Marie Belloc Lowndes. Ce film a une place un peu à part dans le développement du cycle du film noir. C’est du reste le premier film de ce type de John Brahm qui, malheureusement, finira sa carrière à la télévision. Dans The lodger il va inaugurer des effets de style qui vont devenir au fil du temps une marque distinctive du cycle classique du film noir. Par exemple ces larges rayures en arrière-plan qui peuvent provenir soit des fenêtres à jalousie, des stores vénitiens ou des grilles mais qui en tous les cas définissent au-delà du mystère l’impossibilité d’avancer et la confusion. Il y a aussi l’usage plus particulier des escaliers qui se montent avec difficultés et qui projettent des ombres menaçantes sur les murs. Mais il y a bien d’autres choses dans la mise en scène de John Brahm, notamment cet usage qu’il fait du plan séquence couplé à des mouvements de grue, comme dans la très célèbre scène d’ouverture de The touche of evil qui date de 1958. Cela donne une profondeur de champ saisissante. 

    Jack L’éventreur, The lodger, John Brahm, 1944 

    L’inspecteur Warwick fait du charme à Kitty en lui faisant visiter le musée noir de Scotland Yard

    Egalement on remarquera les visages plus ou moins dissimulés dans la pénombre. Si John Brahm peut s’appuyer sur la très belle photo de Lucien Ballard, ses idées renvoient directement à l'expressionnisme allemand, mais dans une version plus fluide et plus moderne, car la caméra de John Brahm bouge énormément, saisissant dans une approche behavioriste plus l’acte en lui-même que ses intentions. C’est pour toutes ces raisons que je trouve le film de John Brahm très supérieur à celui d’Hugo Fregonese, car il est presque fondateur d’une grammaire cinématographique nouvelle. Les visages sont souvent filmés en contre-plongée, notamment pour Slade, ce qui lui donne un côté fantastique et presque irréel, augmentant sa puissance physique. Ces effets de mise en scène économisent si je puis dire le jeu des acteurs qui n’ont pas besoin de surjouer les émotions : le moment où Slade dévoile ses intentions à Kitty reste relativement sobre. John Brahm reste meilleur cependant lorsqu’il doit filmer des scènes d’action ou des scènes de suspense que lorsqu’il traite des scène statiques et très dialoguées. 

    Jack L’éventreur, The lodger, John Brahm, 1944 

    Jennie va se faire assassiner 

    Si l’interprétation de The man in attic était très bonne, dominée par Jack Palance, elle me semble encore plus intéressante ici. Slade est interprété par Laird Cregar, un acteur à la carrure impressionnante qui était né aux Etats-Unis, mais qui avait fait une partie de ses études en Angleterre, d’où son accent très british. Son jeu est très varié, il passe d’un monolithisme inquiétant, à des tremblements, modifiant la manière de se tenir, de se contorsionner presque, pour échapper à ses poursuivants. Il peut aussi très bien jouer de ses yeux un peu globuleux, faire apparaître le blanc en dessous de la prunelle pour manifester ses angoisses. Merle Oberon qui fut une actrice célèbre et adulée, est excellente dans le rôle de la séductrice pas du tout ingénue. Elle était d’une grande beauté, sans doute à cause de son aspect métissé puisqu’elle avait des origines à la fois galloises et indiennes. Curieusement le plus discret est George Sanders dans le rôle de l’inspecteur Warwick. S’il est toujours très bon, on le trouvera cependant un peu effacé ici. 

    Jack L’éventreur, The lodger, John Brahm, 1944 

    La maison est cernée 

    Si le sujet n’est pas très original, il est évident que ce film a une importance historique dans le développement du cycle du film noir classique. Il va devenir au fil des années une référence incontournable. Le film sera un succès commercial et critique, tant et si bien qu’il incitera Robert Bassler, pour la 20th Century-Fox à engager à nouveau John Brahm, Laird Cregar et George Sanders pour un nouveau film, Hangover square, avec un scénario de Barré Lyndon, Laird Cregar qui était très gros, va faire un régime draconien qui va lui faire perdre des dizaines de kilos, on dit que c’est cela qui abrégea sa vie. 

    Jack L’éventreur, The lodger, John Brahm, 1944 

    Slade s’enfuit dans les cintres du théâtre

    Jack L’éventreur, The lodger, John Brahm, 1944

    Cerné de tous les côtés, blessé, il tente de trouver une issue

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/je-dois-tuer-suddenly-lewis-allen-1954-a130390138

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