• James Bond, Roger Moore et l’antiracisme

     James Bond, Roger Moore et l’antiracisme

    Un querelle un peu débile a éclaté sur le net à propos de Roger Moore, un des acteurs qui ont endossé le costume de James Bond. Il aurait spécifié que tous les acteurs qui ont incarné le célèbre 007 n’ont jamais été des Anglais, Gallois ou Ecossais, mais pas Anglais-Anglais. Et il a ajouté que l’acteur Idris Elba ne pouvait pas selon lui incarner James Bond. Consécutivement à cette déclaration du vieux Roger Moore, la machine à déconner s’est emballée. L’antiracisme est devenu au fil des années la seule question politique à ce qui semble, et on traque le racisme de partout, sauf où il se trouve vraiment. 

    Ian Fleming auteur raciste 

    A l’origine pourtant c’est Ian Fleming qui est un auteur raciste. Personnage névrosé et alcoolique, mythomane et d’extrême-droite, il développe un James Bond qui épouse ses vues. La plupart de ses romans – que par ailleurs j’ai toujours trouvés très mauvais – mettent en scène des méchants qui sont Juifs – Goldfinger est par exemple juif, allemand et a travaillé à la fois pour les nazis et les communiste – ou noirs, il y a parfois quelques gentils noirs qui sont en général des serviteurs ou des collaborateurs zélés qui ne sont que des auxiliaires. Ses ouvrages n’ont d’ailleurs commencé à marcher en France qu’avec la sortie des deux premiers films interprétés par Sean Connery, les James Bond publiés en Série noire ne trouvaient pas leur public. Si on regarde les deux images ci-dessous, on voit la différence du point de vue marketing.  

    James Bond, Roger Moore et l’antiracisme

    Non seulement l’image qui illustre les éditions Plon rappelle le succès du film James Bond contre Dr No, mais en outre, les couleurs sont vives sur un fond blanc, les polices de caractère modernes. On est dans le moment de l’explosion de la société de consommation. Les marques de voitures, d’alcool, d’armes, sont des éléments tout autant déterminants du roman que l’intrigue proprement dite. Mais ce snobisme pour classe moyenne inférieure, pour ceux qui n’en ont pas les moyens, vise à la distinction, au moins imaginaire, et cet « effet de distinction » s’accompagne naturellement d’un racisme plus ou moins ordinaire parce que de remettre les noirs, les Juifs et les Arabes ou les Russes à une place inférieure est aussi travailler pour la distinction. S’il y a un auteur qui nous permet d’identifier clairement « racisme » et « fétichisme », c’est bien Ian Fleming. C’est ce que comprendra d’ailleurs très bien un des disciples de Ian Fleming, Gérard de Villiers qui saturera les aventures de Malko Linge d’un déferlement de marques plus ou moins grand public, avec un très grand succès. Gérard de Villiers était lui aussi tout à fait raciste et d’extrême-droite, comme Ian Fleming. 

    James Bond, Roger Moore et l’antiracisme 

    Incarner James Bond 

    Les « James Bond » ont été en général de très gros succès, et en général les films tirés des romans d’une médiocrité sans nom. Seuls les deux premiers interprétés par Sean Connery sortent du lot, et Bons baisers de Russie est visible. Tout le reste est à jeter. Le premier à avoir incarné James Bond est un obscur acteur anglais, très anglais, Barry Nelson en 1954 dans Casino Royale. Il est aujourd’hui complètement et fort justement oublié, on trouve cependant ce film assez facilement sur Internet pour ceux que la curiosité démange de connaître toute l’hsitoire. Le second est Sean Connery. C’est lui qui a apporté la gloire internationale au personnage et à Ian Fleming qui pourtant ne voulait pas de lui, le trouvant trop vulgaire, pas assez anglais-anglais justement. Il lui aurait préféré un Cary Grant par exemple[1]. C’est du moins ce qu’il disait. Mais dès le troisième opus, Goldfinger, la série dégénère complètement : le scénario est de plus en plus léger, la mise en scène joue sur les effets spectaculaires, et le film devient une bande publicitaire à la gloire de la sociétyé de consommation. 

    James Bond, Roger Moore et l’antiracisme

    Barry Nelson dans Casino Royale 

    Il est remarquable que les acteurs ayant incarné James Bond, à part Sean Connery, n’aient finalement rien fait d’autre. Le dernier acteur à incarner l’agent 007 est Daniel Craig, un acteur musclé qui fait la gueule sans qu’on sache vraiment pourquoi et qui est aussi expressif qu’une planche à repasser. Et voilà qu’aujourd’hui on parle d’Idris Elba pour le rôle. Cet acteur, lui aussi très musclé, n’a pas fait grand-chose jusqu’ici. Et c’est sûr que pour lui ce serait une sacrée promotion. Mais à l’évidence, ce serait une trahison complète de Ian Fleming et de son oeuvre. Certes il pourra toujours incarner un héros machiste, mais il aura plus de mal à démontrer la supériorité de la race blanche et des anglais-anglais sur le reste du monde ! 

    James Bond, Roger Moore et l’antiracisme 

    Cependant, il est évident que la série des James Bond a évolué vers une sorte de « politiquement correct » qui la rend encore plus insipide que les premiers numéros. C’est à la fois la conséquence de la chute du mur de Berlin et de l’évolution des mœurs qui justement donnent aujourd’hui plus de place aux femmes et aux « minorités visibles » comme on dit. James Bond n’est pas un produit culturel, c’est une franchise dont le but est la promotion de la marchandise sous toutes ses formes. Le probable engagement d’Idris Elba pour le rôle devrait le confirmer. Non seulement la franchise « James Bond » prouvera ainsi qu’elle n’est pas raciste, et d’autre part elle élargira son public. Au fond ce qui était plaisant pour nous français dans les tous premiers James Bond, c’est ce côté anglais justement, ce qui nous faisait remarquer combien l’Angleterre était un pays lointain qui vivait dans le passé de sa grandeur en allée. On était fasciné aussi probablement par cet absence d’humour typiquement anglaise. Ne reste plus aujourd’hui que les effets spéciaux et les mécaniques de scénarios sans contenu et bien sûr la promotion de BMW et de quelques autres marques. 

    James Bond, Roger Moore et l’antiracisme

    A mon sens, plutôt que de s’intéresser au pseudo racisme de Roger Moore, il serait plus profitable de s’attaquer au fond de commerce de la franchise « James Bond » comme promotion d’une sous-culture débilitante.

     

    Liens 

    http://www.lemonde.fr/culture/article/2015/03/28/roger-moore-se-defend-de-tout-racisme-apres-ses-propos-sur-james-bond_4603421_3246.html

    http://www.digitaltrends.com/movies/idris-elba-responds-casting-james-bond-rumors/

     

     


    [1] Pour la petite histoire, il est bon de rappeler que si Sean Connery a été engagé, c’est avant tout parce que son cachet était très faible

    « La polizia e al servizio del cittadino, Romolo Guerrieri, 1973.Si ma tante en avait, San-Antonio, 1978 »
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