• Jenny, femme marquée, Shockproof, Douglas Sirk, 1949

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    Ce film un peu méconnu de Douglas Sirk est réalisé au moment de la grande vogue du film noir. Un de ses intérêts est que le scénario est dû à Samuel Fuller, ce qui veut dire que les surprises et les rebondissements vont aller bon train.

    L’histoire est assez simple, une jeune femme qui a commis un meurtre est libérée au bout de quelques années. Mais elle doit subir une forme de liberté conditionnelle qui l’amène à fréquenter l’homme de loi, Griff Marat, qui est chargé de contrôler presque quotidiennement ses efforts de réinsertion. Dès le départ celle-ci va se révéler difficile car Jenny reste très attachée à son milieu et pense être amoureuse d’un joueur qu’elle a couvert lors du crime qui l’a amené en prison. Dans un premier temps elle va songer à échapper à Griff Marat pour retrouver plus facilement Harry Wesson, mais c’est sans compter sur l’amour que notre contrôleur va bientôt porter à Jenny. Bientôt Griff et Jenny se marient secrètement car c’est interdit par la loi, et pour échapper à Harry Wesson, Jenny va l’abattre d’un coup de révolver. Les deux amants vont être alors contraints de fuir au Mexique, de se cacher, jusqu’à ce qu’ils décident de se rendre, lassés de cette course sans issue.

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    Beaucoup de choses sont remarquables dans ce film, même s’il part un peu dans tous les sens et que Sirk ne semble pas l’avoir mis en scène avec beaucoup de conviction. D’abord le personnage de Jenny qui ressemble étrangement à celui de Constance Tower dans The naked kiss réalisé quelques années plus tard par Fuller. Ensuite il y a cette relation étrange qui s’installe entre Griff et Jenny et qui paraît au premier abord comme un abus de la part de Griff. Il prolonge en quelque sorte la prison de Jenny en l’enfermant directement chez lui et en la mettant au service de sa mère aveugle. Cela donne une atmosphère oppressante intéressante. Et puis il y a la dernière partie, la fuite des deux époux qui voit plonger Marat dans l’illégalité la plus complète uniquement pour l’amour. Se faisant il se heurte à la réalité d’un monde pauvre et hostile, complètement à l’opposé de son milieu bourgeois d’origine.

    On reconnait ainsi des thèmes déjà développés dans le film noir. On pense au Facteur sonne toujours deux fois, mais aussi à Gun Crazy qui va être réalisé quelques mois plus tard. Une allusion étrange au film de Preminger, Laura, vient troubler le spectateur. 

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    La mise en scène utilise de façon un peu appliquée tous les codes du film noir, et cela dès le début, que ce soit dans la visite au bureau du contrôleur, avec cette longue perspective sur la rue, à travers les fenêtres, ou que ce soit dans l’usage des poursuites en automobiles. Le caractère sombre de l’histoire est encore renforcé par l’utilisation des décors des puits de pétrole où Griff trouve finalement un emploi. Mais il y a malgré le grand professionnalisme de Sirk quelque chose qui ne trompe pas : il n’est pas à son aise dans le genre noir, et le rythme, malgré la succession de rebondissements, reste assez mou.  

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    Par contre les acteurs sont impeccables. Cornel Wilde bien sûr, acteur un peu trop oublié aujourd’hui, qui venait juste de tourner La femme aux cigarettes sous la direction de Jean Négulesco, film qui avait obtenu un bon succès public, et qui quelques années plus tard allait tourner dans un des chefs-d’œuvre du film  noir, The big combo sous la direction de Joseph H. Lewis. Sa partenaire est ici Patricia Knight qui a la ville était déjà son épouse. Celle-ci a très peu tourné, elle est pourtant assez remarquable. Elle a un côté solide et concret qui entre en concurrence avec la virilité de Cornel Wilde. Ce qui est après tout un des ressorts assez traditionnels du film noir dans sa quête de l’indépendance féminine.

    Le film n’aura pas beaucoup de succès et il est encore largement ignoré, même des thuriféraires de l’œuvre de Douglas Sirk.

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