• Jim Thompson, Nuit de fureur, Savage night, 1953, Fleuve noir, 1983

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    Savage night est un des Jim Thompson les plus déjantés. Le grotesque se joignant à l’horrible. C’est l’histoire de Carl Bigger, un tueur à gages qui arrive dans une petite ville pour descendre Jack Winroy qui se propose de témoigner contre le grand patron d’un gang quasi-mafieux. Jusque-là c’est du traditionnel dans le roman noir. Sauf qu’ici Carl est un homme contrefait, petit, malade, tuberculeux, il a des fausses dents et des lentilles de contact. Presque nain, il porte des chaussures spéciales pour se grandir. Il est d’ailleurs en train de mourir.

    Il s’installe dans une pension de famille où il va séduire tour à tour Fay Winroy, la femme de Jack qu’il va utiliser pour tuer son mari, et Ruth qui est à la fois la bonne à tout faire et en même temps étudiante. Elle a la particularité de marcher avec un béquille et d’avoir une jambe atrophiée.

    Cette situation engendre la paranoïa car notre tueur doit se méfier de tout le monde, tout en restant discret. Pour essayer de passer inaperçu, il s’inscrit à l’université comme étudiant libre. Mais il est recherché, et malgré sa discrétion, le shérif s’intéresse à lui et le soupçonne d’être un tueur en série. Il sera d’ailleurs à deux doigts de le coincer. Carl n’étant sauvé in extremis par sa mauvaise condition physique.

    Les surprises et les rebondissements dans cet ouvrage sont nombreux, même si la fin est un peu convenue. Car tout cela finira mal, très mal même. Mais n’est-ce pas un accomplissement pour Carl d’aller presque jusqu’à susciter sa propre mort ?

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    L’intrigue n’a d’ailleurs pas d’importance, les raisons d’exécuter Winroy sont minimales. Ecrit à la première personne, le récit est celui de la folie ordinaire d’un homme qui a toutes les raisons de se venger d’une vie qui ne lui a été que cruelle. Le personnage d’un nabot est le véhicule de cette contrariété, mais en même temps il est le personnage maléfique par définition. Celui qui apporte le malheur et qui met à jour les tares de la société hypocrite dans laquelle il évolue.

    Derrière cette folie, il y a le décor d’une petite ville provinciale, où les convenances sociales masquent la dégénérescence ces caractères. A l’occasion, c’est une nouvelle fois la critique de la famille traditionnelle américaine dans laquelle les femmes ont pris le pouvoir.

    L’écriture est à la hauteur, les dialogues sont percutants, on entre comme dans du beurre dans les méandres de la pensée floue de Carl. On partage ses rages et ses peurs. Mieux encore, Thompson laisse une plage d’incertitude entre ce qui arrive vraiment et ce que Carl imagine.

     

    En relisant ce livre, j’ai trouvé une parenté évidente avec les romans de Frédéric Dard. Ce dernier avait aussi une obsession des nains, et pas seulement dans La nurse anglaise, mais aussi dans La maison de l’horreur qui fut signé Frédéric Charles et qui parut en 1952. Le nain étant associé à l’image d’une sexualité débordante : Carl séduit facilement, alors qu’il porte des talonnettes, des fausses dents et des lunettes. Egalement le passage où Carl rêve de chèvres hurlantes, rappelle Ma sale peau blanche signé Frédéric Dard, ou encore La dynamite est bonne à boire.

    « La petite fille au tambour, The little drummer girl, George Roy Hill, 1984Sables mouvants, Quicksand, Irving Pichel, 1950 »
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