• KIRK DOUGLAS A CENT ANS !!

     Aujourd’hui Kirk Douglas a cent ans ! Sans doute ne s’imaginait-il pas vivre si vieux. Et moi non plus ! Quand j’étais jeune c’était un de mes acteurs préférés, et ça l’est toujours d’ailleurs, je trouve que sa filmographie est exceptionnelle, l’une des plus belles et des plus homogènes à Hollywood. Les hommages se multiplient et ceux qui ont la chance d’habiter Pontarlier ou Toulouse, ont vu ou verront les expositions qui lui sont consacrées. Michel Cieutat également publie ce mois-ci un fort bel article sur lui dans le dernier numéro de Positif.  

     KIRK DOUGLAS A CENT ANS !!

    Kirk Douglas, c’est Spartacus. J’avais il y a quelques années rendu compte de son ouvrage, I am Spartacus, qui justement porte sur l’importance de ce film[1]. Car ce film c’est bien plus qu’une œuvre de cinéma, ce fut aussi le point de départ de la réhabilitation du grand cinéaste Dalton Trumbo, et donc de fait la fin de la liste noire à Hollywood. Le cinéma ce n’est donc pas que du cinéma ! Kirk Douglas racontait dans ce livre que c’est à l’occasion de la mise en œuvre du projet Spartacus – il en fut le producteur et vira les réalisateurs, Anthony Mann et Stanley Kubrick les uns derrière les autres – qu’il se forgea une conscience sociale et politique bien plus précise. Certes il avait toujours été dans le camp des progressistes comme on dit, mais sans plus.

    Toute sa filmographie reflète une volonté de s’impliquer, de penser à créer des formes et des représentations qui ont un sens bien au-delà du simple divertissement. Ce qui ne veut pas dire qu’il se risqua à un cinéma cérébral et tourmenté, mais plutôt qu’à travers des films populaires il recréait un monde dans lequel la morale et la justice avaient une importance capitale.

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    Kirk Douglas, c’est aussi des très beaux westerns sous la direction de John Sturges, Règlements de compte à O.K. corral ou le magnifique Dernier train de Gun-Hill film antiraciste quand ce n’était pas encore à la mode. Il tourna aussi le magnifique L’homme qui n’a pas d’étoile, officiellement signé par King Vidor, mais c’est Kirk Douglas qui en réalisa la grande majorité des scènes. Un hymne à la liberté. Là encore il avait viré King Vidor. C’est que Kirk Douglas avait un sale caractère. C’est lui-même qui l’affirme dans Le fils du chiffonnier[2], première partie de ses mémoires où il plaint sincèrement les réalisateurs qui avaient sur le dos en même temps Kirk Douglas et Burt Lancaster ! Avec lui Kirk Douglas tournera 7 films. Il livrera un très beau témoignage, très émouvant, sur Burt Lancaster dans la seconde partie de ses mémoires, En gravissant la montagne[3], alors que celui-ci venait de disparaître après des mois de souffrance. Ils étaient en effet restés amis, malgré leurs nombreuses disputes et leurs brouilles.

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    Parmi les autres westerns, il ne faut pas oublier non plus Seuls sont les indomptés, film signé David Miller, mais un projet de Kirk Douglas, là encore il y eut beaucoup d’histoires entre l’acteur et le réalisateur. C’est le film préféré de Kirk Douglas, un nouvel hymne à la liberté et aux grands espaces en train de disparaître. Une confrontation avec les dégâts du progrès technique. C’est encore plus crépusculaire qu’on peut le croire. Car malgré son énergie débordante et ses sourires éclatants, Kirk Douglas a souvent incarné des loosers magnifiques, Spartacus bien sûr, mais aussi ce Jack Burns, le héros de Seuls sont les indomptés, complètement imperméable aux sirènes de la modernité. Et aussi le doc Hollyday de Règlements de comptes à O.K. corral est déjà de ce tonneau. Il incarnera encore un perdant magnifique dans El Perdido de Robert Aldrich, avec une intensité dramatique encore plus forte puisqu’il mourra de désespoir pour s’être amouraché de de sa propre fille, en se suicidant dans un duel au pistolet alors que son arme ne contenait pas de balle. 

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    Toute sa filmographie est parsemée de ce type de rôles. Le cruel Einar, le personnage principal des Vikings, se laissera mourir quand il sera confronté en un combat mortel à son propre frère. Je crois bien que c’est le premier film avec Kirk Douglas que j’ai vu en salle. Ce très beau film signé Richard Fleischer fut un immense succès populaire, et il est toujours réédité pour le bonheur des jeunes générations. C’était encore un projet de Kirk Douglas. Beaucoup de films ont été ensuite tournés sur les vikings, mais aucun n’a jamais atteint l’intensité et la grâce de celui-ci.

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    Tous ces films sont très connus. Mais dans sa filmographie on trouve aussi quelques petites perles qui sont un peu oubliées aujourd’hui. Par exemple Le champion qui est vraiment son premier film en tant que premier rôle. Ce film de Mark Robson est à mille lieux des bluettes sentimentale sur la boxe comme Rocky ou l’insupportable Million dollars baby[4]. Il est vraiment excellent. Kirk Douglas jusque-là n’avait pas fait de premier rôle. Il était arrivé un peu par hasard, et surtout poussé par sa copine Lauren Bacall. Il n’avait pas de contrat avec un studio, et tout de suite il a été un des rares acteurs indépendants. Il a pu donc faire ce qu’il avait envie de faire, contrairement à Burt Lancaster qui devait subir cette tyrannie du contrat[5]. Il tourna ainsi en 1953 un film avec Edward Dmytrik, Le jongleur, un film réalisé en Israël et qui met en scène un individu qui a survécu aux camps de concentration avec un traumatisme important. Ce film fut un bide noir, mais c’est pourtant parmi ce que Dmytryk a pu faire de mieux. Notez qu’à cette époque Israël était à peine en construction.

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    La même année il tournera encore le très beau et très méconnu Un acte d’amour sous la direction d’Anatole Litvak. C’est à cette époque qu’il commença à séjourner en France et à y apprendre le français qu’il parle très bien[6] – il parle aussi couramment l’allemand. Entre temps il avait tourné Le gouffre aux chimères sous la direction de Billy Wilder, un film qui fut un échec retentissant à sa sortie, mais qui au fil du temps est devenu un classique du film noir, toujours classés dans les dix premiers de ce genre. On connait aussi assez bien sa collaboration avec Vicente Minnelli, The bad and the beautiful, tourné en 1952, un des plus beaux films sur l’amertume engendrée par Hollywood et ses paillettes sur les personnes qui servent l’industrie du cinéma. Puis, dix ans plus tard, une sorte de prolongement de ce film avec Quinze jours ailleurs. Et entre temps il avait fait La vie passionnée de Vincent Van Gogh, en 1956, film dans lequel il fait une composition hallucinée.

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    D’autres films sont moins connus, comme par exemple le très beau Liaisons secrètes de Richard Quine, avec la belle Kim Novak en 1960, qui raconte l’aventure sentimentale d’une jeune femme qui s’ennuie avec un architecte passionné par son métier. Mais tous deux sont mariés et les conventions feront qu’ils rentreront dans le rang. D’autres films sont consacrés à la justice, celle des hommes justement : il y a d’abord le magnifique Les sentiers de la gloire tourné en 1957 sous la direction de Stanley Kubrick, qui, s’il est devenu par la suite une sorte de classique des films dénonçant les horreurs de la guerre, fut interdit en France, mais il n’eut ailleurs aucun succès. C’était encore un projet de Kirk Douglas lui-même. En 1961 il tournera Ville sans pitié, toujours en Europe. Le sujet était l’histoire d’une jeune fille violée par des soldats américains. Pour conserver intacte la réputation de l’armée américaine, tout sera fait pour les faire échapper au châtiment qu’ils méritent. Kirk Douglas est un avocat tourmenté qui doit défendre les soldats tout en sachant qu’ils sont coupables.

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    Le reste de sa carrière est plus connu. Il alternera le bon et le moins bon, on le verra dans de très grosses productions, Les héros du Télémark, d’Anthony Mann, Paris Brûle-t-il ? de René Clément. Il s’essaiera avec un succès mitigé aussi à la mise en scène. Et puis il prendra aussi position sur le plan politique non seulement dans son combat contre la Commission des activités anti-américaines, mais aussi pour les candidats démocrates aux élections présidentielles. Cette année encore il est intervenu brillamment pour alerter les Américains sur les risques que ferait courir l’élection de Donald Trump[7]. Il a donc eu une vie bien remplie et son fils Michael Douglas a fait aussi une belle carrière, même si ce n’est évidemment pas le même niveau. Après son accident d’hélicoptère en 1991, il fut très diminué physiquement, mais pas intellectuellement, il se tournera vers l’écriture et la religion. D’origine juive, ce fut une manière pour lui de retrouver ainsi ses origines.

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    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/i-am-spartacus-kirk-douglas-caprici-2013-a114844578

    [2] Presses de la Renaissance, 1989.

    [3] L’archipel, 1999.

    [4] http://alexandreclement.eklablog.com/le-champion-champion-mark-robson-1949-a114844844

    [5] Il raconte d’ailleurs que lorsqu’il tourna Règlements de comptes à O.K. Corral, il obtint ainsi un salaire très largement supérieur à celui de Burt Lancaster !

    [6] Sa femme avec qui il est marié depuis 60 ans est d’origine belge.

    [7] http://www.huffingtonpost.fr/kirk-douglas/elections-americaines-donald-trump_b_12218420.html

     

    « L’inconnu du 3ème étage, Stranger on the third floor, Boris Ingster, 1940Les sept mercenaires, The magnificent seven, Antoine Fuqua, 2016 »
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