• L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946

     L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946

    Voilà un très bon film noir assez ignoré cependant. Pourtant le simple fait que le scénario soit inspiré par un roman de William Irish sous le nom de Cornell Woolrich devrait suffire pour attirer l’attention. Mais il est vrai qu’Irish est laissé un peu à l’abandon aujourd’hui.

    L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946 

    L’histoire est celle de Chuck Scott, jeune soldat démobilisé qui a subi un traumatisme pendant la guerre. Il est seul et semble-t-il fauché. Par hasard il trouve un portefeuille au nom d’Eddie Roman. Après avoir pris sur le compte d’Eddie Roman un bon déjeuner, il décide d’aller rendre le portefeuille à l’adresse indiquée. Là il tombe sur une demeure luxueuse, avec des gens plutôt bizarres. Outre Eddie Roman qui semble être un gangster de haute volée, il y a Gino son factotum, et Job un autre domestique à la tronche patibulaire. Sa naïveté va l’amener à se faire engager par Roman comme chauffeur. C’est en tant que tel qu’il va faire la connaissance de la belle Lorna Roman, sa femme, qui en rêve que de s’évader de ce qu’elle considère comme une prison. Evidemment Chuck va accepter de l’aider en échange de 1000 dollars. Ils projettent de fuir à Cuba. Mais arrivé à Cuba les choses se passent très mal, Lorna est poignardée dans le dos et la police l’arrête.

    L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946  

    Chuck rapporte le portefeuille trouvé 

    Bien entendu, Chuck est innocent, mais la façon dont cela va être démontré est originale, puisqu’elle passe par une amnésie partielle qui fait que Chuck ne sait plus s’il a révé ou vécu ce qui s’est passé à la Havane. Dès lors il se retrouve dans une sorte d’entre-deux. Il va faire appel à un médecin de la Navy pour que celui-ci l’aide à retrouver ses esprits. Contrairement à ce qui est la règle du genre, on aura pas vraiment d’explication sur ce qui s’est passé réellement. C’est le point de vue de Chuck qui compte,et celui-ci est particulièrement flou. Il ya beaucoup de retournements de situation, mais ceux-ci échappent à la rationalité habituelle. Même la fin d’Eddie Roman n’est pas claire : se suicide-t-il ?

    C’est à ma connaissance un des rares films de ce genre où le spectateur reste ignorant du déroulement linéaire de l’affaire. On est donc à l’opposé du roman policier à l’anglaise, ou d’Hitchcock si on veut – sauf si on met à part Vertigo. Ce dernier ne se serait jamais permis de ne pas boucler l’histoire en ne donnant pas toutes les explications nécessaires au spectateur.

    L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946  

    Sous des airs rigolards Eddie Roman est un redoutable gangster 

    Arthur Ripley n’a pas fait grand-chose pour le cinéma, sauf un autre film noir de belle qualité aussi, Thunder road avec Robert Mitchum. Il avait pourtant toutes les qualités requises pour le film noir. Il donne d’ailleurs une dimension d’étrangeté très forte aux décors que l’histoire traverse. Que ce soit la maison de Roman, ou la boîte de nuit de La Havane, ils ajoutent une dimension onirique très forte.  Il y a deux parties très différentes, la première est plus traditionnelle, puisque c’est l’histoire d’un soldat qui aide une malheureuse femme à s’enfuir, et la seconde plus décalée, flirtant avec la folie possible de notre héros.

    On garde à l’esprit cette capacité à filmer les escaliers immenses de la maison de Roman, ou les clair-obscurs des bouges de La Havane. L’inspiration est sans doute à rechercher du côté de Siodmak. 

    L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946

    Chuck inaugure ses fonctions de chauffeur 

    Bien que l’affiche soit prestigieuse, il ne semble pas cependant que le film ait bénéficié d’un gros budget. En effet, les décors extérieurs sont réduits, et les bateaux ne sont même pas filmés en plan général. Sans doute Hitchcock a-t-il vu se film car la scène où on retrouve Chuck avec un poignard qui laisse croire qu’il a tué Lorna a incontestablement été copiée pour North by northwest. Mais d’autres astuces scénaristiques serviront plus tard de référence, par exemple ce qu’on peut découvrir sur une photo prise au hasard dans un cabaret. Si la réalité ment, la photo ment beaucoup moins et elle pourrait disculper Chuck définitivement. Le scénario est dû à Philip Yordan, scénariste prolifique que certains, notamment Bertrand Tavernier, soupçonnent d’avoir signé au temps du maccarthysme des scénarios écrits par d’autres. Entre autres il a signé le scénario du magnifique The Big Combo. Mais il avait aussi écrit Detective story pour William Wyler, juste avant que la chasse aux sorcières ne débute vraiment, ce qui relativise un peu son usurpation de signature. En tous les cas le scénario de The chase est très imaginatif.

    Bien sûr on y trouvera des incongruités comme cette manière de Roman d’accélérer depuis l’arrière de la voiture sa vitesse. Mais les romans de William Irish n’en manquaient pas non plus. 

    L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946 

    Lorna a enfin pu fuir 

    L’autre intérêt du film est bien sûr la distribution. Il y a Robert Cummings qui joue un Chuck complètement ahuri et désenchanté. Il est très bien. Mais le film vaut pour deux autres piliers du film noir, Peter Lorre et Steve Cochran. Le premier incarne une sorte de tueur blasé et fidèle à son patron. Le second est Eddie Roman, une sorte de canaille neurasthénique qui finalement sera perdu non pas par sa cruauté, mais par son amour la belle Lorna. Celle-ci est interprétée par Michèle Morgan au sommet de sa splendeur. Ce sera pourtant son dernier film aux Etats-Unis où elle avait été très présente durant la guerre. Pour la petite histoire, elle s’était mariée en 1942 aux Etats-Unis, et la naissance de son fils l’avait éloignée des plateaux jusqu’en 1944.

    C’est donc un film noir de grande qualité pour les amoureux du genre et pour ceux qui adore le trop méconnu Steve Cochran, il y en a encore !

    L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946  

    A Cuba les deux fuyards semblent tout oublier

    L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946  

    Eddie Roman continue son business 

    L’évadée, The chase, Arthur Ripley, 1946 

    Lorna est poignardée

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    La police enquête et soupçonne Chuck d’assassinat

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