Il n’est pas si évident de mettre en valeur le travail de ceux qui fabriquent des Blu ray. Calysta, Sidonis et Samsaraprod se sont donc associés pour sortir ce film de Mario Bava dans les meilleures conditions. Cela veut dire tout d’abord que le film soit impeccablement rendu, donc faire un gros travail sur les contrastes et les couleurs. C’est le cas ici et cela nous permet de redécouvrir le film d’une autre manière. Ensuite, les bonus qui y sont ajoutés sont très importants, non pas pour nous expliquer ce que nous devons voir dans l’œuvre visionnée, mais pour instaurer un dialogue avec le spectateur. Ces bonus sont réussis quand ils ne nous assomment pas de trop d’érudition. Ici c’est particulièrement réussi. Il y a trois belles interventions. D’abord celle d’Alice Laguarda dont j’avais rendu compte de son excellent livre sur le giallo, L’ultima maniera, le giallo, un cinéma des passions[1]. Elle voit ce film comme une sorte de giallo ironique ou comique, ce qui va très bien avec les effets de distanciation que Bava prend avec son sujet. Elle insiste évidemment sur les couleurs, mais aussi sur les rapports qu’il y a dans l’œuvre de Bava entre la construction des images et une forme de métaphysique qui tire sur l’absurdité de la condition humaine. Elle convoquera à juste titre Samuel Becket, En attendant Godot, qui disait lui-même s’être inspiré d’un peintre allemand, Caspar David Friedrich, peintre célèbre de la fin du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle. Mario Bava, fin connaisseur de l’histoire de la peinture, connaissait cet artiste qui a eu un grand moment de célébrité et qui est souvent utilisé pour représenter les difficultés de l’homme moderne face au vide de son existence quand il a abandonné la foi. Ensuite il y a l’intervention de Jean-François Rauger qui explique dans quelles conditions Mario Bava est intervenu sur un projet qui n’était pas le sien au départ. Et là il développe des idées qui me sont chères sur les rapports qu’il y a au-delà du récit dans la manière de filmer. Il relie fort justement ce genre de film avec le film noir, y compris en utilisant des figures de style comme l’escalier à spirale. Il est en accord parfait avec Alice Laguarda pour définir l’eau comme le thème central de l’œuvre. Enfin il y a une sorte de dialogue entre Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele qui sont les auteurs d’un ouvrage sur Mario Bava[2]. Ils vont montrer qu’il y a une approche tout à fait politique dans ce film, même si elle n’est pas formalisée sous une forme militante. Cette approche qu’on retrouvera dans le film suivant, Ecologia del dellito. Ils soulignent l’importance du grotesque qu’ils jugent dans la continuité de Fellini. On est tout de même à cette époque encore dans l’idée d’une révolution communiste qui va renverser peut-être le capitalisme. 

Tous les intervenants sont d’accord pour dire que ce film considéré par Mario Bava lui-même comme un film mineur, mérite d’être redécouvert, mais par ses qualités formelles et ses innovations doit être considéré comme la quintessence de sa cinématographie. Ce n’est pas tout à fait un avis que je partage, mais cette approche est intéressante. 

L’ensemble comprend également un joli petit livret dû à Marc Toullec. Fort d’une vingtaine de pages il rappelle les conditions de la production de ce film comme les insatisfactions de Mario bava, il est accompagné de nombreuses illustrations.