• L’introuvable, The thin man, Dashiell Hammett, Gallimard.

     

    l-introuvable-1.jpg

     

    On dispose maintenant en français d’une édition excellente des œuvres d’Hammett, grâce au travail de Nathalie Beunat, qui non seulement a retraduit avec Pierre Bondil les cinq romans publiés de son vivant, mais a réuni également l’ensemble des nouvelles dans la collection Omnibus et a aussi traduit et présenté une abondance correspondance d’Hammett pour les éditions Allia.

    Il est de bon ton aujourd’hui d’encencer l’œuvre d’Hammett, pourtant à y regarder de près, tout n’est pas excellent dans ce qu’il a écrit. Si incontestablement Dashiell Hammett est le père d’une nouvelle forme de romans policiers, des romans plus noirs et plus durs, et s’il a réussi à produire plusieurs chefs-d’œuvre dans le genre, il reste tout de même assez proche de la tradition. Il y a une sorte d’ambiguité dans ses romans, et celle-ci éclate tout à fait dans L’introuvable.

    L’ambiguité signifie qu’Hammett est bien moins en rupture qu’on ne croit avec la tradition du whodunit. Son plus grand  succès de librairie sera The thin man. Curieusement, c’est de loin son plus mauvais roman. Or de quoi s’agit-il ? D’un détective à la retraite qui a épousé une riche héritière qui par désoeuvrement va s’intéresser à la disparition d’un savant plus ou moins fou, mais très riche.

    Plusieurs formes du roman de détective à l’anglaise sont utilisées : d’une part le détective désintéressé qui ne résot l’énigme que pour son plaisir et non par la nécessité de gagner son pain, d’autre part le duo avec sa femme Nora, cette dernière lui renvoyant la balle à la manière de Watson avec Holmes. A cela s’ajoute la coopération avec la police qui ici n’est pas corrompue. Mais Nick Charles, esprit supérieur, s’emploiera à dénouer l’intrigue par la puissance de son raisonnement, en faisant la leçon sur un ton bon-enfant au pauvre fonctionnaire un peu juste. L’introuvable est donc un roman très conservateur dans son style. On est loin de La clé de verre ou de La moisson rouge, les vrais chefs-d’oeuvres d’Hammett où la police participe activement et volontairement  à la corruption générale de la société.

    L’introuvablepeut être considéré comme une trahison d’Hammett par lui-même. Non seulement il se range du côté du roman anglais de détection, mais en outre il recycle de vieilles idées. Le cœur de l’ouvrage est fait des relations familiales compliquées entre des personnes qui se croient un peu folles. Mais ce thème a été exploré par Hammett, à fond dans Sang maudit, et de manièreincidente dans La clé de verre. L’écriture de cet ouvrage est paresseuse, la culpabilité de Macaulay ne s’inscrit en rien dans une analyse profonde et sincère du personnage. L’ouvrage est aussi saturé des mondanités et des ivrogneries du couple Nick et Nora Charles, un décalque de celui qu’Hammett formait sans doute avec Lilian Hellman. C’est le  dernier roman d’Hammett qui a partir de 1934 prendra curieusement sa retraite d’écrivain.

    Quant au fameux style behavioriste mis en avant par Jean-Patrick Manchette, c’est peu dire que c’est une faute d’analyse que de l’attribuer à Hammett. Mais Manchette doit une partie de son succès en tant que critique de cette curieuse manière qu’il avait de tout recadre à partir de grilles de lecture hatives autant qu’erronées. Sur les cinq romans qu’Hammett a écrits, trois le sont à la première personne, ce qui permet au détective de faire par de ses rêves, de ses égarements. Non seulement les romans d’Hammett n’ont rien de behavoristes, mais ils empruntent beaucoup à la psychanalyse, mettant en scènes des personnages compliqués : par exemple la relation de Ned Beaumont avec Paul Madvig qui représente non seulement des tendances homosexuelles très nettes, mais aussi des rapports d’amour/haine assez curieux, Ned allant jusqu’à piquer la fille sur laquelle son ami a des vues. Avec régularité, Hammett prend la peine de décrire les rêves de ses héros, et chaque fois cela a une signification. Les romans d’Hammett, les bons comme le mauvais, restent dans le cadre naturaliste.

     l-introuvable-2.jpg

     

    L’introuvable donnera ensuite naissance à une série de six films avec Dick Powell et Mirna Loy. Ces films sont tous plus insipides les uns que les autres, Hammett n’a collaboré à aucun des scénarios. Si le roman avait de graves défauts, il n’avait pas le côté ridicule et sautillant des films. Mais L’introuvable sera aussi adapté à la radio avec beaucoup de succès. Cela rapportera énormément d’argent à Hammett, mais signera le glas de sa carrière d’écrivain.

     

    Bibliographie

     

    Dashiell Hammett, Romans, Gallimard, 2009

    Dashiell Hammett, Des coups de feu dans la nuit, Omnibus, 2011

    Dashiell Hammett, La mort c’est pour les poire, Allia, 2002

    Dashiell Hammett, Interrogatoires, Allia, 2009

    Nathalie Beunat, Dashiell Hammett, parcours d’une œuvre, encrages, 1997

    Richard Layman, Dash, la vie de Dashiell Hammett, Fayard, 1981

    Jo Hammett, Dashiell Hammett mon père, Rivages, 2002

    « Hommage à Peter Lorre et Sydney GreenstreetVolte-Face, The reversal, Michael Connelly, Calmann-Lévy, 2012 »
    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :