• La France d’Alphonse Boudard, Pierre Gillieth, 2011

     

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    Alphonse Boudard est un très grand écrivain, avec une langue bien à lui. Malheureusement il n’existe que peu d’ouvrages sur son œuvre. Et ce n’est pas celui de Pierre Gillieth qui fera avancer l’affaire d’un iota. Cet ouvrage possède de graves défauts de forme et de fonds. Ce n’est pas parce qu’on aime quelqu’un qu’on peut arriver à écrire un livre sur lui.

    D’abord il est très mal écrit, c’est simplement une forme de compilation de tout ce qu’on peut trouver aussi bien dans les œuvres de Boudard que dans les rares textes qui ont été produits sur lui. Le style est enfantin, l’auteur se laisse fasciner par son sujet, et tout émerveillé d’avoir adoré Boudard, il en rajoute dans le genre cirage de pompes. Il produit également des erreurs factuelles importantes notamment lorsqu’il parle d’Auguste Le Breton

    L’ouvrage n’apporte strictement rien. Prétendant s’appuyer sur des lettres inédites à Michel Déon ou à ses éditeurs, la moisson de renseignements sur la vie de Boudard est plus que maigre. Il fait également l’impasse sur un grand pan de son existence : sa double vie puisqu’en effet Boudard vivait avec un double ménage, il eut d’ailleurs un fils avec sa maîtresse, l’écrivain Laurence Jyl qui a été publié l’an dernier ce que je sais d’Alphonse aux éditions de la Table ronde. Ce témoignage est d’ailleurs bien plus intéressant que les approximations de Pierre Gillieth.

    Ce petit ouvrage, imprimé large, ne fait que 130 pages. Mais si on enlève les citations d’Alphonse Boudard, il se réduit simplement à un petit article.

    La seconde question est celle de la forme. Rien que le titre prête à discussion. Est-ce Boudard ou une certaine idée de la France dont il est question ici ? En effet sous la plume de Gillieth il renvoie à un passé révolu, la France d’avant, mais aussi à une idée politique d’extrême droite. Boudard avait certainement des défauts, qui n’en a pas ? Mais ce n’est pas une raison pour en faire une sorte de penseur de l’extrême droite, fut-elle anarchisante. Se méfiant de l’idée d’une révolution communiste, il n’aurait certainement pas attiré par une révolution de type fasciste !

    C’est ainsi que Pierre Gillieth tire sa lecture de Boudard du côté de l’anticommunisme primaire, voire d’un raciste basique. C’est pourquoi il en fait une sorte de Céline joyeux, ou qu’il le rapproche d’Audiard. Or Boudard est plutôt anarchiste, mais il a fait la Résistance et la guerre du bon côté, passant ensuite d’un compagnonnage avec le Parti communiste, à une vision trotskyste, pour finir par se désintéresser complètement de la politique. Mais quelle que soit cette évolution politique, Boudard reste toujours très proche du petit peuple de Paris, ce qui n’est pas le cas ni de Céline, ni d’Audiard. D’ailleurs si Boudard avait une rancune tenace pour les orientations plus que contestables du Parti communiste, il était bien plus nuancé pour le petit peuple qui y adhérait. Si le combat anti-communiste a eu un sens il y a quelques décennies, il semble franchement ridicule aujourd’hui, non seulement il n’y a plus de partis communistes, mais l’URSS s’est effondrée.

    Tout cela pourtant n’est pas étonnant quand on sait que Gillieth, après avoir été un militant toulousain du GUD et  dont le véritable patronyme est Bertrand Le Digabel, est un des fondateurs de la revue Réfléchir et agir qui se veut un organe de pensée de la droite radicale, révolutionnaire et antisioniste. Cette revue tenta en 2007 un rapprochement avec Le bloc identitaire. Il va de soi que Boudard ne se serait guère senti en affinités avec de telles tendances politiques. Gillieth trouve fort à son goût les turpitudes de Dieudonné, c’est dire !

    Il y avait pourtant bien des pistes à explorer, notamment en ce qui concerne le théâtre Boudard qui est non seulement mal connu, mais inaccessible aujourd’hui.

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    Alphonse Boudard sur les barricades de Paris au moment de la Libération

     

    « Les polarophiles tranquilles, n° 19, mars 2012L’indic, n° 12, juin 2012 »
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