• La part des lions, Jean Larriaga, 1971

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    Je suppose que ce film est une sorte de suite à celui de Sergio Gobbi, Le temps des loups qui avait connu un succès satisfaisant. Produit par la firme de Sergio Gobbi, Paris-Cannes-Production, réunissant les mêmes acteurs, Hossein, Aznavour, Minski, on retrouve Georges et André Tabet au scénario, en compagnie de Larriaga. Coproduction franco-italienne, il incorpore aussi une vedette italienne, Elsa Martinelli,  comme dans le temps des loups nous avions Virna Lisi. Le film joue de la même manière des oppositions entre les deux principaux protagonistes, Hossein et Aznavour. Dans le premier ils étaient ennemis, bien qu’ils aient été élevés ensemble, l’un truand, l’autre policier, dans celui-ci ils sont amis, mais l’un est un intellectuel rêveur Eric Chambon et l’autre un truand sorti du rang par la violence. Il y a donc une volonté de continuité. C’est toujours l’enfance qui les réunit.

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    Maurice et Eric vont rendre visite à l’homme qui les a élevés

    Eric Chambon, un homme un peu dépressif, vient de recevoir un important prix littéraire, mais les mondanités l’énervent et il s’en va rendre visite à une vieille personne, un ancien résistant qui l’a élevé avec Maurice Ménard qu’il n’a plus revu depuis longtemps. Mais le hasard faisant bien les choses, il revoie son vieux copain à l’hospice où leur père adoptif termine ses vieux jours. Ils ne se parlent guère, mais ils vont se retrouver rapidement pour l’enterrement. Renouant des relations anciennes, Eric comprend que Maurice est en fait un gangster. Plutôt solitaire, il travaille néanmoins avec Marcati. Mais le coup qu’ils projetaient avorte. Eric a donc l’idée de cambrioler la banque qui se trouve juste en face de chez lui où il possède un coffre individuel.

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    Ils se retrouvent à l’enterrement 

    Le coup réussi plutôt bien, sauf que dans la fuite un photographe ambulant prend un cliché de la main de Maurice. Dès lors la police est sur les dents. Les problèmes abondent car David qui craint qu’Eric ne parle à la police veut le descendre, d’autant qu’il s’apperçoit que celui-ci est surveillé par la police. Mais Maurice intervient, et David meurt. Maurice comprend qu’il vaut mieux qu’il s’éloigne pour un petit moment de la capitale. Pendant ce temps Grazzi mène son enquête et jouant avec les nerfs d’Eric, il pousse celui-ci à le conduire jusqu’à la maison de Marcati. Les gangsters s’enfuient, mais sont rapidement coincés dans la maison d’enfance de Maurice et Eric. C’est évidemment la fin. Si Eric ne sera que blessé, Maurice est tué par la police et Marcati se suicide.

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    Le gang braque la banque en face de chez Eric

    C’est un scénario qui se tient tout à fait bien et qui parfois lorgne du côté de Melville, notamment dans la scène du hold-up, ou les premières retrouvaillent chez Marcati. L’analogie est d’autant plus frappante, que Larriaga utilise Raymond Pellegrin et Michel Constantin, deux anciens du Deuxième souffle. C’est mieux filmé que Le temps des loups, il y a une meilleure prise en compte de l’espace et des décors naturels. Le rythme est bon.  L’histoire recèle des bonnes idées, à commencer par le personnage d’Eric Chambon, écrivain dépressif qui préfère la vie dangereuse des voyous à celle confortable d’auteur à succès. Homme solitaire, il est manifestement à la recherche d’une famille. C’est un intellectuel et c’est lui qui a l’idée d’utiliser des faux cadavres dans le hold-up pour faire peur aux employés de la banque. C’est cette intellectualité qui sera aussi sa perte car elle le fera tomber dans le piège grossier tendu par Grazzi.

    Les autres personnages sont un peu plus classiques, des truands ordinaires. Contrairement au Temps des loups, le personnage de Robert Hossein manque un peu consistance. En effet, si on comprend bien que son but dernier n’est pas l’argent, ses motivations restent tout de même assez obscures.

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    Maurice est obligé de tuer l’irascible David

    Il y a pas mal d’idées intéressantes dans cette histoire à laquelle Jean Larriaga a essayé de donner un accent réaliste, comme ces visites des deux héros à leur père d’adoption. Ou encore cet appartement vide où Maurice est censé vivre et où on ne trouve ni meubles, ni objets personnels. Le truand se veut libre de toute attache et conserver la possibilité de s’enfuir rapidement si les choses tournent mal. Cela sera repris directement dans Heat le film de Michael Mann, bien qu’on ne sache pas s’il s’est inspiré de La part des lions, à moins qu’il y ait d’autres références que je ne connais pas.

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    Maurice annonce à Annie qu’il va devoir s’éloigner 

    Film typique des années soixante-dix, il y a un passage assez savoureux sur les relations de la population avec la police. Quand Grazzi réquisitionne le conducteur d’un engin de démolition pour enfoncer la maison où les gangsters se sont réfugiés, son collègue l’incite à ne pas coopérer. Il n’a pas tord parce que de vouloir aider la police amènera le chauffeur à avoir les jambes écrasées. Du reste les méthodes musclées et sournoises qu’utilise Grazzi pour faire avancer son enquête apparaissent un peu contestable.

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    Grazzi mène son enquête tambour battant

    Le casting est intéressant. Cette fois Charles Aznavour qui incarne l’écrivain, a un rôle un peu plus développé, mais c’est le personnage de Robert Hossein qui paraît cette fois insuffisamment développé. Les deux acteurs sont très bons. Mais Raymond Pellegrin dans le rôle de Ma  rcati est aussi excellent. Il incarne un personnage proche de celui qu’il interprétait dans Le deuxième souffle, et on remarque qu’il n’avait pas besoin de Melville pour se révéler un grand acteur. Michel Constantin est moins bien utilisé, mais peut-être cela vient-il de ce que son rôle n’est pas assez développé. En tous les cas malgré sa présence physique, il paraît presque banal. Quant à Elsa Martinelli dont la carrière s’étiolait, elle ne fait qu’un courte apparition.

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    Les gangsters se réfugient dans la maison délabrée

     

    Au moment de sa sortie, la presse avait salué le film, et plus particulièrement la prestation de Charles Aznavour. Mais contrairement au Temps des loups, le public avait boudé, du moins en France. Quarante années ont passé. Sans atteindre le statut de « classique », le film tient assez bien la route et n’a pas trop vieilli. En dehors de ce film, Jean Larriaga n’a pas fait grand-chose pour le grand écran, il tournera deux ans plus tard Un officier de police sans importance, sur un scénario de l’acteur Marc Porel, toujours avec Robert Hossein qui acceptera un rôle secondaire. Ensuite il se tournera vers la télévision. Peut-être peut on expliquer l’échec de La part des lions par les hésitations entre « film noir » et « film de gangsters », le scénario n’atteignant pas la tragédie comme dans Le temps des loups.

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    Grazzi leur annonce qu’ils sont cernés

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    La maison d’écroule et Eric est blessé

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    Maurice est abattu sans sommation par la police

    « Le temps des loups, Sergio Gobbi, 1969Anthony Summers, Le plus grand salaud d’Amérique, The secret life of J. Edgar Hoover, Le seuil, 1995 »
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  • Commentaires

    1
    Jean LARRIAGA
    Lundi 28 Septembre 2015 à 10:45

    Cher monsieur,

    Je découvre votre article sur mon premier film, La Part des Lions.

    Merci de votre avis et de votre belle curiosité pour ce cinéma franc du collier. Non, ce n'était pas une suite du Temps des Loups malgré les apparences.

    J'avais 25 ans en le tournant et je ne me savais pas du tout si jeune... Et ce fut un vrai succès commercial vu son coût. Il fut vendu "partout".

    Je pourrais vous éclairer davantage bien que vous le soyez déjà.

    Cordialement,

    Jean LARRIAGA

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