• La privé, The long goodbye, 1973, Robert Altman

    the long good bye 1

     

     Robert Altman a eu une carrière en dents de scie. Très inégale, sa filmographie n’aborde guère le genre « noir ». Le privé intervient juste avant sa grande réussite, Nous sommes tous des voleurs. Adapté du roman de Raymond Chandler The long good-bye, il est transposé dans les années soixante-dix.

    Le détective privé Philip Marlowe aide son ami Terry Lennox à fuir au Mexique. Ce dernier est soupçonné d’avoir tué sa femme. Après quelques ennuis avec la police, Marlowe se trouve engagé par la femme d'un écrivain célèbre pour le retrouver. Bientôt Marlowe va s’apercevoir que les deux affaires sont liées.

    Ce film, assez méconnu en France, bénéficie, de l’autre côté de l’Atlantique, d’une très bonne opinion, certains critiques américains le désignant comme l’un des meilleurs Altman. J’aime bien l’Altman des années soixante-dix, mais je trouve que The long goodbye est raté. Peut-être ai-je ce sentiment parce que je connais bien le livre. Mais ce n’est pas certain. En tous les cas il y a deux différences très nettes entre le roman et le film. La première différence porte sur le fait que le livre, pourtant écrit près de vingt ans avant le film est beaucoup plus critique que le film d’Altman. Non seulement la police est critiquée, mais Chandler désigne les riches comme autant de criminels. Or dans le film, le personnage du riche manipulateur a complètement disparu. Egalement dans le livre il y a des allusions à la chasse aux sorcières qui ne trouvent pas d’équivalent dans le travail d’Altman. La seconde différence porte sur la nature du personnage de Marlowe. Certes Elliot Gould a du mal à incarner la gravité ironique de Marlowe, mais est-il pour autant nécessaire d’en faire un pitre sautillant, sans force et sans détermination. D’autant que la fin est encore plus éloignée de l’esprit de Chandler puisque dans le film Marlowe assassine froidement Terry Lennox. Marlowe est un humaniste qui ne juge pas et qui ne veut pas condamner. Comment pourrait-il tuer celui qui l’a plus ou moins manipulé ?

    the-long-good-bye-2.jpg 

     

    Si la trame de l’histoire est la même, l’esprit de Chandler en est complètement absent. Plus encore, c’est tout l’esprit du film noir qui a disparu. En 1973, nous sommes dans les années d’une révolution culturelle de grande ampleur, en rupture avec les codes des décennies précédentes. Dans le film d’Altman cela est manifesté par les voisines de Marlowe qui s’adonnent en même temps au nudisme et à la méditation transcendantale. Cet aspect du film est probablement le plus étrange. On ne sait pas quelle est la position d’Altman face à cette transformation en profondeur de la société.

    Le personnage de Roger Wade, incarné par Sterling Hayden, n’a pas non plus le même sens. Dans l’ouvrage c’est un écrivain à succès qui se dégoûte de produire des conneries pour en faire des best-sellers. C’est cette culpabilité qui est son moteur. Dans le film, rien de tel. Le rapport de l’écrivain avec le système des marchandises culturelles est complètement occulté.

     

    the long good bye 3

     

    Bref, le film est nettement moins audacieux que l’ouvrage de Chandler. C’est très curieux parce qu’en 1973, on est à l’apogée de la contre-culture, surtout aux Etats-Unis.

     

     

     the-long-good-bye-4.jpg

    La caméra d’Altman est par ailleurs assez nonchalante. Le rythme est décousu. Si l’histoire de Chandler est déjà assez compliquée, le scénario de Leigh Brackett qui avait déjà travaillé sur l’adaptation d’un autre ouvrage de Chandler, Le grand sommeil pour Howard Hawks, est encore plus compliqué et surajouté un adultère supplémentaire comme explication finale.

     

     

     the-long-good-bye-5.jpg

    Il est vrai que les amateurs de Raymond Chandler ont eu du mal à se faire à cette adaptation. On les a accusé d’avoir une position passéiste, de refuser le pastiche et la transition rigolarde. Mais le problème c’est que le film a bien moins de portée critique que le livre. Quel est l’intérêt de trahir Chandler si c’est pour arriver à un résultat aussi convenu ? D’autant que le projet esthétique n’est pas plus clair. Los Angeles n’est pas un personnage comme elle l’était dans l’ouvrage de Chandler, fixant une partie des codes du roman noir. C’est un simple lieu géographique indifférent à l’action proprement dite.

     

     

     the-long-good-bye-6.jpg

    Reste le personnage de Marlowe. Pourquoi en avoir fait une caricature, alors qu’au contraire chez Chandler c’est vraiment un bonhomme qui se prend au sérieux ? Quel intérêt y-a-t-il à présenter le détective comme un homme qui se fout de tout comme du reste ? Le ridicule est atteint avec les rapports qu’il entretient avec son chat.

     the-long-good-bye-7.jpg

    the-long-good-bye-8.jpg

     

     



     

    « The Phenix city story, 1955, Phil KarlsonUne femme dangereuse, They drive by night, Raoul Walsh, 1940 »
    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :