• La veuve noire, Black widow, Bob Rafelson, 1987

    La veuve noire, Black widow, Bob Rafelson, 1987 

    Il y a plusieurs manières de traiter le thème de la veuve noire, par exemple comme dans Blonde Ice, mettre l’accent sur les ressorts psychologiques qui ont conduit la criminelle à se comporter de cette façon[1]. Ici c’est plutôt les jeux de miroir entre la criminelle et l’enquêtrice qui sont mis en avant à travers la relation qui va nécessairement se créer entre l’enquêtrice et la criminelle qui la pourchasse. 

    La veuve noire, Black widow, Bob Rafelson, 1987 

    Alexandra est obsédée par deux morts étranges de milliardaires 

    Alexandra Barnes est enquêtrice pour le FBI. Elle est cependant plutôt une analyste qu’une femme de terrain. Dans le fil de ses recherches, elle va s’intéresser à deux milliardaires plutôt âgés qui sont morts de la même façon après avoir épousé une belle jeune femme qui disparait. Bien que ses collègues la dissuadent de s’obstiner, elle persiste et va finir par amener son chef à la laisser enquêter. Pendant ce temps, Catherine qui change d’identité comme de chemise continuer sa chasse au milliardaire et va attirer dans ses filets William McCrory. Alexandra est sur sa piste, mais si elle commence à mettre un visage sur cette mystérieuse veuve noire, elle va arriver trop tard, McCrory est mort lui aussi. Et une nouvelle fois sa veuve a disparu après avoir fait virer des sommes importantes en Suisse. Cependant Catherine s’est aperçu qu’une jeune femme enquête sur son compte et commence à s’inquiéter. Alexandra va cependant retrouver sa piste à Hawaï et être autorisée par son patron à poursuivre l’enquête. Ici Catherine se fait appeler Rennie et s’est mis dans la tête de se faire épouser par Paul Nuytten, un riche play boy dont le principal du temps est consacré à séduire des jeunes femmes. Pour approcher Catherine, Alexandra va changer de nom et se faire appeler Jessica. Elle va finir par copiner avec la criminelle. Elles semblent alors inséparables et très liées par une amitié vraie. C’est même Rennie qui va lui sauver la vie au cours d’une plongée sous-marine. Le jeu devient particulièrement trouble quand Rennie pousse Jessica dans les bras de Paul dont elle tombe amoureuse. Dès lors la question est de savoir laquelle des deux femmes finira par avoir le dessus dans cette lutte à mort. 

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    Rennie utilise le poison 

    Le scénario est solide, il est dû à Ronald Bass qui à la fin des années quatre-vingts et au début des années quatre-vingt-dix alignait les succès, on lui doit Rain man ou encore l’excellent Gardens of stone. On peut évidemment toujours chipoter sur les derniers retournements de situation, mais dans l’ensemble c’est plutôt cohérent. La grande force du film est de mettre en scène la fascination d’une femme policière pour une criminelle qui évolue dans un monde riche et très fermé. Il y a donc un rapprochement qui se fait tout de suite entre la richesse et le crime, comme si l’un ne pouvait pas aller sans l’autre. Ensuite évidemment c’est le jeu sur les identités qui retient notre attention. D’abord parce qu’on ne saura jamais qui est vraiment Catherine, ou Rennie, ou Marielle. Puis parce que Alexandra elle aussi va changer d’identité, devenant Jessica, pour se rapprocher de la logique de Catherine. Elle va aussi prendre sa place dans la relation avec Paul dont elle tombe amoureuse, ce qui n’ira pas sans raviver certaines plaies. Mais dans ces jeux de miroir, Alexandra est autant chasseuse que chassée, et à son tour Rennie va prendre l’initiative de démasquer et de faire tomber Alexandra, comme si les rôles étaient finalement interchangeables. Evidemment il reste que Alexandra est encadrée et structurée par une institution qui empêche les débordements et de sombrer dans la folie.

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    Jessica piste Rennie sur tout le territoire américain 

    On remarque évidemment, au-delà du fait que ces deux jeunes femmes sont semblables, qu’elles sont toutes les deux des femmes fortes qui prennent le pouvoir sur leur entourage parce qu’elles ont surtout appris à cacher leurs sentiments. Rennie aura beau faire des discours sur le fait qu’elle a aimé tous les hommes qu’elle a assassiné, on n’est pas obligé de la croire au-delà d’un certain point. Alexandre-Jessica fera semblant de ne pas être affectée par le dédain à peine masqué de Paul et le fait que sa romance tourne en eau de boudin. L’action la structure suffisamment pour qu’elle passe outre. Elles sont aussi fortes physiquement, sportives, n’ayant peur de rien. La seule chose qui les distingue, c’est une différence d’origine sociale. Jessica ne peut pas se défaire de son côté laborieux, presque prolétaire, tandis que Rennie est toujours très sophistiquée, portant la toilette en toutes circonstances, en imposant par son calme et son sang froid.

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    Enfin Jessica arrive à créer un lien avec Rennie 

    La réalisation est plutôt sophistiquée puisqu’en effet tout cela se passe dans un milieu très riche. On aura donc droit à des images glacées et assez convenues de tout ce que peut permettre une richesse sans limite. Les riches s’ennuient, mais ils ne savent rien faire d’autre. La preuve ? Rennie qui est déjà très riche ne peut pas s’empêcher que de tuer pour devenir plus riche encore. Bob Rafelson n’est pas un très grand réalisateur, on se souvient de la désastreuse adaptation de Le facteur sonne toujours deux fois en 1980. Il n’a d’ailleurs que peu tourné. Mais ici sa réalisation est maîtrisée, s’appuyant sur un découpage serré. C’est propre et bien léché, avec une très bonne photo de Conrad L. Hall. Il y a une très bonne capacité à saisir la profondeur de champ et donc à donner de la densité à l’histoire. Il y a des scènes qui sont un peu trop appuyées, comme lorsque Jessica offre à Rennie un bijou qui représente une veuve noire et où on nous explique comment se comporte la veuve noire avec son amant. La dernière confrontation est également filmé un peu platement, champ-contre-champ, sans trop d’imagination, sans doute de peur que le spectateur perde le fil de l’histoire. 

    La veuve noire, Black widow, Bob Rafelson, 1987 

    Dans le cadre idyllique d’Hawaï, Jessica tombe amoureuse de Paul 

    La réussite du film repose pour beaucoup sur l’interprétation. Debra Winger et Theresa Russell forme un couple étonnant. Elles sont toutes les deux excellentes, bien que Debra Winger dans le rôle d’Alexandra-Jessica affiche plus d’abatage que sa partenaire, beaucoup plus froide et mystérieuse. Si toute la distribution est bonne, Dennis Hopper assurant un petit rôle de milliardaire destiné à disparaitre rapidement, il faut souligner la présence de Sami Frey dans le rôle de Paul Nuytten. Il est très bon aussi, jouant sur plusieurs registres : le séducteur de pacotille qui croit en lui-même, alors qu’il est tour à tour manipulé par deux femmes qui jouent un jeu dont il est exclu. C’est d’ailleurs ce qui expliquera sa colère quand il apprendra que les deux femmes se sont moqué de lui et l’ont utilisé comme un pion sur l’échiquier. Notez que Sami Frey qui à l’époque tournait dans des productions américaines – comme l’excellent La petite fille au tambour, tenez déjà un rôle similaire dans Mortelle randonnée où il sera encore victime d’une veuve noire d’une autre trempe. 

    La veuve noire, Black widow, Bob Rafelson, 1987 

    Le jour de ses noces, Rennie reçoit un cadeau de Jessica 

    Le film a été assez bien reçu à sa sortie, même si la critique lui a reproché de tuer un peu le suspense en dévoilant trop tôt l’identité de Catherine. C’est un film qui n’a pas trop vieilli et qui se revoit avec plaisir. C’est donc une excellente variation sur le thème de la veuve noire. Son parti pris de ne pas verser dans la psychologie le prive cependant de toute la noirceur souhaitable. 

    La veuve noire, Black widow, Bob Rafelson, 1987 

    Paul apprend que sa jeune épouse est une criminelle 

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    L’explication finale aura lieu en prison


     

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/blonde-ice-jack-bernhard-1948-a130172734

    « Parution des cahiers Frédéric Dard, 1er juin 2017Les flics ne dorment pas la nuit, The new centurions, Richard Fleischer, 1973 »
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