• Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972

     Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972

    Après l’échec commercial d’Ecologia del dellito Mario Bava est contraint de tourner rapidement, entre autres choses, parce qu’il a besoin d’argent en permanence pour payer des arriérés d’impôts. Il va revenir vers le gothique. Il est cependant difficile de revenir sur un genre travaillé et retravaillé aussi bien par la Hammer que par le cinéma horrifique italien des années soixante-soixante-dix. Le scénario a été amené à Bava, ce n’est pas une idée qui vient de lui. Comme on va le voir, elle est plutôt convenue. Elle emprunte cependant beaucoup à un film assez peu connu, ou oublié aujourd’hui, Et mourir de plaisir de Roger Vadim. Ce film date de 1960, c’est une adaptation modernisée par Roger Vailland de la nouvelle de Sheridan Le Fanu, Carmilla. Coproduction franco-italienne, elle effectue elle aussi un aller-retour entre un passé sombre et un présent qui essaie d’échapper à la pesanteur des temps anciens. Le début du film de Bava est d’ailleurs copié de celui de Vadim quand on voit Peter Von Kleist qui voyage en avion pour venir de la modernité lointaine et américaine vers la pesanteur romantique de la vieille Europe. Le film de Vadim sortit en Italie sous le titre de Il sangue e la rosa, avait connu un bon succès en France et ailleurs en Europe. Une grande partie de la distribution était construite sur des acteurs habitués au cinéma de genre en Italie, Elsa Martinelli, Mel Ferrer. 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    Eva travaille à la réfection du château 

    Peter Von Kleist est un étudiant américain qui vient en vacances en Autrice. Il vient visiter son oncle, un professeur d’université, et en même temps se poser des questions sur ses ancêtres. En visitant le château de son ancêtre, Otto Von Kleist ; il va apprendre de ce cruel châtelain avait torturé et tué une grande quantité de ses sujets. Peter va faire la connaissance d’Eva, attachée à la restauration du château. Tout en flirtant, tous les deux vont se passionner pour l’histoire du château. Tombant sur un vieux parchemin, ils vont invoquer les mannes du baron. Une créature sort de sa tombe. Affreuse, sanguinolente, elle recommence ses meurtres. D’abord le docteur qui l’a soigné, puis le malheureux Fritz qu’il enferme dans un cercueil garni de points de métal, et encore le chef de la restauration du château. La police commence à s’alarmer. Mais Peter et Eva continuent leur quête. Voilà cependant que le monstre commence à traquer Eva qui échappe à sa vindicte par miracle. Peter, son oncle, et Eva commence à comprendre qu’ils ont déchainé des forces surnaturelles. Une vente aux enchères est organisée. On y vend divers objets, mais le clou de la vente est celle du château. C’est un paralytique dans un fauteuil à roulettes, du nom de Becker, qui l’emporte. Celui-ci commence à se lier avec le trio formé par l’oncle, Peter et Eva. Mais comme les exactions continuent, ils vont se porter vers la sorcière Christina qui est en réalité la descendante d’une sorcière Elizabeth Holle que le baron cruel fit brûler en place publique. Devant un bucher, elle va invoquer les mannes de celle qu’elle réincarne et donner à Eva une amulette censée la protéger. Becker invite le trio chez lui pour lui faire visiter ses nouvelles installations, notamment la chambre des tortures qu’il a réhabilitée. Bientôt il se révèle qu’il est la réincarnation du cruel baron, il se lève de son fauteuil à roulettes et les menace. Le professeur lui tire dessus, mais sans le blesser, Eva tente de se servir de son amulette, mais sans succès. Le baron, réincarné en Becker, attache Peter sur une croix pour le torturer. Eva par mégarde va faire tomber l’amulette dans le cercueil où a été sacrifié Fritz. Celui se réveille d’entre les morts et commence à s’en prendre au baron. Bientôt il est rejoint par tous ceux que le baron a torturé et tué. On comprend qu’ils vont lui faire la peau, et le trio s’enfuit sans demander son reste. 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    Peter et Eva entament un flirt tout en discutant du château 

    Derrière cette histoire simplette et sans surprise, on va retrouver les hantises traditionnelles trimballées par les films d’épouvante. D’abord le thème de la boîte de Pandore. En effet, en voulant se pencher sur le passé, Peter et Eva vont réveiller le monstre et provoquer la mort. Croyant maitriser ce qu’ils font, se donnant des pouvoirs surnaturels, ils défient les Dieux. Peter s’est lancé dans cette aventure principalement pour séduire la crédule Eva dont il est tombé amoureux. Il rappelle à l’envie qu’il est le descendant du cruel baron, comme si c’était un titre de gloire dont on peut se flatter. Devant leur échec pour faire face au retour du cruel baron, ils n’ont d’autre solution que de s’en remettre au pouvoir d’une autre sorcière, Christina, qui a un vieux compte à régler avec le baron. Peter, Eva et dans une moindre mesure l’oncle Karl, sont passés dans un monde parallèle, c’est ce qui les opposera d’ailleurs à la police qui reste dans le domaine de la raison, ne croyant pas à la réincarnation. Si tout cela est assez commun, on ne comprend pas pourquoi le cruel baron a, dans la dernière partie du film, besoin de se dévoiler et de jouer les esprits forts, alors que jusqu’ici il s’est fait passer pour un gentil milliardaire, handicapé de surcroit. C’est la faiblesse du scénario, comme si on avait voulu bâcler la fin pour aller au bout. Du reste le baron est présenté différemment, soit comme une brute sanguinaire sans cervelle, juste préoccupé par le meurtre, soit comme un homme peut-être un peu dérangé, mais raffiné et intelligent quand il endosse la personnalité de Becker. 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    Eva et Peter tentent de comprendre le sens d’un vieux parchemin 

    Plus significatif à mon sens, ce sont les éléments utilisés dans la mise en scène. D’abord le fauteuil à roulettes. On l’avait vu dans Ecologia del delitto, mais si le fauteuil était maudit, c’est d’abord parce qu'il emprisonnait une femme peut être riche, mais âgée et diminuée. Ici le fauteuil à roulettes, comme dans les bons vieux films noirs de la période classique, symbolise la richesse mal gagnée et la sournoiserie. Du reste Becker tout soudainement va se lever de son siège. Notez aussi que ce siège particulier prend le contrepied des plaintes qui accompagnent les handicapés, l’idée est que les handicapés peuvent être tout aussi mauvais que les autres, voire un peu plus. Ensuite il y a la sorcière Christina, réincarnation d’Elizabeth Holle. On trouve souvent chez Bava cette idée qu’une sorcière peut-être tout à fait bonne, si elle a souffert dans le passé, si elle a été une victime. Le baron Kleist lui est nativement mauvais, il n’a pas souffert dans sa première vie, au contraire il a fait souffrir, semant la terreur autour de lui. Parmi les figures répétitives de l’œuvre horrifique de Bava, on a droit une fois de plus au scientifique le docteur Karl Hummel. C’est un esprit ouvert qui en fait va remettre en question l’opposition entre le rationnel et l’occulte, jusqu’à ce dernier le submerge. Cette critique détournée de la science qui abonde dans énormément de films d’horreur, est également représentée par le médecin qui soigne la créature sortie de sa tombe. Il sera bien mal récompensé puisque le monstre qui est la réincarnation du baron maudit va le tuer. 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    Le baron Von Kleist est sorti de sa tombe 

    On suit donc le dédoublement de la sorcière Christina, puis celle du baron. Les innocents qui ne sont pas initiés sont évidemment dépassés tout de suite par le déroulement des événements. Mais si le couple Eva-Peter rentre dans cette catégorie, un personnage plus inquiétant apparait. C’est Gretchen, la petite fille du professeur. Son rôle est étroit, mais il montre que les enfants sont très réceptifs à l’occulte et que cela dépasse les vieux clivages entre le bien et le mal. L’enfant n’est pas naturellement bon. Gretchen renvoie aux deux enfants qui assassinent leurs parents en jouant dans Ecologia del dellito. C’est du reste la même petite fille que bava utilisera pour tenir les deux rôles. Elle est rousse, et dans la filmographie de Bava, les rousses sont très souvent associées à l’occulte, voire au culte du malin. Quant on croie qu’elle va se faire étriper par la créature monstrueuse, élément de suspense, on se trompe, elle a plus de ressources que Fritz par exemple. Elle ne s’affole pas et contre méthodiquement les vises de la créature sur son innocence. Le baron réincarné n’est pas seulement mauvais, il est aussi pédophile ! Est-ce un rapport avec Gilles de Rais, avec le marquis de Sade ? 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    La vente aux enchères du château va avoir lieu 

    Gli orrori del castello di Norimberga est soigné. Comme à son ordinaire Bava signe la photo, et donc il y a un bon travail sur les couleurs. Celles-ci sont dépendantes des décors. Pour les extérieurs, on a utilisé ceux d’un vieux château autrichien transformé en musée. Bava et son producteur Leone ont passé beaucoup de temps à trouver le château adéquat au récit. On retrouve évidemment la patte de Bava qui film très bien ce genre de décor pour en tire le plus de mystère possible, il insiste évidemment sur la chambre des tortures avec des instruments qui soulignent la férocité du baron. Quand les deux jeunes gens se promènent dans les hauteurs du château pour en découvrir les mystères, Bava utilisent des angles savants pour en mettre en lumière cette verticalité écrasante. Mais ce sont les scènes d’action qui sont les plus étonnantes. D’abord les multiples poursuites d’Eva. On la suite caméra à l’épaule d’abord dans les couloirs tortueux du château qui ressemblent à un labyrinthe dont on ne sort pas. Eva tourne en rond, semble repasser plusieurs fois au même endroit. Lorsque la créature d‘outre-tombe surgit derrière elle, la scène est nimbée dans un brouillard bleuté. On a l’impression qu’en même temps que la créature la poursuit, Eva veut aller à sa rencontre. Il y a également la longue poursuite de la petite Gretchen à travers les bois, cette nature qui finalement est tout aussi dangereuse que le château du baron. La rencontre de notre fameux trio d’enquêteurs avec la sorcière Christina est tout très intéressante, Bava fait ressortir la peur, sans presque rien dire, simplement en confrontant les regards de la sorcière et ceux de ceux qui sont venus lui rendre visite. Les incantations de cette sorcière auprès du feu sont peut-être un peu plus convenues. Il utilise aussi beaucoup de zoom pour montrer la peur sur les visages, cette facilité nuit tout de même un peu à la fluidité de la mise en scène. Il y a aussi de belles séquences sur les escaliers en colimaçon. 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    Dans la nuit Eva est poursuivie par une sorte de monstre 

    La distribution devait mettre en vedette Joseph Cotten, en vérité il n’a qu’un tout petit rôle en incarnant Becker l’handicapé, il n’est guère présent à l’écran, il a seulement deux scènes importantes, la vente aux enchères quand il achète le château, puis la bataille finale quand il dévoile enfin son jeu. Elke Sommer, actrice allemande qui a cette époque tournait dans le monde entier, est Eva, la jeune femme qui s’occupe de la restauration du château et de son histoire. Elle est bien, sans plus, Bava s’attarde à la filmer en mini-jupe ! Son amoureux, Peter Kleist est incarné par Antonio Cantafora qui est le plus présent de tous, il est là du début à la fin. Il devrait être un étudiant autrichien exilé aux Etats-Unis, mais en vérité il est très insignifiant, acteur de nombreux films de genre, il ressemble toujours à un play-boy fatigué qui s’en va faire une petite sieste pour se remettre. Massimo Girotti le professeur Karl Humel, il est toujours très bien quel que soit le rôle d’il tient. Dans sa carrière d’acteur il a tout fait, on l’a vu chez Visconti, Ossessione, dans des péplums, donnant la réplique à Marlon Brando dans Ultimo tango a Parigi, et même chez Joseph Losey. C’est une valeur sûre. Rada Rassimov est la sorcière Christina. Elle n’a rien besoin de faire, elle a beaucoup de charisme, et chaque fois que Bava choisit une bonne sorcière, il l’a choisi bien, comme il avait judicieusement donné le rôle de Ruth la sorcière à Fabienne Dali dans Operazione paura. Chaque fois il prend des femmes au physique fort. Et puis il y a aussi la petite Nicoletta Elmi dans le rôle de Gretchen. Elle est très bien aussi. Bava a donné aussi un petit rôle à un des ses acteurs fétiches, Luciano Pigozzi, qu’on retrouve de film en film chez Bava. Ici il est Fritz. 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    Christina évoque les mannes d’Elizabeth Holle que le baron avait brûlée 

    L’ensemble est assez plaisant à regarder, mais n’arrive toutefois pas à nous surprendre, on a l’impression d’avoir vu cette histoire des dizaines de fois. Ce n’est pas ce que Bava a fait de mieux, mais ce n’est pas non plus ce qu’il a fait de pire ! La musique de Stelvio Cipriani est assez bonne, sans plus. C’est appliqué, mais manque un peu de fantaisie. Le film rencontra un bon succès commercial, en Italie et aux Etats-Unis où on le présenta dans une vision tronquée et affublé d’une musique de Les Baxter. La critique fut plus réservée. En France le film est sorti sous le titre de Baron vampire, sans doute trouvant cela plus racoleur, mais il est moins bon que le titre italien qui fait allusion à Nuremberg, bien que de Nuremberg le spectateur ne verra jamais rien ! Mais c’était une manière de rappeler le grand succès qu’avait été La vergina de Norimgberga d’Antonio Margheriti. 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    Gretchen est à son tour poursuivie par le monstre 

    Le baron vampire, Gli orrori del castello di Norimberga, Mario Bava, 1972 

    Becker a invité tout le monde pour une visite du château

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