• Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973

     Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973

    La paire Michael Winner – Charles Bronson est à l’origine de sept films. Cette collaboration a commencée avec un bon western pro-indien, Chato’s land,  puis par la suite elle rencontrera un grand succès avec la série du « justicier ». Si Chato’s land est plutôt un bon film, le reste de cette collaboration ne vaut pas grand-chose. Michael Winner, réalisateur britannique exilé à Hollywood, a pourtant réussi quelques très bons films, The nightcomers, avec Marlon Brando, Lawman avec Burt Lancaster, ou encore Scorpio avec Burt Lancaster et Alain Delon. Le problème est sans doute plus dans la conception que Winner se faisait de sa collaboration avec Bronson, que ses qualités intrinsèques de réalisateur. The stone killer qui est pourtant un film très médiocre, a un intérêt historique important. En effet il s’inscrit sans vergogne dans la lignée inaugurée par Dirty Harry en 1971[1]. Ce courant exprime une sorte de réaction quasi épidermique à l’évolution de la société, décrivant le délabrement comme le délitement de l’idée d’ordre, et d’un trop plein de liberté consécutif aux mouvements revendicatifs de la fin des années soixante, il annonce une reprise en main violente de l’ensemble des rapports sociaux, et donc participe quelque part à la contre-révolution conservatrice qui s’annonce avec l’arrivée de Ronald Reagan, médiocre acteur de série B et délateur notoire.

     Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973 

    Lou Torrey n’hésite pas à faire usage de son arme 

    Lou Torrey est un policier newyorkais violent qui n’hésite pas à faire usage de son arme. Ainsi il descend un jeune délinquant qui menaçait de faire usage de son arme. Mais sa hiérarchie et la presse laissent entendre que la mort aurait pu être évitée. Torrey démissionne. Il va retrouver du travail à Los Angeles. Mais alors que sa carrière suis son train, il va devoir accompagné à New-York un petit trafiquant. Or celui-ci lui annonce que des meurtres importants se préparent. A son arrivée à New-York, Armitage est assassiné. Torey va enquêter sur ce mzeurtre et remonter la piste d’un tueur tromboniste de jazz par ailleurs. En vérité ce qui se prépare est une sorte de Saint-Valentin à grande échelle : le parrain Vescari a décidé de venger trente ans après le massacre perpétré contre les siciliens par d’autres clans mafieux, celui de Luciano allié à la mafia juive. Torey va faire des allers-retours entre le désert californien et New-York où les cadavres s’accumulent. Pour l’enquête il devra même faire un détour par une communauté d’hippies particulièrement survoltés. Finalement la police suivra Jumper pour découvrir le repaire des tueurs de la mafia. Ils viendront à bout de cette petite armée, mais une partie des tueurs se retrouvent à New-York pour une réunion que le fourbe Veescari a organisée : ils vont faire un véritable massacre parmi la pègre, mais la police aura finalement le dernier mot.

    Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973 

    Langley et Jumper doivent préparer une voiture 

    Le scénario est basé sur un ouvrage de John Gardner, A complete state of death, ouvrage qui sera publié en français chez Lattès. John Gardner est un écrivain britannique des plus médiocres qui a poursuivi l’œuvre de Ian Fleming en écrivant une bonne douzaine d’épisodes de la saga des James Bond. Il avait cependant écrit un au moins ouvrage à succès, apprécié de la critique polardière, Le liquidateur[2]. C’est un scénario fait de bric et de broc, qui recycle tous les poncifs dans l’air du temps. Il est clair que Torrey est un clone newyorkais de l’inspecteur Harry, de même Vescari est une sorte de parrain inspiré du film de Coppola. Mixer Le parrain et L’inspecteur Harry est forcément une entreprise à hauts risques ! C’est donc un film qui va fonctionner essentiellement par des clichés. De nombreux aspects sont carrément ridicules et loin de toute vraisemblance. Par exemple, la description de la communauté hippy, ou encore la confession de Vescari, frise la débilité. Le message est donc clair, il faut reprendre le contrôle de la rue, éradiquer par tous les moyens la racaille qui est le plus souvent représentée par des noirs (black panthers, ça va de soi) et des portos. Restaurer l’ordre passerait sans doute par la multiplication des Lou Torrey. C’est donc un film à message, et ce message est simplet. Tout passe après, les personnages n’ont strictement aucune consistance, à commencer par Lou Torrey qui a l’air absent de lui-même. Certes on voit bien qu’il est buté et entêté au-delà de ce qui est permis, mais on n’en sait pas plus. Les incongruités scénaristiques abondent, au point qu’on a du mal à suivre l’histoire. Par exemple, Lou Torrey est écœuré par le comportement de sa hiérarchie, il démissionne logiquement, mais c’est pour tout de suite se réengager dans  la police ! Ou encore tout soudain, Torrey va avoir l’idée du 10 avril comme date anniversaire, et il va éplucher les journaux pour retrouver la date fatidique du 10 avril 1942. Je passe sur le fait que la petite armée de Vescari se planque dans le désert, mais n’est pas capable malgré son suréquipement de déjouer les filatures.

     Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973 

    LIpper a réussi à se procurer un revolver 

    C’est filmé à la va comme je te pousse, sans même d’unité de ton. Au début on commence par avoir une approche intéressante des rues de New York, de belles perspectives, et puis par la suite ça se referme sur une manière de filmer qui ressemble à un feuilleton télévisé, multiplication des plans statiques et rapprochés, guère de profondeur de champ, avec un cadre aléatoire et paresseux. Même les poursuites automobiles sont mal filmées, on est loin de French connection qui a été tourné l’année précédente et qui est manifestement aussi une source d’inspiration pour Michael Winner. Des personnages sont oubliés en cours de route, comme le détective Mathews qui rate tout et qui fait tout rater, qui en arrive même par son incompétence à faire tuer ses collègues, à tel point qu’on le croit de mèche avec les mafieux. On a l’impression curieuse que le scénariste – Gerard Wilson, un habitué de Michael Winner – en veut au jazzman et particulièrement aux trombonistes !

     Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973 

    Torrey cherche des informations chez les hippies 

    C’est évidemment un véhicule parfait pour Charles Bronson. Ici il en fait encore moins que d’habitude, on ne sait trop s’il est muet ou idiot. Mais on peut dire que c’est un choix, et par la suite, il multipliera les personnages de cette sorte, mutiques, autant qu’obstinés. Cependant, on est surpris même par la médiocrité de sa gestuelle, il ne sait pas tenir un calibre, il  a l’air très emprunté avec une arme dans les mains. Rien n’est en place dans son jeu, et les rayures de son costume, comme le chapeau dont il est affublé au début du film, le font ressembler à un maquereau de comédie. Il boit pas, il ne baise pas, c’est à peine si on sait qu’il est vivant. Martin Balsam qui est pourtant un grand acteur, est ici insignifiant dans le rôle de Vescari, il a l’air de s’ennuyer énormément. Encore on n’a pas à se plaindre, pour une fois il n’y a pas Jill Ireland dans le rôle féminin ! Seuls les seconds rôles sont intéressants, David Sheiner dans le rôle de Guido, David Moody dans le rôle de l’excité Lipper ou encore Jack Colvin dans celui de Jumper.

     Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973

     Vescari commence à faire le ménage 

    Bref, c’est un film plus que raté sur tous les plans, mais qui a l’intérêt de décrire ce moment particulier où le cinéma américain a basculé d’une approche compassionnelle de l’être humain, expliquer la délinquance par la fatalité ou les dysfonctionnements de la société, à une approche de rejet : les choses étant allées trop loin, il n’y a plus de raison d’analyser, la société ne peut survivre à travers ce chaos qu’en éradiquant la crapule à coups de révolver. C’est à partir de là que les héros du cinéma vont être incarnés par des acteurs sans subtilité, représentant la force brutale des héros positifs et sans nuance : Clint Eastwood, Charles Bronson, mais aussi Arnold Schwarzenegger ou Sylvester Stalone, sans parler des acteurs de rang inférieur, Chuck Norris ou Steven Seagal. Ils vont peu à peu tuer l’humanisme et le remplacer par des robots à la bonne conscience ou des cyborgs à la manière de Terminator. Le succès important et durable de ces films répond évidemment aux angoisses des spectateurs devant un monde qui se délite. Je crois qu’on n’oserait plus faire des films comme ça, aussi racistes et réactionnaires, aussi peu nuancés et compatissants.

     Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973 

    Dans le désert la police donne l’assaut



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/l-inspecteur-harry-dirty-harry-don-siegel-1971-a130654048 

    [2] Porté à l’écran par Jack Cardiif en 1965 sous le titre de The liquidator.

    « Le médaillon, The locket, John Brahm, 1946Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 »
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