• Le chien fou, Eddy Matalon, 1966

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    C’est un film noir qui hésite entre le polar de tradition française et le Godard d’A bout de souffle. Marc est un petit casseur sans envergure. Il participe à un cambriolage d’une maison du diamant. Le casse ne réussit cependant qu’à moitié, un employé est tué, et un des cambrioleurs est aussi agonisant. Dès lors tout va aller de mal en pis. La bande se déchire et Marc va tuer un de ses complices tandis que le troisième larron est mort. Il va rester avec un petit sachet de diamants dont il va essayer de se débarrasser. Pour cela il va rentrer en contact successivement avec des fourgues qui, quand ils ne lui proposent pas une somme dérisoire, essaient tout simplement de le dépouiller de son butin. Mais ce n’est pas tout, la police aussi va le prendre en chasse. Entre temps il aura rencontré deux femmes, la première, Anna, qui travaille dans une discothèque et surtout Marie qui va l’entraîner dans une dérive parisienne, comme une parenthèse dans sa vie de misère. Evidemment tout cela se terminera très mal pour notre petit truand solitaire.

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    Ça commence par un casse assez soigné 

    Tourné en 1966, ce petit film noir s’appuie sur un scénario assez minimaliste, pariant sur une technique de tournage qui essaie de rompre avec le film noir à la française, en introduisant des longues séquences filmées dans des décors naturels, caméra à l’épaule. Et justement ces décors naturels, comme la musique jazzy vise à donner une touche de modernité à l’action et aux rebondissements. Matalon mêlera donc des scènes plus traditionnelles filmées dans les officines louches des fourgues un rien hypocrites avec des scènes de bistrot et de boîtes de nuit où on voit des gens se secouer au son d’une musique syncopée.

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    Marc se retrouve seul avec un cadavre 

    On visitera ainsi le Paris des années soixante en voie de modernisation – Marc se situant dans cet entre-deux. On reconnaitra le Boul’ Mich, les Halles du temps qu’elles existaient encore, mais aussi les Champs Elysées et les coulisses du Théâtre du Châtelet. Marc traverse tous ces espaces au volant de sa Mustang. Assumant les difficultés de la poursuite par la police et la bande de Mario.

    Ces scènes sont le plus souvent filmées de nuit dans une lumière un peu glauque, la lumière du jour étant plus spécifiquement attachée à sa relation avec l’étrange Marie, personnage un peu lunaire et décalé qui ouvre les portes sur ce que pourrait être la vie acceptée avec grâce si le danger n’était pas omniprésent. Les scènes où Marie fréquente les magasins d’électro-ménager sont le contrepoint de tout ce que le règne commençant de la consommation à outrance envahit la vie quotidienne.

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    Charlie est un fourgue âpre au gain 

    On le voit le film vise à travers cette opposition entre ombre et lumière, entre tradition et modernité, une certaine poésie fondée sur la quête de la liberté. La Mustang de Marc est ce lien à peine visible entre deux mondes antagonistes.

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    Fred veut récupérer les diams sans bourse déliée 

    La distribution est tout à fait dans le ton, elle mêle le très jeune Claude Brasseur dont le personnage fait penser à des héros d’André Héléna, la pimpante et trop rare Dany Carrel à de veux chevaux de retour, habitués des films noirs à la française comme Jacques Monod, Howard Vernon ou Olivier Hussenot. Brasseur cherche à se donner une allure monolithique, on oublie trop souvent qu’au début de sa carrière il fut un peu abonné à des rôles de ce type.

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    Anna s’aperçoit qu’elle est suivie 

    La mise en scène est nerveuse et certaines scènes sont très réussies, comme par exemple la poursuite aux Halles au milieu des montagnes de victuailles, dans une ambiance de dur labeur. Le guet-apens de la police au Châtelet annonce d’ailleurs les scènes bien plus sophistiques qu’on trouvera dans Le samouraï de Melville. Evidemment Matalon n’est pas Melville, et du reste son film n’est qu’un film à petit budget. Les scènes où l’on voit Marc courir à droite et à gauche à la recherche d’un contact, d’un ami, ces scènes qui sont filmées de nuit et sans beaucoup d’éclairage rappellent aussi bien A bout de souffle que Shadows, le film de Cassavetes qui au début des années soixante avait fait une forte impression.

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    Le sinistre Mario sous une bonhommie de façade est redoutable 

    Certes ce film ne saurait être qualifié de chef d’œuvre, mais c’est au final une production qui dépasse tout de même la production courante de l’époque. Au-delà de la nostalgie pour ce monde qui n’existe plus, cela reste un très bon film noir.

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    Marie embarque Marc dans une promenade romantique

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    La police attend Marc à la station du Châtelet

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    Aux Halles Marc tente d’échapper à ses poursuivants

    « Serge Dumont, L’histoire vraie de la mafia israélienne, La manufacture de livres, 2013Le couperet, Costa-Gavras, 2005 »
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