• Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973

    C’est un petit film complètement fauché, mais qui pourtant présente un certain intérêt. Le premier est que l’histoire est de Marc Behm, le Marc Behm de Mortelle randonnée, mais aussi l’auteur des scénarios de Charade, de cette daube La blonde de Pékin, etc. Ce n’est pas si anodin que cela de le rappeler, parce que justement dans The mad bomber, parfois aussi rebaptisé en anglais Police connection, porte la marque de certaines obsessions de cet auteur.

    Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    L’atrabilaire Dorn n’aime pas le désordre et le fait savoir 

    William Dorn est un homme traumatisé par la mort de sa fille qui a fait une overdose de drogue. Il en rend responsable les institutions de la société, son université, l’hôpital où elle fut soignée. Il a décidé de faire sauter ces établissements. Il fait sauter l’université. Mais à la deuxième bombe, il croise la route d’un violeur, George Fromley, qui agresse une malade muette. Geronimo Minelli est un policier endurci qui n’hésite pas à faire usage de son arme. Il va traquer le poseur de bombes. Rapidement il comprend que le violeur et le poseur de bombes sont deux personnes différentes. Et donc son idée est de traquer le violeur pour atteindre le poseur de bombes. Il se trouve sur ce point en désaccord avec son chef qui juge qu’il perd son temps. Minelli pourtant va finir par arrêter le violeur. Mais celui-ci ne veut pas parler. Il va le menacer, et après avoir visité sa maison, il se rend compte que Fromley est un vrai obsédé du sexe. En faisant pression, il va l’amener à coopérer et ils vont arriver à tracer un portrait-robot très satisfaisant. A partir de là, Minelli va remonter la filière et comprendre pourquoi Dorn est aussi en colère. Mais lorsque la police cerne la maison de Dorn, il n’y a personne, celui-ci échappe à l’arrestation de justesse. La chasse est ouverte : Minelli poursuit Dorn qui dans un sursaut d’orgueil ou de démence va tenter de se faire sauter, avec le maximum de personnes. Il se balade avec une camionnette bourrée de dynamite. Minelli finira par l’abattre. 

    Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    Dorn dépose ses bombes dans tous les endroits qui lui rappellent sa fille 

    C’est une histoire dans laquelle il n’y a que des déçus de la vie. Dorn n’a plus qu’un but se venger, mais Minelli est aussi un flic plein d’amertume, on comprendra qu’il prend sa revanche lui aussi parce que sa femme l’a quitté. Dans cet étrange trio, c’est encore Fromley qui apparait le plus tordu. Le thème central est la mélancolie de l’homme abandonné de tous ceux qu’il aime. Et c’est cet abandon qui va déterminer les crimes. Cela se passe à Los Angeles, notamment dans l’univers glauque du strip-tease, et comme Fromley aime filmer sa femme à poil, ça donne l’occasion de reluquer des femmes nues un peu partout. Cela ne semble pourtant pas émouvoir Minelli car son obsession à traquer Dorn à annihiler tout désir sexuel.  Le film a été tourné au début des années soixante-dix, et ça se voit dans la manière dont on parle de sexe et de drogue. On est encore à une époque où on peut s’indigner de la dépravation des mœurs. En même temps apparait vers cette époque le thème du tueur anonyme qui fait peut à toute une ville de 7 millions d’habitants. Avec le terrorisme, la paranoïa allait donner du corps à ce genre d’angoisse.

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    Minelli n’hésite pas à faire usage de son arme 

    Bien qu’il y ait des scènes intéressantes, la réalisation est plutôt médiocre. Il faut dire que Bert I. Gordon est un spécialiste de films de série B, alors que la mode en est déjà passée. Il filmait souvent des histoires avec des animaux géants, ou des géants tout court. Mais ici il n’y a pas d’extravagance particulière. Il y a par contre des scènes assez bien menées, comme la manière dont les policiers piègent les violeurs, ou encore l’affrontement entre Minelli et Fromley. Quelques ralentis, comme dans la première explosion sont bienvenus. Mais dans l’ensemble, c’est un film fauché, et ça se voit, le cadre est très resserré, on évite les mouvements de foule.

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    George Fromley collectionne les films pornos de sa femme 

    L’interprétation est des plus curieuses. C’est une distribution d’has been. Minelli est interprété par Vince Edwards qui avait commencé dans les années cinquante une très belle carrière, notamment en jouant dans The killing de Kubrick, et puis il ne fera que dégringoler les échelons de la hiérarchie hollywoodienne. Ici il est manifestement très fatigué, vouté, mais après tout, ça colle avec le rôle. Sauf que parfois on le sent un peu absent. Chuck Connors est Dorn. Très grand, raide comme la justice, il a l’air fou et méchant comme il faut. Et puis on retrouve Neville Brand, le second rôle des films noirs, très souvent cantonné aux films de série B, dans le rôle de Fromley. Il avait atteint le summum de sa carrière en interprétant Al Capone dans le très bon film de Phil Karlson, The Scarface mob[1]. Comme il avait toujours l’habitude jouer les dingos, il est tout à fait dans le coup, notamment lorsqu’il s’excite sur le film de sa femme à poil. C’est au moment où il semble qu’il va jouir que la bombe de Dorn éclate !

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    Minelli va faire parler Fromley par tous les moyens 

    Comme on le comprend, ce film n’a eu ni l’honneur de la critique, ni même celui du public. Sans doute était-il distribué furtivement dans les circuits de salles de seconde catégorie. Le miracle du numérique est qu’on fasse ressortir ce type de production du fin fond des tiroirs où tout le monde l’avait oublié. Pourtant, malgré toutes ses limites, The mad bomber garde un certain charme, sans doute cela vient-il de la mélancolie du poseur de bombe. Les scènes où Fromley traque une jeune femme pour la violer ont aussi pas mal de rythme. A défaut d’être un grand réalisateur, Bert I. Gordon savait donner du rythme à son histoire. Ce qui fait que ce petit film pas du tout indispensable peut se voir sans ennui.

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    Dorn s’est fait sauter



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/les-incorruptibles-contre-al-capone-the-scarface-mob-phil-karlson-1959-a114844822 

    « Le cercle noir, The stone killer, Michael Winner, 1973Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :