• Le film noir, vrais et faux cauchemar, Noël Simsolo, les Cahiers du cinéma, 2005.

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    Aux Etats-Unis, il existe de nombreux ouvrages et encyclopédies sur le film noir. Souvent rédigés de façon très sérieuse par des universitaires, ils apportent évidemment un regard nouveau sur ce genre qui fut partie prenante de la culture populaire adulte vers le milieu du XXème siècle. En frabçais, il existe très peu d’études sur le film noir, le genre n’est pas assez pris au sérieux. Et certainement celui de Noël Simsolo est le plus intéressant. Il s’inscrit directement dans la lignée de l’oucrage pionnier de Borde et Chaumeton qui au fil des années est devenu la référence des deux côtés de l’Atlantique. Il s’attachera donc à définir le film noir aussi bien comme un genre spécifique, inséré dans une période historique particulière, l’immédiat après-guerre, porteur d’une esthétique nouvelle et d’une critique sociale plus ou moins évidente. 

    Par rapport à Borde et Chaumeton, Simsolo va élargir la période historique, recherchant d’une manière plus précise les racines du genre dans le cinéma des années trente, mais aussi en regardant les retombées ultérieures sur le cinéma des décennies suivantes. On peut dire aussi que son approche est moins dogmatique et transgresse volontiers le rigorisme de ses prédécesseurs.

    L’essentiel de l’ouvrage consiste à recenser les thèmes abordés en déclinant les films en sous-genres : le film de détective, les passions mortelles, les pertes d’identité, etc. Ces thèmes s’entrcroiisent, formant un ensemble relativement flou. Il s’en dégage une idée selon laquelle le film noir est à la fois porteur d’une passion négative et d’une attraction pour le mal. C’est ainsi qu’il exclue un certain nombre de films policiers du genre, par exemple les films qui semblent manifester un attrait pour l’ordre et pour la défense de celui-ci à travers les célébrations des exploits de la police.

    Ce qui intéresse Simsolo c’est la peinture du désordre à travers le film noir, désordre social, mais aussi désordre mental. Le film noir peut apparaître, dans sa conception anarchiste, comme une forme de résistance à la réalité malsaine du monde capitaliste fondé sur la cupidité et sur la dislocation des rapports sociaux. Mais c’est aussi une trangression des valeurs les plus traditionnelles, la mise en avant des déterminations sexuelles, la violation de la propriété privée, voire la négation du travail. Mais bien sûr cette transgression n’aurait qu’un intérêt militant si par ailleurs elle ne mettait pas en avant l’ambiguité dans laquelle les personnages se meuvent.

    Cette définition du film noir va être compatible avec une manière de filmer particulière : l’utilisation du noir et blanc dans des contrastes renforcés, des angles de prise de vue qui privilégient la contre-plongée ou l’asymétrie de l’image. Encore qu’une telle définition ne s’applique pas à tous les films noirs, puisqu’un certain nombre d’entre eux se définissent comme tels plutôt par leur scénario que par leur esthétique. Ce qui veut dire que les frontières du film noir sont assez difficiles à tracer.

    Evidemment Simsolo s’appuie sur un grand nombre de films dont une partie reste encore aujourd’hui difficilement accessible, malgré les possibilités qu’offre la numérisation. Cela nous donne l’occasion de redécouvrir un certain nombre d’œuvres fortes, enfouies sous le poids de la production contemporaine. L’ouvrage est très bien illustré, ce qui  ne gache rien bien entendu.

    Forcément, la lecture des films étant très changeante et subjective selon les époques et les personnes, on sera en désaccord sur tel ou tel point, par exemple Simsolo trouve très bon Voyage sans retour que personnellement je trouve finalement assez niais. Mais c’est du détail. Globalement l’approche est sûre et bonne. Par contre, dans la forme, on peut regretter les références incessantes à Godard et aux Cahiers du cinéma, ça gâche un peu un ouvrage par ailleurs bien écrit et passionnant.

    Le reproche de fond qu’on pourrait faire à cet ouvrage est qu’il avalise, malgré lui, l’idée selon laquelle le film noir est une spécificité américaine. S’il est vrai que c’est aux Etats-Unis que le genre s’est le mieux développé, non seulement il a eu des ramifications en Italie, en Angleterre ou au Japon, mais en France, avant la guerre, de nombreux films noirs ont été tournés. Par exemple, c’est Pierre Chenal qui a réalisé la première adaptation du livre de James Cain, Le facteur sonne toujours deux fois, ou encore, de nombreux films de Duvivier, Panique entre autres, répondent à la définition du genre. Certains films de Jean Renoir répondent aussi aux critères du film noir.

     

    Noël Simsolo qui a écrit de nombreux essais sur le cinéma est par ailleurs un auteur prolifique de romans noirs. Il a écrit Les derniers mystères de Paris, paru aux éditions Baleine en 2002, ouvrage inspiré de l’univers de Nestor Burma.

     

    Bibliographie sommaire sur le film noir

     

    Raymond Borde et Etienne Chaumeton, Panorama du film noir américain, 1941-1953, Editions de Minuit, 1955

    Patrick Brion, L’âge d’or du film noir américain, d’Alfred Hitchcock à Nicolas Ray, La Martinière, 2004

    Michel Ciment, Le Crime à l’écran, une histoire de l’Amérique, Paris, éditions Gallimard, collection Découvertes, 1992.

    Christophe Gelley, Raymond Chandler, du roman noir au film noir, Michel Houdiard Editeur, 2009

    François Guérif, Le film noir américain, Denoël, 1999.

    Delphine Du film noir au néo-noir, mythes et stéréotypes, L'harmattan – 2010

    Eddie Muller, L’Art du film noir : les affiches de l’âge d’or du film policier, trad. de l’anglais par Jacques Guiod, Paris, Calmann-Lévy, 2003

    Eddie Muller, Dark City : le monde perdu du film noir, Clairac, 2007 Gabriele Lucci, Le film noir : mots clefs, acteurs et créateurs, films, Hazan, coll. "Guide des arts", 2007 

    Alain Silver et Elizabeth Ward (sous la direction de), Encyclopédie du film noir, Rivages, 1987.

    Noël Simsolo, Le film noir, vrais et faux cauchemars, Les cahiers du cinéma, 2005.

    Vernet Marc, Le Film noir américain : repères et ressources documentaires, Paris, Bibliothèque du film, collection Ressources, 2005

    L’encyclopédie la plus complète est Film noir, an encyclopedic referenc to the amreican style,  sous la direction d’Alain Silver et Elizabeth Ward, chez Overlook Press. Parue en 1979, elle a été rééditée plusieurs fois et a été traduite chez Rivages en 1987. La version traduite par Rivages est évidemment en retard par rapport aux éditions suivantes qui ont été augmentées.

    Raymond Borde et Etienne Chaumeton, Panorama du film noir américain, 1941-1953, Editions de Minuit, 1953. Il est toujours disponible dans une version augmentée en collection de poche chez Garnier-Flammarion. Il a pour avantage d’être le premier à définir le genre, mais pour inconvénient d’avoir été écrit très tôt, donc de manquer de recul et   de matérieau. 

    « Le grand sommeil, The big sleep, Howard Hawks, 1946Voyage sans retour, Where danger lives, John Farrow, 1950 »
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